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Réseau Voltaire
Le Pentagone
prêt à intervenir avec l’armée turque
Thierry Meyssan *
Photo Réseau Voltaire 8 août 2007 Le
Pentagone a planifié une opération conjointe de ses forces spéciales
et de ses homologues turques contre les séparatistes du PKK en
territoire irakien. Cette attaque aurait des objectifs bien plus
large que ceux annoncés : renforcer le pouvoir militaire
turc face aux Démocrates-musulmans de l’AKP et éliminer les
dirigeants kurdes irakiens qui refusent le pillage de leur pétrole
par les Anglo-Saxons. Sous la menace, les Kurdes irakiens se sont
engagés hier à mettre fin aux activités du PKK dans leur région
et ont adopté une loi régionale sur le pétrole.
La conjonction de questions pétrolières
et religieuses en Irak et en Turquie met en ébullition la classe
dirigeante à Washington. Le Hudson Institute pousse à une
nouvelle opération militaire, tandis que le Washington
Post tente de la faire avorter.
Pour comprendre cet imbroglio qui
peut à tout instant dégénérer, examinons d’abord les enjeux :
Contradictions politiques
La Coalition anglo-saxonne ne
parvient pas à faire adopter par le Parlement irakien sa loi sur
le pétrole et les députés sont partis en vacances sans la
voter. Or, celle-ci est l’objectif principal de l’invasion de
l’Irak et de son occupation, qui ont déjà coûté prés d’1
million de vies humaines. La loi légaliserait les contrats léonins
préparés par un cartel de multinationales composé de BP, Shell,
ExxonMobil, Chevron, et dans une moindre mesure Total et Eni. Elle
autoriserait le vidage complet des réserves pétrolières du pays
dans les années à venir [1].
Les Kurdes irakiens sont le
principal obstacle politique que rencontrent les Anglo-Saxons. En
effet, ils ont lié leur sort aux Anglo-Saxons dans l’espoir que
ceux-ci les aideraient à créer un Kurdistan indépendant qui
incluerait éventuellement des régions de Turquie, d’Iran et de
Syrie.
Laissant l’ambiguïté s’installer, les Anglo-Saxons ont eu
recours aux Peshmergas (les combattants kurdes) pour prendre la
ville de Kirkouk lors de l’invasion de l’Irak (2003). Les
Kurdes irakiens demandent donc légitimement que Kirkouk, leur
capitale historique, soit rattachée aux districts autonomes
qu’ils gèrent aujourd’hui. Ils pensent ainsi récupérer 40 %
des réserves pétrolières d’Irak et financer leur futur État.
Mais évidemment, cela, il n’en est pas question pour la
Coalition.
Au même moment, de l’autre côté
de la frontière ouest, en Turquie, les Kémalistes et les Démocrates-musulmans
s’affrontent. À l’occasion de la procédure d’élection du
président de la République par le Parlement, les Kémalistes laïques
ont accusé les Démocrates-musulmans de jouer aux agneaux, mais
de vouloir en réalité imposer un État confessionnel islamiste.
Rien dans l’attitude du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan,
ni dans celle du ministre des Affaires étrangères et candidat à
la présidence, Abdullah Gül, n’étaye cette accusation qui
semble ressortir exclusivement du fantasme, sinon du procès
d’intention. Mais cette polémique n’a pas manqué d’attirer
l’attention à Washington des partisans du clash des
civilisations qui ont des liens personnels avec Ankara [2].
Ces derniers, qui n’ont pas pardonné à la Turquie d’avoir
refusé l’ouverture de son espace aérien aux forces de la
Coalition pour envahir l’Irak, ni d’entretenir des relations
avec le gouvernement palestinien composé par le Hamas, cherchent
à entraîner la Turquie dans une opération militaire conjointe.
Peu importe laquelle pourvu qu’elle resserre les liens entre
Washington et Ankara.
L’alliance entre la Turquie et
les États-Unis est en effet essentielle pour ces derniers. Si ces
liens venaient à se distendre, Washington perdrait non seulement
le contrôle des détroits reliant la Mer Noire à la Méditerranée,
mais aussi une pièce maîtresse au Moyen-Orient, et enfin le
principal pipe-line d’exploitation du pétrole de la Caspienne.
Or, diverses études d’opinion, ont montré qu’un ressentiment
« anti-américain » se développe chez les Turcs à
propos du carnage en Irak, mais surtout du à cause du soutien
passif des États-Unis aux séparatistes kurdes du PKK.
D’où il ressort qu’une opération
militaire conjointe des États-Unis et de la Turquie contre les
bases du PKK au Kurdistan irakien permettrait de répondre aux
attentes de la population turque, de satisfaire l’état-major
turc, d’arrimer les Démocrates-musulmans turcs du côté de
l’OTAN et, au passage, de d’éliminer plus ou moins discrètement
les dirigeants kurdes irakiens qui s’opposent à la loi
irakienne sur le pétrole.
Agitation à Washington
L’administration Bush a commencé
le montage de son opération en août 2006. Le Pentagone a désigné
Joseph Ralston pour coordonner les futures opérations contre le
PKK. Le général Ralston qui devait être nommé chef d’état-major
interarmes des États-Unis en 2000, manqua ce poste à cause de la
révélation d’un liaison adultérine 13 ans plus tôt. A titre
de consolation, il devint suprême commandeur de l’OTAN
jusqu’en 2003. Au début, son action anti-PKK se résuma surtout
à conclure la vente de 30 F-16 à l’armée turque pour 3
milliards de dollars et à négocier en plus une commande de
futurs F-35 JSF pour 10 milliards de dollars. Des contrats sur
lesquels il touchait lui-même des revenus en qualité
d’administrateur de l’avionneur Lockheed-Martin.
Puis, en novembre 2006, sans tenir
compte de la trêve survenue entre temps, l’administration Bush
a envoyé une délégation spéciale des départements d’État,
de la Justice et du Trésor, faire le tour des capitales européennes.
Elle était conduite par Frank Urbancic, coordinateur adjoint pour
la lutte anti-terroriste au département d’État et ancien
consul-général à Istanbul. Ces émissaires ont suggéré aux
Européens de prendre des mesures bancaires et policières ad
hoc pour bloquer le financement du PKK par la diaspora kurde.
Ils ont également discuté avec les officiels danois des
conditions de fermeture de Roj TV, la télévision
par satellite du PKK.
Au même moment, Matthew Bryza,
l’homme qui supervise la construction des pipe-line en Asie pour
le compte du Conseil national de sécurité US, prit en main la
question des négociations d’entrée de la Turquie dans l’Union
européenne. Il ne s’agissait nullement de forcer la main de
Bruxelles, mais au contraire d’apaiser les Turcs et de laisser
les discussions traîner en longueur.
S’appliquant à plaire aux généraux kémalistes, Matt Bryza
intervint au Congrès, en qualité de conseiller de la secrétaire
d’État Condoleezza Rice pour les affaires européennes et
eurasiatiques, pour bloquer la proposition de loi démocrate
reconnaissant le génocide arménien. Puis, il se fendit de
quelques déclarations pour soutenir l’état-major dans son
refus du cessez-le-feu unilatéral proclamé par le PKK pour
l’hiver.
Simultanément, une spécialiste de la Turquie, Zeyno Baran, reçut
sans discrétion à l’Hudson Institute le général Ergin Saygun,
chef d’état-major adjoint turc. Puis, elle publia un article
provoquant dans Newsweek, intitulé « Le
Coup d’État à venir ? ». Elle y assurait que les négociations
d’adhésion à l’Union européenne exerçaient une influence néfaste
sur la Turquie. En effet, en demandant que l’armée turque se
soumette complètement au pouvoir civil, Bruxelles ouvrait la voie
à une accession des islamistes au pouvoir par la voie des urnes.
Un coup d’État militaire serait alors la seule solution pour préserver
la « démocratie » face à la charia [3]..
Alors que cet article soulevait un vif émoi à Ankara où l’on
craignait de voir une nouvelle fois les États-Unis renverser le régime,
l’ambassadeur Matthew Bryza multiplia les démentis. Il souligna
que le département d’État éprouvait le plus grand respect
pour le gouvernement Erdogan et n’avait, jamais, jamais, envisagé
de recourir à la manière forte.
Des démentis qui ont convaincu à Ankara, mais qui sont apparus
distrayants à Washington pour ceux qui n’ignorent pas que Zeyno
Baran est la maîtresse de l’ambassadeur Matthew Bryza.
Washington se fit discret quelques
mois, durant l’élection présidentielle controversée et la
campagne des élections législatives. Mais, le 13 juin 2007,
Zeyno Baran convoqua une réunion secrète à l’Hudson Institute,
à Washington dans la 15e rue, à deux blocs de la Maison-Blanche.
Parmi les personnes présentent se trouvaient l’attaché
militaire de l’ambassade de Turquie, le général Bertan
Logarlaroglu ; le directeur du Centre d’études stratégiques
de l’état-major (SAREM), le général Suha Tanyeri ; et
Kubat Talabani, fils du président irakien Jalal Talabani. Les
invités planchèrent sur un scénario de politique-fiction :
la présidente de la Cour suprême, Tulay Tugcu, est assassinée,
puis un attentat fait 50 morts à Istanbul. Un communiqué du PKK
revendique les deux actions et, par rétorsion, 50 000 soldats
turcs franchissent la frontière nord-irakienne pour attaquer les
bases arrières des séparatistes kurdes. Les commandos turcs enlèvent
les chefs militaires du PKK, Murat Karayilan et Cernil Bayik,
qu’ils ramènent en Turquie pour y être jugés.
Une fuite ayant révélé à la
veille du scrutin législatif la tenue de cette réunion, la présidente
de la Cour suprême demanda et obtint des excuses, le président
du parlement, Bülent Arinç, demanda en vain des explications de
l’état-major, et le Premier ministre, Tayyip Recip Erdogan,
qualifia le scénario du Hudson Institute de « dément ».
Le 18 juin 2007, ce fut au tour du
Nixon Center d’organiser un débat public sur la politique
turque. Richard Perle, le pape des néoconservateurs, y expliqua
avec un sourire gourmand que bien que les Démocrates-musulmans ne
représentent pas de réel danger islamiste, il serait sage pour
les États-Unis de feindre d’y croire et de veiller ainsi à
maintenir le pouvoir des militaires par l’intermédiaire
desquels ils peuvent intervenir si nécessaire dans la vie
politique interne. De ce point de vue, poursuivit Perle, l’intégration
de la Turquie dans l’Union européenne, qui suppose la fin du
pouvoir militaire, ne serait pas aujourd’hui une bonne chose.
Les élections législatives du 22
juillet 2007 donnèrent une large majorité aux Démocrates-musulmans :
à lui seul le parti Justice et développement (AKP) obtient 46 %
des voix et 341 sièges sur 550. Dès le lendemain, les principaux
think-tanks états-uniens intéressés par la politique turque
s’interrogeaient sur la nécessité ou non de renverser le
pouvoir civil à Ankara. Zeyno Baran réunit à nouveau son groupe
de travail au Hudson Institute le 24 juillet, tandis que
l’ambassadeur Matthew Bryza intervenait le 26 juillet devant le
très sioniste Washington Institute for Near East Policy (WINEP).
Un consensus s’est formé à partir de ces diverses expertises :
les États-Unis doivent renforcer la position des militaires par
rapport aux Démocrates-musulmans. Pour ce faire, ils doivent
organiser une opération conjointe contre le PKK qui aboutisse à
une victoire militaire, mais ne débouche pas sur solution
politique définitive.
Un projet d’intervention
conjointe des forces spéciales des deux pays fut alors élaboré
par le Pentagone et présenté à huis clos aux principaux membres
de la Commission des forces armées du Congrès. Mais des
parlementaires opposés à cette nouvelle aventure organisèrent
une fuite, sous la forme d’un éditorial de Robert Novak dans le
Washington Post [4].
Les moyens de pression de Washington
Durant la Guerre froide, les États-Unis
ont étroitement contrôlé la vie politique turque afin que le
pays, membre de l’OTAN, ne tombe pas sous influence soviétique.
Pour ce faire, ils se sont appuyés sur les militaires et l’extrême
droite (Les loups gris) et ont développé une branche locale du réseau
Gladio [5].
Pour préserver leurs intérêts, ils ont organisé trois coups
d’État militaires, en 1960, 1971 et 1980. En outre, ils ont
organisé l’éviction du président de la République Necmettin
Erbakan, en 1997, non pas parce qu’il était musulman, mais
parce qu’il avait pris des positions anti-impérialistes et
anti-sionistes.
Les États-Unis n’ont pas immédiatement
réagi à l’affront que leur a infligé le Parlement turc en
leur interdisant d’utiliser l’espace aérien national pour
attaquer l’Irak. Mais, il ont multiplié les messages menaçants
à l’adresse des Démocrates-musulmans malgré la volonté de
conciliation de personnalités comme Abdullah Gül.
Le 17 mai 2006, un attentat a coûté la vie à un juge du Conseil
d’État et en a blessé plusieurs autres. Ce fait divers a été
traité par la presse occidentale comme un crime de plus du
« terrorisme islamique ». Cependant, pour le
gouvernement civil, il s’agissait d’un avertissement clair. Le
vice-Premier ministre Mehmet Ali Sahin n’a pas hésité à déclarer
publiquement que l’attentat avait en réalité été organisé
par le Gladio réactivé et qu’il existait à nouveau des
risques de coup d’État militaire [6].
Dans ce contexte, le scénario étudié par le Hudson Institute
incluant un attentat contre la présidente de la Cour suprême ne
pouvait que soulever de réelles inquiétudes à Ankara.
Pour faire face au séparatisme
kurde, la Turquie doit faire preuve de mesure : il lui faut
à la fois réprimer le PKK et offrir des garanties de citoyenneté
à ses Kurdes. Une action contre les bases arrières des séparatistes
en Irak serait appréciée par l’opinion publique, mais le débordement
de cette opération contre les Kurdes irakiens ferait de la
Turquie un État anti-kurde et transformerait le problème séparatiste
en guerre civile.
Reste qu’Ankara n’a peut-être
pas la possibilité de refuser de se joindre aux plans états-uniens :
pour se faire bien comprendre, le Pentagone a assorti son offre
d’opération militaire conjointe avec la Turquie d’un télégramme
au ministre des Affaires étrangères israélien. Il propose de
remettre en état le pipe-line Kirkouk-Mosoul-Haïfa permettant
d’exploiter le pétrole du Nord de l’Irak sans l’acheminer
vers la Turquie [7] ;
une proposition qui, si elle était mise en œuvre, ruinerait les
pipe-lines turcs.
Il va de soi que ce n’est pas au Pentagone, mais au département
d’État qu’il revient habituellement de discuter de ces sujets
économiques. Aussi ce télégramme doit-il être bien compris
comme le bâton qui accompagne la carotte.
Les erreurs à répétition des dirigeants kurdes
Au cours des cinquante dernières
années, les dirigeants kurdes ont multiplié les erreurs
politiques. Ils ont en effet longtemps caressé le mirage de la
constitution d’un État kurde indépendant. Or celui-ci, s’il
devait être créé, rassemblerait des territoires irakiens,
turcs, syriens et iraniens recélant les plus vastes gisements pétroliers
de la région. Il disposerait donc d’un pouvoir démesuré
qu’aucun de ses voisins, ni aucune grande puissance ne pourrait
admettre. Dès lors, il est irresponsable de soulever des espoirs
qui ne peuvent être réalisés.
À la faveur du Traité de Sèvres
qui démembre l’Empire ottoman et leur promet un État, les
Kurdes proclament un Royaume au Nord de l’Irak, en 1922, mais il
sera dissous par les Britanniques deux ans plus tard. En 1927, ils
forment la République d’Ararat, à l’Est de la Turquie . Mais
ils sont réincorporés de force dans la nouvelle Turquie de
Mustafa Kemal Atatürk.
En 1946, ils mènent une nouvelle tentative, cette fois en
territoire iranien et avec l’appui de l’URSS, c’est la République
de Mahabad. C’est à cette occasion que Mustafa Barzani créé
le Parti démocratique du Kurdistan (PDK). Mais les Soviétiques
se retirent d’Iran au profit des Anglo-Saxons et Téhéran
reconquière la République.
Dans les années 70, Mustafa Barzani négocie un statut
d’autonomie du Kurdistan irakien. En 1973, il s’allie à Israël
et planifie une révolte contre Bagdad pour créer un second front
pendant la « Guerre du Kippour », mais l’opération
est annulée in extremis par Kissinger qui
craint l’embrasement général. Deux ans plus tard, encouragé
par les États-Unis avec lesquels ils s’est allié sans se
souvenir du passé et l’Iran du shah, Barzani exige l’indépendance.
Il rejette la médiation soviétique et organise la révolte
contre Bagdad. Mais, les États-Unis changent de politique et
patronnent un accord Iran-Irak sur le pétrole en sacrifiant les
Kurdes. Plus de 200 000 personnes devront prendre le chemin de
l’exil. Barzani lui-même s’enfuit aux États-Unis, où il
meurt en 1979, laissant la présidence de son parti à son fils
Massoud. Commentant ces événements devant la Commission sénatoriale
Pike qui lui fait remarquer la cruauté de ses revirements
politiques, Henry Kissinger déclare : « l’action
clandestine ne doit pas être confondue avec un travail de
missionnaire »
C’est à cette période que Jalal Talabani créé un parti
concurrent, l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), marqué à
gauche et lucide vis-à-vis des États-Unis.
Lorsque l’Iran choisit la révolution khomeyniste, les États-Unis
arment l’Irak de Saddam Hussein pour le détruire. Durant la
guerre (1981-88), les Kurdes de l’UPK se battent pour l’Irak,
tandis que ceux du PDK hésitent. Saddam Hussein réprime toute
velléité d’entente avec l’Iran en lançant l’opération
Anfal contre les populations civiles. Prés de 100 000 personnes
en seront victimes. Selon la légende médiatique colportée par
la suite par le département d’État, Saddam Hussein aurait
utilisé des gaz pour éliminer 5 000 Kurdes à Halabja. En réalité,
les morts d’Halabja ont été des victimes collatérales de
l’usage des gaz de combat sur le champ de bataille et non des
victimes de l’opération Anfal [8].
Ce gros mensonge vise à présenter la répression baasiste comme
anti-kurde alors qu’elle était dirigée aveuglément contre les
populations suspectées d’intentions de trahison. De la sorte,
la propagande US tente de transformer un conflit politique en
conflit ethnique.
À l’issue de « Tempête
du désert », les Anglo-Saxons créent une zone de
non-survol au Nord de l’Irak où ils développent de
facto un État kurde, géré par le PDK et l’UPK en
districts distincts. Le Kurdistan irakien devient la base arrière
des séparatistes kurdes turcs du PKK d’Abdüllah Öcalan. Ils
entretiennent une guérilla en Turquie et surtout encadrent les émigrés
kurdes en Europe occidentale. Ils exercent ainsi une pression
permanente sur Ankara qui n’est pas pour déplaire à
Washington.
En septembre 1998, les Anglo-Saxons mettent fin à cette situation
ambiguë qu’ils ont entretenue six ans durant. Ils imposent au
PKK de suspendre ses actions armées en Turquie et ils
contraignent le PDK et le l’UPK à un accord politique, qui est
symboliquement signé par eux à Washington.
Et pour s’assurer que la situation ne leur échappe pas, les
Anglo-Saxons organisent une opération conjointe CIA-Mossad-MIT
pour enlever Abdüllah Öcalan, alors réfugié au Kenya, et le
transférer en Turquie, où il sera jugé et incarcéré.
Lorsque les Anglo-Saxons
envahissent l’Irak, le PDK du clan Barzani joue la carte de
l’indépendance rapide, tandis que l’UPK de Jalal Talabani
choisit le fédéralisme. Wajeeh Barzani, frère de Massoud, qui
rappelle à son parti que les États-Unis n’ont jamais tenu leur
parole en ce qui concerne le Kurdistan et qu’il convient donc
d’être prudent, meurt le 6 avril 2003 : son convoi escorté
par les Forces spéciales US est bombardé « par erreur »
par un avion états-unien qui le tue avec ses gardes du corps
kurdes et ne blesse pas son escorte US.
Le temps presse
À Washington, où on a que faire
des Kurdes ni des autres populations de cette région, on
s’impatiente. Dressant le bilan de la « libération »
de l’Irak, lors d’une conférence de presse à la
Maison-Blanche à la mi-juillet, le président Bush s’est plaint
que la loi sur le pétrole n’ait toujours pas été adoptée [9].
De son côté, la presse anglo-saxonne déplore que les députés
irakiens puissent lever la session parlementaire et partir en
vacances alors que l’on a besoin d’eux et que des Gi’s
meurent pour eux.
Toutes les conditions sont réunies
pour que le Pentagone frappe un grand coup. Quelques
parlementaires démocrates s’y opposent. Pour éviter une
catastrophe, le gouvernement régional kurde irakien a pris hier,
7 août 2007, l’engagement écrit auprès d’Ankara de cesser
d’abriter le PKK sur son territoire. Simultanément, les Kurdes
irakiens ont voté en urgence une loi régionale sur le pétrole
qui, sans satisfaire les appétits des « majors », préserve
leurs ambitions.
Thierry
Meyssan
Journaliste et écrivain, président du Réseau
Voltaire.
[1]
« L’Irak
occupée cédera-t-elle son pétrole aux « majors » ? »,
par Arthur Lepic, Réseau Voltaire, 20 juin
2007.
[2]
« La
"Guerre des civilisations" » et « Le
FPRI et Robert Strausz-Hupé » , par Thierry Meyssan, Réseau
Voltaire, 4 juin et 24 septembre 2004.
[3]
« The Coming Coup d’Etat ? », par Zeyno Baran,Newsweek,
édition datée du 4 décembre 2006.
[4]
« Bush’s
Turkish Gamble », par Robert D. Novak, The
Washington Post, 30 juillet 2007.
[5]
Voir Les
Armées Secrètes de l’OTAN, par Daniele Ganser,
Editions Demi-lune, août 2007.
[6]
« Attack traces to a Gladio-like organization », par
Erdel Sen, Zaman, 24 mai 2006.
[7]
« US checking possibility of pumping oil from northern Iraq
to Haifa, via Jordan », par Amiram Cohen, Haaretz,
1er août 2007.
[8]
« Huit
légendes médiatiques sur l’Irak », par Jack Naffair,
Réseau Voltaire, 13 mars 2003.
[9]
Conférence de presse du président Bush, Maison-Blanche, 12
juillet 2007. Et distribution au Congrès le même jour de l’Initial
Benchmark Assessment Report.
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