Réseau Voltaire
Résister
au mensonge
Thierry Meyssan 10
septembre 2008 A
l’occasion du 7e anniversaire des attentats aux États-Unis,
nous publions en français un texte de Thierry Meyssan, déjà
édité en italien et en russe dans le volume collectif Zéro,
pourquoi la version officielle du 11-Septembre est un mensonge.
Il y relate comment il écrivit L’Effroyable
imposture et ce qui s’en suivit. Bien sûr, ce texte,
écrit il y a plus d’un an, doit être mis à jour :
désormais les médias russes se sont emparés du sujet. Il est
clair que la censure dans les médias occidentaux (qui
discréditent et réduisent au silence tous les dissidents, comme
on l’a vu ces jours-ci avec l’humoriste Jean-Marie Bigard) ne
pourra plus se poursuivre
longtemps.
En
ouvrant la polémique sur les attentats du 11 septembre, je
n’avais pas conscience de me projeter dans ce que l’on allait
bientôt appeler « une guerre globale sans fin ». Je
pensais juste faire mon travail de journaliste en relevant les
incohérences de la version gouvernementale. Dans les jours qui
suivirent, je publiai une série d’articles sur Internet
reconstituant la chronologie des faits, minute par minute et
pointant le rôle invraisemblable du NORAD (commandement de la
protection militaire aérienne). Je notai immédiatement que les
auteurs des attentats disposaient de complices à la
Maison-Blanche et à l’état-major interarmes ; que les
individus accusés d’avoir piraté les avions ne figuraient pas
sur les listes d’embarquement ; que l’accumulation
d’indices laissés derrière eux n’était pas crédible ;
que des explosifs avaient été placés dans les tours jumelles ;
qu’Oussama Ben Laden fournissait un alibi commode pour justifier
une attaque de l’Afghanistan décidée à l’avance ; et,
bien sûr, que tout cela servirait à alimenter le projet de
« clash des civilisations » et à justifier des
guerres en chaîne.
Comme
beaucoup d’autres, j’avais compris que ce jour-là, le monde
avait changé. Pourtant, je continuais à agir et à écrire comme
par le passé. Ce n’est que plus tard, en affrontant les
difficultés qui allaient surgir, que j’ai trouvé de nouveaux
moyens pour défendre notre liberté.
Je
m’aventurai à identifier les groupes capables de monter une
telle opération. Ayant étudié les réseaux stay-behind de
l’OTAN (communémement appelés Gladio), je fus frappé par un
certain nombre de similitudes dans le modus operandi. Je retrouvai
dans mes archives la copie d’un bulletin interne de commandos
basés à Fort Bragg, connus sous le nom de Forces spéciales
clandestines (Special Forces Underground). On y annonçait, huit
mois à l’avance, l’attentat contre le Pentagone. Sous la présidence
de Bill Clinton, ce groupe —composé de soldats d’élite
impliqués dans les principales actions secrètes US à l’étranger—
avait été accusé de participer à une conspiration. Dans le
contexte, je ne pouvais malheureusement pousser l’investigation
beaucoup plus loin.
Je
m’attelai donc à reconstituer en détail les différents
attentats pour en mieux comprendre le mécanisme. Cherchant à établir
le timing exact de l’attentat du Pentagone, je relut avec
perplexité quelques dépêches de l’Agence France Presse :
AFP
| 11 septembre 2001 | 13h46 GMT |
URGENT Le Pentagone évacué après la catastrophe du World Trade
Center
WASHINGTON - Le Pentagone a été évacué mardi près de
Washington après qu’une attaque terroriste eut visé les tours
du World Trade Center à New York, ont indiqué des responsables
américains.
jm/vm/glr
AFP
| 11 septembre 2001 | 13h54 GMT |
URGENT Deux explosions au Pentagone (témoin)
WASHINGTON - Deux explosions ont secoué le Pentagone mardi matin
et de la fumée sort d’un mur du bâtiment, a-t-on appris auprès
d’un témoin, Lisa Burgess, journaliste du Stars and Stripes.
jm/gcv/vmt
AFP
| 11 septembre 2001 | 14h51 GMT |
URGENT Un avion se dirige vers le Pentagone
WASHINGTON - Un avion se dirigeait mardi matin vers le Pentagone près
de Washington, a indiqué un responsable du FBI à l’AFP.
smb/cw/vmt
AFP
| 11 septembre 2001 | 16h07 GMT |
Un avion s’écrase sur le Pentagone (témoin)
WASHINGTON - Un avion de ligne s’est écrasé mardi sur le
Pentagone, frappant violemment le bâtiment situé près de Washington
au niveau du premier étage, a rapporté un témoin, le capitaine
Lincoln Liebner.
« J’ai vu ce gros avion d’American Airlines arriver rapidement
et à basse altitude », a déclaré ce témoin.
« Ma première idée est que je n’en avais jamais vu si bas »,
a-t-il ajouté. « J’ai réalisé ce qui se passait juste avant
qu’il ne percute » le bâtiment, a noté le capitaine en précisant
qu’il avait entendu des gens crier sur le lieu du drame.
Le Pentagone se trouve en Virginie, à environ un kilomètre du deuxième
aéroport de Washington, Reagan National Airport.
jm/gcv/vmt
Selon
la version gouvernementale, un avion de ligne s’est écrasé sur
le Pentagone à 9h38 (13h38 GMT), mais selon les dépêches AFP, il
y a eu des explosions dans le bâtiment avant le crash de
l’avion. Il y aurait donc eu non pas un, mais plusieurs attentats
au Pentagone.
Je
me mis donc à collationner toutes les photos disponibles de la scène
du crime pour voir s’il y avait ou non des traces d’explosions
distinctes.
Toutefois une autre question me taraudait l’esprit : comment
le rédacteur de l’AFP pouvait-il avoir intitulé l’une de ses
dépêches « Un avion se dirige vers le Pentagone » ?
En effet, on peut observer qu’un avion se dirige vers
Washington, mais comment savoir si, une fois arrivé, il ciblera le
Pentagone plutôt que le Capitole ou la Maison-Blanche ? Décidément,
cette histoire n’était pas claire.
Je
présentai les photos que j’avais réunies à quelques amis compétents :
un ex-pilote de chasse, un pompier, un artificier. Le pilote ne comprenait
pas pourquoi les terroristes s’étaient lancés dans une manœuvre
compliquée pour crasher leur avion sur la façade au lieu de piquer
simplement sur le toit. Le pompier et l’artificier s’étonnèrent
de l’incendie qui ne rappelait en rien ceux que causent des crashs
d’avion. J’observai alors ce que tout le monde aurait dû noter
dès le premier instant : il n’y avait aucun orifice dans la
façade par lequel un avion aurait pu pénétrer dans le bâtiment,
ni aucune épave d’avion à l’extérieur. Parce que tout
simplement, il n’y avait pas eu d’avion.
Je venais de trouver « l’œuf de Christophe Colomb »
et l’Amérique ne m’en serait pas reconnaissante.
Reprenant
à son tour les photos, mon fils aîné, Raphaël, mit en évidence
l’impossibilité de la version gouvernementale sous la forme d’un
jeu des sept erreurs qui fit le tour du web mondial en quelques
heures. Alors que mes articles n’étaient disponibles qu’en
français, les légendes de ces photos furent rapidement traduites
dans les principales langues tandis que le caractère ludique de leur
présentation assura leur popularité. La gigantesque machine de propagande
mise en marche par l’Alliance atlantique pour imposer la version
gouvernementale avait éveillé l’intérêt du public pour tout
ce qui touchait aux attentats. Porté par cette vague, le « jeu
des sept erreurs » attira une dizaine de millions d’internautes
en deux semaines. Pour la première fois, une opération d’intoxication
planétaire était dévoilée aux yeux de tous en temps réel. C’est
ce que les communicants du Pentagone, dépassés par ce
revirement, ont appelé « la rumeur »
En
résumant mon enquête par quelques photos et en interpellant les
internautes pour qu’ils jugent par eux-mêmes, Raphaël réussissait
à capter l’attention du public comme il avait déjà su le faire
en d’autres occasions avec le même succès. Mais —contrepartie
de cette simplification—, il réduisait la question à une simple
affaire de communication gouvernementale mensongère en la privant
de sa dimension politique. Dans cette période, je reçus le soutien
massif de mes confrères. Des débats s’engagèrent sur les forums
professionnels comparant l’attentat du Pentagone au charnier de
Timisoara (en 1989, la presse s’était faite gruger par les opposants
à Caucescu qui présentèrent des corps autopsiés comme s’il s’agissait
de cadavres de suppliciés).
Je
poursuivis mon enquête. J’explorais aussi bien les secrets de la
nouvelle politique énergétique de Dick Cheney conduisant inévitablement
les troupes de l’empire à faire main basse sur les réserves d’hydrocarbures
du « Grand Moyen-Orient », que l’étrange parcours d’Oussama
Ben Laden de la Ligue anti-communiste mondiale à l’émirat des
talibans.
En
Amérique du Nord, le principal hebdomadaire hispanique d’information
générale, Proceso, reprit intégralement en
octobre un long dossier que j’avais consacré aux liens financiers
unissant les familles Bush et Ben Laden. Il apparaissait soudain que
les deux hommes incarnant « le monde libre » et
« le terrorisme » n’étaient pas des inconnus l’un
pour l’autre et partagaient des intérêts communs alors même que
de mystérieux initiés avaient réalisé de fabuleux profits en spéculant
à l’avance sur les attentats. Ce sont ces informations qui achevèrent
de convaincre des leaders états-uniens que les comploteurs n’étaient
pas dans une grotte afghane, mais à la Maison-Blanche. La représentante
de Georgie, Cynthia McKinney, interpella l’administration Bush au
Congrès. Sa voix fut recouverte par les vociférations
patriotiques, mais le doute venait de faire son entrée au
Capitole.
En
définitive, je réunit mes différents articles et les publiai sous
forme de livre en mars 2002. Cette nouvelle présentation, sous une
forme synthétique et cohérente, de données que j’avais distillées
durant six mois transforma brutalement la nature du débat. Nous quittions
les discussions sur le détail des faits pour embrasser à nouveau
leur signification politique. Nous passions de la remise en cause
de la communication gouvernementale à la désignation des
criminels. D’autant que l’essentiel du livre était une analyse
de la transformation à venir des États-Unis en un État militaro-policier
et une description de leur nouvelle tendance expansionniste.
Perplexes, mes confrères français se faisaient silencieux, tandis
que la presse internationale, de Népszabadság
en Hongrie à Tercera au Chili, chroniquait L’Effroyable
imposture. Malgré l’absence de toute publicité,
l’ouvrage, imprimé à 10 000 exemplaires, était épuisé en cinq
jours. Intrigué, un animateur de télévision atypique, Thierry
Ardisson, m’invita dans son show. Le livre était alors réimprimé
en catastrophe et rapidement vendu à 180 000 exemplaires en
France.
Pour
l’Alliance atlantique, je devenais l’homme à discréditer
d’urgence. Pour mes confrères, qui m’avaient encouragé jusque
là, je passais soudain du statut de sympathique Tintin reporter
à celui de dangereux concurrent et d’abominable blasphémateur.
Ce fut alors un déluge d’imprécations. À quelques exceptions
près, tous les médias respectables me lynchèrent en chœur, le
plus acharné étant le quotidien de gauche Libération
qui me stigmatisa dans vingt-cinq articles successifs. Dans un éditorial
sans honte, Le Monde déplora mon indépendance
d’esprit affranchie des contraintes économiques de la
profession. Dominique Baudis, le président du Conseil supérieur
de l’audiovisuel, mis en cause dans mon livre pour son rôle au
sein du Carlyle Group, fit téléphoner par ses collaborateurs aux
grands médias audiovisuels pour m’interdire d’antenne.
La
polémique prenait un tour d’autant plus surréaliste que la France
était en campagne électorale présidentielle. Le clivage entre atlantistes
et souverainistes traversait tous les partis. Chaque candidat évitait
donc soigneusement de parler du 11 septembre pour ne pas provoquer
de dissension dans son propre camp. Les citoyens, frustrés de ne
pas voir leurs leaders se prononcer et convaincus que les médias
n’admettraient jamais de reconnaître s’être faits berner par
les porte-parole de l’administration Bush, se tournaient spontanément
vers mes analyses.
C’est
alors que le Centre Zayed, le puissant institut d’études politiques
offert par les Émirats arabes unis à la Ligue arabe, m’invita
à m’exprimer à Abu Dhabi. Les diplomates s’y pressèrent si
nombreux que la plupart ne purent entrer dans la salle et assistèrent
à la conférence depuis les jardins aménagés. Elle fut suivie d’une
interview d’une heure par l’un des plus célèbres journalistes
arabes, Faiçal Al-Kassim, pour Al-Jazeera. Au cours de ces
interventions, je présentais de nouveaux éléments et apportais
la preuve que l’attentat contre le Pentagone avait été perpétré
par un missile des forces armées des États-Unis. Surtout, j’appelais
les États membres de la Ligue arabe à demander la constitution d’une
commission d’enquête internationale par l’Assemblée générale
de l’ONU. La polémique politique franchissait un pas de plus et
s’installait désormais dans les relations internationales.
Le
département d’État, qui avait pourtant dépêché une délégation
de sept diplomates pour m’écouter, fut un peu long à réagir.
Le Centre Zayed publia une version arabe de L’Effroyable
imposture, dont 5 000 exemplaires furent offerts par le souverain
aux principales personnalités politiques et intellectuelles du monde
arabe. Les États arabes refusaient d’endosser la responsabilité
collective des attentats. La Ligue arabe et le Conseil de coopération
du Golfe étaient en ébullition. Il devenait urgent pour Washington
de discréditer le Centre Zayed. Une campagne de diffamation fut lancée
pour couper ce prestigieux institut de tout contact étranger. En
définitive, les Émirats arabes unis décidèrent de le fermer, quitte
à créer une nouvelle structure plutôt que de s’épuiser dans
une vaine polémique.
L’Effroyable
imposture était traduite en vingt-six langues et propulsée numéro
1 des ventes dans tous les pays du bassin méditerranéen, sauf
Israël. Comme j’utilisais les premiers bénéfices perçus à financer
les activités éditoriales du Réseau Voltaire dans le
tiers-monde, les atlantistes se mobilisèrent pour organiser la
faillite de mon éditeur de sorte que je n’ai jamais touché des
droits d’auteur qui s’annonçaient considérables.
Washington
exerçait toutes sortes de pressions sur la France pour qu’on me
fasse taire. Une organisation sioniste appela au boycott du
Festival de Cannes par Hollywood, que Woody Allen parvint à désamorcer.
Le département de la Défense menaça les médias qui
persisteraient à rendre compte de ce débat de leur supprimer
toute accréditation. La chasse aux sorcières se généralisait.
Simultanément,
des voix libres se faisaient entendre en Europe. Notamment, celle
de l’ancien ministre allemand Andreas von Bülow et celle de
l’ancien chef d’état-major russe, le général Leonid
Ivashov. L’opinion publique mondiale et les chancelleries étaient
partagées. Après vérifications, les principaux services de
renseignement militaires étaient convaincus de la supercherie de
l’administration Bush. De sorte que l’on peut dire qu’en
moins d’un an, la plus gigantesque opération de propagande de
l’Histoire avait échoué.
C’est
avec un net retard sur le reste du monde que le mouvement pour la
vérité s’est développé aux États-Unis. Une longue période
de deuil était nécessaire aux États-Uniens avant de retrouver
leur esprit critique.
Pendant
ces cinq années qui se sont écoulées depuis le 11 septembre
2001, j’ai reçu plusieurs milliers de menaces de mort par
courrier postal et par e-mail et j’ai dû affronter de grands
dangers. Dans tous mes déplacements, des États et parfois des
particuliers ont mis à ma disposition des escortes armées et des
voitures blindées, sans que j’en fasse la demande. J’ai
appris que l’on pouvait voyager sous de fausses identités et
passer les douanes sans contrôle. Je n’ai jamais su précisément
qui me protégeait ainsi.
J’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux chefs d’état-major,
des chefs de gouvernement et des chefs d’État pour leur présenter
mon enquête sur le 11-Septembre et pour leur communiquer des
informations non publiables. Leurs portes se sont ouvertes devant
moi avec une étrange facilité.
De ce que j’ai compris, j’ai gardé le sentiment d’une dette
personnelle vis-à-vis de Jacques Chirac, que je n’ai jamais
rencontré mais dont la haute figure était toujours évoquée par
ceux qui me recevaient et par ceux qui assuraient ma sécurité.
*
* *
Au
cours de ces rencontres à haut niveau, j’ai observé l’évolution
des relations internationales.
Le
11-Septembre peut être analysé comme un crime de masse ou comme
une opération militaire, mais il restera dans l’Histoire comme
une mise en scène qui a précipité le monde dans des représentations
et un discours irrationnels. Les hommes qui l’ont commandité
ont voulu faire basculer idéologiquement les États-Unis et ils y
sont parvenus. Ce pays est passé d’une conception messianique
de son rôle dans le monde à un millénarisme. Il se pensait
jusqu’alors comme un modèle de vertu et d’efficacité. Il espérait
régénérer la vieille Europe et vaincre le communisme athée.
Voilà qu’il s’affirme comme un État au dessus des autres
ayant, seul, vocation à administrer le monde.
Si
les symboles de la puissance financière et militaire états-unienne,
le Centre mondial du commerce et le département de la Défense,
sont crucifiés, c’est pour mieux transfigurer la bannière étoilée.
À partir de ce moment, les États-Unis n’ont plus ni
adversaires, ni partenaires, ni alliés. Ils n’ont que des
ennemis ou des sujets. La rhétorique officielle s’enfonce dans
le manichéisme : « Qui n’est pas avec nous est
contre nous ». Le monde devient un champ de bataille
eschatologique dans lequel les États-Unis et Israël incarnent le
Bien, tandis que le monde musulman incarne l’Axe du Mal.
Ce
basculement idéologique consacre le triomphe de la doctrine
Wolfowitz sur la doctrine Brzezinski.
A la fin des années 70, Carter et Brzezinski avaient pris la décision
de vaincre le Pacte de Varsovie sans confrontation militaire
directe, mais en dressant le monde musulman contre lui (d’abord
en Afghanistan, puis en Yougoslavie et en Asie centrale) et de réserver
les capacités militaires US pour sécuriser les
approvisionnements en hydrocarbures (création du Central
Command).
Mais, dans la foulée de « Tempête du désert », Paul
Wolfowitz avait préconisé de profiter de l’effondrement de
l’URSS pour abandonner le système de sécurité collective
onusien et affirmer la suprématie sans partage des États-Unis et
d’Israël. Il convenait alors d’accroître au maximum l’asymétrie
des capacités militaires en développant l’arsenal états-uno-israélien
et en dissuadant toute autre puissance de se poser en rivale. Ceci
impliquait notamment de priver l’Union européenne de toute velléité
politique en la noyant dans un élargissement forcé et indéfini.
Ces deux doctrines stratégiques ont été soutenues par des
groupes d’influence économique distincts. Ceux qui rêvent de
croissance continue et d’ouverture des marchés comptent sur la
stratégie de Brzezinski pour garantir un recul des régimes
socialistes et un approvisionnement permanent en énergie aussi
bien pour eux que pour leurs clients. Au contraire, ceux qui rêvent
de maximiser les ventes d’armes et les profits spéculatifs
comptent sur la stratégie de Wolfowitz pour créer des disparités
et des tensions, sans crainte des inégalités, des crises et des
guerres qui sont autant d’occasions de faire du business.
Or, le spectre du pic pétrolier —c’est-à-dire le
commencement de la raréfaction du pétrole exploitable— a
convaincu une société malthusienne que la paix était impossible
à moyen terme et que l’avenir appartiendrait aux prédateurs.
Le
monde actuel doit faire face à deux États expansionnistes, les
États-Unis et Israël. Tous deux sont emportés par une logique
qui les dévore de l’intérieur : ils concentrent toutes
leurs capacités sur l’accroissement de leur puissance militaire
au détriment de leur développement intérieur. Ils ont consacré
presque toute leur activité à l’économie de guerre, de sorte
que pour eux, c’est la paix qui serait funeste. Ils sont
contraints à la fuite en avant ou à la faillite. Cependant, leur
appétit ne menace pas tout le monde de la même manière et pas
en même temps.
Les
Européens se sont comportés comme des autruches. Ils ont refusé
la vérité sur le 11-Septembre parce qu’ils croyaient pouvoir
rester des alliés des États-Unis alors qu’ils n’étaient
plus que des proies. Ils ont admis sans broncher l’attaque de
l’Afghanistan par les Anglo-Saxons, le dégagement d’un long
corridor leur permettant à terme de drainer les hydrocarbures de
la Caspienne, et la plantation de vastes champs de pavot pour
s’emparer des marchés européens de l’opium et de l’héroïne.
Certains Européens, conduits par la France, ont cru pouvoir
s’opposer à l’invasion de l’Irak. Mais ils n’ont pu que
dire le droit et ont été punis de leur audace en étant
contraints de payer cette guerre, par l’entremise de la
dollarisation forcée des réserves monétaires de la Banque
centrale européenne. Reculant un peu plus, les mêmes Européens
tentent aujourd’hui de jouer les médiateurs avec l’Iran comme
si leurs efforts diplomatiques pouvaient infléchir la volonté de
l’Empire.
Loin
de ces atermoiements pitoyables, le monde musulman et les États
latino-américains ont fait preuve de lucidité. Ils ont vite
compris qu’après avoir été considérés comme des variables
d’ajustement durant la Guerre froide, puis comme des pions sur
le « grand échiquier » de Zbignew Brzezinski, ils étaient
promis à l’extermination. Ils avaient le tort d’habiter au
mauvais endroit. Les premiers gênaient l’exploitation des
hydrocarbures ; les seconds utilisaient leurs terres pour se
nourrir au lieu de cultiver les biocarburants indispensables aux
4x4 des yankees. Ce n’est donc pas un hasard si cheik Zayed aux
Émirats, puis Saddam Hussein en Irak et Bachar el-Assad en Syrie
furent les premiers chefs d’État à briser explicitement le
mensonge. Et, dans la même logique, ce sont aujourd’hui les
deux principaux leaders des non-alignés, le Vénézuélien Hugo
Chavez et l’Iranien Mahmoud Ahmadinejad qui sont les plus
diserts sur le sujet.
Les
dirigeants russes, quant à eux, se sont divisés selon un clivage
préexistant. Ceux qui étaient préoccupés d’enrichissement
rapide ne voulaient pas compromettre leur business international
en s’aliénant les États-Unis. À l’inverse, ceux qui rêvaient
de retrouver le statut de superpuissance préconisaient
d’affaiblir Washington en révélant ses mensonges.
Pragmatique, Vladimir Poutine n’a pas tranché, mais a agi de
manière à ce que la Russie tire le plus grand profit de la
situation. Il s’est moyennement indigné de la guerre en
Afghanistan, tant il s’amusait de voir les États-Uniens détruire
eux-mêmes l’émirat des talibans qu’ils avaient constitué
principalement pour servir de base arrière à la déstabilisation
de la Tchétchénie. Il s’est opposé à l’invasion de
l’Irak, mais plutôt que d’affronter aux États-Unis, il a
choisi de les embourber sur place en soutenant en sous-main la Résistance.
Il a adopté la même attitude à propos du Liban et a été
surpris —comme tout le monde d’ailleurs—de la victoire du
Hezbollah sur le régime sioniste. Il souffle aujourd’hui le
chaud et le froid sur l’Iran.
Progressivement, il place son pays non en rival des États-Unis,
mais en protecteur des faibles et en arbitre. De ce fait, il
s’abstient de toute déclaration sur le 11-Septembre et laisse
abondamment s’exprimer à sa place les vétérans du KGB.
Après
avoir plus ou moins longtemps cru à un cauchemar qui s’évanouirait
au réveil, les gouvernements du monde entier ont pris la mesure
du problème posé par le 11-Septembre et la transformation des États-Unis.
Il appartient à chacun de protéger son pays, ce qui n’interdit
pas de mener des actions collectives pour paralyser le fauve. Les
forces armées US et Tsahal sont en effet très dépendants de
leur ex-alliés. Ainsi, le refus turc de laisser l’US Air Force
utiliser son espace aérien pour bombarder l’Irak a contraint le
Pentagone a déplacer son dispositif et à retarder son attaque.
Si d’autres États s’étaient ainsi opposés passivement à
cette guerre, elle n’aurait pas pu avoir lieu.
Toutefois,
le passage à l’action collective suppose une meilleure
connaissance du mode de fonctionnement de l’impérialisme et de
l’impact que pourraient avoir des mesures nationales coordonnées.
C’est à cela que les militants pour la vérité sur le
11-Septembre doivent maintenant se consacrer. Les victimes
centre-américaines des escadrons de la mort de John Negroponte
doivent échanger avec ses victimes irakiennes. Les Indiens du
Guatemala qui ont été parqués dans des réserves par les
conseillers israéliens de la junte doivent rencontrer les
Palestiniens enfermés dans la bande de Gaza. Les personnes enlevées
et torturées en Amérique latine lors de l’Opération Condor
doivent débattre avec celles qui viennent d’être enlevées en
Europe et torturées par la CIA. Etc. C’est ce que nous avons
commencé à faire avec la conférence Axis
for Peace.
Le
mensonge du 11-Septembre a fourni la base de la rhétorique de
l’administration Bush. Le moment est venu d’admettre que
l’on ne peut combattre la politique de cette administration sans
dénoncer ce mensonge.
Thierry
Meyssan
Analyste politique, fondateur du Réseau
Voltaire. Dernier ouvrage paru : L’Effroyable
imposture 2 (le remodelage du Proche-Orient et la guerre
israélienne contre le Liban).
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