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Planète non violence
Le
Grand Mensonge : L'Iran est une Menace
Scott Ritter
Photo RIA Novosti
8 octobre 2007
L'Iran ne s'est jamais manifestée comme une menace sérieuse
concernant la sécurité nationale des Etats-Unis, ou par
extension comme une menace sécuritaire pour la sécurité
mondiale. Au maximum de l'»exportation « de la révolution
islamique de l'Iran au milieu des années 80, la République
Islamique a démontré une capacité peu impressionnante pour
projeter son pouvoir au delà des frontières immédiates de
l'Iran, et cette projection s'est seulement limitée au Liban
ravagé par la guerre.
Les capacités militaires iraniennes ont atteint leur maximum en
modernité à la fin des années 70, pendant le règne de Reza
Shah Pahlevi. Les effets combinés de la méfiance
institutionnelle de la part des théocrates qui gouvernent
actuellement la République Islamique d'Iran à l'égard des
institutions militaires conventionnelles ont conduit au délabrement
de l'armée à cause de financements inadéquats, et à la création
d'une organisation para militaire compétitive, le Commandement de
la Garde Révolutionnaire Iranienne (IRGC), et, la désastreuse
guerre de huit ans avec l'Irak, a montré que l'Iran n'a jamais pu
construire une puissance militaire conventionnelle capable de
projeter son pouvoir régionalement, encore moins de le faire sur
la scène mondiale.
Là où l'Iran a montré sa capacité sur la scène mondiale c'est
par la projection du fondamentalisme shi'ite islamique, mais même
dans ce cas les résultats ont été mitigés. Les histoires à
succès de l'Iran lorsqu'il s'agit d'exporter la révolution
islamique se limite aux relations coûteuses entre l'Iran (via
certains éléments de l'IRGC) et le mouvement Hezbollah au Liban,
et autrement sont inexistantes. En fait, les efforts des IRGC pour
exporter la révolution islamique à l'étranger, spécialement en
Europe et dans d'autres pays ont produit des effets à l'opposé
de ceux désirés. Sur la base d'observation faites par d'anciens
et d'actuels officiers des IRGC, il apparaît en fait, et plus fréquemment,
que les agents choisis pour propager la révolution ne
retournaient pas en Iran, constatant que la coexistence pacifique
avec l'Occident était non seulement possible mais préférable à
l'exportation du fondamentalisme islamique. Nombre de ces
officiers des IRGC ont commencé à pousser les théocrates
dirigeant l'Iran à la modération, à la fois en terme
d'interface avec l‘Occident et en matière de politique intérieure.
Le concept d'une incompatibilité inhérente entre l'Iran, même
gouvernée par une classe dirigeante théocratique, et les
Etats-Unis, est fondamentalement vicié, spécialement vu sous une
perspective iranienne. L'Iran d'aujourd'hui cherche à s'intégrer
de façon responsable parmi les nations du monde, maladroitement
dans certaines circonstances, mais aux antipodes des tentatives
brutes d'exporter la révolution islamique comme au début des années
80. Les Etats-Unis affirment que l'Iran est un danger présent et
réel pour la sécurité des US et du monde entier, et citent les
efforts iraniens pour acquérir la technologie nucléaire, le
soutien continu de l'Iran au Hezbollah au Liban, le « statut »
de l'Iran comme un état soutenant le terrorisme, et les interférences
dans les affaires intérieures de l'Irak et de l'Afghanistan comme
principaux exemples de la façon dont se manifeste cette menace.
Sur chacun des points, le cas construit contre l'Iran s'effondre
quand on les scrute de près. L'Agence Internationale à l'Energie
Atomique (AIEA), mandatée pour enquêter sur le programme nucléaire
iranien, a conclu qu'il n'y a pas de preuve que l'Iran poursuit un
programme d'armement nucléaire. De plus, l'AIEA a conclu qu'elle
pouvait contrôler le programme nucléaire iranien pour être sûre
qu'il ne dévie pas du programme autorisé de production d'énergie
nucléaire que l'Iran déclare comme étant l'objectif exclusif de
ses efforts. Le soutien de l'Iran au parti du Hezbollah au Liban,
tout en étant une source de préoccupation pour l'Etat d'Israël,
ne constitue pas une menace pour la sécurité nationale américaine,
principalement parce que le soutien fourni est de nature
principalement défensive, conçu pour aider le Hezbollah à
dissuader et repousser un assaut israélien sur le territoire
souverain du Liban. De même, le gros des données utilisées par
les US pour soutenir ses accusations que l'Iran est un état qui
sponsorise le terrorisme dérive du soutien mentionné ci-dessus
apporté au Hezbollah. D'autres arguments présentés sont soit
scandaleusement périmés (remontant au début des années 80
lorsque l'Iran en fait exportait son fondamentalisme islamique) ou
non prouvés par des faits.
Les accusations US concernant l'interférence de l'Iran à la fois
en Irak et en Afghanistan ignorent la réalité que les deux
nations sont frontalières de l'Iran, que les deux pays ont été
envahis et occupés par les US, et non pas par l'Iran, et que
l'Iran a une histoire de conflits avec les deux nations qui dicte
le vif intérêt porté aux affaires internes de celles-ci. Les US
continuent d'exagérer la nature de l'implication iranienne en
Irak, arrêtant des « agents de renseignement » qui plus tard
s'avèrent être des responsables économiques et diplomatiques
invités en Irak par le gouvernement irakien lui-même. La plupart
si ce n'est toutes les accusations faites par les US concernant
l'implication militaire de l'Iran en Irak et en Afghanistan, n'ont
été soutenues que par une forte rhétorique bien souvent
contredite ensuite par d'autres responsables militaires ou
gouvernementaux, citant un manque de preuve.
L'Iran en tant que nation ne représente absolument pas une menace
à la sécurité nationale des Etats-Unis, ou à ses alliés
majeurs dans la région, inclus Israël. Le battage médiatique
concernant de soi disantes déclarations faites par le président
Ahmadinejad a crée et entretenu le mythe que l'Iran cherche la
destruction de l'Etat d'Israël. Deux points factuels contredisent
directement ce mythe. Premièrement et principalement, Ahmadinejad
n'a jamais établi d'objectif politique iranien de destruction
d'Israël, notant plutôt que les politiques d'Israël
conduiraient à ce qu'il «disparaisse des pages de l'histoire ».
Deuxièmement, et peut être le plus important, ce n'est pas
Ahmadinejad qui prend les décisions en matière de politique étrangère
pour la République Islamique d'Iran. C'est du seul ressort du «
dirigeant suprême » l'Ayatollah Khomeini. En 2003, Khomeini a
lancé une initiative diplomatique en direction des Etats-Unis
incluant une offre de reconnaissance du droit d'Israël d'exister.
Cette initiative a été rejetée par les US, mais néanmoins représente
l'indication la plus claire de ce qu'est le véritable objectif de
la politique de l'Iran vis-à-vis d'Israël.
En fait, la « menace iranienne » dérive essentiellement de la
rhétorique de ceux qui semblent chercher une confrontation entre
les US et l'Iran, et est largement en contradiction avec la réalité
basée sur les faits. Une récente demande de la part de l'Iran
pour que le président Ahmadinejad soit autorisé à déposer une
gerbe à « Ground Zéro » à Manhattan a été rejetée par les
responsables de la ville de New York. Le tollé public qui a suivi
condamnait l‘initiative iranienne comme étant un affront à
tous les américains, citant la soit disante politique de l'Iran
de soutien au terrorisme. Cette réaction inconsidérée ignore la
réalité que l'Iran s'est violemment opposée à la présence
d'Al Qaeda en Afghanistan pendant les années 90 menant à 2001,
et que l'Iran a été l'une des premières nations musulmanes à
condamner les attaques terroristes contre les Etats-Unis le 11
septembre 2001.
Une estimation de l'Iran faite avec précaution et basée sur les
faits, démontre clairement qu'elle ne pose aucune menace pour les
intérêts légitimes de sécurité nationale des US. Cependant,
si les US choisissent d'appliquer leurs propres objectifs unilatéraux
de sécurité nationale concernant le changement de régime en
Iran, il y aura très probablement une réaction de l'Iran
produisant un impact particulièrement dommageable pour les intérêts
de sécurité nationale des US, inclus les intérêts militaires,
politiques et économiques. Mais l'idée d'accuser une nation
comme l'Iran de constituer une menace à la sécurité simplement
parce qu'elle conserve l'intention et la capacité de défendre la
souveraineté de son territoire face à une agression militaire
non provoquée, est absurde. Cependant, en fin de compte, une
telle absurdité prend le dessus sur la réalité basée sur les
faits, lorsqu'il s'agit de façonner l'opinion publique américaine
sur la question de la « menace « iranienne.
Scott Ritter 8 octobre 2007 – www.CommonDreams.org
Traduction Mireille Delamarre pour planetenonviolence.org
Scott Ritter a été officier des renseignements dans les Marines
de 1984 à 1991 et un inspecteur en armement pour l'ONU en Irak de
1991 à 1998. Il est l'auteur d'un grand nombre de livres dont “Iraq
Confidential” (Nation Books, 2005) , “Target Iran” (Nation
Books, 2006) et le plus récent : “Waging Peace: The Art of War
for the Antiwar Movement” (Nation Books, Avril 2007).
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