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Al-Quds-al-
ʻarabiyy

L'allégeance à l'Iran serait-elle le fondement de la légitimité du pouvoir en Irak ?
Dr Muthannâ ‘’Abd-Allah


2 avril 2010

Que les Etats d’une région donnée étendent leur main afin d’unir les factions politiques dans un Etat voisin autour de la table de son unité et de son intérêt supérieur conformément au principe du bon voisinage et du respect mutuel des souverainetés et ce, au service de leur pérennité en tant qu’élément actif dans la consolidation de la sécurité et de la détente dans un tel environnement, ce n’est là pas autre chose qu’un bon service rendu, pour lequel ces Etats seront récompensés et ce n’est pas autre chose qu’un témoignage de bonne conduite à la lumière du droit international et de la légalité des Nations unies, dont la charte, en son article premier, paragraphe 2, préconise « le développement de relations fraternelles entre les nations se fondant sur le respect du principe de l’égalité des droits entre les peuples, chacun devant disposer de son droit à l’autodétermination », ainsi que « l’adoption des mesures appropriées permettant de renforcer la paix générale ».

Mais que l’on en vienne à décider du destin d’un Etat et de l’avenir d’un peuple et que sa volonté et ses choix en viennent à être confisqués par une bande de mercenaires du confessionnalisme politique qui s’arrogent le droit de devenir des agents d’autres pays et l’on est alors confronté à une immixtion patente et à la violation de toutes les lois et de tous les accords internationaux régissant les relations entre Etats, et donc à l’instauration illogique de relations internationales d’un type nouveau reposant sur l’inféodation politique et les oukases extérieurs.

La construction d’autorités servant de moyens de pression économiques ou religieux ou factieux dans un pays souverain de la part de pays voisins et l’utilisation de ces autorités moyens de pression en tant que vitrines permettant d’influer sur le processus national de prise de décision, comme c’est aujourd’hui le cas en Irak de la part des appareils officiels iraniens, n’est rien d’autre qu’une immixtion flagrante dans les affaires intérieures irakiennes et une violation de tous les accords et résolutions internationaux condamnant cette pratique. La logique iranienne en matière de traitement de la question irakienne continue aujourd’hui à consister à s’efforcer de maintenir l’Irak prisonnier du confessionnalisme et de l’Etat théocratique, ainsi que de l’embrigadement par des factions politiques qui sont autant de facteurs favorisant l’enracinement d’une présence iranienne motivée par des rêves de domination et d’hégémonie politique dans la région. Il s’agit d’une présence iranienne qui œuvre de toutes ses forces à faire de sa domination sur l’Irak le tremplin de sa domination sur l’ensemble de la région et à imposer ses conditions visant à lui assurer un partage équitable – à ses seuls propres yeux – de l’influence entre lui-même et l’occupation américaine.  

C’est ainsi que nous voyons aujourd’hui la situation intérieure irakienne être considérée comme une question intérieure iranienne par la majorité des responsables iraniens, au premier rang desquels le président [Ahmadinejad], qui n’a pas hésité à se camper en porte-parole officiel au nom du peuple irakien : nous le voyons englober l’Irak dans le projet politique iranien et parler du refus, par le peuple irakien, de ce qu’il appelle l’entrée des baathistes dans le processus politique [irakien].  

Mieux, un éditorial du journal iranien reflétant les positions officielles Jumhuriyéh-i-Islami du 13 mars [2010] était extrêmement explicite dans sa manière de dicter la volonté officielle iranienne : ce journal écrivait notamment que « les partis politiques chiites irakiens seraient bien inspirés de se montrer à la hauteur de leurs responsabilités dans les conclusions à retirer des résultats des élections [irakiennes], car les personnalités soutenues par les étrangers n’épargneront aucun effort pour contrer ces partis, et aussi de relever le défi en imposant une union des partis chiites visant à constituer le gouvernement et de dominer le parlement », en commençant par séparer ses partisans de ceux des autres.

Les Iraniens s’arrogent le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Irak et ils qualifient de « patriotes » les membres de leur cinquième colonne qui se tournent vers l’Iran dans tout ce qu’ils font d’important et de futile, tout en qualifiant les autres Irakiens de marionnettes de l’étranger, de même qu’ils continuent à inciter les autres à porter au pouvoir la majorité confessionnelle et non la majorité politique. C’est ainsi que ce même quotidien iranien voit « dans la mise des chiites à l’écart du pouvoir une manière de priver la majorité de ses droits constitutionnels, ce qui est une manière d’ouvrir la voie au retour des baathistes et des agents de l’étranger ». C’est ainsi que l’évaluation que les Iraniens font des élites politiques irakienne est fondé sur l’appartenance soit à l’alliance chiite soit à celle de l’état de droit. Dans ce deuxième cas, ces élites ne sauraient qu’être baathistes ou dépendre d’une puissance étrangère : c’est là une invitation ouverte à instaurer une dictature politique chiite, sur le célèbre modèle de la dictature du prolétariat. En, quelque sorte : « Hommes politiques chiites du monde entier, unissez-vous ! »

Tout observateur politique impartial constate aujourd’hui que la situation irakienne est dominée par le pouvoir religieux iranien qui exerce son influence via ses agents dans toutes les régions de l’Irak dans lesquelles les hommes politiques civils et militaires [iraniens] se rendent en pèlerinage, au nom desquelles d’autres que leurs habitants s’expriment sur la situation politique irakienne [en général], et non pas [simplement] sur la situation religieuse se cantonnant aux arrêts de la religion et à ses lois, ce qui serait leurs prérogatives strictes, de même que le pouvoir factieux iranien continue à contrôler l’appareil sécuritaire et les services de renseignement irakiens : c’est à partir de leurs agents que se constituent les cercles dirigeant ces institutions, qui mettent aux arrêts ceux qui s’opposent à leurs méthodes et qui éliminent ceux qui s’opposent à elles. Elles sont responsables de la disparition de plusieurs centaines de jeunes Irakiens nationalistes et de gauche ou appartenant au courant islamique nationaliste irakien résistant, qu’elles ont transférés dans des prisons secrètes en Iran. Ces services sont aussi responsables de la mort de centaines d’experts, de scientifiques, de médecins et de professeurs d’université irakiens. Quant au pouvoir économique, les conséquences des investissements iraniens sont désormais visibles partout en Irak, des marchandises de pacotille de très mauvaise qualité ou des produits ayant dépassé leur date de péremption se déversant dans le pays de tous côtés, ce qui provoque la disparition de beaucoup d’industries et d’entreprises artisanales irakiennes, incapables qu’elles sont de résister à la concurrence de ces produits bradés à vil prix. Désormais, l’économie irakienne repose sur les marchandises qui s’y déversent, iraniennes pour la plupart.

Les conséquences de l’exercice de leurs activités par ces autorités dans le milieu irakien, auxquelles s’ajoutent celles d’autres instances cachées sous les oripeaux de services de documentation ou derrière la façade d’activités culturelles et scientifiques ou d’organisations de la société civile et d’associations caritatives, qui dépensent des sommes folles pour mener « à bien » leurs programmes, ne font que renforcer le sentiment qu’ont certains partenaires du processus politique irakiens (non liés, bien entendu, à la partie iranienne) que le rôle de Téhéran est désormais un fait accompli en Irak et qu’il faut se résigner à collaborer avec lui afin de s’assurer de l’accès aux postes d’influence au sein du pouvoir et que les urnes électorales ne représentent pas à elles seules le pouvoir, d’autant que certains ont déjà collaboré avec plusieurs services de renseignement occidentaux et excellent à ce petit jeu de la collaboration.

Pire : certaines informations indiquent que les Américains sont très satisfaits de l’initiative prise par la liste irakienne afin d’améliorer ses relations avec Téhéran, tant via la Syrie et certains partenaires libanais que par l’entremise de ‘Ammâr al-Hakîm qui a encensé le président de cette liste, qu’il a blanchi de toute compromission avec le Baath, un président qui, rappelons-le, a reçu l’onction de Téhéran. Tout le monde recherche son intérêt. Ainsi, ‘Allâwî ne s’assoira pas sur le siège de président du conseil tant que l’Iran n’aura pas manifesté son accord, fût-ce à contrecoeur, en échange de son engagement de respecter ses intérêts en Irak, ainsi que ceux de ses hommes liges dont Téhéran n’acceptera jamais qu’ils soient laissés sur le côté, quel qu’en soit le prix. Les Américains, quant à eux, espèrent que l’arrivée de ‘Allâwî, qui est leur allié, au poste de Premier ministre constituera une possibilité d’un rapprochement américano-iranien au motif de façade de veiller sur le régime nouveau-né en Irak, et en réalité de s’entendre, entre les deux parties, sur toutes les nombreuses questions demeurées pendantes.

Le grand bruit fait autour de fausses affirmations, comme celle selon laquelle les dernières élections en Irak auraient confirmé la défaite de la présence iranienne illégale dans ce pays n’est que pure illusion : l’Iran ne permettra jamais que soit reconstruit le barrage que représente l’Irak face aux ambitions nationalistes persanes dans cette région.

Et même si les forces de sa cinquième colonne faiblissaient ici ou là, l’Iran s’efforcerait de se mouvoir dans d’autres limès n’ayant pas plus de réelle identité iranienne [que le limès irakien], encouragé en cela par l’involution de composantes politiques irakiennes nationalistes, panarabes, progressistes ou islamiques qui ne sont plus à même de s’opposer au projet de confiscation américano-iranien [de l’Irak] en raison de l’inexistence de tout soutien arabe, dans un contexte ou certains Arabes sont bien trop occupés à se trouver un nouvel Harîrî, cette fois-ci en Irak !

Dr Muthannâ ‘’Abd-Allah (chercheur irakien en sciences politiques)

Traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier

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Source et traduction : Marcel Charbonnier


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