Venezuela
infos
Face à une
Amérique du Sud unie et souveraine,
la France et l'Europe ridicules
Thierry Deronne
Les
présidents de l’Union des Nations
d’Amérique du Sud Rafael Correa
(Equateur), José "Pepe" Mujica
(Uruguay), Cristina Fernandez
(Argentine), Evo Morales (Bolivie),
Nicolas Maduro (Venezuela), Dési
Bouterse (Surinam) et d’autres pays
membres comme le Pérou ou la Colombie,
demandent "des excuses et des
explications à la France et aux autres
pays" dont les gouvernements ont abdiqué
leur souveraineté et violé le droit
international sur injonction du
gouvernement des États-Unis.
Vendredi 5 juillet 2013
La réponse n’a pas tardé. Ce 5 juillet à
Cochabamba (Bolivie), lors de la réunion
d’urgence de l’UNASUR accompagnée d’une
mobilisation des mouvements sociaux, le
président équatorien Rafael Correa
résume la position de ses homologues
latino-américains au sujet de l’atteinte
à la souveraineté de la Bolivie et à
l’immunité de son président Evo Morales
(1) : “nous n’acceptons pas qu’on
nous traite comme une colonie, le monde
entier doit réfléchir sur la gravité de
ce qui s’est passé : on a empêché un
président jouissant d’une absolue
légalité de traverser un espace aérien.
Si cela s’était produit contre les
États-Unis ou un pays européen cela
aurait constitué un casus belli.
On a détruit la charte des États-Unis et
l’amitié entre États. (..) Que Edward
Snowden fût ou non dans l’avion n’entre
pas en ligne de compte. Un président a
le droit de transporter qui il veut dans
son avion. Le problème est que certains
se sont perdus dans l’Histoire il y a
500 ans et que le droit international
qu’ils invoquent si souvent ne vaut que
quand il leur convient”.
La présidente argentine Cristina
Fernandez avait dès les premiers
instants, depuis son compte Twitter,
dénoncé "la violation de l’immunité
absolue conférée par le droit
international, garantie par la
convention de 2004 et le Tribunal de la
Haye", souligne qu’ "il ne s’agit ni
d’une erreur ni d’un problème technique,
ils veulent comme il y a cinq siècles
nous soumettre, une fois de plus, à
l’humiliation et à l’asservissement."
Le président vénézuélien Nicolas
Maduro explique "qu’en quelques secondes
nous nous sommes retrouvés dans ce monde
unipolaire que nous rejetons tous, où un
seul se croît le maître du monde.
L’Amérique Latine rebelle et
révolutionaire se lève et parle d’une
seule voix" et rappelle que le 12
juillet une réunion du Mercosur
analysera également cette violation du
droit international, déjà condamnée par
l’ALBA, l’OEA et les autres nations
latino-américaines, du Chili à Cuba et
du Mexique au Nicaragua ou au Brésil.
T.D., Caracas, le 5 juillet 2013.
Nous publions le point de vue de Patrick
Bèle, journaliste au Figaro. Si
Le Monde ou Libération
restent enlisés dans des règlements de
compte idéologiques franco-français sur
ce qui bouge en Amérique Latine, en
revanche le Figaro, journal de droite lu
par des entrepreneurs en recherche de
marchés, se doit à une certaine empathie
avec le réel, du moins dans ses pages
"internationales".
Avion de Morales : la France et l’Europe
ridicules
Ainsi donc, François Hollande,
président de la République
française, a expliqué depuis
Berlin, que dès lors que
« j’ai su que c’était l’avion du
président bolivien, j’ai donné
immédiatement l’autorisation de
survol » de la France. Voilà donc
l’hôte de l’Elysée
transformé en aiguilleur du ciel.
Consternant.
Tout aussi consternant que la
déclaration alambiquée du Quai
d’Orsay qui exprime « les
regrets de la France suite au
contretemps occasionné pour le
président Morales par les
retards dans la confirmation de
l’autorisation du survol du territoire
par l’avion du président».
Rappel des faits : le président
bolivien, Evo Morales,
rentrait de Moscou dans
son avion présidentiel quand la
France et l’Italie
ont refusé le survol de leur
territoire après que le Portugal a
interdit une escale technique
indispensable avant la traversée de
l’Atlantique, au motif que
Edward Snowden, l’informaticien
à l’origine des révélations sur
l’espionnage massif organisé par les
Etats-Unis (programme PRISM)
principalement contre l’Europe était
dans l’avion. Information qui s’est
révélée fausse.
Le président Evo Morales
a dû faire escale à
Vienne où l’ambassadeur
espagnol, sous prétexte de boire un café
avec le président bolivien, aurait tenté
de monter dans l’avion présidentiel pour
vérifier si Edward Snowden
était à bord ou non. Mais quand
bien même la présence de Snowden
aurait été avérée, comment la France,
qui vient de protester
vigoureusement contre l’espionnage
massif dont elle est victime,
peut-elle se permettre de refuser le
survol d’un avion présidentiel à ce
motif ?
Les circonlocutions du Quai
d’Orsay invoquant « un
retard dans la confirmation de
l’autorisation » sont stupides :
quand un avion présidentiel doit
survoler le territoire national, les
demandes de survol sont déposées très en
amont et, en l’espèce, l’autorisation
avait été obtenue le 27 juin.
Cette affaire révèle au grand jour la
soumission de l’Europe en
général et de la France en particulier
aux diktats de Washington.
Alors que, comme Reporters sans
Frontières le demande, l’Europe
devrait protéger Edward
Snowden, trois de ses membres
(Italie, France et Portugal)
se sont comportés comme les simples
supplétifs de
Washington dans sa volonté de poursuivre
devant la justice ce lanceur d’alerte.
Elle révèle aussi l’incroyable
comportement néocolonial
de l’Europe qui, au mépris de
toutes les règles internationales, se
permet d’interdire à un chef
d’Etat le survol de son
territoire l’obligeant à une humiliante
escale de 13 heures à Vienne. Déjà il y
a un an, la menace de Londres
de donner l’assaut contre
l’ambassade équatorienne
pour récupérer Julian
Assange, créateur de
Wikileaks, avait été un exemple
de ce mépris européen
pour les pays latino-américains et le
droit international.
Mais dans cette affaire, ce n’est pas
le président bolivien qui a été humilié
mais bien l’Europe, qui s’apprête, comme
si de rien n’était, à entamer les
négociations sur l’accord de
libre-échange avec les
Etats-Unis à partir de lundi
prochain (sous la surveillance des
micros de la NSA ?).
Les pays sud-américains n’ont pas
manqué de réagir. Un Sommet de
l’Unasur s’est tenu à
Cochabamba ce jeudi 4 juillet.
La présidente argentine Cristina
Kirchner a estimé qu’un avion
« disposant d’une immunité absolue a
été illégalement détenu dans la
Vieille Europe, ce qui
constitue un vestige du
colonialisme que nous pensions
totalement dépassé. Cela n’a pas été
seulement une humiliation pour la
Bolivie, mais pour toute
l’Amérique du Sud ».
De son coté, le gouvernement
chilien « regrette et
refuse le traitement auquel a été soumis
le président de la Bolivie…
et lance un appel à éclaircir ce qui
s’est passé ». Rappelons que le
Chili est présidé par
Sebastian Pinera, qui
n’est pas exactement un dangereux
gauchiste anti-états-unien.
(Photos David Mercado/Reuter à La
Paz et Patrick Domingo/ AFP à VIenne.)
Note :
(1) Lire également l’article de
Maurice Lemoine, ex-rédacteur en chef du
Monde Diplomatique et spécialiste de
l’Amérique Latine, "France –
Espagne – Italie – Portugal, les petits
chiens de l’Oncle Sam",
http://www.legrandsoir.info/les-petits-chiens-de-l-oncle-sam.html
URL de cet article :
http://venezuelainfos.wordpress.com/2013/07/05/face-a-une-amerique-du-sud-unie-et-souveraine-la-france-et-leurope-ridicules/
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