Beaucoup, et même plus, ne peuvent digérer, ou comprendre, la
division palestinienne en deux pouvoirs, l’un à Ramallah et
l’autre dans la bande de Gaza, le premier représenté par le
président Mahmoud Abbas et le gouvernement de Salam Fayyad
(illégitime), et le second représenté par le Hamas et le
gouvernement d’Isma’îl Haniyye, destitué après le 14 juin 2007.
C’est le gouvernement d’unité nationale dont la légitimité a été
acquise puisqu’il a été investi par le président Mahmoud Abbas,
à l’époque, et le vote du conseil législatif qui lui a accordé
sa confiance.
Depuis la victoire du Hamas à la majorité des sièges du conseil
législatif, dans des élections où personne n’a douté de leur
probité, la situation est partagée en deux légitimités, et
pratiquement dès le début de 2006.
La division, dans son fond, est liée à la politique et n’est pas
un conflit sur le pouvoir, comme certains essaient de le
montrer, en masquant son aspect politique.
Le conflit politique est ancien (avant et après les accords
d’Oslo) entre le Fateh et le Hamas, avant de devenir un conflit
sur le pouvoir, après les élections du conseil législatif en
2006. Là, il est possible de le décrire, pour ceux qui le
souhaitent, consciemment ou non, en un conflit sur le pouvoir
(ou de poste).
Examinons les agissements de la partie qui a décidé, dès le
premier jour, de faire tomber le Hamas et de faire échec à son
gouvernement, pour arriver, dans la bande de Gaza, à utiliser
son emprise sur certains appareils sécuritaires (la sécurité
préventive et les services des renseignements), avec la
couverture de Mahmoud Abbas. Celui-ci avait lutté contre le
président palestinien martyr, Yasser Arafat, pour lui arracher
la responsabilité des appareils sécuritaires et les rattacher au
gouvernement, par le biais de son ministre de l’intérieur. Après
être devenu président de l’Autorité, il s’est mis à lutter pour
les garder entre ses mains et priver le gouvernement de Haniyye
et son ministre de l’intérieur de toute prérogative sur ces
appareils, provoquant la formation d’une force sécuritaire
parallèle dans la bande de Gaza, sous l’autorité du ministre de
l’intérieur, mais le président Mahmoud Abbas refusa de la
reconnaître ou de reconnaître sa légitimité.
Sans vouloir trop s’étendre, disons que la situation dans la
bande de Gaza s’est achevée par une règlement militaire par les
forces dépendantes du gouvernement de Haniyye, sachant que la
partie ayant commencé est incontestablement les forces de la
sécurité préventive.
Auparavant, des discours publics avaient menacé et promis un
règlement contre le gouvernement de Haniyye, sachant que le
règlement dans la bande de Gaza, a porté, avant tout, des
préjudices à Hamas et au gouvernement d’unité nationale présidé
par Isma’îl Haniyye. Alors que le gouvernement était considéré
légitime pour toute la Cisjordanie et la bande de Gaza, le
gouvernement destitué a été limité à la bande de Gaza.
Quiconque examine les mesures immédiates et l’enthousiasme de
Mahmoud Abbas, après le règlement par les appareils sécuritaires
dans la bande de Gaza, suite à une succession de combats,
remarque que ces faits lui ont été offerts sur un plateau
d’argent, une occasion qu’il s’est précipité à avaler pour se
débarrasser du gouvernement d’unité nationale en le destituant,
et du conseil législatif en l’ignorant, pour le remplacer par
« le conseil central » qui avait perdu toute prérogative depuis
longtemps, truqué et illégitime, pour légitimer tout pas qu’il
fait ou fera. Le règlement intérieur modifié n’est donc plus la
référence constitutionnelle du pouvoir.
Il installe ensuite le gouvernement de Salam Fayyad, d’abord en
tant que gouvernement d’urgence, puis « chargé des dossiers en
cours » puis gouvernement permanent représentant l’autorité sans
cependant revenir au conseil législatif, ou s’appuyer sur le
règlement intérieur modifié (constitution).
Toutes ces mesures ainsi que la proclamation de la rupture avec
le Hamas et le gouvernement de Haniyye ont été mis au service de
la politique, et c’est ce qui est le plus important et le plus
grave. Cela fut le préambule pour des négociations secrètes
bilatérales initiées par la conférence d’Annapolis. La division
est devenue politique, par excellence, dévoilant sa véritable
nature, en tant que division politique entre deux principales
tendances. La ligne politique exprimée par les négociations
secrètes bilatérales a, dans les faits, écarté le mouvement
Fateh, qui a perdu son pouvoir sur le gouvernement de Ramallah,
devenant une simple justification, par le biais de Mahmoud
Abbas.
De même, le comité exécutif, qui a perdu ses prérogatives et son
quota, a été transformé en faux témoin sur le processus des
négociations qui se déroulent au nom de l’OLP sns que les
organisations de l’OLP, y compris celles qui ont maintenu leur
adhésion au comité exécutif, ne soient d’accord, et notamment le
FPLP (du moins tel qu’il le proclame).
Car il est exigé que les négociations bilatérales et secrètes se
poursuivent, sous la supervision directe et quotidienne de la
ministre des affaires étrangères américaine, Condolizza Rice,
sans dévoiler l’entente qui se met en place ; la division a été
utilisée comme prétexte, et toute personne ne voulant pas poser
la question dans sa dimension politique s’y heurte. Elle est
devenue une affaire en soi comme s’il était possible de discuter
de la réconciliation ou de l’unité nationale sans aborder la
ligne politique imposée par Mahmoud Abbas et Salam Fayyad sur la
scène palestinienne, ce qui veut dire la ligne des négociations
secrètes bilatérales, le démantèlement des cellules de la
résistance en Cisjordanie, en application du premier article de
la « feuille de route ».
Il est, dès lors, devenu plus facile d’ignorer les négociations
et le refus de les affronter politiquement, sous prétexte que
cela est vain et n’aboutit à rien. Puis de détourner la
discussion vers les formes, les formules, les cadres, de l’unité
nationale. L’organisation des élections législatives et
présidentielles simultanées est devenue « l’issue » de la crise
de la division. Sans cependant remarquer que la Cisjordanie est
entièrement occupée et parcellisée par sept cent barrages, qu’il
n’y a plus de zone A, et sans remarquer aussi que les forces de
sécurité fondées par le gouvernement de Salam Fayyad ne sont
plus celles fondées par Yasser Arafat.
Le plus important, est que les élections ne peuvent résoudre la
division, mais probablement l’approfondir et l’intensifier, la
preuve étant que les précédentes élections ont donné lieu à la
division actuelle, lorsqu’elles ont mis en place deux
légitimités en conflit.
En bref, la division palestinienne est une division politique
entre deux stratégies, l’une matérialisée par la ligne des
négociations, des négociations interminables, avec la poursuite
de l’extension de la colonisation et des excavations sous la
mosquée al-Aqsa, l’augmentation des barrages, la poursuite des
assassinats, des arrestations, des patrouilles qui circulent à
Ramallah plus que tout autre ville ou village de la Cisjordanie.
De l’autre côté, il y a la ligne de la résistance et du refus,
qui annule les négociations, ou une ligne intermédiaire qui
accepte le principe des négociations, mais pas celles menées par
Mahmoud Abbas et non pas avec les politiques de Salam Fayyad qui
démantèle les cellules de la résistance et construit un appareil
sécuritaire hors de la « politique », ou du peuple palestinien.
La guerre d’agression contre la bande de Gaza, qui a duré 22
jours, qui s’est soldée par la tuerie des enfants et des civils,
la destruction des maisons et des infrastructures, avec des
tentatives terrestres pour dominer la bande de Gaza, a échoué
sur le terrain, alors certains pensaient qu’elle pouvait
trancher la situation. Cette guerre a dévoilé la réalité des
positions palestiniennes, arabes, islamiques et mondiales, sur
les plans populaires et officiels. Il n’est plus dès lors
difficile de définir, avec une haute précision, les lignes
politiques de chaque partie et son contenu.
Sur le plan palestinien, il y a ce que les positions ont exprimé
à l’intérieur de la bande de Gaza. Mais les positions les plus
importantes et les plus claires ont été exprimées en
Cisjordanie, dans la manière de se « solidariser » avec cette
partie du peuple palestinien qui vit dans la bande de Gaza, et
dans son ampleur, notamment par la participation effective en
affrontant les forces de l’occupation, dans un mouvement
consistant à s’insérer pratiquement dans la guerre.
Soi dit en passant, si la décision politique avait été prise de
participer à la guerre ou de déclarer un soulèvement contre
l’occupation, au cours de ces 22 jours, la durée aurait été
raccourcie, le dossier de l’occupation en Cisjordanie aurait été
ouvert en même temps que le cessez-le-feu, et la trêve et le
retrait inconditionnel auraient été soulevés simultanément.
Certes, ce dernier point n’est pas à discuter ou à développer
actuellement, mais il est évident qu’une occasion précieuse a
été perdue à cause du bas niveau du soutien et de l’affrontement
en Cisjordanie. Certes, il faut tenir compte du rôle du
gouvernement de Salam Fayyad et de ses forces sécuritaires dans
la répression et « la réalisation ». Il fut aidé en cela par le
niveau déplorable de l’attitude de plusieurs organisations
concernant le soutien à la bande de Gaza, sinon la répression
aurait été brisée, et il n’y aurait plus eu de place pour le
gouvernement de Salam Fayyad.
Il nous faut remarquer, avant de clore ce point, que la division
palestinienne est responsable de la situation instaurée en
Cisjordanie sous le gouvernement de Salam Fayyad et la politique
des négociations, du fait des concessions accordées au cours de
ces négociations, c’est ce que découvriront prochainement les
jours prochains, lorsque George Mitchell parviendra à poser
l’accord sur la table, car il commencera par là où elles se sont
terminées, et il essaiera de réaliser ce à quoi elles sont
arrivées ou les points auxquels elles se sont heurtées.
La division palestinienne est une catastrophe pour la
Cisjordanie aussi, à cause de l’extension des colonies dans le
cadre des négociations, et les excavations et la construction de
deux synagogues, l’une sous la mosquée al-Aqsa et l’autre, à
côté, et à cause de la « réalisation » du gouvernement de Fayyad,
en démantelant les cellules de la résistance, aux côtés de
l’extension de la construction du mur et la confiscation de la
vallée du Jourdain, de la construction des routes de
contournement et l’augmentation des barrages et des mesures de
judaïsation supplémentaires dans les villes d’al-Khalil et d’al-Quds.
Par ailleurs, cette division n’a pas cependant empêché la
victoire historique du peuple palestinien dans son affrontement
à l’agression contre la bande de Gaza, que ce soit par la
fermeté et la résistance ou par les manifestations et
rassemblements qui ont eu lieu dans toutes les capitales et les
villes arabes, mais aussi dans les Etats musulmans et ceux du
monde entier.
Il nous suffit de remarquer que le drapeau palestinien, qui
symbolise la question palestinienne, a flotté dans les cinq
continents, pour confirmer que la division n’a pas atteint le
point de liquider la question palestinienne comme font circuler
ceux qui sont hostiles à la résistance ou ceux qui soutiennent
la ligne de Mahmoud Abbas. Au contraire, elle a été meilleure
qu’à l’ombre de la ligne de Mahmoud Abbas, même si l’unité
palestinienne aurait été préférable si elle est alignée sur la
résistance et la fermeté, et si la bataille s’était étendue de
Rafah à Jénine.
Il faut voir également les aspects négatifs de la division, non
pas dans la manière de voir des uns, ou en posant tous les oeufs
palestiniens dans le même panier, celui de Mahmoud Abbas et de
Salam Fayyad.
C’est pourquoi, à partir des signes donnés au cours de la
semaine dernière, comme les deux réunions qui ont eu lieu entre
le Fateh et le Hamas, ou la recherche sérieuse pour ouvrir le
passage frontalier de Rafah, il est supposé qu’après la
réalisation de la réconciliation et l’ouverture du dialogue, que
les pourparlers soient axés sur la solution de deux problèmes
palestiniens : le premier consiste à trouver une entente
nationale à propos de la trêve dans la bande de gaza,
administrer la bande de Gaza, soigner les blessures, assurer les
compensations et les aides et la reconstruction. Le second
consiste à ouvrir le dossier de l’occupation de la Cisjordanie
car le véritable problème actuellement, et depuis la division,
en juin 2007, se situe en Cisjordanie.
Il y a d’une part une nécessité de stopper les négociations,
d’empêcher Mahmoud Abbas, ses conseillers et son gouvernement de
poursuivre les politiques suivies jusque là ;
ils semblent vouloir les
poursuivre avec Mitchell pour aboutir à un règlement qui ne peut
être que liquidateur par excellence, car la reconnaissance de la
« judaïté » de l’entité sioniste signifie l’expulsion des
Palestiniens qui sont restés en Palestine sous l’occupation de
l’Etat hébreu, et c’est ce qui est visé par le terme d’Etat
juif, ce qui signifie qu’il est exclusivement aux Juifs.
De même, la revendication du droit au retour se transforme en
une question de compensations, surnom donné à l’installation
forcée dans les pays d’exil et la patrie de rechange. Puis le
principe de l’échange des terres sera accepté de sorte que les
grandes colonies seront fixées, et notamment celles qui
entourent al-Quds, et dans la ville d’al-Quds, en échange des
terres dans le Naqab palestinien, qui avait été occupé à son
tour en 1948-1949. S’ajoutent à cela les terres et l’eau,
au-delà du mur, ainsi que la vallée du Jourdain, cela en vue
d’installer un « mini-Etat » sur des parties de la Cisjordanie
avec pour capitale al-Quds (des parties de la partie orientale).
Ajoutons aussi « la reconnaissance arabe » de tout cela, de
l’Etat hébreu, selon « l’initiative de paix arabe », soutenue
par une objectivité consistant à dire « nous acceptons ce que
les Palestiniens acceptent » (en fait, ce que Mahmoud Abbas et
Salam Fayyad acceptent), en organisant un référendum truqué en
Cisjordanie.
Il s’agit, ici, d’une partie du dossier de la Cisjordanie, car
l’autre partie, en face, exige un accord ou une entente
nationale sur la résistance à l’occupation, toutes les formes de
résistance, pour le chasser inconditionnellement des terres
occupées en 1967, considérant que le mur, les colonies et toutes
les modifications opérées dans al-Quds ou sous la mosquée al-Aqsa
comme nulles et non soumises à des négociations.
C’est pourquoi il faut refuser la théorie de la solution des
« deux Etats », car elle comprend toutes les concessions citées
plus haut en contrepartie de l’instauration d’un mini-Etat,
sachant que le Fateh et les autres organisations avaient été
fondées sur le principe de la libération totale et du refus du
mini-Etat palestinien.
A ce propos, une invention a cours à présent, faisant anticiper
l’instauration de l’Etat palestinien avant la libération de la
terre, pour précisément annuler tous les droits palestiniens
(arabes et musulmans) dans la Palestine historique, car parler
de la solution des deux Etats signifie faire ses adieux à ce qui
a été spolié et occupé en 1948 et 1949, partie sur laquelle
l’Etat de l’entité a été installé, y compris l’expulsion et la
privation du droit au retour, le droit aux propriétés
indivuelles, sans oublier le droit à l’autodétermination qui est
un droit exclusif pour le peuple palestinien, conformément au
droit international, ainsi qu’à toutes les références
nationales, arabes, islamiques et humaines.
Le refus de ce qui se nomme « la solution des deux Etats » doit
faire partie de l’unité nationale palestinienne, tout comme il
doit avoir pour objectif le fait de chasser l’occupation et
démanteler les colonies. Après la libération de la terre, les
options sont ouvertes, installer une autorité ou un Etat, ou
poursuivre l’attachement au droit au retour et le refus des
conséquences de la guerre 1948-49, ou les deux à la fois.
Certes, il y a probablement beaucoup de différends à l’intérieur
de la scène palestinienne sur ces points, ce qui est le cas
également pour la position arabe officielle. C’est pourquoi il
est possible de limiter l’accord à l’ouverture du dossier de
l’occupation de la Cisjordanie, en vue de chasser l’occupant,
démanteler les colonies et détruire le mur,
inconditionnellement.
C’est la principale tâche à laquelle il faut s’atteler, après
avoir réglé la situation dans la bande triomphante de Gaza, en
ouvrant tous les passages et en premier lieu, celui de Rafah, de
manière permanente, et en instaurant une trêve qui ne soit pas
associée à un blocus ou des assassinats.