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Entretien avec l'auteur de « Sarkozy,
Israël et les juifs »
Paul-Éric Blanrue:
« Sarkozy a renversé les valeurs de notre République »
Thierry Meyssan
Paul-Éric Blanrue,
historien, auteur de
Sarkozy, Israël et les juifs
Beyrouth, le mercredi 27 mai 2009
Le dernier livre de l’historien à succès
Paul-Éric Blanrue ne sera pas disponible dans les librairies
françaises. Non que son contenu ait été condamné par les
tribunaux, mais parce qu’au mépris total de la liberté
d’expression, le distributeur de son éditeur a tout simplement
décidé de ne pas le diffuser C’est que son sujet est explosif :
les liens entre le président de la République française et la
colonie juive de Palestine.
Grâce à la concentration économique dans le domaine de
l’édition, la censure politique ne passe plus par des
institutions publiques, mais par de grands groupes privés.
Le Réseau Voltaire a interrogé l’écrivain et a décidé de
diffuser son ouvrage par correspondance.
Thierry
Meyssan : Paul-Éric
Blanrue, bonjour. Vous venez de publier
Sarkozy, Israël et les juifs [1].
Dans votre préface, vous comparez votre travail pour la France
au livre de John Mearsheimer et Stephen Walt, Le lobby
pro-israélien et la politique étrangère américaine [2].
Pourtant ces deux ouvrages ont une démarche différente : le leur
cherche à préciser qui est ce lobby pro-israélien et quelle est
son influence à Washington, tandis que le vôtre prend le sujet
dans l’autre sens. Vous montrer comment Nicolas Sarkozy est au
service d’un lobby que vous vous abstenez de désigner en détail.
Pourquoi avoir choisi cet angle ?
Paul-Éric Blanrue : Bonjour, et merci de vos
questions. Les deux ouvrages sont différents, en effet, mais
leur ambition est au fond la même : montrer que les deux pays,
qu’il s’agisse des États-Unis, pour Mearsheimer et Walt, ou de
la France, dans mon cas, sont placés sous une forte influence
pro-israélienne qui peut, à terme, s’avérer dangereuse pour eux.
Seulement, en France, la situation n’est pas tout à fait
identique à celle des États-Unis. Là-bas, l’histoire de la
formation du lobby pro-israélien est telle que sa présence est
avalisée par une grande partie de l’opinion, au point que ce
lobby est même analysé par de grands universitaires… même si
tous ne sont pas d’accord sur l’influence qu’il joue : Chomsky
dénie ainsi au lobby pro-israélien son pouvoir au motif que
l’idéal sioniste est diffusé à parts égales dans tous les partis
et dans tous les secteurs de la société ! Outre-Atlantique, en
tout cas, l’alliance avec Israël est devenu un phénomène banal
depuis l’après-Eisenhower. Le secrétaire d’État est
obligatoirement sioniste, par tradition si l’on peut dire. Chez
nous, tout est (ou était !) différent. Je montre qu’il y a peu
de temps encore, il n’y avait pas d’unanimité, au sein même des
représentants de la communauté juive, sur la façon dont il
convenait d’aborder Israël. Tous ne se rangeaient sous la
bannière de l’État juif comme de bons petits soldats. Il y avait
des résistances, y compris au plus haut niveau de leurs
organisations. Souvenez-vous de Théo Klein : lorsqu’il était
président du CRIF [3],
dans les années 1980, il affichait une position assez modérée
sur Israël, dont il annonçait qu’il ne voulait pas être
considéré comme l’ambassadeur, à telle enseigne que certains de
ses successeurs ont pu le désigner comme un « collabo » des
Palestiniens ! Mais il y a bien davantage encore : en France,
ceux que j’appelle les « réseaux pro-israéliens » se sont
heurtés, jusqu’en 2007, à un gros problème : nous vivions
jusqu’alors sous un régime « gaullien » (même si j’ai conscience
de la rangée de guillemets qu’il faut placer pour employer ce
terme si l’on songe aux circonstances de l’arrivée de François
Mitterrand à l’Élysée, par exemple…) Il n’empêche : la
résistance du pouvoir politique, à commencer par le Quai
d’Orsay, aux revendications des réseaux sionistes était une
réalité. Roland Dumas ou Hubert Védrine étaient de farouches
partisans d’une position équilibrée au Proche et au
Moyen-Orient. Que l’on se souvienne aussi qu’en 2003, le Premier
ministre israélien, Ariel Sharon, a refusé de rencontrer
Dominique de Villepin, alors chef de la diplomatie française,
parce que celui-ci avait fait savoir qu’il allait rendre visite
à Yasser Arafat, à Ramallah ! Cette résistance est un souci que
les réseaux sionistes ont réussi à surmonter depuis l’accession
au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Seulement, à la différence des
pratiques américaines, Sarkozy n’a pas été contraint de devenir
« leur » homme, ni leur « valeur-refuge » : il ne s’est mis à
leur service que parce qu’il en a décidé ainsi, par volonté et
stratégie politiques délibérées. Après la seconde Intifida, en
2000, il s’est aperçu de la puissance acquise par le lobby
pro-israélien américain. Concevant la France comme une Amérique
en devenir, il a cherché à s’en faire adouber, important ici les
pratiques de là-bas. Il a aussi parié sur la peur du « péril
banlieue », qui, pensait-il, pouvait associer dans l’esprit des
Français (juifs ou non) les immigrés (musulmans, notamment) à
des terroristes en puissance. C’est une des raisons pour
laquelle il a invité des policiers israéliens en France à venir
expliquer à leurs collègues comment mater les troubles dans les
banlieues, comme si celles-ci étaient des « territoires
occupés » ! Pour ce faire, dans sa stratégie d’accession au
pouvoir, il a employé le vocabulaire et l’idéologie des
représentants sionistes, pour lesquels, aujourd’hui,
« pro-israélien » et « juif » sont deux synonymes. C’était une
manière de galvaniser l’électorat juif, qui est en France l’un
des plus importants au monde, ce qui a fait dire à l’UMP
Christian Estrosi, que Sarkozy était « le candidat naturel des
juifs ». Or, d’un point de vue objectif et historique, je
rappelle que le judaïsme est une religion tandis que le sionisme
est une idéologie politique. On peut être juif et opposé au
sionisme, comme l’ont été et le sont encore de nombreux rabbins
ou de nombreuses personnalités d’origine juive (il existe même
un site Internet où les sionistes les dénoncent à la vindicte de
leur coreligionnaires !), et on peut être sioniste et non-juif,
ne songez qu’à Bush ! Bref, toutes ces différences expliquent
que je n’ai pas traité le problème dans mon livre comme mes deux
collègues américains.
Thierry Meyssan : Vous avez pris soin de
vous en tenir à des informations connues, déjà publiées et non
contestées ; de ne jamais vous baser sur des scoops qui
pourraient être controversés, de sorte que les éléments de votre
raisonnement ne soient pas discutables. Simultanément, vous avez
pris soin de déminer un à un les mots ou expressions qui
provoquent des réactions épidémiques mettant fin au débat. Cette
méthode prudente suffit-elle à assurer une réception raisonnable
de votre travail ?
Paul-Éric Blanrue : Pour commencer, j’estime
qu’un livre doit par principe reposer sur des fondements
solides, afin d’être inattaquable. C’est une constante chez moi,
voyez ma bibliographie qui comporte une dizaine d’ouvrages.
C’est aussi une politesse que je dois à mes lecteurs, qui me
lisent parce qu’ils savent que je tiens à leur apporter des
informations solides. Fondateur, et président durant 10 ans,
d’une association sceptique qui s’intitule le Cercle zététique
(du grec zetein : chercher), j’ai mené de nombreuses
enquêtes au cours desquelles j’ai toujours tenté de faire la
part des choses entre les faits vérifiables et la rumeur, ou
encore les mensonges. Or j’ai pu constater, au cours de ma
carrière, que de nombreux « scoops » non sourcés reposent
souvent sur des on-dit et sont en réalité des « bidonnages »
destinés à faire un best-seller à peu de frais : aussi, je m’en
méfie d’instinct. Ensuite, je ne cherche pas à déminer pour
déminer. Si vous faites allusion, par exemple, au fait que je
n’emploie pas l’expression « lobby juif » pour caractériser les
modalités d’action des sionistes en France, c’est parce que,
comme Mearscheimer et Walt, ou chez nous Pascal Boniface [4],
je ne crois pas réellement à l’existence de ce prétendu lobby,
qui est, selon moi, soit un abus de langage, soit un terme
provocateur. Dans les deux cas, il faut l’éviter. De plus, et
c’est le plus grave pour moi, il associe juifs et sionistes,
deux réalités distinctes comme je l’ai déjà précisé. Vous aurez
noté également que je ne parle pas non plus de « lobby
sioniste », car la réalité française est différente de
l’américaine, même si cette différence tend à se réduire jour
après jour. Je fais la recension des nombreuses organisations
sionistes, j’indique leurs points communs, leurs différences et
parfois leurs contradictions : c’est la raison pour laquelle je
préfère parler de « réseaux » pro-israéliens ou sionistes, ces
deux derniers termes étant équivalents pour moi. Quant à savoir
comment sera reçu mon travail, je l’ignore, n’étant pas
Élizabeth Teissier [5]…
De mon côté, en tout cas, j’aurai fait tout mon possible pour
que ce livre puisse être une base de discussion raisonnable
entre deux camps que tout oppose. Il faut que la situation se
débloque, sinon on va droit dans le mur.
Thierry Meyssan : Vous avez déjà fait
preuve de courage en abordant un sujet tabou. Ne craignez-vous
pas de vous griller définitivement en répondant à mes
questions ?
Paul-Éric Blanrue : Je suis ainsi fait (mon
éducation catholique, peut-être) que, depuis toujours, je
réponds à qui m’interroge, sans chercher à sonder son cœur ni
ses reins. Plus généralement, je me garde bien de juger les
gens, à commencer par ceux qui luttent contre un système qui
nous écrase. Pour ma part, comme vous le savez, je n’ai jamais
été ce qu’on appelle un « complotiste », mais je revendique pour
tous le droit à la libre recherche et à la libre publication. Il
est possible que mon livre fasse l’objet d’un black-out général,
comme l’a été l’un de mes précédents ouvrages, Le Monde
contre soi – Anthologie des propos contre les juifs, le sionisme
et le judaïsme [6],
qui n’a pas bénéficié d’une seule ligne dans les grands journaux
parisiens, mais qui, bien étrangement m’a valu d’être invité au
salon des écrivains du B’naï Brith ! Il faudra bien que je tente
cette fois de surmonter par tous les moyens la stratégie du
silence de ceux qui s’opposent à sa diffusion pour de sombres
motifs. On ne peut pas vivre sous la dictature de la pensée
unique sans réagir, sinon on est bon pour l’esclavage. Il est
temps de dépassionner le débat et surtout d’arrêter de
diaboliser les contradicteurs !
Thierry Meyssan : Votre éditeur belge,
Marco Pietteur, semble surpris par la réaction de réseaux de
distribution qui refusent de placer votre livre dans les
librairies en France. Pourtant ce mode de censure a commencé
lors de la publication de mon livre sur le remodelage du Grande
Moyen-Orient, L’Effroyable imposture 2 [7].
À l’époque, plusieurs grands éditeurs ont renoncé à le publier
face aux menaces des distributeurs. En définitive, Jean-Paul
Bertrand et Antoine Gallimard ont dû ruser pour contourner cet
obstacle. À défaut de pouvoir interdire le contenu d’un ouvrage,
on en empêche la présence en librairie. Le lobby pro-Israélien
est intervenu pour dissuader les grands médias de mentionner
l’existence de mon livre que ce soit dans des articles ou en
acceptant des publicités payantes. Ce dispositif a-t-il été
actionné de la même manière pour censurer votre travail ? Et
avez-vous identifié les personnes et les groupes qui l’ont
actionné ?
Sarkozy, Israël et les juifs,
éditions Marco Pietteur,
collection « Oser dire » (mai 2009), 205 pp.
Ouvrage recommandé et diffusé par le Réseau Voltaire.
Paul-Éric Blanrue :
Pour le moment je ne peux pas dire grand-chose, car je suis dans
l’action, c’est-à-dire dans la promotion de mon livre, période
peu propice aux enquêtes. Disons que j’ai déjà ma petite idée
sur la question, qu’il faudra que je creuse. Le temps de la
réflexion viendra et alors, croyez-moi, je dirai ce que je sais.
En attendant, remarquez, je vous prie, une chose étonnante : il
y a un an et demi, j’écrivais avec mon ami Chris Laffaille, de
Paris-Match, un livre sur le mariage de Nicolas Sarkozy avec
Carla Bruni, qui s’intitulait Carla et Nicolas, Chronique
d’une liaison dangereuse [8].
Déjà, je rendais compte d’un certain nombre de faits, bien que
ce ne fût pas de manière frontale. Or ce livre a été classé dans
les best-sellers de L’Express, a fait la une de
Technikart et a été l’objet de traductions à l’étranger. À
la FNAC des Ternes, pour prendre un magasin que je connais bien
lorsque je suis à Paris, il faisait l’objet d’une exposition
dans une vitrine entière, face à l’entrée. Aujourd’hui, pour mon
nouveau livre, j’ai dû être édité en Belgique et le diffuseur de
mon éditeur Marco Pietteur est tellement effrayé qu’il refuse de
le diffuser en France ! Le fait est remarquable et symptomatique
de l’état d’esprit qui règne ici depuis l’arrivée au pouvoir de
Nicolas Sarkozy. Les gens sont terrifiés. On peut les
comprendre. Je note avec joie que certains commencent à réagir,
puisque sur facebook, un groupe s’est créé, comprenant plusieurs
centaines de membres, français ou non, qui réclament que mon
livre soit vendu dans les librairies françaises. Son intitulé :
« Sarkozy, Israël et les juifs : le livre qui fait peur aux
diffuseurs ! » C’est assez bien vu. J’engage vos lecteurs à
rejoindre ce groupe de francs-tireurs. La France est-elle tombée
si bas qu’on n’ose plus y diffuser un ouvrage qui sera
disponible sans problème dans plusieurs pays étrangers, et qui
est en voie d’être traduit dans trois langues ?
Thierry Meyssan : Vous livrez une
synthèse très complète des liens unissant Nicolas Sarkozy à
Israël, y compris les données biographiques et psychologiques.
Cela ne vous empêche pas d’aborder ses liens avec les
États-Unis. Vous avez alors choisi d’éluder ses liens familiaux
avec la CIA et vous avez cité le faux courriel de la DGSE
diffusé au sein des services de police l’accusant mensongèrement
d’être agent du Mossad. Votre sujet d’étude ne déforme-t-il pas
la réalité en se focalisant sur la subordination de Nicolas
Sarkozy à l’agenda israélien et en laissant dans l’ombre les
liens peut-être beaucoup plus forts encore qui le lient aux
États-Unis ?
Paul-Éric Blanrue : Mon chapitre 3
s’intitule (je parle de Nicolas Sarkozy) « L’homme des réseaux
américains »… Je pense donc avoir noté toute l’importance que
revêtent pour lui les États-Unis. Ceci dit, vous avez raison,
j’y traite essentiellement de son adoubement par le lobby
pro-israélien américain, comme le American Jewish Commitee
(AJC). Mais c’est le sujet de mon livre qui le veut. Un autre
ouvrage serait à consacrer aux liens noués entre le président
français et les États-Unis. Mais pour ma part, je voulais
montrer en quoi la politique étrangère française avait changé
vis-à-vis d’Israël. Sur ce point, les États-Unis, comme la
France de Sarkozy, se rangent de manière quasi inconditionnelle
du côté israélien, malgré des réserves de circonstance destinées
à ne pas chagriner l’opinion, soucieuse du sort des
Palestiniens. Or Nicolas Sarkozy est passé par les États-Unis
pour aller vers Israël, et non l’inverse. On voit bien
qu’aujourd’hui, alors qu’il a perdu une partie de sa crédibilité
auprès d’Obama, il est toujours autant pro-israélien que durant
sa campagne électorale. Lorsque, le 24 janvier 2009, la France a
envoyé la frégate Germinal lutter contre les livraisons
d’armes à la résistance palestinienne, à ma connaissance, les
États-Unis n’ont pas joué de rôle direct : cette opération a été
réalisée entre Israël, l’Égypte et la France. Par ailleurs,
Sarkozy n’a pas besoin des États-Unis pour se déclarer
« partisan inconditionnel de la sécurité d’Israël », même s’il
est évident que ce rapprochement participe d’une « atlantisation »
plus générale (envoi de troupes en Afghanistan, retour dans
l’OTAN, etc.). Pour résumer, mon livre n’est en effet qu’un
chapitre d’une plus grande histoire à écrire, mais je crois
qu’il se situe en plein cœur du problème : nous sommes face à un
renversement total des principes sur lesquels notre République
est assise. C’est pourquoi il m’a semblé urgent de l’écrire.
Avant qu’il ne soit trop tard pour faire machine arrière.
Thierry Meyssan : Votre livre nous
remémore quantité d’événements oubliés —une information en
chassant une autre dans les journaux—. Malgré l’abondance de
votre documentation, votre narration est toujours agréable à
lire. Mais, cette qualité littéraire n’empêche-t-elle pas de
hiérarchiser les choses. Par exemple, vous évoquez en passant un
lien amical avec la banque Rothschild, mais rien sur l’activité
d’avocat d’affaire de Nicolas Sarkozy, ni sur François Pérol, un
associé-gérant de Rothschild devenu secrétaire général adjoint
de l’Élysée puis président de Natixis dans des conditions
douteuses. Comment avez-vous sélectionné les événements que vous
relatez ?
Paul-Éric Blanrue : Merci, tout d’abord, du
compliment. Mais hélas, on ne peut pas tout dire, surtout dans
un ouvrage que je destine au grand public et que j’ai par
conséquent voulu « lisible » alors que la question est complexe.
Notez tout de même que pour 200 pages de texte, j’ai disposé un
appareil critique de quelque 500 notes infrapaginales, ce qui
n’est pas courant dans l’édition française actuelle. Vous avez
raison, bien sûr, de dire que les informations sont oubliées par
l’opinion, et que l’accumulation de celles-ci dans les journaux,
loin d’alimenter les cerveaux de nos contemporains, contribue à
tasser les données dans les couches sédimentaires inférieures.
Mieux encore : l’abondance d’informations (avec la prime données
aux faits divers) fait oublier le sens général de l’histoire qui
se déroule devant nous. J’ai donc voulu procéder à un
« rafraichissement de la mémoire » de l’opinion publique, tout
en organisant mon plan de manière à donner un sens à l’actualité
la plus brûlante. Mon point de départ est Sarkozy, l’homme par
qui la fracture arrive. Je tente ensuite d’expliquer pourquoi il
en est arrivé là et pourquoi la France est dans une impasse dont
il faudra bien un jour qu’elle s’extraie.
Thierry Meyssan : Dans votre dernier
chapitre, vous élargissez votre sujet aux milieux culturels.
Mais une trentaine de pages, c’est à la fois beaucoup pour
éveiller la curiosité et trop peu pour donner une vue d’ensemble
du phénomène. Pour faire vite, vous êtes obligé de traiter
rapidement certaines personnalités, comme Tariq Ramadan, parce
que cela nécessiterait des développements contextuels. Comme
vous laissez vous lecteurs sur leur faim, avez vous l’intention
d’approfondir cette question dans un autre volume ?
Paul-Éric Blanrue : J’évoque le cas de Tariq
Ramadan, lors de sa confrontation télévisée avec Nicolas
Sarkozy, afin de montrer comment ce dernier a intégré dans son
discours la rhétorique sioniste actuelle, ce dogme bourré de
dynamite qui veut que « juif = pro-israélien ». Pour le reste,
je me consacre à l’essentiel : la description des réseaux
sionistes français et la façon dont l’actuelle présidence répond
à leurs attentes, voire les devance. Je passe en revue des cas
connus et moins connus : quel est le parcours du patron de la
LICRA ? Qui sont les principaux « poissons-pilotes » d’Israël en
France ? Quelles associations intentent systématiquement des
procès aux chercheurs indépendants qui critiquent Israël ? En
quoi la loi Gayssot est-elle la clé de voûte de la dictature de
la pensée unique actuelle ? Pour répondre précisément à votre
question : oui, je prépare actuellement, non pas un, mais deux
autres livres, qui approfondiront de manière notable ce que j’ai
dit dans celui-ci. Je pense qu’ils surprendront vos lecteurs. Ce
n’est qu’un début !
Thierry Meyssan : Terminons par une
question plus personnelle. Au cours de cet entretien, vous avez
répondu à mes questions en évoquant avec fierté votre travail
antérieur. Vos premiers livres traitaient de l’histoire de la
famille de France et étaient publiés par des éditeurs
traditionalistes. Puis, vous vous êtes passionné pour l’étude
des superstitions et vous avez créé le Cercle zététique. Enfin,
vous vous êtes tourné vers des sujets d’actualité, Carla Bruni
et Jérôme Kerviel. Quelle était votre démarche personnelle au
long de ce parcours ? Qu’est ce qui vous motive aujourd’hui ?
Paul-Éric Blanrue : Ce qui m’intéresse, en
premier lieu, c’est de pouvoir publier le résultat de mes
recherches. Pour moi, tout éditeur, du moment qu’il est légal,
qu’il fait correctement son travail de promotion et qu’il
rémunère convenablement ses auteurs, est respectable. Comme je
suis un homme nuancé et ouvert, ses idées politiques ou
philosophiques ne m’intéressent pas, du moment qu’il me permet
de publier ce que j’entends, sans me censurer. Vous connaissez
l’adage : « publish or perish »… Un auteur n’existe qu’à travers
son travail publié, lu, assimilé et commenté par d’autres.
L’éditeur « tradi » auquel vous faites allusion m’a ainsi
permis, il y a bien longtemps, d’éditer mes découvertes
étonnantes sur le comte de Chambord (fruit d’un mémoire
universitaire en histoire), ce que d’autres maisons plus
classiques avaient refusé de faire pour des motifs idéologiques.
Il a en revanche été incapable, à son tour pour des raisons
idéologiques, de publier mes conclusions sur l’histoire du
suaire de Turin, qui m’a donc été édité, d’abord, par une maison
communiste en coédition avec des cathos de gauche, puis, dans
une autre version, par une maison du groupe Flammarion,
Pygmalion. Mon livre d’anthologie sur les propos contre les
juifs a été publié, lui, par un éditeur connu pour ses
collections érotiques… Mon opus sur Kerviel est paru dans une
maison spécialisée dans le rock, ce qui ne m’a pas empêché
d’annoncer le crise financière de septembre 2008 six mois avant
les « experts » du Monde ! Bref, toute ma vie éditoriale
est ainsi faite ! Je trouve tout cela amusant. On a tendance à
me ranger dans la catégorie des « inclassables », à quoi je dis
préférer le terme « d’irrécupérable », qui ne permet,
précisément, aucune sorte de « rangement ». Bref, mes maisons
d’édition varient en fonction de leur capacité à publier mes
livres, c’est-à-dire en fonction de leurs propres normes
idéologiques, et non des miennes. Maintenant, vous voyez, je
suis contraint d’aller faire éditer en Belgique un livre qui
traite de la politique française… Je suis le « Juif errant » de
l’édition ! Ce n’est pas par hasard si je passe une partie de ma
vie à Venise, la ville du premier ghetto, qui est aussi la cité
des labyrinthes, des masques, des reflets et des miroirs cachés.
Quant à mes sujets de prédilection, malgré une évolution de
surface, ils ont tous un point commun : la traque des
mystifications, des mensonges, des erreurs de tous ordres,
abondamment diffusées dans le grand public. La véritable
histoire est toujours à chercher sous le vernis de la
propagande, je ne vous apprends rien. Je ne cesse donc de
m’intéresser aux impostures, quelles qu’elles soient,
historiques, scientifiques, politiques, idéologiques,
religieuses. Pourquoi ? Parce nous vivons dedans ! Nous naissons
et mourons entourés de vessies que nous ne cessons de prendre
pour des lanternes. Certaines impostures sont innocentes,
d’autres moins, parce qu’elles orientent nos vies et celles de
nos contemporains. Avec le temps, je me suis concentré sur les
affaires qui me paraissent les plus graves. Tout au long de mon
existence, j’ai tenté de situer ma démarche dans les pas des
Lumières : Voltaire, Diderot, d’Holbach (et le grand Casanova !
) ont été capables d’écrire sur tous les sujets, petits ou
grands, religieux ou mondains, avec le même esprit critique.
Voilà ce ce que je tente, contre vents et marées, de faire à ma
façon. Il est difficile de vous cacher que j’espère que les
conséquences de mes livres seront comparables à celles qu’ont
suscité les oeuvres des grands esprits dont je me réclame.
Chaque auteur est un peu « mégalo », n’est-ce pas ? Mais s’il ne
croit pas à son pouvoir de transformer les mentalités, qui le
croira ? C’est en tout cas la raison pour laquelle le dernier
chapitre de « Sarkozy, Israël et les juifs » s’intitule : « Pour
une nouvelle nuit du 4 août », en référence à l’abolition des
priviléges de la noblesse par la noblesse, en 1789. Comme Max
Gallo, Dominique de Villepin ou François Bayrou, je pense que
nous sommes dans une situation pré-révolutionnaire. La France va
bientôt trembler. Mon livre est préventif : ceux qu’il critique
sont aussi ceux qui devraient s’en inspirer. À moins qu’ils ne
soient prêts à affronter un nouveau 1793 ? Mais autant l’éviter,
n’est-ce pas ?
Thierry Meyssan,
analyste politique, fondateur du Réseau Voltaire. Dernier
ouvrage paru :
L’Effroyable imposture 2 (le remodelage du
Proche-Orient et la guerre israélienne contre le Liban).
[1]
Sarkozy, Israël et les juifs, éditions Marco Pietteur,
collection « Oser dire » (mai 2009), 205 pp.
[2]
Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine,
par John Mearsheimer et Stephen Walt, La Découverte, 2007, 500
pp.
[3]
CRIF : Conseil représentatif des institutions juives de France.
[4]
Voir Est-il permis de critiquer Israël ?, par Pascal
Boniface, éd. Robert Laffont (2003), 239 pp.
[5]
Élizabeth Teissier est une célèbre astrologue française qui fut
proche de François Mitterrand.
[6]
Le Monde contre soi – Anthologie des propos contre les juifs,
le sionisme et le judaïsme, par Paul-Éric Blanrue, préface
de Yann Moix, Éditons Blanche, 2007, 318 pp.
[7]
L’Effroyable imposture 2, par Thierry Meyssan, éd
Alphée-Jean-Paul Bertrand (2007), 400 pp.
[8]
Carla et Nicolas, Chronique d’une liaison dangereuse, par
Paul-Éric Blanrue et Chris Lafaille, Éditions Scali, 2008, 155
pp.
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