Comme c’est
souvent le cas lorsque la question palestinienne est en cause,
il est impossible d’en isoler chaque incident ou chaque
dynamique. Voici environ une semaine, par son refus de se rendre
au Caire, le Hamas torpilla les conversations d’unité
palestinienne sous parrainage égyptien. Mais, la semaine passée
également, le Hamas contribua à l’escalade de violence entre
Gaza et Israël. Peut-être tentait-il par là de détourner
l’attention de ses manœuvres contre l’unité palestinienne. Et le
Hamas est fin prêt, semble-t-il, à faire face au terme officiel
du cessez-le-feu avec Israël, le 19 décembre, tout comme à la
fin annoncée du mandat présidentiel de Mahmoud Abbas, le 9
janvier. En parallèle, tout ce qui précède affecte les calculs
d’Israël relatifs au Hamas et à Gaza. Et aussi les élections
israéliennes, prévues pour le 10 février.
Tels sont, dans l’ensemble, les
faits bruts et les échéances. La réalité stratégique va plus
loin.
Tout d’abord, avec le temps qui
passe, tout le monde - Israéliens, Palestiniens, Egyptiens, le
reste du monde - s’est fait à l’idée de deux entités politiques
ou mini-Etats palestiniens, l’un à Gaza, l’autre en Cisjordanie.
Le Hamas ne peut se permettre de soutenir ouvertement une telle
« solution à trois Etats. » Il risquerait de perdre son soutien
populaire. Mais il ne peut non plus accepter les conditions que
l’Egypte a avancées comme base pour une réunification
Gaza-Cisjordanie. Après tout, elles affaiblissent son emprise
sur Gaza et sur les forces de sécurité palestiniennes et elles
étendent la durée du mandat d’Abbas.
D’autre part, les leaders du
Hamas à Gaza s’aperçoivent vraisemblablement que ni l’Egypte, ni
Israël - ni, d’ailleurs, en Cisjordanie, l’Autorité
palestinienne d’Abbas- ne possèdent de stratégie praticable
envers leur mini-Etat islamiste militant. Ceci leur donne de la
marge de manœuvre face aux événements et aux défis externes.
L’Egypte restreint les
mouvements de personnes et de biens entre Gaza et le Sinaï.
Périodiquement, elle sévit contre les tunnels de contrebande à
la frontière, tout comme elle réprime ses propres Frères
musulmans, les « pères » du Hamas. Toutefois, elle s’entremet
dans les conversations de réconciliation Hamas-Fatah, et dans
celles Hamas-Israël sur les échanges de prisonniers.
Israël évite constamment l’idée
d’une offensive militaire massive pour éliminer le Hamas. Mais
il ne possède aucune riposte efficace contre les tirs de
missiles Qassam et Grad depuis Gaza. A maintes reprises, en
flagrante violation des règles élémentaires du droit
humanitaire, il a eu recours à des sanctions économiques
collectives contre la population de Gaza. Pourtant rien
n’indique que ces mesures assouplissent le Hamas quant à sa
politique de violence contre Israël, ou même son rejet radical
du droit à Israël d’exister. Et les décisions d’Israël relatives
à Gaza sont au moins partiellement dictées par le sort d’un
unique soldat, Gilad Shalit, aux mains du Hamas.
Ce serait une erreur d’imaginer
que le cessez-le-feu actuel résoudrait ces dilemmes
stratégiques, ou même l’un d’eux. Au sein des establishments,
tant du Hamas que d’Israël, existent de puissants lobbies
prétendant que la « tahdiyeh » (trêve) est une erreur. A deux
doigts du 19 décembre, l’explosion de violence de la semaine
passée exprime le rejet, par chaque bord, des conditions et
interprétations d’en face quant au cessez-le-feu. Elle manifeste
aussi la tentative, de part et d’autre, de marquer des points.
Ainsi, l’attitude du Hamas
envers les entretiens de réconciliation nationale du Caire
entraine-t-elle des conséquences à long terme. Si le leadership
du Hamas modifie sa position et se rend au Caire, cela reflètera
vraisemblablement, non seulement l’acceptation des conditions
égyptiennes favorables à l’OLP, mais aussi une disposition à
prolonger le cessez-le-feu selon des modalités acceptables par
Israël. Si le Hamas reste inflexible dans son refus de discuter
la réconciliation selon les termes avancés par Le Caire avec le
soutien de la Ligue arabe, alors, il provoquera délibérément une
énième confrontation avec Israël, l’Egypte et l’OLP.
C’est ce qui se produira selon
toute vraisemblance, avec le soutien de la Syrie et de l’Iran.
En effet, ceux-ci pourraient chercher à attiser les tensions
régionales, en vue de mettre à l’épreuve les intentions de
dialogue avec eux que le nouveau Président des Etats-Unis a
manifestées durant sa campagne électorale. Décidément, tout est
dans tout.
Yossi Alpher est codirecteur de bitterlemons.org
et bitterlemons-international.org. Il est ancien directeur du « Jaffee
Center for Strategic Studies » et ancien conseiller principal du
Premier Ehud Barak.
Source :
http://www.bitterlemons.org