|
Le Web de l'Humanité
Gaza. Israël viole les droits de l'homme,
l'UE applaudit
Pierre Barbancey
© Photo PCHR
Mercredi 31 décembre 2008
Gaza . Alors que la population de l’étroite bande de terre reste
sous le feu intense de l’armée israélienne, les ministres
européens renvoient tout le monde dos à dos. Les ministres des
Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) étaient réunis
hier soir, à Paris, « pour examiner en urgence la situation au
Proche-Orient, vu (sic) la gravité des événements récents »,
selon le site du Quai d’Orsay. Si l’on en croit les déclarations
récentes du ministre français Bernard Kouchner, l’urgence est à
« l’arrêt des violences et au retour à la trêve ». Très bien.
Malheureusement, la lecture par l’UE des événements et de ce qui
a conduit à ce qu’il faut bien appeler un massacre de la
population de Gaza ne laisse pas d’étonner. Selon Kouchner, la
trêve a été « rompue par les tirs de roquettes effectués depuis
la bande de Gaza sur le territoire d’Israël », ce qui a le
mérite de dédouaner Israël et d’expliquer la sauvagerie des
bombardements sur Gaza. Parmi les 26 autres membres de l’Union
européenne, pas une tête ne dépasse. Tout le monde est, au
minimum, aligné sur cette thèse.
Les mêmes omettent sciemment d’expliquer que la trêve,
décrétée unilatéralement par le Hamas pour une durée de six
mois, visait à obtenir la levée du blocus de la bande de Gaza
qui tue les Palestiniens à petit feu. Il suffit de consulter
encore une fois le site du ministère français des Affaires
étrangères (www.diplomatie.gouv.fr) pour constater que rien ne
s’est produit. On y lit en effet (données datant du mois de
juin, la situation s’est encore dégradée depuis) : « Le blocage
de la bande de Gaza interdit toute exportation et entraîne la
dévitalisation de l’économie. Les seuls échanges commerciaux
autorisés consistent en l’importation de produits alimentaires.
De nombreux entrepreneurs ont quitté Gaza pour la Cisjordanie et
l’Égypte.
Israël ne pourra pas éradiquer le Hamas
Sur l’ensemble des territoires palestiniens, les deux tiers
des ménages se situent sous le seuil de pauvreté (…) Les prix
ont évolué encore plus fortement dans la bande de Gaza : + 10 %
depuis juillet 2007 contre + 5,7 % pour la Cisjordanie (source :
Palestinian Central Bureau of Statistics). L’augmentation du
niveau des prix à Gaza s’explique par la pénurie de biens et de
produits importés (…). Depuis l’application du blocus par
Israël, le 28 octobre 2007, et en dépit des quelques journées de
rupture de ce blocus en janvier 2008, la situation humanitaire à
Gaza s’est très sérieusement aggravée (…). De nombreux patients
affectés de maladies graves se sont vu refuser le droit de
sortir de Gaza au point de mourir avant d’avoir pu se faire
soigner en Cisjordanie ou en Israël. » Il faudrait encore y
ajouter les dizaines de Palestiniens tués qui ne sont pas le
résultat de tirs de roquettes mais bien celui de l’occupation
israélienne. Que la branche la plus dure du Hamas, qui aurait
bien voulu se passer d’une trêve, se réjouisse maintenant, c’est
une évidence. C’est sans doute ce que cherche Israël, qui sait
pertinemment qu’elle n’éradiquera pas le Hamas et que les tirs
de roquettes se poursuivront de plus belle, comme on peut le
constater en ce moment.
Il y a d’autant moins à attendre des ministres des Affaires
étrangères qu’ils savaient pertinemment qu’Israël préparait une
intervention, comme le révèle dans ces colonnes l’eurodéputée
socialiste belge Véronique de Kayser (lire en page
« Tribune/Idées »). On pourrait également s’interroger sur le
rôle de l’envoyé spécial de l’Union européenne au Proche-Orient,
un certain Tony Blair. Ancien premier ministre de la
Grande-Bretagne (dont le rôle en tant que puissance mandataire
sur la Palestine jusqu’en 1947 explique en partie l’impasse
actuelle), il n’avait, à ce poste, rien tenté pour permettre la
création d’un État palestinien et n’avait pas non plus cherché à
faire appliquer les résolutions de l’ONU (sauf s’agissant de
l’Irak). Il ne fait guère mieux dans son nouveau job.
Prague plus atlantiste encore
Nicolas Sarkozy en revanche, qui n’a eu de cesse de
rapprocher la France d’Israël depuis qu’il est arrivé au
pouvoir, peut se rassurer : la présidence de l’UE qu’il
abandonne à la République tchèque sera, à partir de demain, en
de bonnes mains (si le critère d’appréciation est l’alignement
atlantiste). Le ministre tchèque des Affaires étrangères, Karel
Schwarzenberg, soutient totalement l’offensive israélienne. Il a
d’ores et déjà fait savoir qu’un de ses premiers dossiers sera
le rehaussement (ajourné par le Parlement européen pour cause de
situation à Gaza) du statut d’Israël au sein de l’Europe. Il
espère enfin organiser le premier sommet UE-Israël au cours des
six prochains mois. De quoi satisfaire et renforcer les
dirigeants israéliens dans leur impunité et leur mépris de la
communauté internationale. « Je n’accepte pas les appels à un
cessez-le-feu conjoint. Comment peut-on comparer Israël au
Hamas ? » a déjà fait savoir Tzipi Livni, ministre israélienne
des Affaires étrangères et peut-être future premier ministre,
sans un mot pour les femmes et les enfants palestiniens tués par
ses ordres.
© Journal l'Humanité
Publié le 1er janvier 2009 avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
|