Alger, 30 Décembre 2008
Journaliste-écrivain et ancien conseiller du Directeur général
de RMC-Moyen-Orient, il nous livre sa lecture des attaques
israélienne sur Gaza
Algérie News : La ligue arabe est-elle morte ?
René
Naba : La Ligue arabe n’est pas morte et ne mourra pas
de sitôt, non qu’elle soit éternelle et son œuvre immortelle,
mais plus simplement parce qu’elle fait œuvre utile pour le
Monde occidental. La Ligue arabe vivra aussi longtemps qu’elle
pourra rendre service à ses créateurs, qu’elle servira de
caution à la politique hégémonique occidentale contre le Monde
arabe. N’oubliez pas qu’elle a été créée par les Anglais pour
canaliser le mécontentement arabe dans un sens conforme aux
intérêts britanniques après l’indépendance formelle que le
Royaume Uni a octroyée aux pays arabes après la Deuxième Guerre
Mondiale (939-1945).
Par une
aberration de l’esprit révélatrice de la servilité arabe à leur
égard, les Anglais qui sont pourtant à l’origine directe de la
création d’Israël avec la promesse Balfour
(1917) continuent de bénéficier de facilités militaires dans les
pays arabes et de substantiels dépôts bancaires arabes. Il en
est de même des Etats-Unis, le partenaire stratégique émérite de
l’Etat Hébreu.
L’Egypte de
Farouk, la Jordanie Hachémite, l’Arabie wahabite, sans compter
l’Irak, les pétromonarchies du Golfe, et le trône chérifien au
Maghreb, constituent des piliers inamovibles du Monde occidental
en terre arabe. Leurs successeurs de même. A l’exception d’une
courte parenthèse, le sursaut nationaliste de trente ans
illustré par l’Egyptien Gamal Abdel Nasser, l’Algérien Houari
Boumediene et le Syrien Hafez al Assad, la Ligue arabe a
continuellement fait office de principal relais des menées des
puissances coloniales dans la zone, les Français et les Anglais
dans un premier temps, les Américains, désormais.
Israël ne se serait jamais permis de se livrer une telle
boucherie sans la complicité passive des Etats arabes, sans
la démission des pays occidentaux face à leurs propres
valeurs qu’ils ont érigés en valeurs universels.
L’expédition punitive de Gaza (317morts selon un dernier
bilan) constitue, au premier chef, une opération de
surenchère électorale entre le travailliste Ehud Barak,
ministre de la défense, la centriste Tzipi Livni, chef du
parti Kadima et ministre des affaires étrangères, en vue de
barrer la voie à leur concurrent le plus sérieux Benjamin
Netenyahu (chef du Likoud), à six semaines des élections
législatives israéliennes. Elle permet d’une manière
subséquente à Israël de reléguer au deuxième plan les
interrogations qui commencent à se faire jour aux Etats-Unis
sur la prépondérance du lobby juif américain dans la
détermination de la diplomatie américaine et sur la vie
économique américaine, après les faillites de deux
établissements proches du lobby pro-israélien aux
Etats-Unis, la banque Lehman Brother’s et le fond spéculatif
Bernard Madoff.
L'Égypte aura-t-elle signé son
divorce avec la Ligue arabe ?
La Ligue
arabe constitue une rente de situation pour l’Egypte qui n’en
divorcera pas. Elle en a été exclue après la normalisation
solitaire de Sadate avec Israël, en 1979, mais depuis sa
réintégration, en 1984, lors, elle n’a eu de cesse d’y jouer un
rôle prépondérant à l’effet de faire contrepoids à la diplomatie
parallèle menée, pour le compte de l’Arabie saoudite, par
l’Organisation de la Conférence islamique.
Depuis près
de vingt ans, la Ligue arabe a cautionné toutes les
interventions militaires américaines dans la zone, que cela soit
lors de la première guerre de la coalition occidentale
anti-irakienne, scellée au sommet arabe du Caire en Août 1990,
ou l’invasion américaine de l‘Irak en 2003.L’Egypte qui
bénéficie d’une rente stratégique matérialisée par une aide
américaine de trois milliards de dollars par an, fait office
depuis près de vingt ans de «passeurs de plat» de la diplomatie
américaine dans la zone.
Ce n’est pas
un hasard si le secrétariat général de l’organisation pan-arabe
a été confié à Amr Moussa, l’ancien ministre des affaires
étrangères, allié par alliance à la famille du président Nasser,
au nationalisme moins flageolant que les autres candidats, mais
dont la désignation à un poste de consensus a éloigné de la
compétition pour la succession présidentielle en Egypte. Un exil
doré en somme.
L’Egypte a
peu beaucoup perdu de son prestige du fait de son alignement
inconditionnel sur les Etats-Unis et Israël et son hostilité
résolue aux forces contestataires arabes. Les déboires
américains en Irak, et israéliens au Liban et en Palestine, y
ont grandement contribué aussi. Circonstance aggravante:Malgré
tous les abus israéliens, malgré ce déchaînement de violence, la
guerre destructrice israélienne contre le Liban, en 2006, le
bain de sang contre le peuple palestinien à Gaza, en Décembre
l2008, l’Egypte n’a jamais renoncé à prêter main forte à Israël,
à pourvoir à ses besoins énergétiques à un prix avantageux, en
deçà du prix du marché, maintenir fermé le passage de Rafah vers
Gaza. Une sorte de complicité dans l’agression en somme. Le
comble de l’ignominie pour un pays qui fut longtemps à
l’avant-garde du combat de libération arabe.
L’Egypte
invoque des prétextes fallacieux pour justifier son atonie. En
2006, l’Egypte tout comme l’Arabie saoudite dont elle n’est plus
que l’ombre portée, avaient déploré que le Hezbollah ait mis en
péril la «sécurité nationale arabe par un acte unilatéral (la
capture de deux soldats israéliens). Aujourd’hui, ils reprochent
au Hamas d‘avoir rompu la trêve, oubliant que Gaza, la
Cisjordanie, Jérusalem-Est, le Golan sont occupés depuis
quarante ans, que la colonisation rampante de la Palestine et la
judaïsation de la Ville Sainte de même que le quadrillage
de l’espace palestinien se poursuivent sans ménagement et
qu’enfin le Hamas a été le vainqueur démocratique des dernières
élections législatives, vainqueur incontestable pourtant
arbitrairement contesté par les occidentaux et leurs alliés
arabes.
Il
n’appartient pas au peuple palestinien de payer, par délégation,
pour les atrocités commises à l’encontre des Juifs dans le Monde
occidental, notamment en Europe. Tant qu’Israël bénéficiera
d’une impunité totale, il est à craindre que des tragédies comme
celle de Gaza ne se reproduisent. Il est à parier que Le Monde
gagnera en stabilité et en sécurité et les pays occidentaux en
respectabilité et en crédibilité, le jour où
Israël cessera de bénéficier d’une immunité totale
et absolue en toute circonstance et en
tout lieu.
Entretien réalisé par Azzedine
Belferag
ALGERIE NEWS
Mardi 30 décembre 2008
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Publié le 8 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de René Naba.