2 avril 2010
Que les Etats d’une région donnée étendent
leur main afin d’unir les factions politiques dans un Etat
voisin autour de la table de son unité et de son intérêt
supérieur conformément au principe du bon voisinage et du
respect mutuel des souverainetés et ce, au service de leur
pérennité en tant qu’élément actif dans la consolidation de la
sécurité et de la détente dans un tel environnement, ce n’est là
pas autre chose qu’un bon service rendu, pour lequel ces Etats
seront récompensés et ce n’est pas autre chose qu’un témoignage
de bonne conduite à la lumière du droit international et de la
légalité des Nations unies, dont la charte, en son article
premier, paragraphe 2, préconise « le développement de relations
fraternelles entre les nations se fondant sur le respect du
principe de l’égalité des droits entre les peuples, chacun
devant disposer de son droit à l’autodétermination », ainsi que
« l’adoption des mesures appropriées permettant de renforcer la
paix générale ».
Mais que l’on en vienne à décider du destin
d’un Etat et de l’avenir d’un peuple et que sa volonté et ses
choix en viennent à être confisqués par une bande de mercenaires
du confessionnalisme politique qui s’arrogent le droit de
devenir des agents d’autres pays et l’on est alors confronté à
une immixtion patente et à la violation de toutes les lois et de
tous les accords internationaux régissant les relations entre
Etats, et donc à l’instauration illogique de relations
internationales d’un type nouveau reposant sur l’inféodation
politique et les oukases extérieurs.
La construction d’autorités servant de
moyens de pression économiques ou religieux ou factieux dans un
pays souverain de la part de pays voisins et l’utilisation de
ces autorités moyens de pression en tant que vitrines permettant
d’influer sur le processus national de prise de décision, comme
c’est aujourd’hui le cas en Irak de la part des appareils
officiels iraniens, n’est rien d’autre qu’une immixtion
flagrante dans les affaires intérieures irakiennes et une
violation de tous les accords et résolutions internationaux
condamnant cette pratique. La logique iranienne en matière de
traitement de la question irakienne continue aujourd’hui à
consister à s’efforcer de maintenir l’Irak prisonnier du
confessionnalisme et de l’Etat théocratique, ainsi que de
l’embrigadement par des factions politiques qui sont autant de
facteurs favorisant l’enracinement d’une présence iranienne
motivée par des rêves de domination et d’hégémonie politique
dans la région. Il s’agit d’une présence iranienne qui œuvre de
toutes ses forces à faire de sa domination sur l’Irak le
tremplin de sa domination sur l’ensemble de la région et à
imposer ses conditions visant à lui assurer un partage équitable
– à ses seuls propres yeux – de l’influence entre lui-même et
l’occupation américaine.
C’est ainsi que nous voyons aujourd’hui la
situation intérieure irakienne être considérée comme une
question intérieure iranienne par la majorité des responsables
iraniens, au premier rang desquels le président [Ahmadinejad],
qui n’a pas hésité à se camper en porte-parole officiel au nom
du peuple irakien : nous le voyons englober l’Irak dans le
projet politique iranien et parler du refus, par le peuple
irakien, de ce qu’il appelle l’entrée des baathistes dans le
processus politique [irakien].
Mieux, un éditorial du journal iranien
reflétant les positions officielles Jumhuriyéh-i-Islami du 13
mars [2010] était extrêmement explicite dans sa manière de
dicter la volonté officielle iranienne : ce journal écrivait
notamment que « les partis politiques chiites irakiens seraient
bien inspirés de se montrer à la hauteur de leurs
responsabilités dans les conclusions à retirer des résultats des
élections [irakiennes], car les personnalités soutenues par les
étrangers n’épargneront aucun effort pour contrer ces partis, et
aussi de relever le défi en imposant une union des partis
chiites visant à constituer le gouvernement et de dominer le
parlement », en commençant par séparer ses partisans de ceux des
autres.
Les Iraniens s’arrogent le droit de
s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Irak et ils
qualifient de « patriotes » les membres de leur cinquième
colonne qui se tournent vers l’Iran dans tout ce qu’ils font
d’important et de futile, tout en qualifiant les autres Irakiens
de marionnettes de l’étranger, de même qu’ils continuent à
inciter les autres à porter au pouvoir la majorité
confessionnelle et non la majorité politique. C’est ainsi que ce
même quotidien iranien voit « dans la mise des chiites à l’écart
du pouvoir une manière de priver la majorité de ses droits
constitutionnels, ce qui est une manière d’ouvrir la voie au
retour des baathistes et des agents de l’étranger ». C’est ainsi
que l’évaluation que les Iraniens font des élites politiques
irakienne est fondé sur l’appartenance soit à l’alliance chiite
soit à celle de l’état de droit. Dans ce deuxième cas, ces
élites ne sauraient qu’être baathistes ou dépendre d’une
puissance étrangère : c’est là une invitation ouverte à
instaurer une dictature politique chiite, sur le célèbre modèle
de la dictature du prolétariat. En, quelque sorte : « Hommes
politiques chiites du monde entier, unissez-vous ! »
Tout observateur politique impartial
constate aujourd’hui que la situation irakienne est dominée par
le pouvoir religieux iranien qui exerce son influence
via ses agents dans
toutes les régions de l’Irak dans lesquelles les hommes
politiques civils et militaires [iraniens] se rendent en
pèlerinage, au nom desquelles d’autres que leurs habitants
s’expriment sur la situation politique irakienne [en général],
et non pas [simplement] sur la situation religieuse se
cantonnant aux arrêts de la religion et à ses lois, ce qui
serait leurs prérogatives strictes, de même que le pouvoir
factieux iranien continue à contrôler l’appareil sécuritaire et
les services de renseignement irakiens : c’est à partir de leurs
agents que se constituent les cercles dirigeant ces
institutions, qui mettent aux arrêts ceux qui s’opposent à leurs
méthodes et qui éliminent ceux qui s’opposent à elles. Elles
sont responsables de la disparition de plusieurs centaines de
jeunes Irakiens nationalistes et de gauche ou appartenant au
courant islamique nationaliste irakien résistant, qu’elles ont
transférés dans des prisons secrètes en Iran. Ces services sont
aussi responsables de la mort de centaines d’experts, de
scientifiques, de médecins et de professeurs d’université
irakiens. Quant au pouvoir économique, les conséquences des
investissements iraniens sont désormais visibles partout en
Irak, des marchandises de pacotille de très mauvaise qualité ou
des produits ayant dépassé leur date de péremption se déversant
dans le pays de tous côtés, ce qui provoque la disparition de
beaucoup d’industries et d’entreprises artisanales irakiennes,
incapables qu’elles sont de résister à la concurrence de ces
produits bradés à vil prix. Désormais, l’économie irakienne
repose sur les marchandises qui s’y déversent, iraniennes pour
la plupart.
Les conséquences de l’exercice de leurs
activités par ces autorités dans le milieu irakien, auxquelles
s’ajoutent celles d’autres instances cachées sous les oripeaux
de services de documentation ou derrière la façade d’activités
culturelles et scientifiques ou d’organisations de la société
civile et d’associations caritatives, qui dépensent des sommes
folles pour mener « à bien » leurs programmes, ne font que
renforcer le sentiment qu’ont certains partenaires du processus
politique irakiens (non liés, bien entendu, à la partie
iranienne) que le rôle de Téhéran est désormais un fait accompli
en Irak et qu’il faut se résigner à collaborer avec lui afin de
s’assurer de l’accès aux postes d’influence au sein du pouvoir
et que les urnes électorales ne représentent pas à elles seules
le pouvoir, d’autant que certains ont déjà collaboré avec
plusieurs services de renseignement occidentaux et excellent à
ce petit jeu de la collaboration.
Pire : certaines informations indiquent que
les Américains sont très satisfaits de l’initiative prise par la
liste irakienne afin d’améliorer ses relations avec Téhéran,
tant via la Syrie et
certains partenaires libanais que par l’entremise de ‘Ammâr al-Hakîm
qui a encensé le président de cette liste, qu’il a blanchi de
toute compromission avec le Baath, un président qui,
rappelons-le, a reçu l’onction de Téhéran. Tout le monde
recherche son intérêt. Ainsi, ‘Allâwî ne s’assoira pas sur le
siège de président du conseil tant que l’Iran n’aura pas
manifesté son accord, fût-ce à contrecoeur, en échange de son
engagement de respecter ses intérêts en Irak, ainsi que ceux de
ses hommes liges dont Téhéran n’acceptera jamais qu’ils soient
laissés sur le côté, quel qu’en soit le prix. Les Américains,
quant à eux, espèrent que l’arrivée de ‘Allâwî, qui est leur
allié, au poste de Premier ministre constituera une possibilité
d’un rapprochement américano-iranien au motif de façade de
veiller sur le régime nouveau-né en Irak, et en réalité de
s’entendre, entre les deux parties, sur toutes les nombreuses
questions demeurées pendantes.
Le grand bruit fait autour de fausses
affirmations, comme celle selon laquelle les dernières élections
en Irak auraient confirmé la défaite de la présence iranienne
illégale dans ce pays n’est que pure illusion : l’Iran ne
permettra jamais que soit reconstruit le barrage que représente
l’Irak face aux ambitions nationalistes persanes dans cette
région.
Et même si les forces de sa cinquième colonne faiblissaient ici
ou là, l’Iran s’efforcerait de se mouvoir dans d’autres limès
n’ayant pas plus de réelle identité iranienne [que le limès
irakien], encouragé en cela par l’involution de composantes
politiques irakiennes nationalistes, panarabes, progressistes ou
islamiques qui ne sont plus à même de s’opposer au projet de
confiscation américano-iranien [de l’Irak] en raison de
l’inexistence de tout soutien arabe, dans un contexte ou
certains Arabes sont bien trop occupés à se trouver un nouvel
Harîrî, cette fois-ci en Irak !Dr
Muthannâ ‘’Abd-Allah (chercheur irakien en sciences
politiques)