« Sous nos yeux »
Israël n'est plus
qu'un tigre de papier
Thierry
Meyssan
Lundi 10 décembre
2012 La célébration du
25ème anniversaire du Hamas
correspondait à la célébration de la
victoire après la récente attaque
israélienne. Or, cette brève guerre a
profondément modifié la situation
stratégique de l’État hébreu et a
ressoudé une partie des combattants
palestiniens.
Ainsi, le Hamas a autorisé les
partisans du Fatah a manifester à Gaza
lors de la reconnaissance de la
Palestine comme État observateur à
l’ONU, et vice-versa : le Fatah a
autorisé les militants du Hamas à
manifester en Cisjordanie. Plus encore,
les quatre courants internes du Hamas
semblent s’être rabibochés autour de
Khaled Mechaal. Cette soudaine évolution
traduit une prise de conscience. Les
Palestiniens n’ont plus peur d’Israël et
se reprennent à espérer en l’avenir.
Signe de cette confiance retrouvée,
ils étaient des centaines de milliers à
s’être rassemblés pour écouter les
discours de leurs leaders, sans crainte
de bombardements israéliens.
Durant cette guerre, la Résistance
palestinienne a testé de nouveaux
missiles d’une portée de 120 km (au lieu
des 8 km de leurs habituels projectiles
artisanaux). Ils ont sans difficulté
passé la barrière du Dôme de fer,
qui n’est capable d’intercepter que des
roquettes primitives. Si l’on met en
perspective cette capacité avec celle du
Hezbollah depuis le Liban, c’est
désormais la totalité du territoire
israélien qui est à portée de frappe.
Par conséquent, la défense israélienne
basée sur la « profondeur stratégique
» est caduque. Israël n’est plus
défendable.
À Tel-Aviv, les services de
renseignement assurent que la capacité
de bombardement du Hezbollah a été
multipliée par 400 depuis la guerre de
2006 (oui, ce n’est pas une faute de
frappe, vous avez bien lu « multiplié
par quatre cent »). En cas de guerre
régionale, le territoire israélien
serait donc ravagé en quelques mois.
Ce nouveau rapport de force apparaît
lorsque l’on compare les agressions
israéliennes. L’attaque du Liban en 2006
a duré 33 jours, celle de Gaza en 2009 a
duré 22 jours, la récente n’en a duré
que 8. Lors de la guerre de 2006, 200
000 Israéliens ont été contraints de se
réfugier dans des abris pour échapper à
la riposte du Hezbollah. Cette fois-ci,
ils ont été 2 000 000 à se protéger des
missiles des Palestiniens.
A la
mi-novembre 2012, des soldats israéliens
tentent de se mettre à l’abri à Kiryat
Malachi,
dans le sud d’Israël, après l’annonce
d’un tir de fusées.
Pour la première fois, les
Palestiniens, le Hezbollah et Téhéran
ont revendiqué que ces nouveaux missiles
sont de technologie iranienne. Or, dans
le même temps, l’Iran a fait la
démonstration de sa supériorité
technique dans le domaine, certes
limité, mais néanmoins crucial, des
drones. Un gros avion sans pilote,
télécommandé par le Hezbollah, a été
capable de traverser tout Israël, du
Liban jusqu’à Dimona, sans être repéré.
Il n’a été vu et détruit que lorsqu’il
survolait la centrale atomique. Tandis
que lorsqu’un drone US a été vu au
dessus de l’Iran, les Gardiens de la
Révolution ont été capables d’en prendre
le contrôle et de le faire atterrir,
plutôt que de le détruire.
Les perspectives de Tel-Aviv ont
complètement changé. Durant 64 ans,
Israël avait intérêt à la guerre et
espérait à chaque fois grignoter un peu
de territoire. Désormais, Tel-Aviv doit
éviter d’entrer en conflit à tout prix,
car il n’y survivrait pas.
Dès lors, on comprend pourquoi la
rhétorique du Hamas a changé. Durant son
discours, pour la première fois, Khaled
Mechaal a déclaré : « La Palestine
est à nous, de la rivière (Jourdain) à
la mer (Méditerranée) et du sud au nord.
Nous ne ferons aucune concession, nous
n’abandonnerons pas un seul pouce de
notre terre ». En d’autres termes,
il revendique non seulement Gaza et la
Cisjordanie, mais toute la Palestine
mandataire, y compris l’actuelle
Jordanie. Prenant au mot la
reconnaissance de la Palestine par l’ONU
et l’abandon par Mahmoud Abbas du «
droit au retour », le Hamas récuse
la solution à deux États et revendique
un État unique là où il y en a trois ;
une position qui correspond précisément
à celle de l’Iran depuis la Révolution
de 1979.
« Nous ne reconnaîtrons jamais la
légitimité de l’occupation israélienne
(...) Israël n’a aucune légitimité et
n’en aura jamais » a poursuivi
Khaled Mechaal.
A contrario, cette nouvelle
donne pousse Tel-Aviv à appuyer sans
réserve le projet de Paris, Londres et
Doha de saboter avant février l’accord
de paix USA-Russie et d’attaquer la
Syrie. C’est en effet la dernière fois
qu’Israël pourra se lancer dans une
aventure militaire.
Thierry
Meyssan
Intellectuel français,
président-fondateur du
Réseau Voltaire
et de la conférence
Axis for Peace.
Professeur de Relations internationales
au Centre d’études stratégiques de
Damas. Dernier ouvrage en français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007).
Article sous licence creative commons
Vous pouvez
reproduire librement les articles du
Réseau Voltaire à condition de citer la
source et de ne pas les modifier ni les
utiliser à des fins commerciales
(licence
CC BY-NC-ND).
Le sommaire du Réseau Voltaire
Les dernières mises à jour
|