Réseau Voltaire
Arche
de Zoé : que faisaient Nicolas, Cécilia et François dans cette
galère
Thierry Meyssan
Nicolas Sarkozy et Idriss Déby
6
novembre 2007 Des citoyens
français intoxiqués par la propagande atlantiste ont été
convaincus qu’un génocide se déroulait au Darfour et qu’ils
pouvaient sauver des enfants d’une mort certaine. Ils ont financé
l’équipée de « l’Arche de Zoé » qui a tenté
d’enlever des enfants au Tchad. Étrangement, lorsque la presse
s’est emparée de cette affaire, le président Sarközy n’est
pas venu au secours des enfants victimes, ni des familles
d’accueil abusées, mais des voleurs d’enfants. Pour protéger
qui ?
La presse française ne manque pas
un éditorial pour brocarder le président tchadien Idriss Déby
qui a accusé sans retenue l’association humanitaire l’Arche
de Zoé d’avoir tenté d’enlever des enfants pour satisfaire
des pédophiles et se livrer à un trafic d’organes. Simultanément,
elle loue le président français Nicolas Sarközy, qui s’est
immédiatement déplacé au Tchad pour faire baisser la tension et
rapatrier plusieurs prévenus.
L’ombre de Cécilia
Le Figaro
s’est fait l’écho de la colère de la nièce d’un des bénévoles
de l’Arche de Zoé incarcéré au Tchad : ce sapeur-pompier
aurait été abusé par les dirigeants de l’association qui lui
aurait fait croire que l’opération de sauvetage des enfants était
patronnée par Cécilia Sarközy [1].
Mais le quotidien n’indique pas
de quelle manière les dirigeants de l’Arche de Zoé avaient pu
convaincre les bénévoles d’un tel patronage s’il
n’existait pas.
Et si ce patronage était
imaginaire, pourquoi le président Sarközy s’est-il cru obligé
de monter immédiatement en première ligne ? [2]
Un Sarközy peut en cacher un autre
L’objet social de
l’association l’Arche de Zoé est d’« intervenir
en faveur des enfants victimes du tsunami du 26 décembre 2004, à
Banda Aceh (Sumatra, Indonésie) pour leur permettre de retrouver
des conditions de vie décentes par des programmes sanitaires,
sociaux et éducatifs ; développer, mettre en œuvre et
coordonner des programmes de réhabilitation de l’environnement
familial et social de ces enfants ; développer tout
programme en adéquation avec les besoins des enfants et de leur
environnement de manière à favoriser le retour à l’autonomie,
de façon plus générale ; mettre en œuvre toute action
permettant de venir en aide aux enfants en difficulté, en détresse
ou victimes de catastrophes naturelles ». Comme ne le
laisse pas deviner cet énoncé humanitaire, l’association est
une initiative d’un organisme semi-public français, Paris
Biotech Santé. Celui-ci a été fondé conjointement par l’Université
Paris-V Descartes, l’INSERM, l’École centrale de Paris, et
l’ESSEC, et dispose de tous les agréments officiels nécessaires.
Son objet est de soutenir des projets de création d’entreprises
dans le domaine du médicament, des dispositifs médicaux et des
services aux malades [3].
Paris Biotech Santé gère un immeuble de 3 200 m²,
dont 2 500 m² de laboratoires, à l’hôpital Cochin. Ces
installations ont été inaugurées en grande pompe, il y a trois
semaines par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, le président
de la région Île-de-France, Jean-Paul Huchon, et le président
de l’université Paris-V Descartes (Jean-François Dhainaut) [4].
Il résulte de ce montage que la
finalité ultime de l’Arche de Zoé est de tester des programmes
sanitaires sur des enfants en difficulté dans le tiers-monde en
vue de leur développement commercial.
Les liens organiques de l’Arche
de Zoé et de Paris Biotech Santé sont attestés par l’avis de
création de l’association publiée au Journal
officiel de la République française du 2 juillet 2005. Il précise :
« Siège social : 23, rue Hallé, 75014
Paris. Courriel : lefebvre.s@parisbiotech.org ».
Au demeurant, Stéphanie Dhainaut-Lefèbvre, contact légal de
l’Arche de Zoé est aussi la directrice adjointe de Paris
Biotech Santé et l’épouse du président de l’université.
En outre, l’Arche de Zoé est la déclinaison française de la
Zoe’s Ark Foundation Inc. (154 A’Becket Street, Melbourne
3000, Victoria, Australie). Malgré le communiqué de la Fondation
assurant n’avoir aucun lien avec l’association homonyme française,
tous les responsables français sont membres de l’organisation-mère
australienne, y compris Paris Biotech Santé qui figure parmi la
liste fiscale en notre possession.
Contacté par téléphone, Paris
Biotech Santé indique que seul son directeur, le professeur
Olivier Amedée-Manesme, est habilité à répondre à la presse
et que celui-ci n’est pas joignable. C’est dommage car il
aurait été en mesure d’indiquer quel avis le Comité d’évaluation
de Paris Biotech Santé a émis sur le programme Arche de Zoé ;
un Comité d’évaluation où siège le docteur François Sarközy,
médecin pédiatre. Contacté à son tour par téléphone, le secrétariat
de François Sarközy nous assure qu’il transmet notre question
et nous rappelera.
François Sarközy est
politiquement proche de son frère aîné, le président Nicolas
Sarközy, au point que celui-ci, lorsqu’il était maire de
Neuilly et ministre de l’Intérieur, l’avait fait nommer médiateur
dans le conflit social de l’hôpital américain de Neuilly [5].
Le Figaro le
présentait au lendemain de l’élection présidentielle comme
l’une des 100 personnalités qui compteraient désormais « au
coeur de la future équipe de France » [6].
Le média sarközyste (excusez le pléonasme) précisait : « Ce
pédiatre de 48 ans, vice-président du Conseil de surveillance
d’une société de biopharmaceutique, s’est beaucoup rapproché
de son grand frère Nicolas lors de la campagne, notamment à
l’occasion de séjours brefs mais studieux dans la maison de
François, en Provence. » De son côté, Le
Nouvel Observateur indique : « Autant
Nicolas Sarkozy entretient des relations orageuses avec son frère
aîné Guillaume, un temps vice-président du Medef, autant il se
sent proche de François, un pédiatre devenu manager. C’est
chez lui que Sarkozy a reçu ses amis, le soir de son discours
“fondateur” du 14 janvier, et c’est dans sa maison du Midi
qu’il s’est parfois réfugié pendant la campagne » [7].
Le Monde note : « Le
frère cadet de M. Sarkozy a été beaucoup vu au cours de la
campagne. C’est chez lui, dans sa maison des Alpilles, que
l’ex-ministre a passé de nombreux week-ends ces derniers mois.
En l’absence de Mme Sarkozy - qui n’a été
officiellement présente au côté de son mari que le 14 janvier
et le 22 avril, et enfin dimanche 6 mai sur le podium dressé
place de la Concorde, à Paris, au soir de la victoire -, il
a symbolisé une présence familiale autour du candidat. Interrogé
un jour sur le sens de sa présence, François Sarkozy, soucieux
de lever toute ambiguïté, avait précisé : “Je ne le
soutiens pas, je l’accompagne”. » [8]
François Sarközy est aussi une
personnalité influente des médias. Ainsi Libération
lui a attribué un rôle dans l’éviction de Robert Namias de la
direction de TF1 au lendemain de l’élection présidentielle [9].
À la rubrique « François
SARKÖZY de NAGY-BOCSA », le Who’s Who in
France indique : « Interne des Hôpitaux
de Paris en pédiatrie (1983-85 et 1987-89), Assistant au
laboratoire de physiologie respiratoire de l’hôpital Trousseau
à Paris (1989-90) ; aux laboratoires Roussel-Uclaf :
Chef de projet international pour les antibiotiques (1990-93),
Directeur du développement clinique international (1994-95),
Responsable du développement international (1995) ; au
groupe Hoechst Marion Roussel : Vice-président, Directeur de
la gestion du portefeuille et des projets en développement
international à Bridgewater (États-Unis) (1996-98), Directeur médical
et pharmaceutique pour la France (1998-99) ; Président-directeur
général du Centre international de toxicologie (1998-99) ;
Directeur médical pour la France à Aventis (1999-2000), Associé
du Cabinet de conseil en stratégie et en organisation devenu AEC
Partners (depuis 2001), Président d’AEC Partners Inc. (depuis
2006) ; Vice-président, Membre du conseil de surveillance de
BioAlliance Pharma (depuis 2005) »
Bio Alliance Pharma termine ses
expérimentations humaines pour le lancement de médicaments
luttant contre des maladies opportunistes du cancer et du HIV,
Loramyc, Lauriad et Transdrug [10].
Le monde étant petit, en 2006, le
principal client de François Sarközy à AEC Partners est le
syndicat français de l’industrie pharmaceutique (LEEM), lequel
emploie aussi Stéphanie Lefebvre de Paris Biotech Santé et de
l’Arche de Zoé, via LEEM-Recherche.
Le président Idriss Déby ne
s’est certainement pas exprimé à la légère. Le rapatriement
des journalistes et des hôtesses de l’air impliqués dans cette
opération a dû être chèrement négocié. Au demeurant, le
Tchad, en traduisant en justice les responsables de l’Arche de
Zoé, conserve un moyen de pression non-négligeable sur le président
français.
Thierry
Meyssan
Journaliste et écrivain, président du Réseau
Voltaire.
[1]
« La nièce d’un des Français détenus dénonce les
mensonges de l’association », par Angélique Négroni, Le
Figaro, 3 novembre 2007.
[2]
« Nicolas Sarkozy en première ligne dans l’affaire de
l’Arche de Zoé », AFP, 4 novembre 2007.
[3]
« Paris Biotech : un cocon protecteur pour jeunes
entreprises de la santé », AFP, 3 octobre 2006.
[4]
« Inauguration de la pépinière d’entreprises Paris Santé
Cochin », AFP, 17 octobre 2007.
[5]
« Fin de la grève du personnel de nuit à l’Hôpital américain
de Neuilly » et « Accord direction/personnel de nuit
à l’Hôpital américain de Neuilly », AFP, 17 et 28 février
2006.
[6]
« Les 100 noms qui vont compter » par Yves Derai, Le
Figaro, 12 mai 2007.
[7]
« Aujourd’hui, ce sont eux qui incarnent la fameuse
"rupture" - Les 100 de Sarkozy », par Hervé
Algalarrondo, Le Nouvel Observateur, 10 mai
2007.
[8]
« Eux aussi ont fait gagner Sarkozy », Le
Monde, 8 mai 2007.
[9]
« ...Des rides, et c’est pas fini » par Raphaël
Garrigos et Isabelle Roberts, Libération du
22 mai 2007.
[10]
« BioAlliance Pharma Names Francois Sarkozy as Vice-Chairman
of its Supervisory Board ; Healthcare Industry Professional
Brings Further Operational and International Experience to
Specialty Pharma Company », Business Wire,
5 janvier 2006.
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