Opinion
Le Président
François Hollande est-il socialiste ?
Salim Lamrani
Samedi 5 octobre 2013
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
Avec la nouvelle réforme du système des
retraites, le gouvernement de François
Hollande devient le premier gouvernement
de gauche de la Ve République à porter
atteinte aux acquis sociaux.
Le Premier Ministre français
Jean-Marc Ayrault a annoncé le 27 août
2013 une nouvelle réforme du système des
retraites avec un allongement de la
durée de cotisations à 43 ans. C’est la
première fois dans l’histoire de la Ve
République qu’une majorité de gauche
s’en prend à ce symbole du progrès
social acquis au prix de nombreuses
luttes : le droit à une existence digne
pour les dernières années de vie. Ni le
Président Jacques Chirac (1995-2007), ni
le Président Nicolas Sarkozy (2007-2012)
– tous deux de droite et de sensibilité
néolibérale – n’avaient osé retarder à
ce point l’âge de départ à la retraite[1].
Pourtant, lorsqu’il se trouvait
l’opposition, François Hollande avait
vigoureusement condamné l’allongement de
la durée de cotisations à 41 ans suite
aux réformes de 2003 (Loi Fillon)
entreprises par Chirac : « Le projet du gouvernement Raffarin appelle trois
refus majeurs de la part des
socialistes : Le refus d’une
philosophie qui consiste à demander aux
salariés de travailler plus longtemps
pour gagner moins. L’allongement de la
durée de cotisations – 40, 41, 42 ans et
davantage encore si c’est nécessaire-
était la position du Medef, c’est la
solution du gouvernement Raffarin[2] ».
Lorsqu’en 2010, Nicolas Sarkozy a
de nouveau allongé la durée de
cotisations, Hollande n’avait pas manqué
de stigmatiser cette atteinte à un
acquis social cher aux citoyens
français : « C’est la réforme la plus
injuste qui a été arbitrée par le
Président Nicolas Sarkozy. Il a voulu
avant tout envoyer un signal aux marchés
et aux partenaires européens. Il a
choisi de faire payer les pauvres et
ceux qui ont commencé à travaillé tôt.
Cette réforme va pénaliser ceux qui sont
rentrés tôt dans la vie active qui
pouvaient partir à 60 ans, qui avaient
tous leurs droits, mais qui devront
travailler non plus 41 années, mais 42
ans, 43 ans, voire 44 ans[3] ».
Mais une fois au pouvoir, loin
d’abroger les réformes Fillon et
Sarkozy, François Hollande les a
validées et est allé plus loin, portant
ainsi atteinte à toute une catégorie de
personnes vulnérables, c’est-à-dire les
personnes âgées. En effet, pour pouvoir
partir avec une retraite pleine, les
travailleurs devront cotiser davantage,
jusqu’à 43 années. Or, il est de
notoriété publique que le chômage des
seniors est de plus en plus important,
tout comme celui des jeunes. La
conséquence prévisible et inévitable
sera qu’un nombre de plus en plus élevé
de personnes seront contraintes de
partir à la retraite sans avoir cotisé
assez pour bénéficier d’une pension
complète, ce qui entrainera une hausse
de la pauvreté et de la précarité des
gens du troisième âge.
L’argument brandi par Hollande –
d’habitude évoqué par les néolibéraux –
est que la hausse de l’espérance de vie,
désormais considéré comme un handicap,
appelle un allongement de la durée de
cotisations. Or, si l’espérance de vie
augmente, c’est précisément parce que
les gens travaillent moins longtemps et
peuvent profiter de leur retraite en
bonne santé. Ainsi, la réforme Hollande
aura un impact sur l’état de santé des
travailleurs et donc sur leur espérance
de vie.
Par ailleurs, cette réforme –
exigée par la Commission européenne –,
qui prévoit également une hausse des
cotisations vieillesse et donc une
baisse des salaires, est un contresens
économique. En effet, elle aggrave
l’austérité à la fois pour les personnes
âgées n’ayant pas atteint le nombre
d’années nécessaires de travail – dont
les pensions diminueront automatiquement
–, et pour les jeunes qui entreront plus
tardivement sur le marché de l’emploi en
raison du départ différé de leurs ainés.
Ainsi, la baisse des salaires due à la
hausse des cotisations et la baisse des
pensions de retraite entraineront une
diminution de la consommation, donc une
réduction de l’activité économique,
laquelle se traduira par une hausse du
chômage, pour déboucher sur une baisse
des recettes de l’Etat (impôts non payés
par les nouveaux sans-emploi) et une
hausse de ses dépenses (pour payer les
allocations-chômage).
Depuis son arrivée au pouvoir,
François Hollande a multiplié les
décisions favorables aux puissances
d’argent, avec notamment le crédit
d’impôt pour les entreprises de 20
milliards d’euros et le refus de réguler
la finance malgré les promesses
électorales. Il a également adopté des
mesures contre l’intérêt général et les
catégories les plus modestes, avec la
hausse de la TVA et la réforme du
système de retraites. La conséquence a
été immédiate : sur les huit élections
partielles tenues sous la présidence de
Hollande depuis mai 2012, dont cinq
circonscriptions étaient tenues par la
majorité présidentielle, le Parti
socialiste les a toutes perdues.
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de
conférences à l’Université de La
Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule
Cuba. Les médias face au défi de
l’impartialité, Paris, Editions
Estrella, 2013 et comporte une préface
d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
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