Monsieur le Maire
de Paris.
Si le PS a une
longue tradition de compagnonnage avec le parti travailliste
israélien, il devrait comprendre aujourd'hui que le sionisme,
loin d'être le mouvement national juif comme il s'est défini dès
ses origines, est un mouvement de conquête d'un territoire, la
Palestine, conquête qui a conduit à la destruction de la société
palestinienne et à l'expulsion des Palestiniens.
Ben Gourion a été
l'organisateur de la conquête et à ce titre porte une lourde
responsabilité dans l'histoire. Vouloir lui consacrer une allée
dans un jardin parisien apparaît alors comme une marque de
soutien à l'organisateur de la conquête militaire de la
Palestine. Alors que l'Etat d'Israël né de cette conquête
continue d'opprimer les Palestiniens, la décision de la Mairie
de Paris n'en est que plus scandaleuse.
Vous pensez
peut-être que cette consécration de celui que l'on peut
considérer comme le père de la nation israélienne est une marque
de sympathie envers les Juifs. Permettez-moi de vous dire, en
tant que Juif antisioniste, que cette marque de sympathie est
plutôt frelatée et d'une certaine façon une marque
d'antisémitisme.
S'il est vrai que
le sionisme a gagné la sympathie de la grande majorité des Juifs
après la seconde guerre mondiale et le génocide, il n'en reste
pas moins qu'il a conduit les Juifs dans une aventure guerrière
qui est encore loin d'être terminée. Loin d'être le dernier
refuge des Juifs persécutés, l'Etat d'Israël est devenu un Etat
guerrier qui ne peut survivre que par la guerre qu'il entretient
contre ceux qu'il a expulsé de leur terre et les Juifs qui
espéraient, via le sionisme, échapper à l'antisémitisme
européen sont devenus les petits soldats de cet Etat
guerrier. En cela, le sionisme conduit les Juifs à une impasse.
C'est en cela que le soutenir est une forme d'antisémitisme.
De l'Etat qui
devait être un havre de paix pour les Juifs du monde, il ne
reste que le bastion de l'Occident face à la barbarie comme le
disait Herzl dans son ouvrage L'Etat des juifs comme s'il
espérait ainsi convaincre les puissances de les soutenir, et sur
ce plan il a réussi dans la mesure où les puissances
occidentales, les Etats-Unis et l'Union Européenne, soutiennent
l'Etat d'Israël et acceptent, voire approuvent, la façon dont il
bafoue le droit international. Consacrer un lieu de Paris au
fondateur de l'Etat d'Israël apparaît alors comme un soutien à
une politique de conquête et d'oppression. Cela est intolérable
et pose la question : "comment une partie de la gauche
européenne peut-elle soutenir une telle politique ?"
Vous allez en
outre inaugurer ce lieu avec le président de l'Etat d'Israël
alors que le gouvernement de cet Etat, au nom d'une brumeuse
légitimité historique, continue, à travers ce qu'on appelle la
colonisation, la conquête de la Palestine et qu'il montre sa
volonté de "libérer" la ville de Jérusalem de toute présence
palestinienne. Le soutien à la politique israélienne devient
ainsi une forme de mépris envers les victimes des agissements
israéliens. On peut parler de prime au crime.
Je ne pense pas
qu'une telle lettre remette en question votre décision, tant
vous ne voulez pas voir la réalité et tant vous confondez vos
engagements de gauche et le soutien à une politique de conquête
et d'oppression.
Je n'espère donc rien d'une telle lettre si ce n'est qu'elle
exprime ma colère contre une gauche incapable de défendre ses
propres valeurs.
Il est vrai que
j'ai appris depuis longtemps que le vent délétère de la SFIO des
années cinquante, celle de la guerre d'Algérie, soufflait encore
sur le PS d'aujourd'hui.
Je n'ai rien de
plus à vous dire.