Cuba
Double
morale
Cuba, l'Union Européenne et les droits de l'homme
Salim Lamrani
Préface de Gianni Minà
Salim Lamrani
4 janvier 2008
INTRODUCTION
En
décembre 1996, l’Union européenne s’alignait sur la position
d’ingérence étasunienne et exigeait de Cuba « des
progrès tangibles sur la voie d’une transition pacifique vers
le pluralisme démocratique, le respect des droits de l’homme et
des libertés fondamentales ». C’est ainsi qu’est née
la position commune européenne vis-à-vis de La Havane, qui est
devenue le pilier de la politique étrangère de l’Union européenne
à l’égard de Cuba1.
Mais l’Europe ne se limitait pas à ces bonnes
intentions. Elle réclamait surtout des efforts « vers
des politiques économiques permettant d’assurer un redressement
durable et d’améliorer le niveau de vie du peuple cubain ».
En un mot, Bruxelles souhaitait que Cuba adopte le système d’économie
de marché et ouvre ses portes au capitalisme2.
L’Union européenne proposait même un accord de coopération,
mais y intégrait une clause précise : elle se réservait le
droit de le suspendre « en cas de violation grave des
dispositions relatives aux droits de l’homme », sans
plus de précisions. Ainsi, la position commune est unique en son
genre dans la mesure où les conditions imposées à Cuba ne
s’appliquent pas aux autres nations ayant des relations avec
l’Union européenne3.
En juin 2003, sous l’impulsion de l’ancien Premier
ministre espagnol, José María Aznar, l’Union européenne a décidé
d’imposer des sanctions politiques et diplomatiques à Cuba.
Cette décision se justifiait, officiellement, en raison de la « situation
des droits de l’homme » et suite à l’arrestation de
75 personnes considérées comme des « agents au service
d’une puissance étrangère » par la justice cubaine
et comme des « dissidents » par Bruxelles4.
De
leur côté, Les Etats-Unis ont présenté à l’ancienne
Commission des droits de l’homme des Nations unies qui siégeait
à Genève, chaque année, de 1987 à 2006, une résolution contre
Cuba dénonçant les « violations des droits de l’homme ».
D’ailleurs, discréditée par ses décisions politisées et
partiales, celle-ci a été remplacée en mai 2006 par un nouveau
Conseil des droits de l’homme. Durant cette période de près de
vingt ans, le seul pays pointé du doigt par les différentes
administrations étasuniennes sur le continent américain a été
Cuba. Désormais, l’Union européenne a emboîté le pas à
Washington en imposant également des sanctions à Cuba5.
Tout comme les Etats-Unis, le seul pays du continent américain
condamné par l’Union européenne et victime de telles sanctions
est Cuba, ce qui rend d’autant plus incompréhensible la
position de Bruxelles. Seuls quatre autres pays du monde subissent
le même sort : la Birmanie, l’Irak, le Nigeria et le
Zimbabwe. De plus, de nombreux soupçons émergent quant aux réels
motifs de cette stigmatisation. Pourquoi Cuba ? Et surtout,
pourquoi seulement Cuba ? Ce pays a-t-il un statut spécifique
au niveau du respect des droits de l’homme ? Viole-t-on les
droits de l’homme uniquement à Cuba ? Qu’en est-il de la
situation dans les autres pays du monde ?
Pourquoi
Bruxelles se range-t-elle de façon si dévote sur la position étasunienne ?
Il est en effet difficile de concevoir qu’une puissance aussi
importante que l’Europe des 25 s’aligne de manière docile et
disciplinée sur la politique étrangère de Washington vis-à-vis
du petit archipel des Caraïbes.
Ce
n’est pas la première fois que l’Union européenne adopte
ainsi la politique agressive des Etats-Unis contre La Havane. Par
exemple, le 14 avril 2005, la résolution présentée par
Washington contre Cuba à la Commission des droits de l’homme de
Genève avait été co-parrainée par l’Union européenne.
Celle-ci a ainsi montré, une fois de plus, qu’elle se trouvait
dans l’incapacité d’adopter une position souveraine, préférant
s’inféoder aux manœuvres politiciennes étasuniennes6.
Un autre exemple est édifiant. Toujours en avril 2005, à
Genève, une autre résolution, adoptée par une grande majorité
(35) des 50 membres de la Commission, a été rejetée par l’Union
européenne, et bien sûr par Washington. La résolution
condamnait « l’utilisation de mercenaires pour violer
les droits de l’homme et le droit des peuples à l’autodétermination ».
L’UE s’est refusée à adopter un texte condamnant les
pratiques de la Maison-Blanche, notamment à l’égard de Cuba7.
Mais au-delà de cet alignement inconditionnel sur
Washington, il convient de se questionner sur la légitimité
d’imposer des sanctions à Cuba pour violations des droits de
l’homme. Ainsi, le 12 juin 2005, le Conseil de l’Europe, réuni
alors au Luxembourg, a constaté l’absence « de progrès
satisfaisants concernant le respect des droits de l’homme à
Cuba ». Le Conseil a insisté sur le fait que « la
question des droits de l’homme devra être évoquée par chaque
visiteur de haut niveau8 ».
Cette
attitude est éminemment discutable. Il ne s’agit pas de
soutenir qu’il n’y a aucune violation des droits de l’homme
dans la plus grande île antillaise : selon plusieurs
organismes internationaux, certaines violations des droits de
l’homme persistent à Cuba. Cependant, pour pouvoir s’ériger
en père moralisateur, il faut être irréprochable dans ce
domaine.
Il existe un moyen relativement simple de se faire une idée
de la situation des droits de l’homme à travers le monde, et ce
pour n’importe quel pays. Amnesty International, une
organisation de défense des droits de l’homme réputée pour
son sérieux et son travail remarquable, publie chaque année un
rapport sur ce sujet. Il suffit donc de consulter le rapport 2006,
qui couvre la période allant de janvier à décembre 2005, pour
connaître le degré de respect des droits fondamentaux dans les
diverses nations de la planète.
Dans cet ouvrage, la situation des droits de l’homme au
sein de l’Union européenne est disséquée et comparée à
celle de Cuba. Le continent américain, du Canada jusqu’en
Argentine, est également passé à la loupe. Cette étude est intéressante
à plusieurs égards. Tout d’abord, elle démontre que la représentation
idéologique que l’on se fait de certains pays est souvent différente
de la réalité. Ensuite, elle met en question l’autorité
morale de l’Union européenne, qui se pose en juge suprême en
matière des droits de l’homme. Enfin, elle remet en cause la légitimité
des sanctions contre Cuba officiellement dues à la « situation
des droits de l’homme » dans ce pays. Le constat est
simple : la crédibilité de l’Europe sur cette épineuse
question est relativement faible, pour ne pas dire inexistante.
Le but de cet ouvrage est de montrer au public que la
question des droits de l’homme est utilisée de manière
arbitraire par les puissants de ce monde, pour des raisons
politiques et idéologiques. Les principales victimes de ces
campagnes politiques, diplomatiques et médiatiques sont les
nations qui ont choisi un modèle de développement différent du
néolibéralisme – farouchement défendu par les puissances
occidentales, en particulier les Etats-Unis et l’Union européenne
–, et qui subissent ainsi un lynchage médiatique et des
sanctions imméritées. L’opinion publique, qui endure depuis
des décennies cette constante désinformation, est également une
victime inconsciente.
Table des matières
Préface de
Gianni Minà
Introduction
I. Les
rapports d’Amnesty International
II. Une
comparaison édifiante
III. Les
prisonniers « politiques » cubains
IV. La
situation des droits de l’homme sur le continent américain
V. Une
comparaison américaine
Conclusion :
des sanctions illégitimes et arbitraires
Notes
Annexes :
rapport 2006 d’Amnesty International sur Cuba
A propos de
l’auteur
Editions Estrella
135 pages
Prix : 10€
Pour se procurer le livre, contacter lamranisalim@yahoo.fr
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