|
L'EXPRESSIONDZ.COM
BERNARD KOUCHNER EN IRAK
Paris
revient dans le jeu moyen-oriental
Othmane Siddik
Bernard Kouchner et Hoshyar Zebari - Photo
Reuters
21 août 2007 La
visite surprise, dimanche, du chef de la diplomatie française à
Baghdad induit un certain infléchissement de Paris vis-à-vis de
la question irakienne. Revirement de la
politique française par rapport à la question controversée de
la présence étrangère en Irak? Oui et non. Oui, si on prend en
première lecture l’activisme du président Sarkozy vis-à-vis
des Etats-Unis, force occupante en Irak; non, si l’on remet la
politique irakienne de la France dans un contexte plus large qui
embrasse l’ensemble du Moyen-Orient. Mais, il est patent que la
visite du chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, à
Baghdad - quelques jours après les vacances de la famille Nicolas
Sarkozy aux Etats-Unis et la réception donnée à ce dernier par
son homologue américain, George W.Bush, lors de laquelle les deux
hommes ont évoqué le différend qui a opposé Paris et
Washington lors de l’invasion par les armées américaines de
l’Irak, en mars 2003 - a été ressentie comme une «bonne
nouvelle» par la Maison-Blanche qui s’est félicité de
l’infléchissement de la politique française pour ce qui est de
la question irakienne, notamment.
Toutefois, ce rapprochement entre Paris et Washington, ne signifie
en rien, précisent des sources françaises, l’éventuel envoi
de forces françaises (techniques, de soutiens ou autres) en Irak.
Mais c’est sans doute pas ce que demandent les Américains enlisés
dans un bourbier irakien qu’ils ont eux-mêmes créé, qui ont
surtout besoin qu’on les aide à en sortir tout en sauvant la
face. Isolés sur la question irakienne, d’une part, confrontés
à la récurrence de la violence sous toutes ses formes et ne
sachant comment rétablir la sécurité au pays des Raffidin
d’autre part, les Etats-Unis avaient vraiment besoin de ce «coup
de main» bienvenu de la part de la France de Sarkozy.
D’ailleurs, la Maison-Blanche a immédiatement réagi se félicitant
de la visite à Baghdad du chef de la diplomatie française comme
l’indiquait l’un de ses porte-parole, Gordon Johndroe. «Les
Etats-Unis se félicitent de la visite du ministre français des
Affaires étrangères, Kouchner, à Baghdad», a ainsi déclaré
le porte-parole de la Maison-Blanche pour les questions de sécurité
nationale, Gordon Johndroe, à Crawford (Texas, sud), où le président
George W.Bush est en vacances dans son ranch. «C’est un
exemple de plus, après le renforcement du mandat de la mission de
l’ONU en Irak, les récentes conférences avec les voisins de
l’Irak et la décision de l’Arabie Saoudite d’ouvrir une
ambassade à Baghdad et d’annuler la dette de l’époque de
Saddam (Hussein) de la volonté croissante de la communauté
internationale d’aider l’Irak à devenir un Etat stable et sûr»,
a ajouté M.Johndroe. Revenus de leurs certitudes qu’ils
pouvaient tout régenter dans le monde, les Etats-Unis, qui font
profil bas, sont aujourd’hui heureux que d’autres parties
interviennent dans un pays où ils ont créé le chaos. Aussi, la
présence de Bernard Kouchner en Irak marque-t-elle une évolution
d’approche de la question irakienne par les autorités françaises,
après l’élection, en mai dernier, du président Sarkozy, qui a
succédé à Jacques Chirac, lequel est resté ferme par rapport
aux Etats-Unis qui ont déclenché les hostilités en Irak sans
l’accord du Conseil de sécurité des Nations unies. De fait,
Kouchner à Baghdad, à repris en filigrane le discours désormais
professé par le président Bush ces derniers mois, selon lequel
il appartient aux Irakiens de se prendre en charge et de trouver
une solution par eux-mêmes. C’est ce qui ressort de la déclaration
faite hier par le ministre français des Affaires étrangères qui
plaide pour «une solution irakienne à la crise dans ce pays,
et pour un rôle accru de l’ONU». M.Kouchner, premier haut
responsable français à venir à Baghdad depuis l’invasion américaine
de 2003, a assuré que Paris «voulait être utile», mais
que «la solution était entre les mains des Irakiens eux-mêmes».
«Ecouter les Irakiens, leur affirmer que la solution à leur
problème doit être irakienne, écouter toutes les communautés,
préserver la souveraineté, l’intégrité et la démocratie en
Irak: pour la France, c’est essentiel», a déclaré hier le
ministre français à l’issue d’une rencontre avec le président
Jalal Talabani. «La violence à laquelle vous ne pouvez pas
vous habituer, nous ne nous y habituons pas. Vue de loin, cette
violence est horrible. Des innocents meurent tous les jours, des
attentats aveugles frappent les populations quelles qu’elles
soient, (...). C’est inacceptable», a-t-il encore dit. «La
France est prête à participer à cette lutte contre la violence
mais je n’ai pas de solution miracle. Notre volonté est d’être
aux côtés de ce grand pays indispensable à l’équilibre et à
la naissance de la démocratie dans cette région tellement
importante», a poursuivi M.Kouchner. Il est ainsi venu semer
la bonne parole chez les Irakiens, mais il faudra sans doute
attendre les prochains développements pour voir jusqu’où ira
le changement de la politique française par rapport au dossier
irakien et jusqu’où ira le rapprochement entre Paris et
Washington et si M.Sarkozy n’est pas tenté de prendre les
habits d’un Tony Blair bis dans l’entourage du président américain.
On n’en est pas là, certes, aussi patientons pour voir
jusqu’où ira l’ouverture que préconise M.Sarkozy si cette
ouverture va faire un sort à la traditionnelle politique arabe de
la France. Droits de
reproduction et de diffusion réservés © L'Expression
Publié avec l'aimable autorisation de l'Expression
|