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Venezuela
Reporters
sans frontières et RCTV
Désinformation
et mensonges
Salim Lamrani
23 juin 2007
Le non renouvellement de la concession d’une durée de 20 ans de
la chaîne privée vénézuelienne RCTV, arrivée à son
terme le 27 mai 2007, a suscité une extraordinaire hystérie médiatique
au niveau international. Pendant plusieurs semaines, la presse du
monde entier s’est focalisée sur un évènement banal qui
d’ailleurs passe inaperçu quand il survient dans les autres
pays de la planète. Elle a transformé une décision
administrative tout à fait régulière et légitime en un
attentat contre la liberté de la presse. Reporters sans frontières
a évidemment participé à cette campagne internationale de désinformation
en publiant, le 5 juin 2007, un rapport hautement tendancieux sur RCTV1.
Fermeture de RCTV
et hégémonie médiatique ?
RSF intitule son dossier « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique ».
L’organisation donne d’emblée le ton en distillant deux
mensonges en une seule phrase. Tout d’abord, RCTV n’a
pas été fermée et peut continuer d’émettre via le câble ou
le satellite. Le spectre radioélectrique étant par définition
limité, le gouvernement vénézuelien a décidé de ne pas
renouveler le contrat à la chaîne et d’accorder ainsi
l’espace libéré à une autre chaîne afin de démocratiser les
médias. Donc, contrairement à ce qu’affirme RSF, RCTV ne
« cesse [pas] d’émettre2 ».
La
seconde contre-vérité réside dans l’expression « hégémonie
médiatique ». Avec ce titre, RSF voudrait faire croire
au lecteur que les autorités vénézueliennes contrôlent les médias
et disposent quasiment d’un monopole dans ce secteur. Pour
convaincre l’opinion publique, Robert Ménard, le secrétaire général
de l’organisation, répète inlassablement la même maxime à la
presse : « Chávez détient une position hégémonique
sur les moyens de communication3 ».
Or, la réalité est tout autre. Au Venezuela, 80% des chaînes de
télévision ouverte et des radios appartiennent au secteur privé.
Pour ce qui est de la télévision par câble et par satellite,
qui est relativement bien développée dans le pays, elle est
presque entièrement contrôlée par des fonds privés. Au niveau
de la presse écrite, les 118 journaux nationaux et régionaux qui
circulent dans le pays sont également contrôlés par le secteur
privé. Il existe effectivement une « hégémonie médiatique »,
mais elle est entièrement le fait des groupes économiques et
financiers privés4.
Décision
arbitraire du Président Hugo Chávez ?
RSF certifie que la décision a été prise « sur
ordre du président Hugo Chávez », et assure qu’elle
est illégale car, selon elle, il faut une « condamnation
judiciaire […] pour refuser à
la chaîne le droit d’émettre pendant les vingt prochaines années ».
Là encore, RSF a recours à un double mensonge. En effet, la décision
est parfaitement légale, respectueuse des normes internationales
et légitime. Comme dans la plupart des pays du monde, le spectre
des ondes hertziennes appartient l’Etat et est destiné à
promouvoir l’intérêt public. De plus, l’article 156 de la
Constitution vénézuelienne ainsi que l’article 108 de la Loi
organique des télécommunications donnent au gouvernement le
pouvoir de réguler l’accès à cet espace. Il n’est
aucunement question de « condamnation judiciaire »
comme le prétend RSF. Enfin, RCTV a toujours le « droit
d’émettre » via câble ou satellite5.
D’ailleurs,
ce n’est pas Hugo Chávez qui a décidé du non renouvellement
de la concession mais la Commission nationale des télécommunications
du Venezuela. La concession de RCTV n’a pas été
renouvelée pour plusieurs raisons bien précises. Tout d’abord,
le gouvernement souhaite procéder à un rééquilibrage entre chaînes
publiques et chaînes privées. Ensuite, RCTV n’a pas
respecté ses obligations et son cahier des charges. Un seul
exemple édifiant : entre juin et décembre 2006, les autorités
ont recensé pas moins de 652 infractions de la part de RCTV.
La chaîne a également dénigré de manière systématique la
politique du gouvernement et a incité à plusieurs reprises la
population à la violence et à la rupture de l’ordre
constitutionnel. La participation avérée de RCTV dans le
coup d’Etat du 11 avril 2002 ainsi que son comportement
putschiste ont été des facteurs non négligeables dans la prise
de décision. RCTV avait notamment participé au sabotage pétrolier
de décembre 2002 qui avait coûté près de 20 milliards de
dollars à l’économie nationale6.
RSF
affirme à ce sujet que RCTV est simplement « accusée »
d’avoir participé au coup d’Etat, alors que les preuves et
les témoignages sont accablants. Le très conservateur journal
français Le Figaro rappelle que « pendant des années,
la chaîne a ouvertement conspiré contre le président en place
en relayant des appels à renverser le régime ». Le
Figaro souligne également que lors du coup d’Etat, la chaîne
« annonçait qu’Hugo Chávez avait démissionné »,
suivant ainsi le plan établi les putschistes, et avait même
reconnu Pedro Carmona comme président intérimaire7.
Suite
au retour du président Chávez, RCTV avait interdit à ses
journalistes de diffuser une quelconque information à ce sujet et
se bornait à diffuser des dessins animés. Le responsable de
production de la chaîne, Andrés Izarra, opposé au putsch, avait
aussitôt démissionné pour ne pas se rendre complice du coup de
force. Lors d’un témoignage à l’Assemblée nationale, Izarra
avait indiqué que le jour du coup d’Etat et les jours suivants
il avait reçu l’ordre formel de Marcel Granier, le président
de RCTV, de « ne transmettre aucune information
sur Chávez, ses partisans, ses ministres ou n’importe quelle
autre personne qui pourrait être en relation avec lui8 ».
Le
conservateur Los Angeles Times retrace également l’itinéraire
de RCTV depuis l’élection de Hugo Chávez à la présidence
de la République en 1998 et souligne qu’elle s’était donnée
pour mission de « renverser le président démocratiquement
élu ». Après le coup d’Etat, « RCTV a
basculé ouvertement dans la sédition [et a] diffusé des images
truquées pour faire croire que les partisans de Chávez étaient
à l’origine des morts et des blessés ». Le journal
rappelle que Marcel Granier s’était rendu au Palais présidentiel
pour faire allégeance au « dictateur Pedro Carmona qui
venait d’abolir la Cour suprême, l’Assemblée nationale et la
Constitution ». Puis le LA Times conclut : « Granier
et les autres ne doivent pas être considérés comme des martyrs
de la liberté d’expression » mais comme des
putschistes9. D’ailleurs, Granier a fait une déclaration
éloquente à RSF au sujet du coup d’Etat : « Je
veux bien admettre que je n’étais pas mécontent de voir partir
Hugo Chávez10 ».
Comment pouvait-il être « mécontent » puisqu’il
avait activement participé à son renversement ?
A
l’évidence, en soutenant et en participant ouvertement à la
rupture de l’ordre constitutionnel en avril 2002, RCTV ne
se souciait pas de l’intérêt public. De plus, il n’est guère
nécessaire de rappeler que si une chaîne de télévision française
ou de n’importe quel autre pays du monde s’avisait d’adopter
un comportement similaire à celui de RCTV, elle ne
durerait pas 24 heures et ses
dirigeants se retrouveraient immédiatement en prison. Pour sa
part, le journal étasunien Houston Chronicle notait que « les
actions de RCTV n’auraient pas duré plus de quelques minutes »
aux Etats-Unis11.
Pourquoi RSF veut-elle faire croire à l’opinion publique
que la culpabilité de RCTV est encore sujette à
discussion ? Tout simplement parce que Robert Ménard et son
organisation avaient eux-mêmes soutenu le coup d’Etat d’avril
2002. Est-il besoin de rappeler la déclaration publiée par RSF
le 12 avril 2002 ? :
« Reclus
dans le palais présidentiel, Hugo Chávez a signé sa démission
dans la nuit, sous la pression de l’armée. Il a ensuite été
conduit au fort de Tiuna, la principale base militaire de Caracas,
où il est détenu. Immédiatement après, Pedro Carmona, le président
de Fedecámaras, a annoncé qu’il dirigerait un nouveau
gouvernement de transition. Il a affirmé que son nom faisait
l’objet d’un "consensus" de la société civile vénézuélienne
et du commandement des forces armées12 ».
Décision
impopulaire ?
L’entité parisienne déclare également que les « opposants
(nombreux) et partisans (plus rares) » avaient simultanément
défilé à Caracas pour appuyer la décision du gouvernement ou
la répudier. Ici, RSF n’hésite aucunement à mentir de manière
éhontée. Les manifestations d’opposants qui ont eu lieu en
signe de protestation n’ont réuni que quelques milliers de
personnes. Par contre, les manifestations de soutien qui se sont déroulées
dans la capitale à l’image de celles du 27 mai et du 2 juin
2007 ont été impressionnantes. En effet, des centaines de
milliers de citoyens avaient défilé dans les rues de Caracas,
montrant leur soutien à Hugo Chávez13. Dans quel but
RSF manipule-t-elle cette réalité ?
RSF reprend également les sondages réalisés par RCTV et
l’opposition pour démontrer l’impopularité de la décision,
en leur accordant un crédit entier et adoptant ainsi une position
ouvertement partisane. Le ministre de l’Intérieur et de la
Justice, Pedro Carreño, a répondu de manière cinglante à cette
allégation : « la liberté d’expression n’est
pas celle de l’empire, ni celle de Reporters sans frontières,
ni celle de la Société interaméricaine de presse (SIP), ni
celle de l’oligarchie, mais celle du peuple qui aujourd’hui
est sorti dans la rue14 ».
RSF évoque « une fermeture désavouée par
l’opinion et la communauté internationale » et cite pêle-mêle
une résolution du Parlement européen adoptée le 24 mai 2007, et
« plusieurs gouvernements ou Parlements latino-américains,
du Brésil au Mexique en passant par le Chili, et même de son
homologue et allié bolivien Evo Morales ». RSF veut
donner l’impression d’une unanimité mondiale contre Hugo Chávez
alors que la réalité est totalement différente. De tout le
continent américain, c’est-à-dire sur près de 25 nations,
seuls trois organes parlementaires (Brésil, Chili, Nicaragua) se
sont prononcés contre le non renouvellement de la concession et
seul le président costaricien Oscar Arias a émis une déclaration
défavorable. Le reste du continent, en commençant par Evo
Morales, s’est soit prononcé en faveur du gouvernement de Chávez
(Bolivie, Cuba, Nicaragua), soit a signalé qu’il s’agissait
d’une mesure administrative qui ne regardait que le Venezuela et
ne souhaitait pas s’immiscer dans les affaires internes de la
nation. Comme on le voit, RSF est experte dans le domaine de la désinformation15.
Pour ce qui est de la résolution du Parlement européen,
elle a été effectivement adoptée le 24 mai 2007, mais seulement
par 43 des 784 députés européens, c’est-à-dire à peine 5,4%
des parlementaires. Cette résolution a été unanimement rejetée
par 741 députés pour son caractère politisé et surtout parce
qu’elle représentait une inacceptable ingérence dans les
affaires internes d’un pays souverain. La plupart d’entre eux
ont refusé de participer au vote et ont quitté l’hémicycle.
Quant à l’OEA et à la Commission interaméricaine des droits
de l’homme, elles n’ont émis aucune condamnation,
contrairement à ce qu’avance RSF, mais simplement des
recommandations d’ordre général sur la liberté de la presse16.
Les autres
manipulations de RSF
RSF assure également que « les
demandes de rendez-vous avec des membres du gouvernement et des
représentants de médias publics ou progouvernementaux sont restées
sans réponse. Aussi éloquent que les propos des personnes
rencontrées, ce silence tend à confirmer que l’affaire RCTV ne
se limite pas à une simple mesure administrative ».
Pourtant, le gouvernement a réitéré à maintes reprises
n’avoir reçu aucune demande de rendez-vous de la part de RCTV.
En promouvant le point de vue de Marcel Granier, RSF fait montre
une nouvelle fois de son côté partisan et stigmatise le
gouvernement démocratique d’Hugo Chávez en le qualifiant de « régime
politique particulier qu’on appelle le ‘chavisme’ ».
Ici, on est loin du thème de la « liberté
d’expression ». Ménard se place dans une situation
d’opposition politique et idéologique en caricaturant délibérément
le gouvernement vénézuelien. Le terme « chavisme »
est en effet souvent utilisé de manière péjorative par
l’opposition17.
RSF conclut son rapport par une contre-vérité manifeste,
mettant en garde contre « l’hégémonie médiatique »
du président. Il est nécessaire d’être précis à ce sujet.
Pour la bande VHF, en 2000, il y avait 19 chaînes de télévision
privées et 1 publique. En 2006, le chiffre est passé à 20 chaînes
privées contre une seule chaîne publique. Depuis le 28 mai 2007,
il y a 19 chaînes privées et deux chaînes publiques, Venezolana
de Televisión et TVes qui remplace RCTV sur les
ondes hertiziennes. Pour la bande UHF, en 2000, il y avait 28 chaînes
privées et deux chaînes publiques. En 2006, il y avait 44 chaînes
privées et 6 publiques. Au niveau des radios, pour les ondes AM,
en 2000 et 2006, il y avait 36 radios publiques contre 143 radios
privées. Pour les ondes FM, il y avait 3 radios publiques contre
365 radios privées en 2000. En 2006, le chiffre est passé à 440
radios privées et 10 radios publiques. Comme on le voit, RSF
affabule18.
« RCTV
diffuserait de la pornographie »,
déclare RSF, utilisant le conditionnel pour suggérer qu’un
doute subsiste sur cette accusation. Pourtant, la chaîne a été
condamnée à plusieurs reprises par le Tribunal Suprême en 1981
et en 2006 pour avoir diffusé des scènes pornographiques à des
horaires de grande écoute. Désormais, RSF remet en cause les décisions
de la plus haute autorité judiciaire du pays19. De
plus, il convient de rappeler que RCTV est la chaîne
qui a été la plus sanctionnée (six fois) dans l’histoire du
Venezuela pour violations de la loi, et une seule fois sous le
gouvernement de Chávez20.
RSF accuse même le Tribunal suprême, qui a ordonné la
mise à disposition des équipements de RCTV à la nouvelle
chaîne TVes, de vouloir « compromettre la présence
de la chaîne du lion sur le câble ». Ici, la
maladresse de Ménard le pousse même à dévoiler à l’opinion
publique qu’en réalité RCTV ne disparaît
pas. En fait, le Tribunal suprême a simplement ordonné la
cession temporaire des émetteurs afin d’assurer la continuité
du service public. De plus, cette décision ne compromet nullement
les possibilités de la chaîne d’émettre par câble, comme
l’ont affirmé publiquement les principales entreprises de ce
domaine21.
Pour RSF, Televen et Venevisión, deux des
principales chaînes privées, qui ont adopté une position plus
rationnelle à l’égard du gouvernement et qui depuis 2004 ont
cessé de lancer des appels à l’insurrection et au renversement
du gouvernement – tout en restant dans l’opposition comme le
montrent aisément leurs programmes –, sont entre les mains du
président Chávez. Même chose pour le quotidien national privé Últimas
Noticias. Pour qu’ils soient qualifiés de médias
d’opposition par RSF, sans doute faudrait-il que ces médias
continuent à dénigrer le gouvernement, à manipuler
l’information, à déstabiliser la nation et à lancer des
appels au meurtre contre Chávez comme l’ont fait RCTV et
Globovisión en mai 2007. RSF fait preuve d’une vision
manichéenne : soit les médias sont contre Chávez, soit ils
sont à sa botte22.
RSF affirme que « Hugo
Chávez n’a cure du droit international ». Cette
accusation est complètement gratuite. En effet, RSF est incapable
de citer un seul cas de violation du droit international
qu’aurait commis le gouvernement bolivarien. L’organisation
certifie également que de nombreux « recours [de RCTV
ont été] reçus favorablement à […] la
Cour interaméricaine des droits de l’homme ». En réalité,
ladite Cour a accepté d’étudier un seul recours le 25 mai 2007
et ne s’est toujours pas prononcée à ce sujet23.
« Hugo
Chávez veut pour 2008 une réforme constitutionnelle qui lui
permettrait d’être réélu indéfiniment »,
signale le rapport qui présente cette volonté comme un grand
danger pour la démocratie. RSF a-t-elle oublié que dans la
plupart des pays occidentaux, dont la France, la réélection
illimitée est une réalité constitutionnelle ? Pourquoi RSF
se prononce-t-elle sur des aspects de politique interne alors
qu’elle affirme être uniquement intéressée par la « liberté
de la presse » et être « apolitique24 » ?
« Un contrôle total de
l’État, du gouvernement, des forces armées. Pas d’adversaire
au Parlement, l’opposition ayant boycotté le scrutin législatif
de 2005. Un parti dominant quasi unique. Vingt-deux gouverneurs
d’État (sur vingt-quatre) entièrement dévoués. Et bientôt,
une société civile pratiquement sous cloche ».
Voici le constat alarmiste de RSF. « Un parti dominant
quasi unique », vitupère RSF, alors qu’il existe plus
d’une dizaine de partis politiques au Venezuela. Sans doute
qu’en France, l’Etat, le gouvernement et les forces armées
sont contrôlés par l’opposition. Quant au Parlement et aux
postes de gouverneur, RSF remettrait-elle en cause le choix démocratique
des électeurs vénézueliens ? Et la société civile se
limite-t-elle à l’opposition de plus en plus marginale ?
Ou bien concerne-t-elle l’ensemble de la population ?
Reprenant la rhétorique de l’opposition qui a subi plus de 10 déroutes
électorales consécutives depuis 1998, RSF prétend
fallacieusement que Chávez contrôle toutes les institutions du
pays, dans le but de faire passer le gouvernement le plus démocratique
de l’Amérique latine pour un régime
autoritaire. Du reste, ces considérations n’ont strictement
rien à voir avec la « liberté de la presse25 ».
L’organisation parisienne s’en prend également à
l’avocate Eva Golinger. Son crime ? Avoir révélé au
grand jour le nom de tous les journalistes vénézueliens financés
par les Etats-Unis par le biais de la USAID, et où « figure notamment le correspondant de Reporters sans frontières »,
comme le reconnaît le rapport rédigé par Ménard26.
RSF assure également que le président Chávez est
conseillé par plusieurs personnalités mondiales pour la réforme
constitutionnelle et cite, entre autres, l’Argentin Norberto
Ceresole. Le seul problème est que Ceresole est décédé en 2003
d’un infarctus du myocarde. Ces grossières erreurs factuelles
montrent le peu de crédit du rapport de l’organisation27.
RSF s’est forgée son opinion sur la réalité médiatique
vénézuelienne après seulement cinq jours de présence dans le
pays, « du 24 au 28 mai 2007 », et après s’être
entretenue uniquement avec des journalistes et patrons de presse
de l’opposition. Son objectif de départ était très clair :
transformer une décision administrative commune à tous les pays
du monde en un acte de censure et d’atteinte à la liberté de
la presse. Comment l’organisation parisienne peut-elle prétendre
faire preuve d’impartialité et de sérieux avec de telles
pratiques28 ?
Pourquoi RSF ne s’est-elle pas indignée contre le non
renouvellement de la concession de la chaîne de télévision
espagnole TV Laciana en 2004, de la chaîne TV Católica
en 2005 et de la chaîne Tele-Asturias en 2006 ?
Pourquoi RSF ne s’est-elle pas mobilisée contre le non
renouvellement de la concession des chaînes britanniques One
TV, Actionworld et StarDate TV 24 en 2006, ou de
Look for Love 2 en 2007 ? Pourquoi Robert Ménard ne
s’est-il pas rendu au Pérou pour enquêter sur la fermeture de
deux chaînes de télévision en 2007, ou au Salvador quand le
gouvernement a décidé de révoquer la concession de la chaîne Salvador
Network en 2003 ? Pourquoi RSF est-elle restée
impassible quand le Canada n’a pas procédé au renouvellement
de la concession de la chaîne Country Music Television (CMT)
en 1999 ? Pourquoi RSF a-t-elle passé sous silence la révocation
de la concession des chaînes étasuniennes Daily Digest en
1998 et FCC Yanks Trinity License en 199929 ?
Cette
indignation à géométrie variable démontre clairement que le
cas ordinaire de RCTV n’est qu’un prétexte pour RSF
afin de stigmatiser Hugo Chávez et continuer sa guerre de désinformation
contre un gouvernement démocratique et populaire. Quand à la
liberté d’expression, toute personne ayant passé 24 heures au
Venezuela ne peut que s’étonner du ton acerbe et fanatique des
chaînes d’opposition à l’égard du gouvernement. Affirmer le
contraire serait un extraordinaire acte de mauvaise foi.
Le
véritable rôle de RSF n’est pas de défendre la liberté de la
presse comme elle le prétend, mais de promouvoir les intérêts
politiques et économiques des entités qui la financent. Parmi
celles-ci se trouve le gouvernement des Etats-Unis, qui arrose généreusement
l’organisation parisienne par le biais la Fondation nationale
pour la démocratie (National Endowment for Democracy),
organisation que le journal le plus important du monde, le New
York Times, qualifie d’officine écran de la CIA30.
Notes
1
Reporters sans frontières, « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique »,
5 juin 2007. www.rsf.org/img/doc/rapport_rctv_fr.doc
(site consulté le 6 juin 2007).
2
Ibid. ; Libro Blanco de RCTV, « Mitos y hechos
sobre Radio Caracas Televisión », Cuba Debate, 30
mai 2007.
3
L’Express, « Chávez bâillonne la dernière chaîne
d’opposition », 29 mai 2007.
4
Ibid.
5
Ibid.
6
Ibid. Pour les 652 infractions voir Jean-Luc Mélanchon,
« Où va la bonne conscience anti-chaviste », 26 mai
2007, www.jean-luc-melanchon.fr
(site consulté le 30 mai 2007). Pour le sabotage pétrolier voir Agencia Bolivariana de
Noticias, « No aceptaremos comportamientos antidemocráticos
de la oposición », 3 novembre 2006.
7
Lamia Oulalou, « Chávez bâillonne la télé d’opposition »,
Le Figaro, 26 mai 2007.
8
Eva Golinger, El código Chávez (La Havane: Editorial de
Ciencias Sociales, 2005), p. 125.
9
Bart Jones, « Hugo Chávez Versus RCTV », Los
Angeles Times, 30 mai 2007.
10
Reporters sans frontières, « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique »,
op. cit.
11
Bart Jones, « Chávez As Castro ? It’s Not That
Simple In Venezuela », Houston Chronicle, 7 février
2007.
12
Reporters sans frontières, « Un journaliste a été
tué, trois autres ont été blessés et cinq chaînes de télévision
brièvement suspendues », 12 avril 2002. www.rsf.org/article.php3?id_article=1109
(site consulté le 13 novembre 2006).
13
Reporters sans frontières, « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique »,
op. cit. ; Agencia Bolivariana de Noticias,
« Hoy el pueblo demostró que está mobilizado en apoyo a la
revolución », 2 juin 2007.
14
Ibid.
15
Reporters sans frontières, « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique »,
op. cit.
16
El Nuevo Herald, « Legisladores de EEUU y Europa
condenan cierre de RCTV », 25 mai 2007.
17
Reporters sans frontières, « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique »,
op. cit.
18
Ibid. ; Telesur, « Informe RSF ‘Cierre de
Radio Caracas Television. La consolidación de una mentira mediática
a través de 39 embustes », 7 juin 2007.
19
Telesur, « Informe RSF ‘Cierre de Radio Caracas
Television. La consolidación de una mentira mediática a través
de 39 embustes », op. cit.
20
Agencia Bolivariana de Noticias, « RCTV ha sido el
canal más sancionado en Venezuela », 29 mars 2007.
21
Reporters sans frontières, « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique »,
op. cit.
22
Ibid.
23
Ibid. ; Néstor Ikeda, « CIDH pide a Chávez
proteger libertad de expresión », Associated Press,
25 mai 2007.
24
Reporters sans frontières, « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique »,
op. cit.
25
Ibid.
26
Ibid.
27
Ibid. ; Telesur, « Informe RSF ‘Cierre
de Radio Caracas Television. La consolidación de una mentira mediática
a través de 39 embustes », op. cit.
28
Reporters sans frontières, « Fermeture de Radio
Caracas Television : la consolidation d’une hégémonie médiatique »,
op. cit.
29
Jean-Luc Mélanchon, « Où va la bonne conscience anti-chaviste »,
op. cit.
30
Robert Ménard, « Forum de discussion avec Robert Ménard »,
Le Nouvel Observateur, 18 avril 2005. www.nouvelobs.com/forum/archives/forum_284.html
(site consulté le 22 avril 2005) ; John M. Broder, « Political
Meddling by Outsiders : Not New for U.S. », The New
York Times, 31 mars 1997, p. 1.
Salim
Lamrani est enseignant, écrivain et journaliste français, spécialiste
des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il a notamment publié
Washington contre Cuba (Pantin : Le Temps des Cerises,
2005), Cuba face à l’Empire (Genève : Timeli,
2006) et Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin :
Le Temps des Cerises, 2006).
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