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El Watan - La France accueille un détenu
algérien de Guantanamo
Lakhdar Boumediène, un nom désormais
historique
Salima Tlemçani
Lakhdar Boumediène - Photo Zoom-Algérie
Jeudi 7 mai 2009
La plainte, qu’il avait portée contre Bush pour exiger la
justification de sa détention, lui a permis, ainsi qu’à cinq
autres détenus algéro-bosniaques, d’être disculpé, en novembre
2008, par un juge fédéral de toutes les accusations retenues
contre lui, pour faute de preuves.
Déclaré libérable par la justice en novembre dernier, ce n’est
qu’à la fin du mois de janvier 2009 qu’il a été transféré vers
le camp Iguana, une aile de Guantanamo, où les détenus disposent
de certaines libertés. Néanmoins, la Bosnie, pays où il était
installé, avant son enlèvement en 2002, avec cinq autres Algéro-Bosniaques,
par les agents de la CIA, à sa sortie du tribunal criminel de
Sarajevo, qui venait de le disculper des faits liés au
terrorisme, ne lui a pas reconnu sa nationalité bosniaque.
Refusant également de rejoindre l’Algérie, Boumediène est gardé
à Guantanamo, en dépit d’un état de santé jugé critique, dû
surtout à une grève de la faim entamée en décembre 2006, avec
plusieurs autres co-détenus, pour prouver à l’Administration
Bush, qu’il maîtrisait une partie de son destin. Repris par
l’AFP, ses avocats racontent que Boumediène était nourri de
force par ses geôliers qui le « maintiennent sur une chaise,
attaché à sept endroits, avec un masque sur la bouche, et un
tuyau introduit par le nez lui envoie un liquide protéine dans
son estomac ».
Des procédés qui, selon toujours ses avocats, relèvent de la
torture, expliquant : « Une de ses narines a cédé, ils
utilisent l’autre, parfois le tuyau va vers le poumon et non
vers l’estomac. » Des souffrances qui vont prendre fin
incessamment, après que la France – pays où réside la sœur de
son épouse – ait accepté de lui accorder l’asile. Hier, Eric
Chevallier, porte-parole du Quai d’Orsay, a confirmé
officiellement la décision d’accueillir Boumediène, précisant
que « nos critères pour cet accueil sont connus : une
décision au cas par cas en réponse à la demande d’une personne
qui pense ne pas être en mesure ou qui ne souhaite pas retourner
dans son pays d’origine, une évaluation judiciaire et de
sécurité, et l’existence, sous une forme ou sous une autre, d’un
lien avec la France ».
Selon l’AFP, le porte-parole a déclaré : « La décision
française s’inscrit dans le cadre d’une concertation européenne
même s’il s’agit d’une décision nationale (…) La France, avec
ses partenaires européens, n’a eu de cesse d’appeler à la
fermeture du camp de Guantanamo. » Toutefois, aucune
indication n’a été donnée sur les modalités de l’accueil en
invoquant une « nécessaire discrétion à ce stade ». Le
transfert de Boumediène vers la France pourrait donc intervenir
dans les dix prochains jours. Contactée par l’AFP, Abassia
Bouadjimi, l’épouse du détenu, a déclaré avoir « reçu une lettre
de Bernard Kouchner me disant que le président Sarkozy avait
décidé que la France allait accueillir mon mari », précisant
que les autorités françaises lui ont signifié que les formalités
d’obtention de son visa seraient facilitées, mais sans lui
donner d’information sur la date de retour de Lakhdar Boumediène.
Son avocate en France, maître Louisa Tscane, a pour sa part,
exprimé à l’AFP, son souhait d’obtenir « un statut de réfugié
plein et entier et un rapprochement familial ».
Agé de 42 ans, Boumediène avait quitté l’Algérie, au début des
années 1990 pour rejoindre le Pakistan, puis le Yémen et
l’Albanie où il a épousé, en 1995, Abassia Bouadjimi, avant de
s’installer en Bosnie et de travailler à la tête du
Croissant-Rouge de Sarajevo, jusqu’à ce qu’il soit arrêté, avec
cinq autres Algériens vivant en Bosnie, par la police bosniaque,
fin 2001, qui le soupçonnait de préparer un attentat contre
l’ambassade américaine de Sarajevo. En dépit de l’acquittement
du tribunal, Boumediène a été remis aux autorités américaines et
transféré le 20 janvier 2002 vers ce que les détenus appellent
« les cages à ciel ouvert » de Guantanamo. Les quatre Algéro-Bosniaques
ont rejoint la Bosnie, alors que le 5e – auquel la nationalité
bosniaque a été contestée tout comme d’ailleurs pour Boumediène
– a été transféré vers l’Algérie. Sur les 27 Algériens détenus
dans cette prison, il n’en reste que 12, que l’Algérie a accepté
d’accueillir au cas par cas, sans les conditionnalités imposées
par l’Administration Bush. Dès son arrivée à la tête de la
Maison-Blanche en janvier 2009, Barack Obama a pris la décision
de fermer, d’ici 2010, ce que les militants des droits de
l’homme qualifient de « goulag ». Néanmoins, « 50 à 100
détenus ne peuvent ni être libérés ni jugés devant les tribunaux
US », selon le secrétaire américain à la Défense, Robert
Gate.
Droits réservés © El Watan 2007
Publié le 18 juin 2009
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