Le leader du Likoud (droite)
Binyamin Netanyahu, en tête des sondages pour les prochaines
élections israéliennes, propose un « plan de paix économique. »
Mais, depuis 40 ans, les carottes comme les bâtons économiques
se sont révélés remarquablement inaptes à faire progresser tout
processus de paix. Aussi ce plan servira-t-il surtout de
prétexte pour s’accrocher à la Cisjordanie. NdT
Certaines
des critiques du leader du Likoud Binyamin Netanyahu relatives
au processus de paix font mouche. Annapolis était en effet
mort-né et dépourvu de toute chance de succès. Après une année
de négociations, les problèmes les plus épineux quant à un
accord final restent en panne. Le Hamas constitue un obstacle
majeur à tout progrès. Et, d’un point de vue stratégique, la
menace iranienne urge davantage que le processus
israélo-palestinien.
Vu la position de Netanyahu en
tête des sondages, ces analyses ne peuvent être négligées.
Mais sa recette pour doper le
processus, ce qu’il nomme la « paix économique », tend à peine
vers la solution tant recherchée. Sa prémisse essentielle repose
sur l’idée que des « Palestiniens au ventre plein » seront plus
modérés sur les plans politique et idéologique. Elle méconnait
41 ans de tentatives israéliennes et internationales
d’influencer la politique palestinienne par une combinaison de
carottes et de bâtons économiques. Ce conflit n’est pas
économique. Il est surtout politique et, jusqu’à un certain
point, religieux.
Dès 1967, le ministre de la
Défense Moshe Dayan crut que des frontières ouvertes, des
emplois palestiniens en Israël et des aides et investissements
israéliens en Cisjordanie et à Gaza neutraliseraient toute
aspiration palestinienne à des droits politiques. Sous Shimon
Peres, au milieu des années 1970 et, par la suite, sous le
Likoud, l’approche « frontières ouvertes » fut étendue, pour
inclure les implantations israéliennes dans les territoires
occupés. Tout cela nous explosa au visage avec la première
Intifada, fin 1987.
Depuis lors, les Travaillistes
comme le Likoud ont alternativement puni et récompensé
économiquement les Palestiniens, dans le vain espoir de modérer
leur hostilité à notre encontre. Les gouvernements Likoud, en ce
compris celui de Netanyahu, ont eux-mêmes promu d’une certaine
manière la « paix économique », voici dix ans. Sans résultat
positif. Des politiciens israéliens de gauche comme du centre -
notamment, à nouveau Peres - ont prétendu, de manière répétée et
sans aucun fondement, qu’un cadre économique régional
constituerait un substitut praticable, ou au moins un
précurseur, à un arrangement politique bilatéral
israélo-palestinien.
La situation actuelle offre le
parfait exemple de l’illusoire vanité de l’approche économique
pour traiter le conflit palestinien. A chaque tir de roquette
Qassam depuis Gaza, nous bouclons les passages frontaliers
commerciaux, privant de la sorte 1,5 millions de Palestiniens
d’approvisionnement en produits de base. Nous recevons même un
soutien international et Egyptien pour agir de la sorte et,
jusqu’à un certain point, celui de l’OLP.
A la rigueur, on pourrait
justifier ces punitions collectives, violations flagrantes du
droit humanitaire international, si au moins elles montraient
quelque résultat positif. Mais l’usage, sur une durée étendue,
de bâtons économiques contre Gaza n’a jamais affaibli le soutien
des Gaziotes à leur gouvernement Hamas, ni généré à Gaza aucun
mouvement vers la paix. Ces bouclages constituent pour Israël
une option par défaut puisque, paraît-il, il est vain soit de
parler au Hamas, soit de réoccuper la Bande et de le détruire.
Mais ce n’est pas une stratégie productive.
En parallèle, sous la direction
de l’émissaire du Quartet [1]
Tony Blair, un effort d’investissement massif est consenti en
Cisjordanie. Bien que ce soit sans conteste une bonne chose du
point de vue du bien-être des Palestiniens, il n’existe aucune
évidence que cela modère en quoi que ce soit leurs postures de
négociation, si problématiques pour aboutir à un accord de paix.
On épinglera leurs revendications territoriales, l’insistance
sur le droit au retour ainsi que le contrôle exclusif du Mont du
Temple / Haram al-Sharif. Relevons, aussi, que les deux Intifada
éclatèrent chacune en des périodes de relative prospérité
palestinienne, non de disette. De quoi dissiper toute illusion
chez ceux des Israéliens - entre autres - qui s’imaginent avec
mépris que « ventre plein réjouit le Palestinien. »
L’expérience nous enseigne aussi
que lorsque les progrès font défaut, geler les problèmes les
plus délicats d’un accord final pour favoriser les accents
économiques ou toute autre approche aboutit seulement à
affaiblir le leadership palestinien relativement modéré avec
lequel nous négocions actuellement. Et font empirer la
situation.
Pour nous résumer, des bienfaits
économiques sont aussi intrinsèquement profitables aux
Palestiniens qu’à n’importe quel autre peuple, mais, tout comme
les sanctions économiques, ils contribuent remarquablement peu
au processus de paix.
En fin de compte, nous devons
surtout prêter attention aux non-dits du plan de « paix
économique » de Netanyahu. Une fois les Palestiniens assagis par
la prospérité, projette-t-il de démanteler des avant-postes et
des colonies isolées, afin de céder la place à un éventuel Etat
palestinien ? Vu son approche ignorant ou rabaissant les plus
minimes aspirations politiques et territoriales palestiniennes,
les soutiens naturels au plan proviendront de la droite
politique et religieuse, c’est-à-dire des colons eux-mêmes. Ce
constat suggère qu’en réalité le plan de Netanyahu est soit un
prétexte pour s’accrocher à la Cisjordanie, soit que, bon gré
mal gré, il le deviendra sous peu.
[1]
Etats-Unis, Union Européenne, Russie, Nations Unies.
Yossi Alpher est codirecteur de bitterlemons.org
et bitterlemons-international.org. Il est ancien directeur du « Jaffee
Center for Strategic Studies » et ancien conseiller principal du
Premier Ehud Barak.
Source :
http://www.bitterlemons.org