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Le Web de l'Humanité
Tzipi Livni adoubée par Nicolas Sarkozy
Pierre Barbancey
© Photo El Watan
Vendredi 2 janvier 2009
PALESTINE . La ministre israélienne des Affaires étrangères, qui
refuse tout cessez-le-feu, a été reçue hier en grande pompe à
l’Élysée. Nicolas Sarkozy, beaucoup plus prompt à intervenir
dans le Caucase qu’au Proche-Orient, se rend lundi dans cette
région, plus d’une semaine après le déclenchement de l’opération
israélienne qui a déjà fait plus de 400 morts, pour « chercher
les chemins de la paix ». Un chiffre dépassé à peine écrit et
pulvérisé lorsque vous lirez ces lignes. C’est que les raids
aériens ne connaissent pas de répit. Si, le premier jour, en
déversant plus d’une centaine de tonnes de bombes sur la bande
de Gaza, Tel-Aviv a expliqué qu’il ne visait que les
infrastructures du Hamas, aujourd’hui plus rien ni personne
n’est à l’abri de cette volonté de tuer et de détruire.
L’ONU parle de 25 % de pertes civiles
Tous les témoignages qui nous parviennent (la zone est
bouclée et l’accès interdit aux journalistes, ce qui laisse
présager le pire quant au véritable bilan humain et ne peut que
faire trembler si une opération terrestre est lancée) montrent
que les frappes visent maintenant les établissements religieux,
les immeubles d’habitation et les centres d’enseignement. Israël
peut bien se féliciter du « grand succès en matière d’objectifs
atteints » surle plan militaire, l’ONU parle de 25 % de pertes
civiles, soit plus de 100 personnes. Côté israélien, les tirs de
roquettes ont fait trois morts civils. Même si un mort civil est
un mort de trop, peut-on décemment faire la comparaison ?
Nicolas Sarkozy, bien silencieux jusque-là, lui qui se sent
habituellement obligé d’intervenir sur tous les fronts,
cherchait sans doute le moyen d’apparaître sur la scène sans
porter préjudice à ses amis israéliens. La chose n’était pas
aisée si l’on considère le mépris avec lequel Tel-Aviv a répondu
aux « propositions » des ministres des Affaires étrangères de
l’Union européenne (UE), et particulièrement au ministre
français Bernard Kouchner, qui osait parler de « cessez-le-feu
humanitaire » de 48 heures. Rien de bien terrible en termes
politiques. Mais même cela va trop loin. La ministre israélienne
des Affaires étrangères, Tzipi Livni, a vertement répondu aux
impertinents. « Il n’y a pas de crise humanitaire dans la bande,
et par conséquent pas besoin de trêve humanitaire », a-t-elle
déclaré dans un communiqué diffusé par son ministère alors
qu’elle se trouvait en France. « Israël apporte une aide
humanitaire globale à la bande de Gaza (…) et l’a même accrue
aujourd’hui. » Fermez le ban. Peu importe que 46 % des enfants
de la bande de Gaza souffrent d’anémie et que 80 % des
Palestiniens de cette zone vivent en dessous du seuil de
pauvreté.
Dans le même temps, soucieuses de préserver ses appuis et
consciente du fait que, dans les pays d’Europe, les
manifestations contre l’opération israélienne rassemblent de
plus en plus de monde mettant les gouvernements en porte-à-faux,
Tzipi Livni est venue au-devant de Sarkozy. Elle était reçue
hier à l’Élysée. « Je pense que la France, avec le rôle que joue
son président dans la lutte contre le terrorisme, pourra
apporter quelque chose », a-t-elle lancé avec condescendance,
tout en plaçant son pays dans la « lutte contre le terrorisme »
si chère à Paris et à Washington. « Le président Sarkozy connaît
bien la situation et la complexité dans notre région, il
comprend la nature de la menace à laquelle Israël est
confronté », a ajouté la ministre des Affaires étrangères
israéliennes à sa sortie de l’Élysée.
Peu à peu se dessine un scénario comme on l’a connu au moment
de l’agression contre le Liban, à l’été 2006. L’argument invoqué
d’abord, qui est toujours celui d’Israël agressé. Occupation des
territoires palestiniens, occupation des fermes de Chebaa en
territoire libanais, occupation du Golan syrien, rien ne compte
visiblement. La réminiscence de l’été 2006 n’est pas déplacée.
Le feu roulant qui est déclenché au mépris des populations
civiles est bien une marque israélienne. Au sein de
l’état-major, certaines déclarations ne laissent pas place au
doute : il s’agit pour les militaires d’effacer la défaite de
l’été 2006 et de redonner à l’armée israélienne tout son panache
et de montrer que sa puissance est intacte.
Un projet de résolution
Enfin, le scénario se répète aux Nations unies. Mercredi
soir, la Libye a déposé devant le Conseil de sécurité un projet
de résolution. Le document appelle à « un cessez-le-feu immédiat
et à son respect absolu par les deux camps » et demande la
protection des civils palestiniens, l’ouverture des points de
passage de la bande de Gaza et « la pleine restauration du
calme ». Il dénonce en outre « le recours excessif,
disproportionné et indiscriminé à la force par Israël », mais ne
fait allusion aux tirs de roquette des activistes palestiniens
que par une référence à la « détérioration de la situation dans
le sud d’Israël ». C’est ce dernier point qu’ont utilisé les
pays occidentaux pour refuser le projet, estimant qu’il fallait
parler explicitement des tirs de roquettes. Ce faisant, le
Conseil de sécurité s’est terminé sans aucun vote, permettant
ainsi à Israël de poursuivre son offensive. Gageons que les
États-Unis et les Européens accepteront un vote lorsque le
signal leur sera donné par Israël. Au moment où le (sale)
travail sera terminé.
© Journal l'Humanité
Publié le 3 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
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