Intervention au Forum des résistances à Beyrouth de Nadine
Rosa-Rosso ( Belgique ) ou comment les gouvernements européens
ont condamné à mort les dirigeants de la résistance
palestinienne et permis les massacres israéliens dans la bande
de Gaza.
"L’agression sioniste contre Gaza de
l’hiver 2008-2009 est la continuation de la guerre de
colonisation commencée en 1947. Cette dernière guerre a été
préparée politiquement, particulièrement pour le public
occidental, par le placement, par les USA et l’Union
européenne, du Hamas, du Jihad Islamique, du FPLP et de cinq
autres organisations de résistance palestinienne sur la
liste des organisations terroristes.
Or pour Dirk Marty, rapporteur au Conseil
de l’Europe, « se trouver sur cette liste équivaut à une
condamnation à mort ». L’offensive contre GAZA avait pour
but clair d’exécuter cette peine de mort : liquider la
résistance palestinienne à travers la destruction du
gouvernement palestinien démocratiquement élu.
Ce que l’armée sioniste réalise avec ses
soldats, ses avions, ses chars, ses bombes, les
gouvernements européens le réalisent avec des lois qui
criminalisent la résistance et ceux qui la soutiennent.
Lutter contre l’agression et la colonisation signifie donc
aussi aujourd’hui concrètement en Europe lutter pour le
retrait des organisations de résistance palestiniennes de la
liste des organisations terroristes.
C’est pour cette raison que j’ai lancé un
appel le 1er février 2009 au retrait du Hamas et des autres
organisations palestiniennes de la liste européenne des
organisations terroristes. Nous partons du point de vue que
la question palestinienne n’est ni une question religieuse,
ni une question humanitaire. C’est une question éminemment
politique. Elle consiste à dénoncer le caractère colonial
d’Israël et de toute sa politique et à reconnaître et
soutenir comme légitime la résistance du peuple palestinien
et de toutes ses organisations de résistance.
Cet appel a reçu le soutien de centaines
de personnalités européennes, américaines et canadiennes.
Leur argumentation en faveur de l’appel fait apparaître cinq
justifications politiques essentielles :
1. L’Union européenne, comme les Etats
Unis, oblige toujours les peuples à organiser des élections
sous haute surveillance occidentale. Mais quand le résultat
des élections ne lui plait pas, elle organise le blocus,
participe à la guerre, directement ou indirectement,
soutient les agresseurs afin de renverser les représentants
élus.
2. L’Union européenne doit admettre que
le temps des colonies est terminé et qu’il ne reviendra
plus. Elle doit renoncer à sa politique impérialiste et
adopter des relations post-coloniales avec le reste du
monde, qui respectent inconditionnellement sa souveraineté
et sa dignité. Cela implique de renoncer à une politique
internationale raciste qui traite les peuples du tiers-monde
comme incapables de choisir leur système politique de façon
responsable. Il est grand temps de respecter enfin la
Résolution 2621 XXV, du 12.10.1970 des Nations Unies qui
affirme « le droit inhérent des peuples coloniaux de lutter
par tous les moyens nécessaires contre les puissances
coloniales qui répriment leur aspiration à la liberté et à
l’indépendance. »
3. L’Union européenne doit
s’autodéterminer par rapport aux USA et cesser de suivre
aveuglément toutes les aventures militaires des USA dans
leur politique impériale. Retirer le Hamas de la liste des
organisations terroristes peut être un pas dans ce sens, car
cette liste est une liste américaine, établie en 1995 après
les accords d’Oslo pour contraindre le peuple palestinien à
renoncer à ses droits légitimes. Cette légitimation du droit
à la résistance est confortée par l’article 1er §4 du
premier protocole additionnel de Genève du 08.06.1977 aux
termes duquel, parmi les conflits armés internationaux,
figurent ceux « dans lesquels les peuples luttent contre la
domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les
régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes,… »
4. Retirer les organisations
palestiniennes de la liste des terroristes, c’est
reconnaître la légitimité de la résistance. Toutes les
résistances dans le monde ont été étiquetées de terroristes.
Au siècle passé, les résistances au fascisme étaient
traitées de terroristes par les nazis. Les dirigeants
nationalistes comme Nelson Mandela ont passé des dizaines
d’années en prison sous l’accusation de terrorisme. Et c’est
seulement en juillet 2008, quinze ans après être devenu prix
Nobel de la Paix et quatorze ans après être devenu président
de l’Afrique du Sud que les État-Unis se sont décidés à le
retirer de leur « Terror list » ! Et en ce jour, nous
commémorons la mort du dirigeant nationaliste congolais,
Patrice Lumumba, assassiné pour avoir revendiqué une
véritable politique d’indépendance. Les célébrations en
France et en Belgique du cinquantième anniversaire de
l’indépendance de nombreux Etats africains pourraient être
l’occasion de dénoncer cette politique assassine.
5. Et enfin, c’est aussi reconnaître le
droit à notre résistance, dans les pays de l’Union
européenne et mettre fin à la politique de criminalisation
des activistes, des combattants anti-guerre et
anti-impérialistes. Politique de criminalisation qui touche
particulièrement cette partie des peuples qui est issue de
l’immigration, en particulier les populations arabophones et
musulmanes d’Europe, déjà soupçonnées de vouloir recouvrir
nos pays de minarets et de foulards.
Les réactions à l’Appel ont montré que
malgré les difficultés qui restent grandes, il est possible
de construire en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, le
début d’un front de soutien aux résistances anticoloniales
et anti-impérialistes dans le monde.
La première condition pour renforcer ce
front est de ne pas se laisser intimider par les mesures de
criminalisation, comme l’interdiction récente en Grande
Bretagne de s’exprimer contre la présence des soldats
britanniques en Afghanistan. Les démocrates européens dignes
de ce nom ne peuvent en aucun cas accepter ces glissements
vers des Etats fascisants.
La deuxième condition est d’imposer chez
nous les points de vue mais aussi la présence physique des
représentants de la résistance afin de nouer des liens
directs entre les peuples en lutte de par le monde.
Le monde est en train de changer mais la
plupart des forces politiques traditionnelles, en
particulier dans la gauche, se refusent à l’admettre.
L’époque où l’Occident dictait sa politique est terminée.
Les rapports de force économiques changent aussi avec la
montée en puissance de nations comme la Chine, l’Inde, le
Brésil ou la Russie. Sur le plan politique, tout le
continent latino-américain bouge. Comme le déclarait le
président du Venezuela Hugo Chavez à Copenhague : « Si le
capitalisme s’oppose (aux changements), nous sommes dans
l’obligation de livrer bataille contre le capitalisme et
d’ouvrir les voies du salut de l’espèce humaine. Cette tâche
nous incombe à tous, sous les bannières du Christ, de
Mahomet, de l’égalité, de l’amour, de la justice et de
l’humanisme véritable le plus profond ».
Les peuples en lutte ont la possibilité
aujourd’hui d’unir leurs résistances face à leurs
gouvernements et à un impérialisme de plus en plus affaibli
et décadent. S’ils s’unissent, au-delà de leurs différences,
ce siècle ne sera pas celui du choc des civilisations, mais
celui du choc et de la victoire des résistances contre
l’impérialisme."
Contact :
nadinerr@gmail.com