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IRIS
Barack Obama doit-il s'inspirer du clan
Corleone ?
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Samedi 5 septembre 2009
On se rappelle que dans le film « Le Parrain », Don Vito
Corleone (joué par Marlon Brando), à la tête de la plus
puissante organisation de la ville, est abattu de cinq balles
alors qu’il se promène paisiblement dans les rues de New York.
Comment réagir, se demandent ses trois fils ? Comment préserver
la domination du clan face à cette attaque surprise ?
Dans un petit livre très spirituel, « The Godfather Doctrine »,
deux auteurs américains, John Hulsman et Wess Mitchell, font une
comparaison entre le film « Le Parrain » et la politique
extérieure américaine. Est-ce que le film de Coppola peut donner
quelques indications sur la façon dont les Etats-Unis doivent
désormais mener leurs relations internationales ? Oui, répondent
les auteurs en présentant la « doctrine du parrain ».
N’y a-t-il pas un parallèle entre l’attaque contre Vito Corleone
et les attentats du 11-Septembre ? Dans les deux cas, la
puissance dominante, sûre de sa force, a été attaquée violemment
et par surprise par un adversaire qu’elle ne voyait pas venir,
et dont elle n’a pas compris les motivations.
La vision libérale institutionnelle
Trois de ses fils vont vouloir répondre de façon différente à ce
défi nouveau. Ses fils représentent, en fait, les trois options
de la politique étrangère américaine : la croyance dans les
institutions, le néoconservatisme et le réalisme.
Tom Hagen, le fils adoptif d’origine germano-irlandaise, est le
conseiller juridique de la famille. Il estime qu’il faut
répondre à la menace du clan Sollozzo par une série d’accords et
d’engagements réciproques qui correspond un peu à la vision
libérale et institutionnelle en vogue dans les rangs démocrates,
et qu’a incarnée, en son temps, Woodrow Wilson.
Ce qu’il veut, en fait, c’est, après l’attaque de son père,
revenir assez vite au monde qui existait auparavant. Il propose
donc un accord avec les autres familles. Son leitmotiv est :
« Il faut leur parler », partant du principe qu’elles préfèrent
le statu quo à la révolution et ont intérêt à soutenir un retour
à la paix si elles ont un meilleur accès à certaines ressources.
L’approche néoconservatrice
Le second fils, Sonny, déclenche une offensive unilatérale et
violente contre la famille Sollozzo. Il veut régler le problème
rapidement et par la force parce qu’il estime qu’elle joue en sa
faveur. Sa précipitation le conduit à ne pas analyser le rapport
de force.
C’est en fait l’approche néoconservatrice. La tentative de Sonny
d’aller assassiner son beau-frère, suspecté de trahison, qui se
transforme en piège dans lequel il est assassiné, c’est en fait
la guerre d’Irak, piège qui s’est refermé sur les Etats-Unis.
L’approche de Tom ne peut réussir parce qu’il se comporte à
partir d’une position de force qui n’existe plus, pour que la
seule négociation soit suffisante pour s’imposer. Mais Sonny
n’est pas plus cohérent. Lui non plus n’est plus en mesure de
s’imposer par la contrainte violente.
Sonny va isoler le clan Corleone, unifier ses ennemis et ce
recours imprudent à la force va accélérer le déclin de la
famille. La priorité aux négociations ou celle donnée au recours
à la force sont donc deux postures illusoires.
La carotte et le bâton sont conseillés à Obama
Le troisième, Michael, comprend qu’il faut faire une grande
réévaluation stratégique. Il va donc choisir de mettre hors
d’état de nuire les rivaux qu’il ne peut enrôler et négocier
avec ceux pour lesquels il serait trop coûteux de s’opposer.
C’est au départ un « civil » (il est éloigné des affaires de la
famille et en condamne l’approche immorale), mais c’est lui qui
va faire éliminer physiquement les chefs qui refusent de
pactiser avec lui.
Il propose un mélange de politique de bâton et de carotte. Cela
permet de meilleurs succès diplomatiques que la seule approche
institutionnelle, et d’être un combattant plus efficace que
celui qui ne voit comme option que la seule guerre. Il sait que
le clan Corleone est structurellement affaibli par l’évolution
globale des rapports de force. Il va utiliser à la fois la force
et la diplomatie.
C’est l’approche de Michael que les auteurs recommandent à Obama.
C’est par cette politique de carotte et de bâtons qu’il faut
traiter avec l’Iran -proposant d’un coté des investissements, la
reconnaissance diplomatique de l’Amérique, un engagement de non
intervention et, de l’autre, la perspective d’un gel de tous les
investissements qui mettrait l’Iran sur les genoux-, qu’il faut
rénover le système de Bretton Woods en y intégrant les BRIC,
etc.
C’est ainsi que, à l’instar du clan Corleone, les Etats-Unis
resteront la « primus inter pares » dans un monde qui a été
bouleversé, en utilisant à la fois le « soft et le hard power ».
Bien sûr, on pourra dire qu’il n’y a plus guère de partisans de
l’approche Tom Hagen à Washington. Les adeptes de Sonny sont
également mal en point. Quant à la méthode de Michael, c’est
avant tout une question de dosage. Reste que la comparaison est
plaisante et le conseil pertinent. Pascal Boniface, directeur de l'IRIS
En partenariat avec Rue 89 :
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Publié le 6 septembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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