Occupation israélienne et
collaboration
« Nous ne voulons pas la guerre »
Silvia Cattori
Vendredi 13 février 2009
Amnesty International a affirmé, le 10 février 2009, que les
forces du Hamas, donc de la résistance palestinienne, auraient
assassiné une vingtaine de Palestiniens soupçonnés de collaborer
avec Israël. Toute exaction
est choquante. Toute violence faite aux humains par des humains,
est injustifiable. Il faut la refuser, la combattre. Néanmoins
ici, ne faut-il pas placer ces actes cruels dans le contexte
d’une guerre asymétrique impitoyable et commencer par désigner
ceux qui sont à l’origine de ces horreurs ? Israël, l’occupant,
par sa stratégie du diviser pour régner, n’est-il pas le vrai
coupable ?
La plupart des exécutions
extrajudiciaires israéliennes, qui ont frappé des cadres de la
résistance et des civils, n’auraient pas été possibles sans la
collaboration contre nature de certains Palestiniens avec
l’armée israélienne.
Aussi longtemps qu’Israël ne
rendra pas au peuple palestinien ses droits et sa dignité, il y
a fort à craindre que des vengeances et des règlements de
comptes se produisent à nouveau.
Quoi qu’il en soit de ces
exécutions et de leurs raisons, ce sont ici vingt morts de trop.
D’autres pays, en des circonstances analogues ont connu ce
triste phénomène : en France, à la Libération, l’épuration
aurait fait environ 11’000 morts parmi les collaborateurs.
Il s’agit là d’un phénomène
inquiétant malheureusement inhérent à la guerre mais qui, ici,
prend une ampleur effroyable du fait que les divisions sont
profondes et que les gens sont très pauvres. Il est donc facile
pour Israël de recruter des collaborateurs.
Ces Palestiniens qui
trahissent leur cause, en travaillant pour les services de
renseignement israélien, constituent un très lourd et douloureux
fardeau pour une population captive. Il convient donc de prendre
en considération l’extrême danger que représente la
collaboration avec le camp adverse dans un contexte de guerre ou
d’occupation militaire.
Nous avons demandé à Raed, un
habitant du camp de réfugiés de Beit Hanoun comment les gens sur
place ont réagi en apprenant que des Palestiniens, compromis
semble-t-il dans des actes d’espionnage, avaient été exécutés
par des Palestiniens durant la dernière guerre israélienne.
Silvia
Cattori : Est-il vrai que, dans le
cadre de règlements de comptes, le Hamas, durant cette dernière
guerre, aurait tué plus d’une vingtaine de collaborateurs
palestiniens, comme l’a rapporté Amnesty international ?
Amnesty international devrait
dire dans quel contexte les résistants du Hamas ont tué une
vingtaine de personnes. Il ne s’agissait pas de citoyens
ordinaires mais de collaborateurs avec Israël, de traîtres,
d’espions ; de gens très dangereux qui travaillaient à aider
Ramallah et Israël à liquider la résistance.
Amnesty devrait dire dans
quel contexte précis ces actes sont survenus ; qu’il ne
s’agissait pas d’exécutions et de persécutions survenues dans un
contexte normal ; mais d’actions, survenues depuis le 27
décembre, dans le cadre d’une guerre israélienne qui faisait
régner la terreur à Gaza.
Israël bombardait Gaza et
devait compter sur des espions pour localiser les cadres du
Hamas et pouvoir les liquider avec des missiles.
Tout cela s’est passé dans un
contexte effroyable de guerre qui a conduit les résistants à
agir immédiatement contre les espions ; ainsi que contre toute
personne dont le comportement paraissait suspect de menacer les
dirigeants et les combattants palestiniens.
Le 27 décembre, quand les
bombardiers israéliens ont terrorisé Gaza, en tuant et blessant
en quelques minute un millier de personnes, des hommes du Fatah
sont sortis dans la rue et ont commencé à faire la fête et à
distribuer des bonbons aux gens, comme pour dire que cette
attaque d’Israël était une libération.
Ces hommes qui ont été tués
ou frappés aux jambes par le Hamas étaient emprisonnés pour
collaboration avec Israël quand, le 28 décembre je crois, Israël
a lancé des missiles sur la prison pour qu’ils puissent
s’enfuir. 80 à 90 d’entre eux ont été rattrapés, et livrés au
Hamas. Nombre d’entre eux ont été tués pour éviter qu’ils ne
passent dans le camp ennemi, parce que le Hamas n’avait pas,
dans ces circonstances, les moyens de les garder sous contrôle.
Quand les gens ont appris
que, parmi les fuyards tout de suite rattrapés et exécutés, il y
avait les trois frères de la famille Abou Ashbieh, il y a eu un
sentiment de soulagement. Même si les gens n’aiment pas les
exécutions. Ces trois frères étaient des traîtres, qui ont pu
s’échapper de la prison d’où les Israéliens les ont libérés,
parce qu’ils avaient, par le passé, participé à l’assassinat de
résistants en donnant aux militaires israéliens l’endroit où ils
se trouvaient. Leur exécution est liée à ces circonstances
particulières ; elle a rassuré la majorité des gens car, en vie
et en liberté ils étaient une menace.
Ces espions sont un vrai
problème. C’est dans ce contexte de guerre qu’il y a eu ces
problèmes que dénonce Amnesty.
Silvia
Cattori : Ces espions vivent-ils cachés
dans un lieu précis ?
Il y en a dans chaque
quartier où ils vivent avec leurs familles. Ce sont des gens
appartenant généralement au parti du Fatah qui, durant des
années, sous le commandement de Mohammed Dahlan, ont assassiné
et torturé de nombreux patriotes palestiniens. Les gens ont très
peur de ces gens là.
Quand le Hamas arrive à les
identifier comme espions les gens sont soulagés. Ces espions
nous créent de graves problèmes. C’est grâce à leur aide que les
drones ou les pilotes israéliens peuvent liquider par missiles
et avec précision des résistants. Ce sont des gens qui
collaborent avec Israël pour assassiner leurs frères ; ce sont
des gens très dangereux pour le peuple palestinien.
Ceux qui collaborent avec
l’Autorité palestinienne de Ramallah, c’est pareil ; car
l’Autorité transmet également les informations de ces espions à
Israël.
Il est important que le Hamas
tienne ces espions sous contrôle. C’est à cause de ces espions
que le ministre de l’Intérieur Saïd Siyam, a pu être localisé et
assassiné par un missile durant la dernière guerre ; il y a
avait des hommes qui le suivaient et l’ont signalé.
Nous vivons dans ce contexte
là, si traumatisant pour notre peuple. De cela, Amnesty ne parle
pas. Mais uniquement de ce qui tend à désigner le Hamas et la
résistance comme des criminels, alors qu’ils sont là pour nous
protéger du pire. Alors les vengeances en temps de guerre sont
ce qu’elles sont. Même si nous n’aimons pas cela, on n’aime pas
non plus savoir que ces gens trahissent leur peuple.
La répression qui, durant
cette guerre, a malheureusement frappé certaines personnes du
Fatah, est donc vue ici comme une nécessité pour notre survie.
La guerre est une chose
terrible. Nous ne voulons pas la guerre. Nous voulons vivre en
paix. Nous voulons l’union entre Palestiniens.
Silvia
Cattori : Au milieu de ce désastre, y
a-t-il quelque chose de positif qui vous aide à garder le
moral ?
La chose très positive est
que la résistance s’est renforcée ; les gens ont montré qu’ils
étaient capables d’un immense esprit de sacrifice ; cela est un
sentiment très encourageant, quelque chose de fort. Ils ont
montré qu’ils sont capables d’un niveau de résistance
exceptionnel ; un niveau qui va au-delà de tout ce à quoi on
pouvait s’attendre.
Les gens ont montré qu’ils
étaient prêts à résister jusqu’à sacrifier leur vie, leur
maison, leurs champs, par refus de se rendre. Ils ont exprimé
par là leur refus de quitter leur terre quoi que puisse faire
Israël. On se dit que si, en 1948, les gens avaient pu avoir ce
même état d’esprit, jamais Israël n’aurait pu les chasser hors
de la Palestine.
En dépit de toutes nos
difficultés, notre moral est bon car nous n’avons pas capitulé
face à plus fort que nous. Ceci est le côté positif.
Il y a aussi, bien sûr, un
côté négatif. Les gens sont en train de souffrir à cause des
dévastations et des privations dans lesquelles ils sont plongés.
Ils sont dans l’attente de ce qui va se passer. Les usines, les
fermes sont détruites ; des zones entières ont été effacées ; le
chômage et la pauvreté ont augmenté.
Avant la guerre, il y avait
27 usines de ciment à Gaza. Les Israéliens ont entièrement et
délibérément détruit 17 usines ainsi que les machines et les
camions : ils ont tout rasé au moyen de bulldozers. Les usines
restantes ont été partiellement détruites. Toutes les usines de
ciment sont donc paralysées. Ils interdisent maintenant le
ciment d’entrer. Il y a bien là une volonté de nous empêcher de
reconstruire ce qu’Israël a détruit.
Si, après tous ces
sacrifices, Israël continue d’interdire l’entrée des
marchandises et de nous emprisonner, le résultat ne sera pas à
la hauteur du sacrifice. Cela est une catastrophe pour nous.
Silvia Cattori
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