RIA Novosti
L'élection
présidentielle iranienne, ou la révolution reportée
Piotr Gontcharov
Photo RIA Novosti
Jeudi 18 juin 2009 L'opposition iranienne conteste les
résultats de l'élection présidentielle annoncés par les
autorités, et les rassemblements se poursuivent dans le pays.
Selon certains médias, l'opposition a durci ses mots d'ordre.
Des inscriptions telles que "A bas le dictateur!" et même "A bas
Akmadinejad!" font leur apparition dans la capitale : en persan,
le remplacement du "d" par un "k" sonne de façon obscène, et
donc offensante. A l'Université de la science et de l'industrie
de Téhéran, où le président nouvellement élu, Mahmoud
Ahmadinejad, docteur ès sciences techniques, perçoit toujours
son salaire de professeur, l'inscription suivante remplace sa
photo sur le tableau d'honneur : "A bas le dictateur, qu'il soit
shah ou docteur".
L'apparition du mot "shah" dans les mots d'ordre a suggéré à
de nombreux experts une analogie avec la révolution islamique de
1979 en Iran. Cette révolution avait également été accomplie par
les étudiants. Soit dit en passant, l'actuel président figurait
alors parmi les militants.
De nombreux experts estiment que c'est précisément grâce à
son obsession révolutionnaire que Mahmoud Ahmadinejad, un
provincial, a pu devenir d'abord maire de Téhéran, puis
président du pays. Mais, même après son élection à la
présidence, Mahmoud Ahmadinejad s'est toujours positionné, tant
en paroles que dans ses actes, comme un leader "issu du peuple".
Ce qui, du reste, n'a nullement réduit la tension qui existe
entre lui et les étudiants actuels.
La situation en Iran présente les signes d'une révolution,
mais "verte' : l'opposition a choisi la couleur verte comme
"symbole de la lutte contre l'emprise du régime". Mais il n'y
aura pas de révolution : ni "verte", ni, à plus forte raison,
"orange". La révolution est reportée... par l'imam Khamenei,
leader spirituel (à vie) de l'Iran.
Pourquoi? En Iran, il n'est pas permis que puisse être mise
en doute la réputation d'un "juste". La Constitution l'interdit.
Selon la Constitution, tout le monde a le droit de participer
aux élections, mais seuls les "justes" ont le droit d'être élus.
Et, naturellement, on élit le plus "juste" des "justes". A ce
jour, nul n'est plus "juste" en Iran que Mahmoud Ahmadinejad. Il
l'a déjà prouvé. C'est pourquoi il doit être le garant de
l'intangibilité du régime des ayatollahs qui déterminent le
degré de "justesse" de chaque Iranien croyant.
Personne, du reste, n'a besoin actuellement d'une révolution
en Iran. Sauf les Iraniens eux-mêmes, naturellement. Elle ne
ferait que perturber la situation autour du problème majeur de
notre époque que constitue le programme nucléaire iranien. Une
situation devenue habituelle pour tous les opposants à ce
programme. C'est, du moins, ce qui ressort de leurs propos.
Barack Obama a déclaré, par exemple, qu'il ne voyait pas de
grande différence entre Ahmadinejad et Moussavi. Israël est allé
plus loin. Comme l'a déclaré Meir Dagan, le patron du Mossad
(Service de renseignement israélien), il vaut mieux pour Israël
avoir Ahmadinejad comme président de l'Iran. La victoire de Mir
Hossein Moussavi n'aurait fait qu'aggraver le problème nucléaire
iranien. Au cours du sommet de l'Organisation de coopération de
Shanghai (OCS) qui s'est tenu à Ekaterinbourg, la Russie et la
Chine se sont associées aux autres participants, qui ont
félicité Mahmoud Ahmadinejad, réélu pour un second mandat avant
d'arriver à ce sommet en qualité d'observateur.
Et après? A l'intérieur du pays, le régime des ayatollahs
renforcera certainement la pression sur ses adversaires
politiques. Une certaine correction en faveur de la
libéralisation de l'économie du pays devrait intervenir.
L'économie est le point le plus faible de toute la présidence d'Ahmadinejad.
L'inflation galopante et la montée du chômage obligent le régime
à engager des réformes.
Il en va autrement de la politique étrangère. Dans ce
domaine, tout est subordonné à la volonté du chef spirituel
suprême. Il est peu probable que Khamenei accepte d'assouplir la
position de Téhéran à l'égard d'Israël et qu'il renonce à
l'enrichissement de l'uranium. L'un et l'autre sont des choses
sacrées pour le régime. La politique à l'égard d'Israël a été
léguée par Khomeiny lui-même, et son programme nucléaire fait de
l'Iran une puissance régionale.
Pour ce qui est des liens que l'Iran entretient avec le Hamas
et le Hezbollah, Téhéran tirera probablement des conclusions de
l'échec du Hezbollah aux élections législatives libanaises.
Mais, naturellement, elles iront dans le sens d'un renforcement
de ces liens.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2008 RIA Novosti
Publié le 20 juin 2009
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