|
Opinion
Entre la France et le Hezbollah, des
contacts permanents
Soraya Hélou
Vendredi 17 septembre 2010
Il y a quelque chose de nouveau dans l’air. L’information
publiée dans le quotidien « Al Akhbar » sur une demande
présentée par l’ambassadeur de France Denis Pietton pour
rencontrer le secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan
Nasrallah n’est pas passée inaperçue. Certes, du côté de
l’ambassade de France aussi bien que de celui du Hezbollah, on
refuse de faire le moindre commentaire. Mais cette absence de
démenti formel (ni d’ailleurs de confirmation claire) est en
elle-même l’indice que l’information est plus qu’une simple
rumeur. Il faut certes encore du temps pour qu’elle trouve son
chemin jusqu’à Haret Hreik et pour que les positions se
clarifient. Mais des sources proches de l’ambassade de France
ont déclaré à certains médias que le principe d’une telle
rencontre est acquis. La France a décidé depuis longtemps de
s’ouvrir à toutes les parties libanaises et d’adopter une
politique équilibrée entre toutes les composantes de cette
société. C’est ainsi que depuis des années, la France a établi
des liens avec tous les partis représentés au sein du Parlement,
y compris avec le Hezbollah, qui possède un important bloc de
députés. Les rencontres entre ces députés et les fonctionnaires
de l’ambassade sont régulières. Plus que cela, la France a
organisé sur son territoire la conférence de dialogue
inter-libanais à Saint Cloud et les représentants du Hezbollah à
cette conférence, MM.Mohammed Fneiche et Nawaf Moussawi ont été
officiellement invités à Paris et accueillis comme les autres
participants par le ministre français des AE Bernard Kouchner.
On raconte même que ce dernier aurait été impressionné, au cours
des rencontres de Saint Cloud, par le calme, l’ouverture et la
solidité du raisonnement des représentants du Hezbollah.
C’est dire que les autorités françaises ont établi un dialogue
avec le Hezbollah depuis plusieurs années et il serait naturels
qu’un jour, le niveau de ce dialogue passe par une rencontre
entre l’ambassadeur et le secrétaire général du parti. D’autant
que la France, à l’instar de l’Union européenne n’a jamais
accepté de placer le Hezbollah sur la liste des organisations
terroristes.
De son côté, le responsable des relations internationales du
Hezbollah, Sayed Ammar Moussawi reflète en gros le climat. Dans
un entretien avec le site « french.moqawama », il a précisé que
les deux parties sont soucieuses de maintenir un contact
régulier entre elles, même lorsque le climat est quelque peu
brumeux. Cela ne signifie pas, selon Sayed Moussawi que les deux
parties sont d’accord sur toutes les questions, mais il est
utile de maintenir le contact. « Nous avons déclaré à maintes
reprises, affirme Sayed Moussawi, que la France et l’Union
européenne ne devraient pas coller leur politique à celle des
Etats-Unis dans la région. La France et l’Union européenne
peuvent mieux comprendre les subtilités de la région et être par
conséquent plus efficaces. En n’ayant pas une politique propre,
elles neutralisent leur rôle dans la région ». Sayed Moussawi
fait remarquer à cet égard que la France et l’Union européenne
sont ainsi absentes des négociations israélo-palestiniennes
actuellement en cours. Le ministre français des AE Bernard
Kouchner l’a lui-même déclaré : « Nous sommes absents, même de
la photo », a-t-il lancé.
Le responsable des relations internationales du Hezbollah
reconnaît que la France et l’Union européenne ont refusé de
suivre les directives américaines et de placer le Hezbollah sur
la liste des organisations terroristes, mais il ajoute qu’elles
peuvent remplir un rôle plus important encore dans la région et
au Liban. Il revient ainsi sur les récentes tentatives de
modifier les règles de l’action au Sud et la position claire du
Hezbollah selon laquelle toute tentative de ce genre ne peut
être décidée unilatéralement mais doit faire l’objet d’une
entente et obtenir l’accord de toutes les parties.
Sayed Moussawi rappelle qu’en plus de l’iftar donné par
l’ambassadeur Pietton, auquel il a assisté, une rencontre a eu
lieu ces derniers jours entre lui et le chargé d’affaires
français. C’est dire que les contacts sont constants et ils sont
publics et médiatisés, la France ayant dépassé le complexe du
secret sur ses contacts avec le Hezbollah. Toutefois, le dossier
du TSL reste un sujet de divergence entre les deux partis. Au
début, a précisé Sayed Moussawi, la France avait fait du
tribunal spécial pour le Liban, une affaire quasi personnelle.
Aujourd’hui, cette position est plus nuancée et le président
Nicolas Sarkozy a placé en tête de priorités la stabilité
libanaise dans son derniers discours devant la conférence des
ambassadeurs de son pays. Auparavant, les diplomates français
avaient tâté le terrain sur la réaction du Hezbollah au cas où
des éléments du parti seraient accusés de l’assassinat du
Premier ministre martyr Rafic Hariri et notre réponse a été
claire : une telle accusation est la voie la plus rapide vers la
guerre civile. Nous sommes naturellement convaincus qu’il s’agit
d’une tentative politique de s’en prendre à la résistance, en
disant aux sunnites que des chiites ont tué leur leader. Cette
accusation éventuelle est d’autant plus suspecte qu’elle
intervient après des accusations similaires portées contre la
Syrie qui se sont évaporées comme par miracle lorsque les
relations entre la Syrie et la communauté internationale se sont
améliorées…
Maintenant, c’est le tour du Hezbollah d’être visé et certaines
voix s’élèvent pour dire qu’il faut prendre notre réaction à la
légère et que nous cherchons simplement à faire peur. Ce n’est
évidemment pas vrai. Pour nous, il ne s’agit pas d’assurer la
stabilité aux dépens de la justice. Au contraire, nous voulons
la justice, mais une justice « juste » et fondée sur des
éléments concrets, non sur des considérations politiques. En ce
qui nous concerne, nous demandons à la communauté internationale
de cesser d’utiliser cette affaire et d’en faire une partie d’un
vaste plan visant à affaiblir la résistance. Le Liban ne
supporte pas que l’on joue avec ses équilibres confessionnels et
avec sa fragile sécurité. Ceux qui se considèrent comme les amis
du Liban doivent aider à désamorcer cette bombe à retardement…
».
A partir de ces constantes, toute rencontre devient possible et
c’est aux deux parties, précise sayed Ammar Moussawi, de définir
le niveau de leurs rencontres. Il rappelle aussi qu’il y a deux
mois, l’ambassadeur de France s’est entretenu avec cheikh Naïm
Kassem, « alors que chaque délégation française au Liban prévoit
dans son emploi du temps libanais une rencontre avec des
responsables du Hezbollah. De même que certains responsables,
notamment du centre de documentation du parti sont invités à
participer à des forums en France… ».
Une éventuelle rencontre entre l’ambassadeur Pietton et Sayed
Nasrallah - si elle se vérifie- constituerait donc un
développement tout à fait normal. Elle aurait surtout une valeur
symbolique de la part de la France, d’autant qu’à peine l’écho
publié dans la presse libanaise, de vives protestations lancées
par les dirigeants israéliens et dans la presse israélienne
(notamment le quotidien Yedioth Aharonot) ont commencé à se
faire entendre. Si l’information se concrétise, cela
signifierait que le climat général en Europe aurait changé et
que l’Europe serait de moins en moins convaincue des positions
israéliennes.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
Partager
Le
sommaire de Fadwa Nassar
Le dossier
Hezbollah
Dernières mises à
jour
|