Opinion
Pendant le
processus, l'annexion continue
Rudolf Bkouche
Mercredi 14 août 2013
L’Etat d’Israël a inventé la notion
de processus de paix. On peut faire
remonter cette invention à la conférence
de Madrid de 1991 et aux diverses
négociations qui ont suivi, depuis les
Accords d’Oslo de 1993 jusqu’aux
négociations qui ont commencé à
Washington il y a quelques jours et qui
doivent se poursuivre, la paix étant
prévue dans neuf mois.
Pour ouvrir ces négociations, le
gouvernement israélien vient d’annoncer
la construction d’un millier environ de
maisons à Jérusalem-Est et dans quelques
implantations en Cisjordanie. Rien de
nouveau, seulement une façon de rappeler
que l’ouverture de négociations avec
l’Autorité Palestinienne ne doit pas
empêcher l’extension des implantations
israéliennes en Cisjordanie.
Il y a ici une double volonté
israélienne. D’une part assurer
l’annexion du maximum de terre
palestinienne, d’autre part, pour
rassurer ses alliés, jouer à la
négociation avec les Palestiniens,
sachant que cette négociation ne mènera
à rien, sinon à montrer à la face du
monde que les Palestiniens ne veulent
pas la paix.
Il est vrai que pour montrer sa bonne
volonté, le gouvernement israélien a
décidé de libérer, par morceaux, une
centaine de prisonniers palestiniens
(sur plus de quatre mille actuellement
détenus). Ainsi vingt-six prisonniers
vont être libérés pour l’ouverture du
processus, les autres étant libérés en
fonction des progrès des négociations,
ces progrès étant définis par le
gouvernement israélien. Autant dire que
les progrès des négociations se
définiront en fonction des concessions
que la partie palestinienne acceptera de
faire. Et on sait, comme cela s’est déjà
produit, que si le processus s’arrête,
c’est parce que les Palestiniens auront
refusé les dernières concessions,
prouvant ainsi qu’ils ne veulent pas la
paix.
Le jeu est bien rôdé et les
gouvernements israéliens successifs
savent qu’ils peuvent compter sur les
Etats-Unis pour faire comprendre aux
Palestiniens, d’une part d’accepter les
règles du jeu définies par les
Israéliens, d’autre part de faire les
concessions nécessaires pour permettre
au processus de démarrer une nouvelle
fois.
Au début de son mandat, le Président
des Etats-Unis Obama avait demandé au
gouvernement israélien le gel de la
colonisation comme signe de bonne
volonté ; le résultat a été un refus
israélien. De quoi se mêlait ce monsieur
qui semblait n’avoir rien compris à la
volonté sioniste d’annexer le maximum de
terre palestinienne et d’en expulser
toute présence non juive. Devant ce
refus, Obama, qui s’était promis de
régler le problème, n’a su que reprendre
la politique classique menée par les
Etats-Unis depuis qu’ils ont fait
d’Israël un allié privilégié : accepter
le diktat israélien et faire pression
sur l’Autorité Palestinienne pour
qu’elle accepte le jeu israélien.
Quant au Président de l’Autorité
Palestinienne, il avait, dans un sursaut
de résistance, proclamé son refus de
reprendre les négociations tant que
l’extension des implantations ne serait
pas gelée. Mais tout cela faisait
désordre. Puisque le gouvernement
israélien refusait de geler l’extension
des implantations, il ne restait plus
qu’à convaincre l’Autorité Palestinienne
de reprendre les négociations, ce qu’a
fait le Secrétaire d’Etat Kerry. Pour
ajouter de la crédibilité à ces
négociations, Kerry a même annoncé que
tout cela serait bouclé dans neuf mois,
annonce qui s’inscrit dans une suite
devenue classique depuis les Accords
d’Oslo de 1993 jusqu’à la mise en place
du Quartette (ONU, Etats-Unis, Russie,
Union Européenne) qui devait conduire à
un Etat de Palestine en 2005 et la
conférence d’Annapolis de 2007 qui
prévoyait l’existence de cet Etat au
plus tard en 2010. Quant à savoir ce qui
se passera dans neuf mois, c’est
secondaire, ce qui importe c’est que le
processus continue.
En résumé une nouvelle mascarade qui
laisse les mains libres au gouvernement
israélien, lui permettant d’augmenter sa
pression sur la Palestine, augmentant le
nombre d’implantations auxquelles
s’ajoutent les autoroutes réservées aux
seuls Israéliens. La Palestine se réduit
ainsi à quelques ilots séparés rendant
la création d’un Etat de plus en plus
difficile sinon impossible. Mais c’est
bien cela l’objectif israélien. Ce
semblant de négociations que représente
la politique du processus ne peut que
favoriser Israël aux dépens des
Palestiniens.
Lille, le 12 août 2013
Rudolf Bkouche, membre de l’UJFP
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