Ainsi va la rumeur. Je lis
d’abord dans Le Monde d’hier soir que
Bruno Gollnisch est venu me saluer lors d’un spectacle de
Dieudonné au Zénith, puis dans plusieurs articles de Libération
ce matin que j’aurais rallié le Front national.
Aucun des journalistes auteurs
de ces articles n’a jugé utile de vérifier cette imputation
grotesque avant de la publier.
Une fois de plus, je suis stupéfait
de la méthode de certains de mes « confrères ».
Pour eux, le fait que j’ai pu dire bonjour à un député
européen du Front national en le croisant dans une salle de
spectacle serait une preuve de mon appartenance à son parti.
Dans la vie, les sportifs saluent leurs adversaires, les voisins
se rendent service sans pour autant partager les mêmes
convictions, et les membres d’une famille n’ont pas
obligatoirement les mêmes conceptions politiques. Par exemple,
que le père de Laurent Joffrin ait été le banquier du
Front national ne signifie en aucun cas que le nouveau rédacteur
en chef de Libération soit membre de ce
parti.
Aujourd’hui, les journalistes
spécialisés ont du mal à comprendre l’évolution de
l’extrême droite. À défaut de méthode et de connaissance
du sujet, ils procèdent par amalgame et tournent la politique
en spectacle où les rencontres d’élus, de sportifs ou
d’artistes tiennent le devant de la scène. Cette peopolisation
du politique est particulièrement grave. Elle a commencé avec
Nicolas Sarkozy et se poursuit aujourd’hui avec Jean-Marie Le
Pen. Ce faisant, les journalistes qui la pratiquent font la
campagne du Front national : en dressant la liste de
ralliement réels ou imaginaires, ils donnent à tort
l’impression que des foules immenses s’apprêtent à porter
Jean-Marie Le Pen à l’Élysée.
Pendant des années, j’ai étudié
le Front national. J’ai été coordinateur du Comité national
de lutte contre l’extrême droite. Mes travaux ont été allègrement
utilisés par nombre de journalistes. Mais contrairement à
certains « confrères », je suis suffisamment sûr
de mes convictions humanistes pour ne pas avoir besoin de
diaboliser mes adversaires et pour ne pas avoir peur de débattre
avec eux. Je n’hésite pas à rencontrer des leaders
politiques de tous bords, à étudier leur pensée et à la
discuter. Je rejette la stratégie du « cordon sanitaire »
comme totalitaire et je défends le principe du débat démocratique.
Non, je n’ai pas rallié le FN et je n’ai jamais envisagé
de le faire. Oui, j’ai bien l’intention de jouer un rôle
dans la campagne électorale qui commence et d’y poursuivre ma
critique des idées et des pratiques d’extrême droite. Et pas
seulement face au FN.