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Actualité
Yémen : Le pied de
nez de Ben Laden à ses anciens parrains 1/2
René Naba
Paris, le 5 septembre 2010
Ce papier est dédié à Georges Habbache, chef du
Mouvement Nationaliste Arabe, puis du Front de Libération pour
la Libération de la Palestine (FPLP), à Abdel Kawi Makkawi, son
lieutenant à la tête du FLOSY (Front de Libération du Sud Yémen
Occupé) et à Salem Robaye Ali (Salmine), Président de l’éphémère
République du Sud Yémen, tombeurs du protectorat britannique
d’Aden.
En
phase éruptive au Sahel, en cours de réorganisation en Irak,
Oussama Ben Laden vient de se replacer dans le jeu depuis la
terre de ses ancêtres, le Yémen, adressant un magistral pied de
nez à ses anciens parrains, dix ans après l’apocalyptique raid
qu’il a commandité sur les symboles de l’hyper puissance
américaine, s’implantant sur le flanc sud du royaume saoudien
dans un combat retourné contre la dynastie wahhabite visant au
premier chef à rétablir sa légitimité et à redorer son blason au
sein du Monde arabe.
Houspillé pour sa fugitive disparition à la suite de l’invasion
américaine de l’Afghanistan, en novembre 2001, à bord d’une moto
conduite par son borgne compère, le Mollah Omar, chef des
Talibans, le sous traitant émérite de la connivence saoudo
américaine dans la guerre antisoviétique d’Afghanistan
(1980-1989) s’est rappelé au bon souvenir de ses anciens
bailleurs en faisant un retour signalé au Yémen, à tout le moins
ses disciples, se replaçant en Arabie méridionale, à l’épicentre
de la connexion arachnéenne du dispositif militaire et
énergétique américain, en bordure de la veine jugulaire du
système énergétique mondial, à l’intersection des voies des
communications maritimes internationales.
La
«guerre oubliée du Yémen» n’est pas si oubliée que cela, en tout
cas pas par tout le monde à en juger par ses multiples
protagonistes et l’imposant dispositif militaire déployé à sa
périphérie. Et, dans la perspective du fin de la mission de
combat américain en Irak, fin août 2010, ce pays qui fut le
champ d’affrontement égypto saoudien dans la décennie 1960,
pourrait redevenir, par tribus interposées, le terrain de
confrontation des nouvelles puissances régionales, l’Iran, d’une
part, l’Arabie saoudite soutenue par les Etats-Unis d’autre
part.
“Quiconque atteindra la suprématie maritime dans l’océan Indien
serait un joueur important sur la scène internationale”,
soutenait déjà au siècle dernier le Contre-amiral Alfred Thayus
Mahan (1840-1914), géostratège de la Marine des États-Unis,
soulignant par là le véritable enjeu stratégique de la nouvelle
guerre du Yémen. Le repositionnement du chef d’Al Qaida
a été opéré dans cette optique là. Situé à la pointe
sud-ouest de la péninsule arabique, frontalier de l’Arabie
saoudite au Nord, et du Sultanat d’Oman, à l’Est, le Yémen
possède une façade maritime d’une longueur de 1 906 km de côtes,
faisant la jonction entre la Méditerranée et l’Océan indien via
le canal de Suez et le Golfe arabo-persique. Jamais colonisé, ce
pays, placé selon son étymologie à droite sur le chemin du
pèlerinage de la Mecque, couvre une surface de 527 970 km², soit
presque autant que la France. Via ses trois îles, –Kamran,
Perrin, et Socotra— il commande l’accès à la mer Rouge par le
détroit de Bab el-Mandeb, et l’île de Socotra (la plus grande
des îles) dans l’océan Indien. Signe de l’importance stratégique
de la zone, le Royaume Uni, du temps du protectorat britannique
sur l’Arabie du sud, avait fait du port d’Aden, la grande ville
du sud Yémen, la place forte de la présence britannique à l’Est
de Suez pour la sécurisation de la route des Indes.
1- Une
zone de non droit absolu, la piraterie maritime dans la Corne de
l’Afrique
La
militarisation des voies maritimes figure d’ailleurs parmi les
objectifs de Washington dans cette zone de non droit absolu qui
relie la Méditerranée à l’Asie du Sud-est et à l’Extrême-Orient
par le canal de Suez, la mer Rouge et le golfe d’Aden. Une base
aéronavale américaine à Socotra pourrait être édifiée en vue de
superviser le mouvement des navires du golfe d’Aden, dont des
bâtiments de guerre, et contribuer à la lutte contre la
piraterie maritime, corrosive pour l’image de l’Occident dans le
tiers monde. A lui seul, le Golfe d’Aden représente 660
000 kilomètres carrés, mais la zone de rayonnement des
pirates s’étend désormais jusqu’aux Seychelles,
soit deux millions de km2. Les côtes somaliennes
courent sur 3700 kilomètres, relevant de trois Etats, mais le
plus souvent hors de toute juridiction. Vingt mille navires
empruntent cette autoroute maritime chaque année, transportant
le tiers du ravitaillement énergétique de l’Europe.
L’Ethiopie, pays africain non musulman, a été désigné par les
Etats-Unis pour faire office de «gendarme régional» dans la
Corne de l’Afrique, à l’instar d’Israël pour le Proche orient.
Mais l’échec de l’Ethiopie à mater la rébellion du régime des
tribunaux islamiques a conduit l’alliance occidentale à mettre
en place un dispositif de lutte contre la piraterie maritime
s’articulant sur trois volets Etats-Unis, Union européenne et
Otan.
En 2009,
168 actes de piraterie ont été recensés, dont douze navires et
deux cents cinquante otages détenus sur la côte somalienne au
1er décembre dernier.
Le
dispositif international est déployé depuis Djibouti (Golfe
d’Aden) et les Seychelles (sud océan Indien), qui constituent
les principales bases de soutien des opérations maritimes et
aériennes d’anti-piraterie. Une vingtaine de bâtiments de guerre
croisent en permanence dans le Golfe d’Aden et patrouillent le
long des côtes somaliennes, au titre des opérations suivantes:
-
l’EUNAVFOR («Atalanta»), lancée par l’Union européenne en
décembre 2008, à l’initiative de la France et de l’Espagne.
• la
TF 150, à l’origine, une «task force» multinationale à dominante
américaine effectuant de l’antiterrorisme (Enduring freedom,
Antiterror)
•
Ocean Field, une force navale provisoire de l’Otan, prélevée sur
des groupes en manoeuvre dans l’océan Indien.
Ce
dispositif ne tient pas compte des unités détachées par les
marines nationales des Etats-Unis, Russie, Inde, France, Chine,
Egypte, Australie et Malaisie pour des missions limitées.Couloir
maritime majeur reliant le Moyen-Orient, l’Asie de l’Est et
l’Afrique avec l’Europe et le continent américain, l’Océan
indien possède quatre voies d’accès cruciales facilitant le
commerce maritime international, qui constituent autant de
«goulots d’étranglement» pour le commerce mondial du pétrole, à
savoir le canal de Suez en Égypte, Bâb el-Mandeb (longeant
Djibouti et le Yémen), le détroit d’Ormuz (longeant l’Iran et le
sultanat d’Oman) et le détroit de Malacca (longeant l’Indonésie
et la Malaisie).
Dans
ce périmètre hautement stratégique, les Etats Unis ont procédé
au plus important déploiement militaire hors du territoire
national, en temps de paix. La zone abrite en effet à Doha
(Qatar), le poste de commandement opérationnel du Cent Com (le
commandement central américain) dont la compétence s’étend sur
l’axe de crise qui va de l’Afghanistan au Maroc, et, à Manama
(Bahreïn), le quartier général d’ancrage de la Vme flotte
américaine dont la zone opérationnelle couvre le Golfe
arabo-persique et l’Océan indien. En complément, l’Arabie
saoudite abrite, elle, une escadrille d’AWACS (Air borne warning
and control system), un système de détection et de commandement
aéroporté, dans la région de Riyad. Le Royaume est en effet le
seul pays au Monde à abriter des radars volants américains en
dehors des Etats-Unis, indice qui témoigne de l’importance
accordée par les Etats-Unis à la survie de la dynastie
Wahhabite. Le Koweït, très dévoué à son libérateur, fait office
de zone de pré positionnement et de ravitaillement à la
gigantesque infrastructure militaire américaine en Irak, le
nouveau champ d’expérimentation de la guerre moderne américaine
dans le Tiers-monde. S’y ajoutent, derniers et non les moindres
des éléments du dispositif, Israël, le partenaire stratégique
des Etats-Unis dans la zone, la base aérienne britannique de
Massirah (Sultanat d’Oman), et, depuis janvier 2008 la plate
forme navale française à Abou Dhabi, face à l’Iran.
Près
de quarante ans après l’indépendance de la côte des pirates et
le redéploiement britannique à l’Est de Suez, en 1970, les
principautés du Golfe vivent de nouveau sous protectorat de fait
de leurs anciens tuteurs, en une sorte de «servitude
volontaire». Se superposant à la compétition inter
régionale entre l’Iran et l’Arabie saoudite sur fond de rivalité
religieuse entre les deux branches de l’Islam, le sunnisme
et le chiisme, la nouvelle guerre du Yémen se greffe à la
piraterie maritime aux larges de la Somalie ainsi qu’aux
conflits tribaux endémiques du Yémen, au trafic des armes, du
carburant et de la drogue, particulièrement lucratif dans la
corne de l’Afrique.
2 -Le
phénomène corrosif du qat
Spécialité corrosive, le Qat ou «l’or vert» explique une part du
comportement de la population de la zone. 96% des hommes
Yéménites en consomment et 70% des femmes entraînant des
conséquences dramatiques sur la société yéménite avec son
cortège de dépendance,
de disparition de la diversité agricole (café, riz, blé,
légumes). Ses effets nocifs sur la santé, au niveau
cardiaque et dentaire, le manque d’appétence et les
carences alimentaires qui en découlent
sont d’autant plus dangereuses que la consommation
précoce commence à l’age de onze ans. Dix neuf pays
cultivent le Qat, consommés de nos jours par plus de cent
millions de personnes, principalement au Yémen,à Djibouti, en
Somalie et en Ethiopie. Aux conséquences humaines,
écologiques, économiques, s’ajoutent des conséquences
politiques: la corruption et la mendicité. La consommation
moyenne du yéménite en Qat s’élève à 500 à 800 Rials par jour,
pour un salaire moyen de 15000 Rials par mois. Sont ainsi posées
les bases pour le développement de la corruption, qui a atteint
un degré tel, que l’état ne dispose plus de moyens d’action. 80%
du budget de l’état proviennent des recettes du Qat. Malgré un
ancrage officiel dans le camp occidental et une coopération pour
le contrôle de ses côtes, le pays reste un foyer d’instabilité.
Les pays occidentaux et les Saoudiens redoutent de voir
Al-Qaida étendre son influence, profitant de l’insurrection qui
se développe dans le nord du Yémen.
Suivra le 11 septembre 2010 : Deuxième volet du papier Yémen, le
pied de nez d’Oussama à ses anciens parrains part 2/2 :
Une bataille décisive, dans l’ordre symbolique, contre la
monarchie saoudienne.
Références:
1 - le dispositif de lutte
contre la piraterie maritime comporte :
Une vingtaine de bâtiments de guerre présents
en permanence dans le Golfe d’Aden, ou en patrouille le long des
côtes somaliennes, au titre de plusieurs opérations:
-l’EUNAVFOR («Atalanta»), lancée par l’Union
européenne en décembre 2008, à l’initiative de la France et de
l’Espagne. Vingt-deux Etats participent à Atalanta, dont onze
ont envoyé des moyens sur place. Depuis décembre 2008,
trente-trois frégates ou corvettes, quatre navires ravitailleurs
et de commandement, et cinq avions de patrouille maritime se
sont succédé. Au début décembre 2009, neuf navires, deux avions
de patrouille et deux mille marins sont «sur zone», pour la
seule opération de l’Union européenne.
Selon des chiffres cités au cours d’un
colloque «La piraterie, menace
stratégique ou épiphénomène »,
organisé le 7 décembre dernier à Paris par la Fondation pour la
recherche stratégique, le budget de l’opération Atalanta serait
de 230 millions d’euros pour l’année 2009. Tel est le coût,
pour l’Union européenne, de la sécurisation d’une route
d’importance stratégique, à l’entrée de la mer Rouge.
Mais ce chiffre ne représente ni
l’amortissement des matériels, ni la formation et les salaires
des personnels, pas plus que les dépenses consenties par les
marines sous leur pavillon national.
- la TF 150, à l’origine, une «task force»
multinationale à dominante américaine effectuant de
l’antiterrorisme (Enduring freedom, Antiterror) ;
- Ocean Field, une force navale provisoire de
l’Otan, prélevée sur des groupes en manoeuvre dans l’océan
Indien;
-Des unités détachées par les marines
nationales des USA, de Russie, Inde, France, Chine, Egypte,
Australie, Malaisie, etc. pour des missions limitées.
Du mois d’avril 2008 à Décembre 2009, six
cents treize pirates présumés ont été interpellés en mer. Une
quarantaine ont été tués. Deux cents quatre-vingt dix-neuf
d’entre eux ont été remis à la justice d’un pays riverain, en
vertu d’accords de transfèrement. 110 remis aux autorités
du Kenya, trente huit aux Seychelles, quarante huit au Yémen,
© Toute reproduction intégrale ou
partielle de cette page faite sans le consentement écrit de René
Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 5 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de René Naba.
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