|
Tariq Ramadan.com
Rencontre avec Dieudonné et Alain Soral
Tariq Ramadan

Tariq Ramadan
Mardi 14 avril 2009
J’étais présent au 26ème congrès de l’Union des Organisations
Islamiques de France (UOIF), les samedi et dimanche 11 et 12
avril 2009. J’ai rencontré le public et signé des livres à l’un
des stands.
Alors que je signais des
ouvrages, Dieudonné et Alain Soral sont passés devant le stand :
ils se sont arrêtés et nous avons eu un échange de quelques
minutes. Beaucoup de personnes présentes m’ont reproché de les
avoir salués alors qu’il y avait des caméras et des appareils
photos qui les accompagnaient et qui « immortalisaient » cette
rencontre comme d’autres pendant la durée du congrès. Au moment
de notre rencontre, je ne savais pas, au demeurant, que
Dieudonné et Soral avaient choisi le congrès du Bourget pour
lancer la campagne européenne du « Parti antisioniste ».
Il importe ici de
clarifier les choses. J’ai défendu, et je continuerai à
défendre, le droit de Dieudonné à s’exprimer. En 2005, j’ai dit
et répété publiquement que l’on ne pouvait pas accuser Dieudonné
d’antisémitisme alors que, procès après procès, il était blanchi
de ces accusations. Ma position, il y a quatre ans déjà, était
claire déjà : je n’étais pas d’accord ni avec le contenu ni avec
la forme de certaines interventions de Dieudonné mais je
m’opposais – et je m’oppose aujourd’hui encore – à toute forme
de diabolisation qui empêcherait le débat et la confrontation
d’idées. A tous ceux qui me reprochent de rencontrer Dieudonné
et Soral (samedi dernier ou auparavant), je réponds que, sur le
plan des idées, le rejet, l’ostracisme et la mise au ban
définitive ne font pas partie de ma philosophie et de ma
compréhension du débat démocratique.
Je refuse néanmoins de la
même façon les potentielles instrumentalisations de ma personne
ou de ma pensée. J’ai dit et répété que rien, jamais, ne peut
justifier un rapprochement avec l’extrême droite dont
l’idéologie et les projets politiques sont à l’antithèse de ce
que je défends. Je l’avais dit à des militants d’extrême droite
comme à Marine Le Pen. Lors de notre courte rencontre au
Bourget, c’est ce que j’ai dit et répété à Dieudonné et à Soral.
Je n’adhère pas à cette stratégie et je ne partage pas (et ne
partagerai jamais) ce type d’alliances politiques quelles que
soient les circonstances et les conditions. Je ne crois pas, par
ailleurs, que le fait d’être « antisioniste » suffise à
déterminer le programme d’un parti à l’échelle de l’Europe : ma
critique de la politique de l’Etat d’Israël est ferme, et
connue, et elle s’inscrit dans une vision large et cohérente du
respect des droits et de la dignité des peuples.
Entre la diabolisation et
l’instrumentalisation potentielles des uns et des autres, ma
position reste claire : rencontrer, écouter, débattre,
critiquer. Cela veut dire refuser les atteintes (très
sélectives) à la liberté d’expression (et donc défendre le droit
de Dieudonné ou Soral à s’exprimer ou à se produire en France)
mais également m’autoriser des critiques claires et fermes (et
j’espère constructives) quand les idées et les stratégies
défendues me paraissent inacceptables, ou simplement erronées.
© Tariq Ramadan 2008
 |