|
Ha'aretz
Israël assassine-t-il des scientifiques
nucléaires iraniens ?
Yossi Melman
Mardi 17 février 2009
article original :
"Is
Israel assassinating Iran nuclear scientists?"
Israël assassine des scientifiques
nucléaires iraniens dans le cadre d’une guerre secrète contre le
programme d’armement illicite[1]
de la République Islamique. C’est ce que le Daily Telegraph
a rapporté aujourd’hui, citant des analystes des services de
renseignements occidentaux.
Le quotidien britannique a dit qu’il y avait des rumeurs
selon lesquelles l’agence d’espionnage d’Israël, le Mossad,
était derrière la mort d’Ardeshire Hassanpour, un atomiste
iranien de premier plan à l’usine d’uranium d’Ispahan, qui est
mort dans des circonstances mystérieuses, apparemment «
empoisonné au gaz » en 2007.
Selon ces analystes, d’autres morts récentes de personnalités
importantes liées au processus d’acquisition et d’enrichissement
[d’uranium] en Iran et en Europe ont été le résultat de «
frappes » israéliennes, destinées à priver Téhéran de talents
techniques clés à la tête de ce programme.
Le Telegraph a également cité des sources des services de
renseignements américains qui auraient dit qu’Israël utilise le
sabotage, des sociétés écrans et des agents doubles pour
interrompre le programme illicite d’armement du régime, comme
une alternative à des frappes militaires directes.
Toutefois, il devrait être noté qu’Israël a mené des activités
secrètes similaires pendant environ dix ans, depuis que l’Iran a
été soupçonné pour la première fois de rechercher l’arme
nucléaire. Le journaliste américain James Risen a écrit
récemment que la CIA et le Mossad avaient planifié ensemble une
quantité d’opérations de sabotage contre le programme iranien,
dont des dégâts causés aux lignes électriques alimentant des
sites nucléaires afin d’endommager les systèmes informatiques et
leur équipement.
Le Telegraph a également cité des officiels israéliens
qui ont reconnu en privé que la nouvelle administration
étasunienne n’autoriserait probablement pas une attaque aérienne
contre les installations nucléaires de l’Iran et que la
proposition du Président Barack Obama de tendre une main de paix
vers Téhéran met toute action militaire directe hors de portée
pour l’instant.
En tant que tel, l’objectif rapporté de la campagne secrète
d’Israël est de retarder ou de perturber le programme de
recherche iranien, sans engager une confrontation directe qui
pourrait conduire à une guerre plus étendue.
« Ces perturbations sont destinées à ralentir la progression du
programme et sont menées de telle sorte qu’ils ne réalisent pas
ce qu’il se passe. Vous ne les arrêterez jamais », aurait dit un
ancien officier de la CIA à propos de l’Iran.
Yossi Melman, Correspondant de Haaretz
Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon
Note:
[1] [NdT] Le programme
nucléaire iranien serait illicite s'il était destiné à mettre au
point l'arme atomique. Pour l'instant, ceci n'est pas prouvé.
S'il est vrai que l'Iran a débuté un programme militaire de
recherche nucléaire dans le passé, on ne peut pas affirmer la
même chose aujourd'hui. Deux éléments essentiels viennent
corroborer les affirmations de l'Iran selon lesquelles leur
programme de recherche est entièrement pacifique. Le premier est
le rapport des services de renseignements américains qui ont
affirmé dans leur rapport sur l'évaluation de ce programme que
l'Iran a cessé toute activité militaire nucléaire en 2003. Le
deuxième élément est le fruit des travaux de l'Agence
Internationale à l'Energie Atomique [AIEA] qui n'a absolument
rien trouvé pouvant corroborer la thèse israélienne. Evidemment,
si ce programme existait, il serait illicite au regard du Traité
de Non Prolifération nucléaire [TNP] signé par l'Iran.
Il est à noter que l'Iran, contrairement à Israël, à l'Inde et
au Pakistan, est signataire du TNP. En outre, ce pays a signé le
Protocole Additionnel de l'AIEA, rendant plus contraignante la
vérification des matières nucléaires déclarées. Les pays
signataires du TNP ont légalement le droit d'enrichir l'uranium
pour alimenter leurs centrales nucléaires. Il faut savoir que
l'uranium enrichi nécessaire aux centrales nucléaires et
l'uranium enrichi nécessaire à la fabrication d'une arme
nucléaire ne sont pas de même qualité. L'uranium de qualité
militaire doit passer par une cascade d'environ 50.000
centrifugeuses pour atteindre le niveau requis. En matière de
nucléaire civil, 5.000 à 10.000 centrifugeuses en cascade sont
suffisantes.
Actuellement, l'Iran dispose de 6.000 centrifugeuses et prévoit
d'en ajouter 3.000. Ce pays est donc loin du compte pour
produire l'uranium de qualité militaire. On peut toujours arguer
que ce sont les chiffres officiels et que l'Iran a de nombreux
sites secrets souterrains que l'AIEA n'a pas découverts.
Cependant, les contrôleurs de l'AIEA ne restent pas les mains
dans les poches à attendre que les iraniennes leur fournissent
des informations. Ils peuvent intervenir quand bon leur chante
dans les installations nucléaires iraniennes et ils ne s'en
privent pas.
Ne disait-on pas en 2002 que Saddam Hussein pouvait lancer une
attaque nucléaire sur l'Europe en moins de 45 minutes ?
On ne peut pas croire une seule minute que les renseignements
étasuniens ou israéliens ne savent pas ce qu'il se passe
vraiment. En réalité, l'objectif de cette "guerre" israélienne,
menée avec la complicité d'une partie des services secrets
américains, semble bien être tout autre : tout faire pour que
l'Iran ne devienne pas une superpuissance régionale qui ferait
de l'ombre à Israël. Les Israéliens ne souffrent aucune
concurrence dans leur région, ni commerciale, ni industrielle,
ni militaire, ni politique. Et, de leur côté, les Etats-Unis ne
supportent pas que l'on puisse nationaliser le pétrole. Mais
tout le monde sait que celui qui veut noyer son chien l'accuse
de la rage...
Jean-François Goulon
Publié le 18 février 2009 avec l'aimable
autorisation de Questions Critiques
|