RIA Novosti
Israël affûte ses armes en prévision d'une
frappe contre l'Iran
Piotr Gontcharov
Photo RIA Novosti 25
juin
2008 Les frappes aériennes israéliennes contre les sites
nucléaires iraniens ne sont plus qu'une question de temps. Bien
entendu, si l'Iran persiste à développer ses propres
technologies d'enrichissement de l'uranium. C'est un article du
New York Times sur les récents exercices des forces navales
israéliennes dans l'Est de la Méditerranée qui arrive à cette
conclusion. Ces exercices ont fait beaucoup de bruit et suscité
de nouvelles thèses de la part des experts sur l'éventualité
d'un raid aérien contre les ouvrages nucléaires de l'Iran. Cette
fois, le rôle de l'exécutant est réservé à Israël. Des
"officiels anonymes de l'administration américaine et du
Pentagone" ont déclaré au New York Times, qui avait "découvert"
ces exercices, qu'ils devaient être considérés comme une
"répétition d'un bombardement potentiel" des sites nucléaires
iraniens.
Certains détails de ces deux semaines d'entraînement sont
particulièrement significatifs: y ont participé plus de 100
chasseurs F-16 et F-15, ainsi que des hélicoptères et avions
ravitailleurs qui ont volé sur 1.500 km, ce qui correspond à la
distance entre Israël et le complexe iranien d'enrichissement de
l'uranium à Natanz.
Et ce n'est pas tout: le premier ministre israélien Ehud
Olmert a reçu ces jours-ci le principal "cerveau" du raid aérien
israélien contre le réacteur irakien Osirak en 1981. Citons
encore les derniers pronostics de John Bolton, ancien secrétaire
d'Etat adjoint chargé des questions du contrôle des armements.
D'après lui, Israël portera un coup dès cette année, mais après
l'élection présidentielle aux Etats-Unis, afin de ne pas
brouiller les cartes des républicains.
Comme on dit, le diable se cache dans les détails. Le fait
qu'une nouvelle fuite du Pentagone et de l'administration
américaine ait été organisée par des officiels, bien
"qu'anonymes", la rend bien plus précieuse que les prédictions
apocalyptiques d'attaque contre l'Iran faites par le célèbre
journaliste d'investigation américain Seymour Hersh. Mais le
commentaire de ces officiels "anonymes" est pour le moins
curieux. D'après eux, le but de ces exercices était de montrer
aux Etats-Unis et à d'autres pays qu'Israël est prêt à employer
la force, s'il s'avère impossible de persuader Téhéran par des
moyens diplomatiques de renoncer à l'enrichissement de
l'uranium.
Bref, le commentaire va droit au but, surtout si l'on
remplace "Etats-Unis" par "Iran". En fait, Israël a de nouveau
rappelé à l'Iran et au reste du monde qu'il était prêt à
empêcher Téhéran par tous les moyens possibles de développer ses
propres technologies d'enrichissement de l'uranium.
Cette position d'Israël est évidente et argumentée. Que lui
reste-t-il à faire si le guide spirituel et le président d'un
pays qui développe ses propres technologies nucléaires,
technologies qui lui permettront de créer une bombe atomique à
la simple condition d'en avoir la "volonté politique", ne
cessent de déclarer qu'il faut rayer l'Etat d'Israël de la carte
du monde? Qui plus est, les dirigeants iraniens invitent les
leaders du Hamas à lutter les armes à la main pour libérer la
Palestine, naturellement, contre Israël.
Quelque chose saute aux yeux ces derniers temps dans la
confrontation entre Israël et l'Iran. C'est d'abord un
changement considérable de ton dans les déclarations d'Ehud
Olmert à l'adresse de Téhéran, et ce, depuis sa récente visite
aux Etats-Unis. C'est au cours de cette visite qu'Hillary
Clinton et Barack Obama ont tous deux assuré Israël, leur "allié
le plus fidèle" au Proche-Orient, de leur soutien inconditionnel
en cas de son conflit armé avec l'Iran (John McCain, lui, n'a
jamais laissé planer aucun doute sur ce soutien). Il est peu
probable que les déclarations des démocrates s'expliquent
uniquement par la campagne présidentielle. Ehud Olmert s'est
également assuré ce soutien de la part du président Nicolas
Sarkozy et du premier ministre britannique Gordon Brown.
La question de savoir s'il faut bombarder ou non les sites
nucléaires iraniens a toujours été douloureuse pour Israël. Les
experts israéliens n'ont jamais caché leur crainte que le pays
ne se retrouve seul face à un Iran nucléaire. Et il y a de quoi.
L'apparition d'une bombe atomique en Iran aurait un arrière-goût
de verdict pour l'Etat hébreu. C'est pourquoi la question de
savoir qui bombardera l'Iran, les Etats-Unis eux-mêmes ou
Israël, a toujours été à l'ordre du jour dans les relations
entre Tel-Aviv et Washington.
A en juger par l'article du New York Times, un consensus a
été trouvé. Le problème est réglé. Quant à l'article en
lui-même, il est, dans une certaine mesure, un avertissement
lancé aussi bien à l'Iran qu'à la communauté mondiale. D'autant
que les exercices et leur "couverture" médiatique ont coïncidé
avec une nouvelle tentative de persuader l'Iran de renoncer à
l'enrichissement de l'uranium. Quelle sera à présent la réaction
des principaux intéressés?
Un nouveau "paquet de propositions" a été remis ces jours-ci
à Téhéran par le Haut représentant de l'UE pour la politique
étrangère et de sécurité commune Javier Solana. Ces
propositions, qualifiées de "carotte", ont été élaborées par les
six médiateurs internationaux chargés du dossier iranien (les
cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU plus
l'Allemagne). Elles prévoient, entre autres, d'apporter un
soutien à l'Iran dans la construction d'un réacteur à eau légère
sur la base de technologies modernes, des garanties dans le
domaine des livraisons de combustible nucléaire, ainsi que
d'autres préférences. L'Iran bénéficierait d'avantages dans les
domaines du nucléaire civil, du commerce, des finances, de
l'agriculture et des hautes technologies. Ces propositions sont,
semble-t-il, très attrayantes, et les six fondent sur elles un
espoir particulier.
Cependant, Téhéran s'en tient à sa position. Il considère
toute exigence de mettre fin aux travaux d'enrichissement de
l'uranium comme inadmissible. Sa dernière réponse est la
suivante: "Pour l'Iran, l'arrêt de l'enrichissement de l'uranium
se trouve au-delà de la ligne rouge. Nous devons posséder cette
technologie".
Fait paradoxal: si l'Iran atteint un certain niveau sur le
plan des technologies d'enrichissement de l'uranium, il s'agira
également pour Israël d'une "ligne rouge", au-delà de laquelle
le développement de la situation peut être suicidaire pour lui.
C'est pourquoi des frappes aériennes ne sont pas du tout
exclues.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA Novosti
|