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Le commandant en chef des forces
américaines au Moyen-Orient démissionne à cause d'un article sur
la guerre à venir contre l'Iran
Patrick Martin
L'amiral William Fallon 13 mars
2008 L’amiral William Fallon, chef
du Central Command américain, une instance dirigeante de
l’armée américaine qui a autorité sur les guerres en Irak et en
Afghanistan, a remis sa démission mardi dernier après qu’un
article publié dans le magazine Esquire du mois d’avril
l’eut dépeint comme un opposant des plans de l’administration
Bush pour une guerre contre l’Iran.
La démission a été annoncée par le
secrétaire à la Défense Robert Gates alors que Fallon devait se
rendre en Irak afin de s’entretenir avec des commandants
américains. Ce n’est que le plus récent événement d’une série
d’incidents qui ont dévoilé les profondes divisions au sein de
l’armée et des services du renseignement sur le désir évident de
la Maison-Blanche de trouver un prétexte pour une attaque
militaire contre l’Iran.
Ce conflit au Pentagone avait été précédé
par la publication du rapport du Renseignement national (NIE) en
décembre dernier dans lequel les agences américaines du
renseignement avaient miné la crédibilité des allégations de
l’administration Bush selon lesquelles l’Iran développait
rapidement des armes nucléaires. Le rapport concluait qu’un tel
programme iranien avait été suspendu en 2003 et n’avait jamais
été repris. Plus tôt ce mois-ci, l’administration a semblé
mettre cet élément de côté en débutant une nouvelle escalade de
pressions diplomatiques contre l’Iran et en faisant passer une
troisième résolution de sanctions au Conseil de sécurité de
l’ONU.
L’article d’Esquire, écrit par
Thomas Barnett, un ancien professeur au Naval War College, fut
rédigé avec la pleine coopération de Fallon. Il décrivait ce
dernier en des termes on ne peut plus flatteurs comme un
officier « brillant » qui à lui seul réussit à freiner les
ardeurs d’une Maison-Blanche téméraire et déterminée à mener une
guerre contre le régime iranien.
L’article avait laissé entendre que Fallon
pourrait être évincé de son haut poste militaire en raison de
ses positions. Si cela se produisait, écrit Barnett, « cela
pourrait bien signifier que le président et le vice-président
prévoient agir militairement contre l’Iran avant la fin de
l’année et ne veulent pas d’un commandant dans leurs pattes ».
Le contenu principal de
la conférence de Gates, où il annonça la démission de Fallon,
fut de nier la conclusion que le départ du chef du Central
Command pouvait signifier qu’une attaque américaine contre
l’Iran était imminente. Lorsque des journalistes lui posèrent la
question directement, Gates répondit, « C’est complètement
ridicule. »
Gates et Fallon ont tous deux prétendu que
l’amiral n’entretenait pas de différends politiques majeurs avec
la Maison-Blanche et qu’il quittait en raison de l’exagération
de ces différends dans l’article d’Esquire. Fallon a émis
une déclaration affirmant que, « Les récents articles qui
laissent entendre qu’il y a une rupture entre mes positions et
les objectifs politiques du président sont devenus un égarement
à un moment crucial et nuisent aux efforts » du
Central Command.
Gates a dit qu’il y avait une « mauvaise
perception » des divisions qui existent entre Fallon et la
Maison-Blanche par rapport à l’Iran. « Nous avons tenté de
mettre cette mauvaise perception derrière nous pendant quelques
mois et, franchement, ça n’a pas fonctionné », a-t-il dit.
« Voilà pourquoi je crois qu’il a fait le bon choix. »
Le Lieutenant-général Martin Dempsey,
l’adjoint de Fallon, va diriger le Central Command
jusqu’à ce qu’un remplaçant soit sélectionné et entériné par le
Sénat. Les spéculations de la presse et du Pentagone se sont
immédiatement tournées vers le Général David Petraeus, celui qui
commande les opérations en Irak et dont la profonde rivalité
qu’il avait avec Fallon était bien connue. C’était aussi celui
qui outrepassait son supérieur nominal pour communiquer
directement avec la Maison-Blanche.
Personne ne peut croire que Fallon, un
vétéran de la Marine de 41 ans qui a fait des centaines de
missions de combat pendant la guerre du Vietnam, met fin à sa
carrière en raison de la déformation de son point de vue par les
médias. Il fait partie d’une section substantielle du corps de
l’armée qui croit maintenant que l’idée fixe de Bush sur l’Irak
va à l’encontre des intérêts stratégiques de l’impérialisme
américain.
Il a apparemment défendu la position selon
laquelle la guerre en Irak est devenue contreproductive du point
de vue du maintien de la domination américaine sur la région où
le Central Command est en opération, de l’Égypte au
sous-continent indien, en passant par tout le Moyen-Orient et
l’Asie du Sud, où la majorité des réserves mondiales de pétrole
et de gaz naturel sont concentrées.
Fallon a fait occasionnellement des
déclarations critiques de la politique étrangère de
l’administration Bush. L’automne dernier, il a dit au réseau
télévisé Al Jazeera que les déclarations belliqueuses contre
l’Iran faites par des responsables civiles comme le
vice-président Cheney ne sont « pas efficaces ni utiles. » La
semaine dernière, en témoignant devant le Comité de la Chambre
des représentants, il a réclamé une « sorte d’accommodement »
avec le PKK, le mouvement nationaliste kurde qui mène une
guérilla au sud-est de la Turquie.
Fallon a apparemment soutenu, dans les mêmes
termes que les candidats à la présidence du Parti démocrate
Hillary Clinton et Barack Obama, un retrait limité des troupes
américaines de l’Irak pour les redéployer en Afghanistan.
Clinton a publié une déclaration décrivant
Fallon comme la « voix de la raison » et réclamé un vote du
Congrès avant toute action militaire contre l’Iran. Le sénateur
John Kerry, le candidat présidentiel démocrate défait en 2004 a
dit que « le Congrès doit déterminer immédiatement si la
démission de l’amiral Fallon est un autre exemple de personne
disant la vérité et forcée de se rallier à l’administration
Bush. Son départ ne doit pas ouvrir la voie à une course vers la
guerre en Iran. »
Le départ de Fallon a suscité beaucoup de
spéculations à propos d’une imminente opération militaire des
Etats-Unis contre l’Iran. Dans un commentaire intitulé
« Sommes-nous plus près de la guerre ? », le chroniqueur en
ligne du Washington Post, Dan Froomkin, a écrit : « Il
n’est pas impossible que Bush et de Cheney ordonnent une attaque
préventive de grande envergure contre l’Iran. Mais, le scénario
le plus probable est que les Etats-Unis répondront de façon
asymétrique à une provocation de l’Iran (possiblement fabriquée
de toutes pièces) ». Autrement dit, un chroniqueur du principal
quotidien de la capitale américaine prend pour acquis que
l’administration Bush est prête à fabriquer un prétexte pour une
agression militaire.
Le site internet U.S. News and World
Report, a publié un commentaire titré, « 6 signes indiquant
que les États-Unis se dirigent peut-être vers une guerre en
Iran », mentionnant la démission de Fallon, le voyage du
vice-président Cheney et plusieurs actions menées par Israël, y
compris la frappe aérienne de septembre dernier contre la Syrie.
Il y avait aussi en ligne au moins un
rapport sur une rencontre du conseil de guerre de la
Maison-Blanche, celle du samedi le 8 mars, discutant des « plans
pour une frappe quelconque contre l’Iran ce printemps ».
Les médias ont largement couvert
l’intensité des conflits internes au Pentagone. Le Wall
Street Journal faisait une comparaison entre le départ de
Fallon et le congédiement par le président Truman du général
Douglas McArthur durant la guerre de Corée, notant que Fallon
entrait fréquemment en conflit avec le général David Petraeus,
le commandant en Irak et un favori de la Maison-Blanche.
NBC Nightly News rapportait que Gates
avait forcé Fallon à démissionner, sous la pression de la
Maison-Blanche, refusant même de prendre ses appels
téléphoniques. Sur CBC News, le correspondant au Pentagone,
David Martin notait, « Quasiment tous les officiers militaires
haut placés sont opposés à une guerre contre l’Iran, mais à
partir de maintenant, ils vont être plus prudents dans leurs
confidences. »
Selon un article paru dans l’Esquire,
Fallon avait délibérément décidé de rendre publics ses
différends de longue date avec la Maison-Blanche, soit parce
qu’il avait conscience de l’appui considérable dont il jouissait
parmi les militaires, ou qu’il était préoccupé par une agression
militaire qu’il savait imminente et qu’il pensait pouvoir
retarder ou bloquer en attirant l’attention des médias.
Les éditorialistes du Wall Street
Journal, vibrants défenseurs de l’expansion militaire au
Moyen-Orient, ont publié un commentaire présentant l’éjection de
Fallon comme faisant partie d’un débat plus large sur la
politique en Irak. « Des représentants haut placés du Pentagone
– y compris selon nos sources le secrétaire à la défense Robert
Gates, le chef d'état-major interarmes
américain Mike Mullen, le chef du
personnel de l’armée George Casey et l’amiral Fallon – ont
demandé avec empressement des coupures plus profondes dans le
nombre des troupes en Irak », écrivait le journal.
Citant des déclarations contradictoires
faites durant les deux dernières semaines à propos de la date du
retrait des dernières troupes à avoir été envoyées en Irak dans
le cadre de l’intensification de l’offensive, le journal
arguait que la meilleure réponse aux craintes que la guerre
mette une pression indue sur l’armée « était d’augmenter le
nombre des soldats et des marines et d’augmenter les dépenses de
la défense pour les faire passer des 4,5 pour cent actuels à
entre 5 et 6 pour cent du produit intérieur brut. »
Le journal appelait Bush à se ranger du
côté de Petraeus et à s’engager à prendre une attitude plus
agressive pour une victoire en Irak. « Ayant résisté avec succès
aux pressions du Congrès démocrate pour un retrait prématuré des
troupes, il serait étrange en effet pour M. Bush de plier à des
pressions identiques venant de sa propre bureaucratie. »
(Article original anglais paru le 13 mars
2008)
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Publié le 20 mars 2008 avec l'aimable autorisation du WSWS
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