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L'EXPRESSIONDZ.COM
LE MALENTENDU ENTRE L'ORIENT ET L'OCCIDENT
L'islamophobie une diversion
Mustapha Cherif
Jeudi 24 septembre 2009
L’islamophobie nourrit l’extrémisme, le respect de la différence
le tarit.
Un grand malentendu, nuisible pour tous, semble se compliquer
entre l’Occident et le monde musulman, alors que tant de valeurs
et de faits historiques les unissent et qu’ils sont imbriqués.
L’Occident, schématiquement, prétend détenir la raison moderne
et le seul modèle émancipateur; fait aggravant, il monopolise
les instruments de décision et cherche à imposer son point de
vue. L’Orient musulman, tout aussi schématiquement, prétend
détenir les vraies valeurs humaines et spirituelles, mais, fait
contreproductif, il résiste de manière peu réfléchie, pas assez
créative. Même si chacun a une part de vérité, nul n’en a le
monopole.
Ce malentendu est entretenu par des forces qui divisent et
opposent les peuples. Le racisme antimusulman prend de l’ampleur
en rive Nord. Au Sud, le ressentiment musulman, couplé à des
formes de désespoir et de fermeture, s’accentue. C’est avec une
inquiétude croissante que les démocrates et les humanistes
observent l’avancée de l’extrême droite ou de ses idées au Nord
et le mouvement de repli au Sud. L’idéologie d’extrême droite en
Europe déborde de ses cercles traditionnels, pour toucher de
larges populations désinformées. Elle profite des contradictions
de mouvements islamiques archaïques, produits de l’ignorance,
des errances et des manipulations, pour alimenter la propagande
de l’islamophobie haineuse, pour faire diversion aux problèmes
politiques.
Humaniser la
société moderne en crise
La haine contre les musulmans a atteint des cimes dans
certains milieux en Europe, alors que des problèmes de société
de fond se posent, auxquels les citoyens musulmans instruits,
pieux et raisonnables peuvent contribuer à solutionner. Il
s’agit d’humaniser la société moderne en crise, prise dans des
impasses mortelles. Des médias et des partis politiques
empêchent la symbiose des cultures et amplifient à dessein les
comportements d’extrémistes. Ils se sont inventés un nouvel
ennemi.
Les musulmans sont devenus un enjeu électoral, un fonds de
commerce et idéologique. Source d´inquiétude pour les uns,
énigme pour les autres, les musulmans, témoins d’un sens
singulier de la vie, continuent à susciter autant
d´interrogations que d´hostilité. Des médias occidentaux et
orientaux parlent de «choc de civilisation» pour faire
diversion, ou par ignorance. En Occident, par exemple, la
plupart ont appelé les massacres israéliens à Ghaza une action «défensive»
ou «guerre» pour assurer la sécurité d’Israël.
En Suisse, pays démocratique, considéré, à juste titre, comme un
havre de paix, digne de la philosophie pacifiste de Jean-Jacques
Rousseau et du principe de neutralité, va être mise à l’épreuve
au sujet du culte musulman. Un événement inédit, lié pourtant à
une question technique mineure, risque de troubler le climat de
tolérance qui a toujours caractérisé ce pays exemplaire. Le
mouvement xénophobe d’extrême droite a imposé, sur la base d’une
pétition de cent mille signatures, la tenue d’un vote populaire,
qui aura lieu en novembre prochain, afin d’interdire la
construction de minarets des mosquées. Des démocrates, des
humanistes et des chrétiens tentent de s’y opposer. Tout comme
le gouvernement en place, la Conférence des évêques suisses a
dit non à l’initiative contre la construction des minarets. Elle
s’est exprimée sur ce sujet considérant à juste titre que c’est
une question politique qui porte sur une religion et sur les
droits de croyants.
Les minarets, comme les clochers des églises, sont un signe de
la présence publique d’une religion donnée, qui mérite le
respect. Normalement, l’édification et l’usage des minarets sont
régis par les seuls règlements de construction. Les mouvements
favorables au vivre-ensemble invitent à repousser l’initiative,
non par méconnaissance des difficultés, mais parce qu’ils sont
cohérents avec leurs valeurs et les principes démocratiques de
la Suisse, qui se retrouve face à une difficulté fabriquée par
l’extrême droite. L’issue du vote reste incertaine, tant les
préjugés et les quiproquos dominent.
L’interdiction générale de construire des minarets, simple
question technique, risque de brouiller abusivement l’image de
la Suisse, fragilisera symboliquement les efforts de paix entre
les communautés, entre l’Occident et l’Orient. Il faut
comprendre le contexte et établir une attitude d’alerte
vigilante, d’accueil et de coopération réciproque dans le
dialogue, pour éviter que les extrémistes de tous bords
exploitent la situation.
Les xénophobes ne doivent pas ternir une société démocratique et
perturber la relation entre les deux rives de la Méditerranée.
D’autant que la Suisse fait des efforts pour répondre à des
besoins de la communauté musulmane, telle la formation des
imams. Ils pourraient bientôt peut-être recevoir un enseignant
en Suisse, à l’Université de Fribourg, afin que les religieux
soient bien informés des réalités suisses. Le Master
international études islamiques et arabes par Internet, de
l’Université Ouverte de Catalogne (www.uoc.edu), pourrait
contribuer à cette formation, si les autorités concernées en
font la demande. Il est temps de consolider la coopération en
matière culturelle et éducative, afin de dépasser les faux
débats.
L’islamophobie, qui confond à dessein islamisme et Islam,
nourrit l’extrémisme, alors qu’au contraire, le respect du droit
à la différence le tarit.
La preuve, les citoyens européens de confession musulmane sont
perçus comme des citoyens à part entière, malgré la propagande
raciste du choc des cultures, le recul des études en islamologie
et orientalistes, et la priorité donnée aux enquêtes de type «policière»
par des chercheurs qui haïssent leur objet d’études, et
fabriquent des notions de diversion comme le «djihadisme».
Autre exemple positif, une cellule de veille au niveau du
tribunal de Lyon en France a été mise en place au sujet des
actes antimusulmans. Des communautés musulmanes se développent,
des mosquées se construisent, l’église catholique dialogue de
plus en plus, sans oublier que la fiscalité des dons aux
associations religieuses est favorable. Les citoyens européens
attendent de l’Etat de leur pays qu’aucune préférence religieuse
ne soit marquée, afin que la liberté de culte soit effective.
Dans ce sens, est favorisée la création de Conseil du culte
musulman, même si des soucis légitimes de sécurité et de
cohésion sont parmi les causes. Tout le monde sait que le fait
que des musulmans s’organisent est un acquis. Cependant, des
problèmes de fond se posent. Des clivages et de l’incompétence
minent les rapports des musulmans entre eux et avec la société.
C’est à l’unité, au rassemblement et au dialogue citoyen qu’il
faut appeler. Car l’islamophobie n’a pas disparu et risque de
s’amplifier en période de crise économique, «l’étranger»
est toujours un bouc émissaire pour les ignorants. Aux USA, par
exemple, une récente étude montre que trois Américains sur
quatre ne savent pas ce que c’est le Coran et considèrent que «Islam
et violence» sont liés.
Les musulmans ne doivent pas oublier ce qui reste à faire pour
qu’ils assument leurs responsabilités, pour que le monde
arabo-musulman ne prête pas le flanc et tienne sa vraie et digne
place dans le monde. C’est-à-dire pour que la simplification ne
les réduise pas, à leurs yeux, au statut de simples victimes et,
pour les autres, à une source de problèmes. Même si certains
s’inventent un nouvel ennemi pour faire diversion, il n’est pas
exact que tout l’Occident assimile «musulman» et «fanatique».
Les oppositions internes en Suisse face à l’initiative de
l’extrême droite le prouvent. Cette tentative xénophobe
d’interdire les minarets est le prix amer de la démocratie. Il
faut en effet garder son sang-froid, en débattre sereinement,
par des moyens démocratiques et respect de la loi.
Sur le fond, reste à communiquer, expliquer, dialoguer. Rouvrir
des espaces de rencontre entre les deux rives de la
Méditerranée, sans jamais désespérer, est un combat de toujours.
La tâche est de mettre fin aux malentendus, de discerner, ne pas
faire endosser, pour les uns à la religion, à l’Islam en
particulier, ce qui relève des incohérences de la politique, et
pour les autres à la raison, ou à la démocratie sous prétexte
des risques qu’elle fait encourir. Personne de sensé ne peut
refuser le principe du dialogue autour de la Méditerranée pour
établir une Cité juste.
Solidaire des
groupes qui souffrent de discriminations
La recherche d’un nouvel ordre régional et international moins
inégalitaire et d’une nouvelle civilisation, qui nous fait
défaut, exige l’interconnaissance, un diagnostic sans
complaisance et une vision d’avenir.
Les conditions pour ouvrir de nouvelles perspectives ne sont pas
données d’avance. Raison de plus pour oeuvrer ensemble, en
tenant compte des acquis et des échecs des expériences en ce
domaine, afin de ne pas accentuer davantage les doutes et les
écarts. Aujourd’hui, nous avons un destin et une responsabilité
communs. Notre histoire commune est marquée par la coexistence
et les convergences, plus que la confrontation violente,
certains veulent imposer de l’amnésie.
Pour être fidèles à nos Messages ou philosophies, devenir
crédibles et pratiquer les principes de paix, et les faire
adopter par les masses, nous devons être justes et solidaires de
manière non sélective, des peuples et groupes qui souffrent de
discriminations, au Sud comme au Nord. Dans ce sens, il y a lieu
de contribuer à la connaissance objective de l´autre.
Le dialogue n’a pas pour but de faire diversion, de justifier
des situations intolérables, de consoler, ou faire oublier les
rapports de force, ni de convertir, mais, premièrement, rappeler
que nos convergences sont plus importantes que nos divergences.
Deuxièmement, échanger, apprendre à se connaître en vue
d’aboutir à des normes communes, universelles. Troisièmement,
agir ensemble dans le monde pour le bien et alerter sur les
dérives. Interconnaissance, parole commune et émulation, trois
objectifs fondés sur le respect du droit à la différence et la
nécessité du vivre-ensemble. Il n’y a pas d’autre sage
alternative.
Mustapha Cherif, Professeur en relations
internationales
Intellectuels@yahoo.fr
www.mustapha-cherif.net
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Publié le 26 septembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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