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L'EXPRESSIONDZ.COM
Le visage dévoilé des Iraniennes
Tahar
Fattani
Photo VoyageForum.com
15 octobre 2008 Bras dessus, bras dessous, les
jeunes Iraniens se divertissent dans les jardins publics et les
grands boulevards de la ville.
Cigarette aux lèvres, la main accrochée au
volant, la moitié de la tête enveloppée dans un petit foulard et
le visage maquillé, telle est l’image frappante d’une femme
iranienne repérée dans Téhéran. Cela est aussi la face cachée de
l’iceberg, si l’expression nous est permise. C’est une image que
jamais personne n’aurait imaginé, avant de mettre les pieds sur
le sol des Perses. Trop de questions et autant de soucis me
taraudaient l’esprit avant de prendre le vol à destination de
l’aéroport international Imam-Khomeyni. La peur mêlée d’une
curiosité jamais ressentie nous envahissent. Avant
l’embarquement, les amis, la famille et les proches étaient
étonnés sur le pourquoi d’un tel voyage dans ce pays, au point
qu’ils tentaient de me
convaincre d’y renoncer. Les préjugés sont là. Nombreux sont
ceux pour qui l’Iran est synonyme d’insécurité, d’inconnu...
C’est le terrorisme. C’est le spectre de la guerre, les femmes
emballées dans le tchador, marque indélébile de la République
islamique «intégriste»... C’est le pays des kamikazes.
C’est le pays qui produit et qui exporte les terroristes. Bien
sûr, les étiquettes et les fausses informations ont la vie dure.
Quittant l’aéroport international Imam-Khomeyni à 1 heure du
matin, nous étions prêts à affronter ce pays sur lequel il est
tant dit, mais surtout armés d’une insatiable soif de découverte
d’un pays dont les images véhiculées par les médias occidentaux
ne sont pas faites pour rassurer. C’est la nuit. Tout est sombre
à la sortie de l’aéroport. Téhéran garde encore tous ses
secrets. Le suspense et la curiosité sont toujours présents dans
l’esprit de ces voyageurs venus du lointain Maghreb. Mais c’est
un tout autre Téhéran qui va s’offrir à nous. Sous les klaxons
des voitures et le bruit provoqué par la ville, la capitale
iranienne s’éveille. La ville montre alors son dynamisme. Les
grands boulevards sont encombrés de files interminables de
voitures. Les magasins et les grandes surfaces lèvent les
rideaux. Les Iraniens vaquent à leurs occupations et les
étrangers se baladent au centre-ville et dans les jardins
publics, sans doute en quête d’exotisme. Et voilà! Le comble du
paradoxe ne vient que de commencer dans un pays aux mille
secrets. Bras dessus, bras dessous, les jeunes Iraniennes et les
jeunes Iraniens profitent de leur temps libre pour s’amuser. Ils
se divertissent agréablement, comme ils le peuvent et comme ils
le veulent. La main dans la main, les couples ne sont dérangés
ni par les citoyens ni par la police et encore moins par cette
fameuse «police de moeurs» qui a fait les choux gras des
médias occidentaux. «Ici personne n’a le droit de demander
quoi que ce soit à quiconque. La police n’osera pas même
demander leurs papiers. Ils sont libres, dans les limites de la
charia et le respect d’un Etat islamique, de rester autant
qu’ils veulent ensemble et à toute heure», a précisé notre
traducteur, Réda, 25 ans. Dans les rues, le tchador se fait de
plus en plus rare. Les filles portent beaucoup plus le jeans,
baskets et manteaux que le tchador. Attention! Le foulard est
obligatoire. Mais, il s’agit plutôt d’un foulard à la mode,
souvent chic et «in». Les mèches de cheveux folâtrent
librement, hors d’un foulard porté plus par coquetterie que
comme symbole de l’interdit. Mieux, ces foulards colorés égayent
leur visage. Les Iraniennes, comme toutes les femmes dans le
monde, prennent soin de leur chevelure et l’on distingue les
cheveux noirs, blonds, comme la chevelure naturelle de celle
colorée. Nombreuses sont celles qui sortent de chez elles la
tête à moitié nue, un pull serré et un pantalon assorti d’une
liquette au-dessus des genoux. «Les femmes ne sont pas
soumises au tchador. Le gouvernement les oblige à porter le
foulard, des vêtements à manches longues et, au minimum, de se
couvrir d’un manteau», explique encore Réda.
Téhéran by night
Doucement, la nuit commence à tomber. La ville va sûrement se
calmer. Les rues vont certainement être désertées. Il serait
sans doute préférable de rejoindre l’hôtel. Or, on découvre
l’autre aspect de Téhéran: elle vit intensément la nuit. Alors
que l’obscurité est tombée depuis quelques heures, la ville
continue de vivre et grouille de monde. Téhéran by night! Les
restaurants ne désemplissent pas. Les couples en profitent et
vivent comme ils peuvent. C’est le temps de l’affection et c’est
l’heure de la tendresse. La gent féminine grille cigarette après
cigarette. Alors qu’il est tard dans la nuit, les cafés servent
encore du thé iranien. Les familles se baladent en ville et
notamment, dans les jardins publics. La nuit se transforme en
jour. Les artères des avenues sont illuminées. Le décor
multicolore qu’offrent les magasins éclairés, ainsi que les
nombreux panneaux publicitaires qui scintillent au loin, sont en
parfaite synchronisation avec les jeux de lumière de la ville.
De longs et beaux tableaux affichent les derniers films de la
semaine à l’écran. Les salles de cinéma affichent complet à
chaque séance. Les magasins exposent les dernières modes pour
jeunes, vieux, femmes et enfants. Le choix est large. Les
foulards, le châle, le tchador, le jean, le manteau et les
baskets peuvent être achetés à toute heure. Pour les amateurs de
mode ou les branchés, des magasins proposent de grandes marques
internationales. Les marchés sont spécialisés. Du bazar au
marché populaire, chacun y trouve son compte. De grands
boulevards alignent des magasins spécialisés dans le bijou et
l’artisanat. De grandes boutiques ne vendent que des habits
classiques pour hommes. Des grandes surfaces sont consacrées aux
chaussures pour femmes. D’autres proposent des robes de soirée
et de mariage. A 23h00 environ, les jardins publics
accueillaient encore les familles et les couples. Au Parc
Milatte, grand jardin public, il fait jour au milieu d’une nuit
sombre. Tous les coins sont illuminés. Les uns jouent au
ping-pong, les autres dans les espaces de loisirs alors que les
couples roucoulent sur des bancs ou assis dans les grandes
surfaces gazonnées. Les moyens de transport sont à la
disposition des citoyens. Les bus circulent de jour comme de
nuit.
Le métro assure le service jusqu’à minuit. Exceptionnel en Iran,
à Téhéran les propriétaires de motocyclettes font dans le
transport public. Ils assurent, en cachette, le transport
nocturne à bord des motos. Même des femmes voilées s’accrochent
au dos du motocycliste pour un déplacement contre quelques «tomanes»,
(unité monétaire, car la monnaie officielle est le rial
iranien).
Les tableaux qu’offre la ville dévoilent la face cachée d’un
Iran qu’on était loin de soupçonner. Ce n’est pas cet Iran sous
embargo et peinant à vivre.
Amateurs de musique occidentale
Un Iran menacé par la guerre. Les préoccupations politiques ou
les menaces que font peser les Occidentaux sur l’Iran, dans
l’affaire du nucléaire, sont loin. Comme partout ailleurs dans
le monde, les jeunes Iraniens aiment écouter de la musique. Ils
aiment écouter tous les genres de musique, y
compris...l’occidental.
Dans les cafés, on évoque tous les sujets, ou presque tout. La
prudence est de mise néanmoins, quand il s’agit de sujets
politiques.
En tant que journaliste et étranger, il est un peu difficile et
gênant de discuter avec un Iranien sur la gestion des affaires
du pays. Dans les jardins de la ville, quelques étudiants
parlent de politique. Au nombre de quatre, ils sont partagés
entre partisans et opposants au régime actuel. Les uns appuient
la candidature de Mahmoud Ahmadinejad pour un second mandat,
tandis que d’autres ne le souhaitent pas. «Vous n’avez qu’à
voir le chômage, la pauvreté et l’inflation. Le président actuel
a mis l’économie nationale à genoux. Je suis étudiant et je
risque de me retrouver au chômage, une fois mes études
terminées. Il n’y a aucune garantie et aucun espoir de vie»,
déclare un jeune étudiant, la vingtaine, qui souhaite
s’installer aux Etats-Unis. Et d’enchaîner, affublé d’un pull
hip-hop des basketteurs américains, un jean taille basse et une
casquette de rappeur portée à l’envers: «Le président
Ahmadinejad veut s’investir dans le social à travers son travail
de proximité, mais il n’ y a rien de concret. Nous voulons et
nous souhaitons un changement», a-t-il encore dit, sous le
couvert de l’anonymat. Une idée rejetée par son ami qui affirme:
«Même avec autant de pauvreté, j’atteste que le taux de
chômage a nettement diminué. Je ne vois pas un successeur
compétent qui peut faire mieux que l’actuel président.»
Après avoir quitté ce groupe, un autre jeune s’invite à la
discussion pour vider son sac contre le président actuel.
En fait, les avis sont partagés et cela fait de l’Iran un pays
tout à fait normal où les mécontents de la gestion des affaires
de l’Etat par le régime islamiste s’opposent à ceux qui estiment
que leur pays est, malgré les erreurs, sur la bonne voie. Notre
séjour a été assez court en fait, pour nous faire une idée
probante de l’état d’esprit des Iraniens quant à la politique
suivie par leurs dirigeants.
Mais ce séjour nous aura néanmoins permis de faire la part des
choses et de constater, sur place, que Téhéran n’a rien à envier
aux autres capitales du monde et n’est pas la prison que nous
nous imaginions découvrir.
Aussi, on a beau dire et écrire sur l’Iran et le mode de vie de
sa population, la réalité est, elle, autrement plus classique,
même si notre brève présence à Téhéran ne nous a pas permis de
découvrir les mille et un secrets de cette perle de l’Orient.
De notre envoyé spécial à Téhéran, Tahar
FATTANI.
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de reproduction et de diffusion réservés © L'Expression
Crédits photo: VoyageForum.com
Publié le 15 octobre 2008 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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