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Questions critiques
Va-z-y Bibi, largue ta bombe !
Pepe Escobar
Benjamin Netanyahou - Photo RIA Novosti
Asia Time Online, le 7 juillet
2009
article original :
"Go ahead, Bibi - drop the bomb"
BANGKOK – La nouvelle administration de la « mollahcratie »
nouvellement au pouvoir en Iran récolte déjà ce qu’elle a semé.
En ce qui concerne le triumvirat de la croix de fer – le
Dirigeant Suprême Ayatollah Ali Khamenei, le Président Mahmoud
Ahmadinejad et le Corps des Gardes de la Révolution Iranienne
(CGRI) – la « révolution verte » orchestrée par des étrangers
(ainsi que la dépeint le régime) a été broyée. Mais une autre
variété de lumière « verte » pointe (de façon sinistre) à
l’horizon.
En ce qui concerne la direction politique à Téhéran, les
poings desserrés façon Barack Obama restent – du moins pour le
moment – inopportuns. Ainsi que Khamenei l’a fait comprendre une
nouvelle fois en début de semaine, « Les dirigeants des pays
arrogants, ceux qui s’immiscent bruyamment dans les affaires de
la République Islamique, doivent savoir que peu importe si les
Iraniens ont des différences qui leur sont propres, lorsque
vous, les ennemis, vous impliquez, le peuple … deviendra un
poing d’acier contre vous. » Ensuite, le commandant en chef du
CGRI, le général de division Mohammed Ali Djafari, a fixé la
(nouvelle) loi à la poigne de fer de la mollahcratie dont les
termes sont sans ambiguïté. Le CGRI a littéralement pris le
pouvoir en Iran et pas seulement en ce qui concerne la sécurité.
Cela signifie « une renaissance de la révolution [de 1979] et la
clarification des positions relatives aux valeurs de
l’establishment, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger ».
Ce que l’Iran et le monde voient à présent est « une nouvelle
étape de la révolution et les luttes politiques ; et nous devons
tous, autant que nous sommes, comprendre ses dimensions. »
« Des différences de ton »
En plein milieu de cette « nouvelle étape de la révolution »
s’est immiscée l’infâme loquacité du Vice-président étasunien,
Joe Biden. Biden a déclaré à la chaîne ABC : « Israël peut
déterminer pour lui-même – c’est une nation souveraine – ce qui
est dans son intérêt et ce qu’il décide vis-à-vis de l’Iran et
de quiconque d’autre. » Et que les Etats-Unis soient d’accord ou
non n’a aucune importance. Biden a bien pris garde d’ajouter : «
Il n’y a aucune pression de la part de quelque nation que ce
soit qui altèrera notre attitude et notre manière d’agir. »
Cette attitude – en référence à la nouvelle politique des «
poings desserrés » d’Obama envers l’Iran – est « dans l’intérêt
national des Etats-Unis, que nous croyons être, incidemment,
également dans l’intérêt d’Israël et du reste du monde. »
Biden a donc dit essentiellement deux choses. L’une : La
politique des poings desserrés d’Obama est maintenue, peu
importe la nouvelle nature à la poigne de fer de la mollahcratie
iranienne. La deuxième : si le gouvernement du Premier ministre
Benjamin « Bibi » Netanyahou veut attaquer les installations
nucléaires de l’Iran, c’est leur affaire, Il n’y aura rien que
Washington pourra faire. La première affirmation (qui prend ses
désirs pour des réalités) est peut-être vraie pour l’essentiel.
La deuxième est un non-sens. Le fait que des légions d’experts
étasuniens se sentent obligées d’atteindre des sommets à la
Sisyphe pour louer « l’indépendance de la prise de décision
politique » par rapport à Israël quand il s’agit de l’Iran, en
dit long !
Sérieusement, il n’y a pas plus ambigu que Biden. Il a laissé
une « lumière verte » clignoter – refusant de « spéculer » si
Israël obtiendrait ou non l’autorisation de survoler l’Irak – de
la part des Etats-Unis et non du gouvernement irakien – pour
attaquer l’Iran.
Le fait est là que le gouvernement de Bibi n’a pas besoin du feu
vert de Washington pour attaquer l’Iran – peu importe que la
Maison Blanche ou le Bureau du Vice-Président doive passer à la
vitesse grand V de la propagande sur les « différences de ton »
pour étouffer les spéculations sur un éventuel feu-vert. Les
poings desserrés agissent ainsi : Israël et l’Iran semblent
désormais enfermés dans un match face-à-face – peu importe le
positionnement propre d’Obama en tant « qu’arbitre ».
Toute manœuvre intentionnelle ou non-intentionnelle de Biden ou
de la Maison Blanche pour faire pression contre Téhéran au moyen
d’une attaque israélienne implicite et imminente n’aura aucun
effet à Téhéran. Le régime est parfaitement conscient de la
manière dont le lobby d’Israël – aux Etats-Unis et en Occident
en général – a mis au point une campagne très sophistiquée au
fil des ans pour transformer le programme nucléaire iranien en
une menace mondiale et pour dépeindre les dirigeants à Téhéran
comme le nouveau visage du nazisme.
De toute façon, le régime sait pouvoir compter sur le soutien de
la Russie et de la Chine. Et il sait également comment la
doctrine stratégique d’ensemble des Israéliens est basée sur le
fait qu’Israël est la seule puissance nucléaire (non-déclarée)
au Proche-Orient et ils sont bien déterminés à le rester. Et
c’est là où la puissance nucléaire rencontre l’émigration.
L’émigration est le moteur du projet sioniste. Il suffit de
parcourir la presse israélienne des derniers mois pour découvrir
ce que l’establishment israélien déclare lui-même assez
ouvertement : le véritable risque d’une présupposée bombe
iranienne n’est pas la menace de destruction, mais de réduire
l’émigration des Juifs [vers Israël] à zéro.
L’administration Obama semble avoir réalisé qu’il est impossible
d’empêcher par la force les Iraniens d’acquérir une capacité
nucléaire. Elle semble également avoir réalisé que maintenir
l’illusion d’une option militaire sur la table se résume à un
mensonge éhonté. Mais tout cela laisse en suspens la véritable
conséquence suprême d’un Iran devenant une puissance nucléaire,
du moins au yeux des dirigeants iraniens : cela serait la fin de
la menace américaine qui pèse sur le pays. Sous pression et
acculé, l’Iran, avec le CGRI contrôlant le programme nucléaire,
irait jusqu’au bout.
Deux faits sont incontournables. Le premier est le droit
inaliénable de l’Iran de maîtriser l’ensemble du cycle nucléaire
civil ; le deuxième est la seule feuille de route possible pour
une solution, qui repose sur le fait que l’administration Obama
continue à desserrer les poings, qu’elle essaye de normaliser
les relations avec l’Iran et qu’elle essaye de participer au
développement du pays en compagnie de la Russie, de la Chine et
de l’Inde.
Il n’y a aucune preuve que Téhéran soit prêt à accepter cette
possibilité – du moins, pas encore. Mais le régime actuel ne va
disparaître – comme il vient juste de le prouver – et les
Etats-Unis et l’Union Européenne doivent impérativement
s’asseoir à la table des négociations. Aussi imparfaite soit
elle, en l’absence d’une différence de ton, c’est la seule
lumière verte possible au bout du tunnel.
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Asia Times Online Ltd, traduction JFG-QuestionsCritiques.
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Publié le 8 juillet 2009 avec l'aimable
autorisation de Questions Critiques
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