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Aujourd'hui le Maroc
Assemblée
générale de l'ONU :
Sarkozy refuse de parler de guerre contre l'Iran
Mustapha Tossa
Photo AFP
27
septembre 2007 Il paraît
clair aujourd’hui que par ses déclarations guerrières, Bernard
Kouchner a non seulement volé la vedette à Nicolas Sarkozy, mais
il a mis aussi la stratégie présidentielle à l’égard de l’Iran
en grande difficulté. Il a suffi aux
observateurs attentifs de la vie politique française de jeter un
regard furtif sur les images de Nicolas Sarkozy se livrant à
quelques foulées de jogging sur le bitume new-yorkais en
compagnie de son ministre des Affaires étrangères, Bernard
Kouchner, pour conclure à une véritable opération de
communication destinée à cacher un profond malaise. Même
s’ils ont accepté, tous les deux, de partager la partition de
l’ouverture, Sarkozy et Kouchner, à cause d’un évident fossé
générationnel nourri d’expériences politiques différentes,
n’ont toujours pas développé cette proximité qui rendrait
naturelle une telle posture. Le visage fermé, la démarche raide,
les deux hommes exécutaient manifestement un jeu de rôle destiné
à produire un message de consensus, de retrouvailles, voire de réconciliation.
C’est que, comme un gigantesque dommage collatéral de la crise
du nucléaire iranien, leurs relations viennent de frôler la
rupture et le désaveu. Bernard Kouchner était monté au
firmament de l’actualité internationale en étant le premier
leader européen à parler de «guerre» contre l’Iran. Si cette
position a indéniablement boosté sa popularité auprès des
faiseurs d’opinions américains, lui offrant des tribunes
d’expression et de visibilité inédites pour un Français
depuis que l’ancien locataire de l’Elysée, Jacques Chirac,
s’était fermement opposé à l’invasion américaine de l’Irak,
Bernard Kouchner a mis l’actuel président en grande difficulté
politique.
Durant tout son séjour à New York, Nicolas Sarkozy a dépensé
son énergie à atténuer et à gommer les effets désastreux des
déclarations belliqueuses de son ministre des Affaires étrangères.
Sur deux points essentiels, le désaveu était tranchant. Sur le
vocabulaire d’abord : «Pour ma part, je ne prononce pas le mot
guerre», avait martelé Nicolas Sarkozy à la presse américaine
pour bien marquer sa différence et son territoire. Sur l’agenda
ensuite, quand, en pleine campagne d’explication, Kouchner
s’est dit prêt à sen rendre en Iran, l’oracle élyséen est
tombé: «Je ne pense pas que les conditions pour un voyage à Téhéran
soient actuellement réunies (…) dans les couloirs de l’ONU,
on peut discuter. Un voyage à Téhéran , c’est autre chose».
Il paraît clair aujourd’hui que par ses déclarations guerrières,
Bernard Kouchner a non seulement volé la vedette à Nicolas
Sarkozy, mais il a mis aussi la stratégie présidentielle à l’égard
de l’Iran en grande difficulté. Alors qu’il semblait avoir bâti
son discours sur la fermeté intransigeante, le refus absolu de
voir l’Iran accéder à l’arme nucléaire, il s’est retrouvé,
pour ne pas conforter l’approche va-t-en guerre de son ministre
des Affaire étrangères, en train de jouer les pacifistes
chiraquiens qu’il abhorrent tant comme Dominique de Villepin qui
continue de le narguer en lui donnant des leçons de maintien : «Il
y a un infléchissement dans la politique française dans un sens
qui peut paraître aujourd'hui un rapprochement, parfois même un
alignement sur certaines positions de l'administration Bush (…)
Je m'en inquiète (...) parce que c'est une administration
finissante, qui s'est beaucoup trompée» en matière de politique
étrangère.
De manière générale, la relation entre Bernard Kouchner et
Nicolas Sarkozy contient les ingrédients d’une grande crise à
venir. N’avait-on pas affirmé à plusieurs reprises, lors de la
nomination de Kouchner au Quai d’Orsay, qu’il serait étroitement
encadré par le Monsieur «diplomatie et sécurité» de l’Elysée,
l’ancien ambassadeur à Washington, Jean-David Levitte?
Encadrement raté puisque sur deux crises majeures qui secouent le
monde, l’Iran et l’Irak, la diplomatie française s’est
distinguée par des zigzag tournoyant, faits d’excuses, de
reniements et de démentis, comme si le gouvernement français
vivait les pires moments de la cohabitation.
Nicolas Sarkozy, et son égo multidimensionnel, peut-il continuer
à accepter le voisinage d’une personnalité comme Bernard
Kouchner, mue par une irrésistible envie d’exister et une
gourmande tendance à capter la lumière? L’argument iranien et
ses paradoxes, sous les feux de la rampe onusienne, auront montré
les limites d’un tel exercice. Par : Mustapha Tossa
DNCP à Paris
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© Aujourd’hui le Maroc 2007
Publié le 28 septembre 2007 avec l'aimable autorisation de : Aujourd'hui le Maroc
Crédit photo : AFP
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