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Actualité
L'Arabie saoudite
face au double défi
René Naba
Paris, le 25 septembre 2010
L’Arabie saoudite face au double défi du sunnite
Oussama Ben Laden (Al Qaida) et du chiite Hassan Nasrallah
(Hezbollah). Part 2/2
1- Un parfait contre exemple dans les annales de la
géostratégie mondiale
Paris 25 septembre 2010 - Multirécidiviste
dans la diversion, L’Arabie saoudite encouragera Saddam Hussein
à faire la guerre à l’Iran pour contenir la menace du
fondamentalisme chiite, détournant ainsi la puissance irakienne
du champ de bataille israélo-arabe. Dans une nouvelle tentative
de déstabilisation de la Syrie, le principal allié arabe de
l’Iran, l’Arabie favorisera une révolte sévèrement réprimée des
Frères Musulmans syriens, à Hamas, en février 1982, à quatre
mois d’une invasion israélienne du Liban fomentée par un tandem
constitué par le premier ministre israélien Menahem Begin et
Bachir Gemayel, chef des milices chrétiennes libanaises.
L’Arabie saoudite, le plus intransigeant ennemi d’Israël sur
le plan théorique, aura ainsi opéré le plus grand détournement
du combat arabe, soutenant l’Irak contre l’Iran dans la plus
longue guerre conventionnelle de l’histoire contemporaine
(1979-1988), le détournant du coup du champ de bataille
principal, la Palestine, déroutant la jeunesse arabe et
musulmane vers l’Afghanistan du champ de bataille palestinien. A
coups de dollars et de Moudjahiddine, souvent des repris de
justice dans leur propre pays, elle livrera bataille non pas
contre Israël, mais à des milliers de kilomètres de là, à
Kaboul, où plusieurs milliers de jeunes arabes et musulmans
combattront pendant une décennie les forces athées communistes,
tournant, par la même occasion, le dos à la Palestine, avec les
encouragements d’intellectuels occidentaux trop heureux de
l’aubaine. Cinquante mille arabes et musulmans, enrôlés sous la
bannière de l’Islam, sous la houlette d’Oussama Ben Laden,
officier de liaison des Saoudiens et des Américains, combattront
en Afghanistan l’athéisme soviétique dans une guerre financée
partiellement par les pétromonarchies du Golfe à hauteur vingt
milliards de dollars, une somme équivalent au budget annuel du
quart des pays membres de l’organisation pan arabe. En
comparaison, le Hezbollah libanais avec un nombre de combattants
infiniment moindre, estimé à deux mille combattants, et un
budget dérisoire par rapport à celui engagé pour financer les
arabes afghans, a provoqué des bouleversements psychologiques et
militaires plus substantiels que la légion islamique dans le
rapport des forces régional (6).
L’Afghanistan aura eu une fonction dérivative sur la jeunesse
saoudienne et des diplomates américains ne chercheront pas à
masquer cet aspect là du conflit. Contre-feux à la Révolution
islamique iranienne qui menaçait le leadership saoudien, la
guerre d’Afghanistan a permis à l’Arabie Saoudite de détourner
le mécontentement de la jeunesse du problème palestinien vers la
lutte anti-communiste (7), admettra ultérieurement sans ambages
l’ambassadeur américain à Riyad, Chass Freeman. Le financement
du Jihad anti-soviétique aurait, à lui seul, grevé le budget
saoudien d’une somme sensiblement égale à la subvention
financière allouée par l’Arabie saoudite aux «pays du champ de
bataille», Egypte, Syrie et OLP (8), à titre de contribution à
l’effort de guerre arabe.
L’Islam wahhabite agrégeant les dirigeants arabes sunnites
dans une alliance proaméricaine (les principautés du golfe, la
Jordanie, l’Egypte, le Maroc, la Tunisie), désignés dans le
vocable populaire sous le terme méprisant des «Arabes de
l’Amérique» (arab amérika) –l’axe de la modération pour les
occidentaux- se laissera ainsi supplanter sur son propre
terrain, l’islam combatif, par des islamistes nationalistes, le
Hezbollah libanais, le Hamas et le Jihad palestinien. Féconde,
l’alliance saoudo américaine dans la guerre contre l’Union
soviétique en Afghanistan (1980-1989) a certes précipité
l’implosion du bloc communiste, mais par leur alignement
inconditionnel aux Etats-Unis, pourtant le meilleur allié
stratégique de leur ennemi principal, Israël, en dépit
d’ailleurs du mépris que les Américains affichaient à l’égard de
leurs aspirations, les promoteurs de l’Islamisme politique
principalement l’Arabie saoudite, l’Iran impériale de la
dynastie Pahlévi, le Maroc et l’Egypte sadatienne) sinistré la
zone accentuant sa dépendance et son retard technologique. Pis,
la mainmise américaine sur l’Irak, que l’Arabie a encouragée, a
favorisé l‘émergence d’un pouvoir chiite dans l’ancien capitale
de l’empire abbasside, faisant planer sur l’Arabie saoudite, par
son adossement à l’Iran Khomeyniste, le risque d’un enfermement
chiite.
L’alliance exclusive de l’Islam sunnite avec l’Amérique, si
elle a assuré la tranquillité du trône wahhabite au cours d’un
demi siècle tumultueux, n’a pas pour autant assuré sa pérennité.
L’Arabie saoudite aura réussi le tour de force de gagner le
respect du monde musulman, sans tirer un seul coup de feu contre
Israël, sans obtenir la moindre concession des Américains sur la
question palestinienne, en s’appliquant méthodiquement à
détruire les vestiges du nationalisme arabe.
Mais le royaume qui aura lancé deux plans de paix pour le
règlement du conflit israélo-arabe (Plan Fahd, en 1982, Plan
Abdallah, en 2002), sans rencontrer le moindre écho tant du côté
américain que du côté israélien, ne déviera jamais de sa ligne,
malgré cette rebuffade, sans doute en raison du fait que, sur le
plan subliminal, la dynastie wahhabite aura été le principal
bénéficiaire du travail de sape opéré depuis trente ans par les
Américains et les Israéliens pour réduire la résistance du noyau
dur du monde arabo-islamique: la neutralisation de l’Égypte par
le Traité de paix avec Israël (1979), la destruction de l’Irak
(2003), l’étranglement de la Syrie (2004), la caramélisation de
la Libye (2005), l’isolement de l’Iran (2006) au point qu’Israël
apparaît en fin de compte comme le meilleur allié objectif des
Wahhabites, rare conjonction de deux régimes théocratiques dans
le monde, l’État hébreu n’étant démocratique que pour la
fraction juive de sa population. Dans ce contexte,
l’Organisation clandestine Al Qaida d’Oussama Ben Laden et la
chaîne transnationale arabe Al-Jazira, apparaissent,
rétrospectivement, comme des excroissances rebelles à
l’hégémonie saoudienne sur l’ordre domestique arabe, tant dans
le domaine politique que médiatique.
L’arme du pétrole qu’elle a brandi, lors de la guerre
d’Octobre 1973, si elle lui a valu un prestige considérable dans
le monde arabo musulman et restauré une juste rétribution du
prix du carburant, a surtout fragilisé les économies de l’Europe
et du Japon, des alliés naturels du monde arabe. Le prosélytisme
religieux qu’elle a déployé en Asie centrale, dans les anciennes
Républiques musulmanes soviétiques, lui a coupé la voie à une
alliance avec la Russie en vue de faire pièce à l’hégémonie
américaine. Camouflet supplémentaire qui témoigne des égarements
de la stratégie saoudienne et de ses retombées néfastes sur
l’espace arabe, le wahhabisme qui a combattu sans relâche
l’Union soviétique, redevenue la Russie éternelle, voit se
profiler, sous couvert de lutte contre le terrorisme, un
dangereux mouvement de tenaille qui risque de l’enserrer, avec
l’alliance tacite entre la Russie, Israël et les Etats-Unis à la
faveur des attentats commis par les disciples de l’Arabie
saoudite, les islamistes d’Al Qaida en Occident et les
séparatistes tchétchènes en Russie Ossetie. Comble de cynisme
révélateur néanmoins d’une grande frayeur: la tenue de la
première conférence mondiale sur le terrorisme les 5 et 6
février 2005 à Riyad. Qu’une telle conférence se tienne dans la
patrie du Djihad islamique, que le principal bailleurs de fonds
planétaire des mouvements islamistes bénéficie, quatre ans après
le raid anti-américain de septembre 2001n de la caution
occidentale pour une telle opération de réhabilitation donne la
mesure du désarroi des dirigeants wahhabites et de leur parrain
américain.
L’Arabie Saoudite est captive et victime de ses choix.
Suprême humiliation est le fait que le président américain
George W Bush, l’ancien salarié des firmes saoudiennes, ait été
le plus ferme soutien au premier ministre le plus agressif
d’Israël, au nom du fondamentalisme religieux précisément,
allant même jusqu’à cautionner le confinement de Yasser Arafat,
le chef légitime du peuple palestinien, et, à reconnaître à
Ariel Sharon le droit de modifier unilatéralement le tracé des
frontières internationales, au mépris de la légalité
internationale. La revanche la plus cinglante à cet aveuglement
pourrait être, symboliquement, le choix contraint qu’elle a dû
se résigner de faire en baptisant sa nouvelle chaîne de
télévision panarabe du nom d’«Al Arabia», un vocable qu’elle
avait pourtant banni de son lexique diplomatique depuis un demi
siècle, qu’elle reprend aujourd’hui à son corps défendant dans
l’espoir de se faire entendre face à des concurrentes à la
tonalité moins soumise à l’ordre américain. Ce pays qui
consacrera l’essentiel de ses efforts à combattre plus qu’aucun
autre pays le nationalisme arabe, allant jusqu‘à mettre sur pied
l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), une structure
de diplomatie parallèle concurrente de la Ligue arabe, se muera,
curieusement, en chantre de l’arabisme dans la foulée du revers
militaire israélien au Liban, l’été 2006, à la grande
stupéfaction de la quasi-totalité des observateurs
internationaux. L’apôtre de la fraternité islamique pendant un
demi siècle, ce pays dont la bannière est illustrée pat la
profession de foi cardinale de l’Islam, accusera, sans vergogne,
la Syrie d’avoir pactisé avec l’Iran, la Perse antique, pays
musulman certes mais non arabe, laissant planer la menace d’une
nouvelle guerre de religion entre sunnites et chiites, musulmans
arabes et non arabes, un comportement qui s’apparente à une
mystification, illustration pathétique du désarroi du Royaume.
Entre la dynastie Wahhabite et Ben Laden, la bataille
dans l’ordre symbolique d’un conflit de légitimité.
L’implication d’un membre de l’entourage familial du Prince
Bandar Ben Sultan, fils du ministre de la défense et président
du Conseil national de sécurité, dans la réactivation des
sympathisants d’Al Qaida tant en Syrie qu’au Nord Liban, dans la
région du camp palestinien de Nahr el Bared, a donné la mesure
de l’infiltration de l’organisation pan islamiste au sein des
cercles dirigeants saoudiens, en même temps qu’elle fragilisait
le Royaume vis-à-vis de ses interlocuteurs tant arabes
qu’Américains. Cheikh Maher Hammoud, Mufti sunnite de la Mosquée
«Al Qods» de Saida, (sud Liban), a ouvertement accusé le Prince
Bandar depuis la chaîne transfrontière Al Jazira, samedi 26 juin
2010, d’avoir financé des troubles au Liban particulièrement
contre les zones chrétiennes, conduisant l’Amérique à déclarer
«non grata» Bandar, l’ancien enfant chéri de les Etats-Unis, le
« Great Gatsby » de l’establishment américain.
Circonstance aggravante, la disgrâce de Bandar serait liée à
des informations lui prêtant l’intention de s’être livré à un
coup de force contre l’establishment saoudien en vue de briser
la loi de primogéniture, qui régit les règles de succession
dynastique en Arabie. Celle-ci prévoit l’intronisation au
pouvoir de l’aîné de la génération la plus ancienne. Le groupe
dirigeant saoudien compte bon nombre de gérontocrates, dont
certains, à des postes clefs, atteints de maladies
handicapantes, le prince héritier Sultan, ministre de la
défense, le ministre des Affaires étrangères, le prince Saoud al
Faysal et le gouverneur de Riyad, le prince Salmane, alors que
neuf cents petits fils piaffent d’impatience aux postes de
responsabilité, dans une ambiance de compétition exacerbée. La
conjuration, conçue avec l’aide des officiers supérieurs de la
base aérienne de Ryad, aurait été éventée par les services de
renseignements russes. L’opération devait se dérouler, fin 2008,
en pleine guerre de Gaza, durant la période de transition du
pouvoir entre George Bush Jr et le démocrate Barack Obama.
Bénéficiant du soutien des néo conservateurs américains, dont le
prince saoudien était un intime, la transition devait, dans
l’esprit de ses promoteurs, réduire le fossé générationnel d’un
pays, dont 75 pour cent de la population est âgée de moins de 25
ans, alors que l’équipe dirigeante compte un nombre important
d’octogénaires. Le fait que les Etats-Unis qui quadrillent le
royaume à l’aide d’un réseau de près de 36 postes du FBI et de
la CIA n’aient pas alerté le pouvoir donne la mesure de la
circonspection américaine.
Le Yémen et l’Irak, les deux pays frontaliers de l’Arabie
saoudite, auront constitué les deux balises stratégiques de la
défense du Royaume, le premier au sud, le second au nord de
l’Arabie. C’est dans ces deux pays que l’Arabie saoudite a
engagé le combat pour assurer la pérennité de la dynastie, à
deux reprises au cours des dernières décennies, le Yémen servant
de champ d’affrontement inter arabe entre Républicains et
Monarchistes du temps de la rivalité Nasser Faysal dans la
décennie 1960, et, l’Irak, le théâtre de la confrontation entre
le Chiisme révolutionnaire et le sunnisme conservateur du temps
de la rivalité Saddam Hussein Khomeiny dans la décennie 1980.
Ces deux pays constituent désormais une source de périls, l’Irak
avec l’élimination du leadership sunnite et le Yémen avec la
réinsertion d’Al Qaida dans le jeu régional. L’implantation d’Al
Qaida pour la péninsule arabique au Yémen apparaît dans ce
contexte un défi d’une importance majeure. L’ancrage d’une
organisation essentiellement sunnite, excroissance du rigorisme
wahhabite, sur le flanc sud de l’Arabie saoudite, porte la
marque d’un défi personnel de Ben Laden à ses anciens maîtres en
ce qu’elle transporte sur le lieu même de leur ancienne alliance
la querelle de légitimité qui oppose la monarchie à son ancien
serviteur. Elle pourrait avoir un effet déstabilisateur sur le
royaume où vivent près d’un million de travailleurs yéménites.
L’alerte a été jugée suffisamment sérieuse pour conduire le Roi
Abdallah à engager ses forces dans les combats du Yémen, à
l’automne 2009, aux côtés des forces gouvernementales, et à
mettre en sourdine son contentieux avec la Syrie incitant son
homme lige au Liban, le nouveau premier ministre libanais, Saad
Hariri, à reprendre le chemin de Damas.
A tous égards, la stratégie saoudienne tant vis à vis du
monde musulman que de l’Irak a constitué un cas exemplaire de
suicide politique. La participation de quinze nationaux
saoudiens sur 19 aux raids d’Al-Qaida contre les Etats-Unis le
11 septembre 2001, de même que l’attentat meurtrier qui a frappé
Riad le 12 mai 2003, un mois après la chute de Bagdad, faisant
20 morts dont 10 américains, ont retenti comme un avertissement
en forme de tocsin. Adulé à l’excès, le royaume fait désormais
l’objet d’une suspicion quasi généralisée dans l’opinion
occidentale et sa stratégie est décriée dans l’ensemble arabe.
Le Roi d’Arabie, un pompier pyromane
Parrain originel des Talibans d’Afghanistan, l’Arabie
Saoudite passe pour avoir été le principal bailleur de fonds du
programme nucléaire pakistanais, en contrepartie de l’assistance
fournie par le Pakistan à l’encadrement de l’armée de l’air
saoudienne dont elle assurera pendant vingt ans la formation de
ses pilotes et la protection de son espace aérien. Une bonne
entente matérialisée symboliquement par la dénomination de la
troisième ville du Pakistan de Faisalabad, l’ancienne Lyallpur,
en hommage à la contribution du Roi Faysal d’Arabie au règlement
du contentieux entre le Pakistan, 2me plus important pays
musulman après l’Indonésie, et, le BenglaDesh, lors de la
sécession de son ancienne province sous la conduite de Cheikh
Mujibur Rahman, chef de la Ligue Awami (10). En dépit de ces
fortes similitudes, particulièrement le double parrainage du
royaume saoudien au milliardaire libano saoudien et au Pakistan,
ainsi que leur positionnement similaire sur le plan de la
géopolitique américaine, Rafic Hariri aura droit à un Tribunal
Spécial International pour juger ses présumés assassins, mais
non Benazir Bhutto, dont pourtant toute la dynastie a été
décimée. Dans cette perspective, le destin de Benazir Bhutto
ressemble étrangement à celui de l’ancien premier ministre
libanais Rafic Hariri, ainsi qu’à celui de l’ancien président
égyptien Anouar el Sadate, assassiné en 1981, et à celui de
l’éphémère président libanais Bachir Gemayel, le chef des
milices chrétiennes, assassiné en 1982. Des dirigeants plus
utiles à la diplomatie israélo américaine morts que vifs.
A l’apogée de la diplomatie saoudienne, dans la foulée de
l’invasion de l’Irak, en 2003, deux dirigeants arabes, Rafic
Hariri (Liban) et Ghazi al Yaour (Irak) se sont retrouvés
simultanément au pouvoir dans leur pays respectif, porteurs de
la nationalité saoudienne. Dans ce contexte, il n’est pas
indifférent de noter que Rafic Hariri a été assassiné dans la
quinzaine qui a suivi l’élection d’un Kurde, Jalal Talabani, à
la tête de l’Irak, et, de l’attribution à un chiite de la
présidence du conseil des ministres, écartant les sunnites du
gouvernement de l’ancienne capitale des abbassides, sur laquelle
flottait d’ailleurs à l’époque le nouvel emblème irakien conçu
par le proconsul Paul Bremer, aux couleurs israélo kurdes (bleu
blanc et jaune blanc). Ce qui déclenchera d’ailleurs une vague
d’attentats sans précédent contre les symboles de l’invasion
américaine en Irak et de leurs alliés régionaux.
Pompier pyromane, le monarque octogénaire (86 ans), au pouvoir
depuis quinze ans, est situé à l’épicentre d’un conflit qu’il
n’a cessé d’attiser que cela soit par sa caution à l’invasion
américaine de l’Irak, avec pour contrecoup l’élimination des
sunnites du centre du pouvoir, que par le rôle précurseur du
faux témoin syrien auprès des enquêteurs internationaux, Zouheir
Siddiq, un factotum du général Rifa’at al-Assad, oncle et rival
du président Syrien Bachar al_Assad et surtout beau frère du roi
d’Arabie, en vue de destabliliser le président libanais Emile
Lahoud pour lui substituer un deuxième beau frère du Roi, le
député libanais Nassib Lahoud.
Défié sur son flanc sud, au Yémen, par la principale
organisation intégriste sunnite du monde musulman de dimension
planétaire, Al-Qaida, excroissance rebelle du modèle wahhabite,
le Roi Abdallah est mis au défi de l’équation que représente le
glorieux palmarès militaire du Hezbollah, la principale
formation paramilitaire du tiers monde, d’obédience chiite.
Abdallah apparaît comme l’apprenti sorcier d’un enjeu qui le
dépasse, démiurge d’enjeux qui le surpassent tant en Irak, qu’au
Liban qu’auparavant en Afghanistan. Dans cette perspective, la
transaction du siècle conclu, en septembre 2010, entre l’Arabie
saoudite et les Etats-Unis, de l’ordre de quatre vingt dix
milliards de dollars d’armement, comprenant près de trois cents
appareils et des missiles à guidage, vise officiellement à
renforcer le Royaume face à l’Iran, non Israël, puissance
nucléaire occupante de Jérusalem, le 3 me haut lieu saint de
l’islam, mais aussi et surtout à consolider la dynastie dans son
rôle de gendarme régional, alors que les deux pays balises de
l’Arabie (Irak et Yémen) sont déstabilisés et que l’arc de
l’Islam, qui va de la Somalie à l’Indonésie en passant par les
pays du Golfe et l’Asie centrale, devient le nouveau centre de
gravité stratégique de la planète avec l’émergence de la Chine
et de l’Inde et leur contournement de l’Occident par l’Afrique.
Indice complémentaire de sa vassalité, le nouveau contrat
militaire de quatre vingt dix milliards de dollars conclu entre
les Etats Unis et l’Arabie saoudite. Le plus important contrat
d’armement de l’Histoire vise à «renforcer les capacités
combatives du Royaume face à l’Iran» sans faire peser des
risques sur Israël. Les avions saoudiens seront privés d’armes
de longue portée afin de sécuriser l’espace aérien israélien et
leurs performances, tant en ce qui concerne leur équipement que
leur maniabilité, seront, en tout état de cause, de moindre
capacité que le nouveau appareil que les Etats-Unis envisagent
de vendre à Israël, 20 chasseurs-bombardiers américains F-35
Lightning II (JS F-35), le super bombardier de supériorité
technologique, dont le coût unitaire atteint la somme
considérable de 113 millions de dollars pièce.
Ainsi donc par un subterfuge que les politologues américains
désignent du vocable de «Politics of fears», la politique de
l’intimidation, qui consiste à présenter l’Iran comme un
croquemitaine, l’Arabie saoudite est contrainte de se doter, non
d’une défense tous azimuts, mais d’une posture défensive anti
iranienne, autrement dit de renforcer le royaume «face à
l’Iran», puissance du seuil nucléaire, et non Israël, puissance
nucléaire de plein exercice, de surcroît puissance occupante de
Jérusalem, le 3me haut lieu saint de l’Islam. Au total, le
montant des transactions militaires entre les pétromonarchies du
Golfe et les Etats-Unis, pour 2010-2011, s’élèvera à 123
milliards de dollars. Le reliquat se partageant entre Les
Emirats Arabes Unis, le Koweït et le Sultanat d’Oman, qui
débloqueront ainsi, à eux quatre, une somme colossale pour
résorber le chômage aux Etats-Unis, maintenir un bassin d’emploi
de 75.000 poste sur cinq ans, et justifier, sous l’apparence
d’un faux équilibre, une transaction qualitativement supérieure
entre les Etats-Unis et Israël.
Soixante dix huit ans après son indépendance, le trinôme sur
lequel s’est constitué le Royaume (Islam Pétrole wahhabisme)
paraît devoir prendre une nouvelle configuration. Si l’Islam, sa
rente de situation, est assurée de pérennité, le pétrole est
voué au tarissement ou au dépérissement du fait des énergies de
substitution, de même que la dynastie wahhabite, à moins d’une
remise en question de sa conception monolithique de l’Islam et
du monde, de sa conception de l’Etat et de ses rapports avec ses
concitoyens, de ses rapports avec la réalité de son
environnement arabe, pas uniquement constitué de sunnites, ni
uniquement de musulmans, ni même uniquement d’Arabes (kurdes et
kabyles), mais également d’Arabes chiites souvent patriotes et
de patriotes arabes pas toujours musulmans (Chrétiens arabes),
pas toujours nécessairement en état de prosternation permanente
devant les Etats-Unis d’Amérique, leurs bienfaits et leurs
méfaits.
La famille royale saoudienne aura emprunté un bien curieux
cheminement pour se maintenir au pouvoir, le parfait
contre-exemple des annales de la géopolitique mondiale. A trop
ménager ses alliés islamistes, elle s’est affaiblie en leur
donnant la possibilité de se retourner contre leur ancien
mentor. En instrumentalisant ses formations panislamiques par
des opérations de diversion (Afghanistan) ou de déstabilisation
(Syrie, Egypte et Algérie) sans jamais les désavouer ou les
museler, l’Arabie saoudite se retrouvera en charge du passif du
legs islamiste, de la destruction des Bouddha de Bâmiyân par les
Talibans aux attentats anti-américains du 11 septembre 2001,
soumise à la suspicion de l’opinion occidentale et à la vindicte
de ses anciens protégés islamistes.
Comment expliquer un tel comportement? Que des dirigeants
aient pu sur une aussi longue période se confiner dans le rôle
de sous-traitant, accepter de s’engouffrer aveuglément dans des
combats contre des ennemis à eux assignés par leur tuteur, sans
marquer un temps d’hésitation, un sursaut d’amour propre
national ? S’amputer sciemment d’alliés naturels, sans poser la
question de la comptabilité avec l’intérêt national? Condamner
l’avant garde révolutionnaire arabe, la sacrifier pour la
satisfaction d’intérêts étrangers, sans s’interroger sur le bien
fondé d’une telle politique? A quelle logique répondait un tel
comportement singulier. Mégalomanie ou Mégalocéphalite?
Machiavélisme ou Cynisme servile? Exorbitance ou Aberration
mentale? Posture ou imposture? Près de quarante ans après les
faits, la pertinence d’une telle politique n’a toujours pas été
démontrée mais ce qui s’est révélé comme un fait avéré est qu’
«il existe quelqu’un de pire qu’un bourreau, son valet» (9). Une
sentence à méditer alors que le Royaume, la banque centrale du
pétrole, envisage, pour la première fois de son histoire, de
mettre un terme à la prospection pétrolière de son sous sol afin
d’épargner ses richesses en vue de les «transmettre aux
générations futures» (10), alors que sa richesse risque de
tarir, par voie de conséquence, son impunité, au moment même où
la Chine est en passe de contester aux Etats-Unis, son
leadership planétaire.
Références
7 -Précisions de Chass Freeman, ancien
ambassadeur des Etats-Unis en Arabie Saoudite (1989-1993) sur la
fonction dérivative de la guerre d’Afghanistan sur la jeunesse
saoudienne par r6pport au problème palestinien au cour de ce
même documentaire de Jihane Tahri
8–«La Cia et le Djihad (1950-2001)» de John
Cooley, ancien correspondant pour le Moyen orient du journal de
Boston «Christian Science Monitor» et de la chaîne ABC news.
Editions Autrement 2002.
9-L’expression est du Comte Honoré Gabriel de
Mirabeau (1749-1791), un des plus brillants orateurs de la
révolution française, auteur de «Essai sur les lettres de cachet
et les prisons d’état». Il participera à l rédaction de la
«Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen».
10– Cf. Le Monde .7 juillet 2010 « Le roi
Abdallah annonce l’arrêt de l’exploration pétrolière en Arabie
Saoudite» Une contrainte de plus (et de taille) pour retarder le
déclin de la production mondiale. L’Arabie Saoudite, premier
producteur mondial de pétrole, aurait mis un terme à la
prospection sur son sol afin d’épargner ses richesses et de les
transmettre aux générations futures, selon une déclaration du
roi Abdallah datée du 1er juillet. L’annonce a été faite à
Washington devant des étudiants saoudiens, précise l’agence de
presse saoudienne. Prononcée deux jours après une rencontre
entre le souverain saoudien et le président américain Barack
Obama, elle résonne comme une mise en garde. L’arrêt du
développement de nouveaux champs pétroliers en Arabie Saoudien
menace de compliquer un peu plus l’avenir de la production
mondiale de pétrole, face à une demande toujours plus forte. En
effet, l’Arabie Saoudite détient à elle seule 20 % des réserves
mondiales d’or noir. Tempérant le malaise déclenché par cette
annonce, un officiel du ministère du pétrole saoudien a indiqué
à l’agence Dow Jones que cette déclaration ne signifiait pas un
arrêt définitif, «mais qu’elle voulait plutôt dire que les
activités d’exploration futures devraient être menées
sagement », précise le Financial Times. Le quotidien économique
londonien rappelle que la compagnie pétrolière nationale
saoudienne, l’Aramco, est censée actuellement prospecter en mer
rouge et dans le golfe persique.
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Publié le 25 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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