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Au-delà de la bande de Gaza... ouvrir le dossier de la Cisjordanie
Munir Shafiq

Al Jazeera.net 15 février 2009

Beaucoup, et même plus, ne peuvent digérer, ou comprendre, la division palestinienne en deux pouvoirs, l’un à Ramallah et l’autre dans la bande de Gaza, le premier représenté par le président Mahmoud Abbas et le gouvernement de Salam Fayyad (illégitime), et le second représenté par le Hamas et le gouvernement d’Isma’îl Haniyye, destitué après le 14 juin 2007.

C’est le gouvernement d’unité nationale dont la légitimité a été acquise puisqu’il a été investi par le président Mahmoud Abbas, à l’époque, et le vote du conseil législatif qui lui a accordé sa confiance.

Depuis la victoire du Hamas à la majorité des sièges du conseil législatif, dans des élections où personne n’a douté de leur probité, la situation est partagée en deux légitimités, et pratiquement dès le début de 2006.

La division, dans son fond, est liée à la politique et n’est pas un conflit sur le pouvoir, comme certains essaient de le montrer, en masquant son aspect politique.

Le conflit politique est ancien (avant et après les accords d’Oslo) entre le Fateh et le Hamas, avant de devenir un conflit sur le pouvoir, après les élections du conseil législatif en 2006. Là, il est possible de le décrire, pour ceux qui le souhaitent, consciemment ou non, en un conflit sur le pouvoir (ou de poste).

Examinons les agissements de la partie qui a décidé, dès le premier jour, de faire tomber le Hamas et de faire échec à son gouvernement, pour arriver, dans la bande de Gaza, à utiliser son emprise sur certains appareils sécuritaires (la sécurité préventive et les services des renseignements), avec la couverture de Mahmoud Abbas. Celui-ci avait lutté contre le président palestinien martyr, Yasser Arafat, pour lui arracher la responsabilité des appareils sécuritaires et les rattacher au gouvernement, par le biais de son ministre de l’intérieur. Après être devenu président de l’Autorité, il s’est mis à lutter pour les garder entre ses mains et priver le gouvernement de Haniyye et son ministre de l’intérieur de toute prérogative sur ces appareils, provoquant la formation d’une force sécuritaire parallèle dans la bande de Gaza, sous l’autorité du ministre de l’intérieur, mais le président Mahmoud Abbas refusa de la reconnaître ou de reconnaître sa légitimité.

Sans vouloir trop s’étendre, disons que la situation dans la bande de Gaza s’est achevée par une règlement militaire par les forces dépendantes du gouvernement de Haniyye, sachant que la partie ayant commencé est incontestablement les forces de la sécurité préventive.

Auparavant, des discours publics avaient menacé et promis un règlement contre le gouvernement de Haniyye, sachant que le règlement dans la bande de Gaza, a porté, avant tout, des préjudices à Hamas et au gouvernement d’unité nationale présidé par Isma’îl Haniyye. Alors que le gouvernement était considéré légitime pour toute la Cisjordanie et la bande de Gaza, le gouvernement destitué a été limité à la bande de Gaza.

 

Quiconque examine les mesures immédiates et l’enthousiasme de Mahmoud Abbas, après le règlement par les appareils sécuritaires dans la bande de Gaza, suite à une succession de combats, remarque que ces faits lui ont été offerts sur un plateau d’argent, une occasion qu’il s’est précipité à avaler pour se débarrasser du gouvernement d’unité nationale en le destituant, et du conseil législatif en l’ignorant, pour le remplacer par « le conseil central » qui avait perdu toute prérogative depuis longtemps, truqué et illégitime, pour légitimer tout pas qu’il fait ou fera. Le règlement intérieur modifié n’est donc plus la référence constitutionnelle du pouvoir.

Il installe ensuite le gouvernement de Salam Fayyad, d’abord en tant que gouvernement d’urgence, puis « chargé des dossiers en cours » puis gouvernement permanent représentant l’autorité sans cependant revenir au conseil législatif, ou s’appuyer sur le règlement intérieur modifié (constitution).

Toutes ces mesures ainsi que la proclamation de la rupture avec le Hamas et le gouvernement de Haniyye ont été mis au service de la politique, et c’est ce qui est le plus important et le plus grave. Cela fut le préambule pour des négociations secrètes bilatérales initiées par la conférence d’Annapolis. La division est devenue politique, par excellence, dévoilant sa véritable nature, en tant que division politique entre deux principales tendances. La ligne politique exprimée par les négociations secrètes bilatérales a, dans les faits, écarté le mouvement Fateh, qui a perdu son pouvoir sur le gouvernement de Ramallah, devenant une simple justification, par le biais de Mahmoud Abbas.

De même, le comité exécutif, qui a perdu ses prérogatives et son quota, a été transformé en faux témoin sur le processus des négociations qui se déroulent au nom de l’OLP sns que les organisations de l’OLP, y compris celles qui ont maintenu leur adhésion au comité exécutif, ne soient d’accord, et notamment le FPLP (du moins tel qu’il le proclame).

Car il est exigé que les négociations bilatérales et secrètes se poursuivent, sous la supervision directe et quotidienne de la ministre des affaires étrangères américaine, Condolizza Rice, sans dévoiler l’entente qui se met en place ; la division a été utilisée comme prétexte, et toute personne ne voulant pas poser la question dans sa dimension politique s’y heurte. Elle est devenue une affaire en soi comme s’il était possible de discuter de la réconciliation ou de l’unité nationale sans aborder la ligne politique imposée par Mahmoud Abbas et Salam Fayyad sur la scène palestinienne, ce qui veut dire la ligne des négociations secrètes bilatérales, le démantèlement des cellules de la résistance en Cisjordanie, en application du premier article de la « feuille de route ».

Il est, dès lors, devenu plus facile d’ignorer les négociations et le refus de les affronter politiquement, sous prétexte que cela est vain et n’aboutit à rien. Puis de détourner la discussion vers les formes, les formules, les cadres, de l’unité nationale. L’organisation des élections législatives et présidentielles simultanées est devenue « l’issue » de la crise de la division. Sans cependant remarquer que la Cisjordanie est entièrement occupée et parcellisée par sept cent barrages, qu’il n’y a plus de zone A, et sans remarquer aussi que les forces de sécurité fondées par le gouvernement de Salam Fayyad ne sont plus celles fondées par Yasser Arafat.

Le plus important, est que les élections ne peuvent résoudre la division, mais probablement l’approfondir et l’intensifier, la preuve étant que les précédentes élections ont donné lieu à la division actuelle, lorsqu’elles ont mis en place deux légitimités en conflit.

En bref, la division palestinienne est une division politique entre deux stratégies, l’une matérialisée par la ligne des négociations, des négociations interminables, avec la poursuite de l’extension de la colonisation et des excavations sous la mosquée al-Aqsa, l’augmentation des barrages, la poursuite des assassinats, des arrestations, des patrouilles qui circulent à Ramallah plus que tout autre ville ou village de la Cisjordanie.

De l’autre côté, il y a la ligne de la résistance et du refus, qui annule les négociations, ou une ligne intermédiaire qui accepte le principe des négociations, mais pas celles menées par Mahmoud Abbas et non pas avec les politiques de Salam Fayyad qui démantèle les cellules de la résistance et construit un appareil sécuritaire hors de la « politique », ou du peuple palestinien.

La guerre d’agression contre la bande de Gaza, qui a duré 22 jours, qui s’est soldée par la tuerie des enfants et des civils, la destruction des maisons et des infrastructures, avec des tentatives terrestres pour dominer la bande de Gaza, a échoué sur le terrain, alors certains pensaient qu’elle pouvait trancher la situation. Cette guerre a dévoilé la réalité des positions palestiniennes, arabes, islamiques et mondiales, sur les plans populaires et officiels. Il n’est plus dès lors difficile de définir, avec une haute précision, les lignes politiques de chaque partie et son contenu.

Sur le plan palestinien, il y a ce que les positions ont exprimé à l’intérieur de la bande de Gaza. Mais les positions les plus importantes et les plus claires ont été exprimées en Cisjordanie, dans la manière de se « solidariser » avec cette partie du peuple palestinien qui vit dans la bande de Gaza, et dans son ampleur, notamment par la participation effective en affrontant les forces de l’occupation, dans un mouvement consistant à s’insérer pratiquement dans la guerre.

Soi dit en passant, si la décision politique avait été prise de participer à la guerre ou de déclarer un soulèvement contre l’occupation, au cours de ces 22 jours, la durée aurait été raccourcie, le dossier de l’occupation en Cisjordanie aurait été ouvert en même temps que le cessez-le-feu, et la trêve et le retrait inconditionnel auraient été soulevés simultanément.

Certes, ce dernier point n’est pas à discuter ou à développer actuellement, mais il est évident qu’une occasion précieuse a été perdue à cause du bas niveau du soutien et de l’affrontement en Cisjordanie. Certes, il faut tenir compte du rôle du gouvernement de Salam Fayyad et de ses forces sécuritaires dans la répression et « la réalisation ». Il fut aidé en cela par le niveau déplorable de l’attitude de plusieurs organisations concernant le soutien à la bande de Gaza, sinon la répression aurait été brisée, et il n’y aurait plus eu de place pour le gouvernement de Salam Fayyad.

Il nous faut remarquer, avant de clore ce point, que la division palestinienne est responsable de la situation instaurée en Cisjordanie sous le gouvernement de Salam Fayyad et la politique des négociations, du fait des concessions accordées au cours de ces négociations, c’est ce que découvriront prochainement les jours prochains, lorsque George Mitchell parviendra à poser l’accord sur la table, car il commencera par là où elles se sont terminées, et il essaiera de réaliser ce à quoi elles sont arrivées ou les points auxquels elles se sont heurtées.

La division palestinienne est une catastrophe pour la Cisjordanie aussi, à cause de l’extension des colonies dans le cadre des négociations, et les excavations et la construction de deux synagogues, l’une sous la mosquée al-Aqsa et l’autre, à côté, et à cause de la « réalisation » du gouvernement de Fayyad, en démantelant les cellules de la résistance, aux côtés de l’extension de la construction du mur et la confiscation de la vallée du Jourdain, de la construction des routes de contournement et l’augmentation des barrages et des mesures de judaïsation supplémentaires dans les villes d’al-Khalil et d’al-Quds.

Par ailleurs, cette division n’a pas cependant empêché la victoire historique du peuple palestinien dans son affrontement à l’agression contre la bande de Gaza, que ce soit par la fermeté et la résistance ou par les manifestations et rassemblements qui ont eu lieu dans toutes les capitales et les villes arabes, mais aussi dans les Etats musulmans et ceux du monde entier.

Il nous suffit de remarquer que le drapeau palestinien, qui symbolise la question palestinienne, a flotté dans les cinq continents, pour confirmer que la division n’a pas atteint le point de liquider la question palestinienne comme font circuler ceux qui sont hostiles à la résistance ou ceux qui soutiennent la ligne de Mahmoud Abbas. Au contraire, elle a été meilleure qu’à l’ombre de la ligne de Mahmoud Abbas, même si l’unité palestinienne aurait été préférable si elle est alignée sur la résistance et la fermeté, et si la bataille s’était étendue de Rafah à Jénine.

Il faut voir également les aspects négatifs de la division, non pas dans la manière de voir des uns, ou en posant tous les oeufs palestiniens dans le même panier, celui de Mahmoud Abbas et de Salam Fayyad.

C’est pourquoi, à partir des signes donnés au cours de la semaine dernière, comme les deux réunions qui ont eu lieu entre le Fateh et le Hamas, ou la recherche sérieuse pour ouvrir le passage frontalier de Rafah, il est supposé qu’après la réalisation de la réconciliation et l’ouverture du dialogue, que les pourparlers soient axés sur la solution de deux problèmes palestiniens : le premier consiste à trouver une entente nationale à propos de la trêve dans la bande de gaza, administrer la bande de Gaza, soigner les blessures, assurer les compensations et les aides et la reconstruction. Le second consiste à ouvrir le dossier de l’occupation de la Cisjordanie car le véritable problème actuellement, et depuis la division, en juin 2007, se situe en Cisjordanie.

Il y a d’une part une nécessité de stopper les négociations, d’empêcher Mahmoud Abbas, ses conseillers et son gouvernement de poursuivre les politiques suivies jusque là ;  ils semblent vouloir les poursuivre avec Mitchell pour aboutir à un règlement qui ne peut être que liquidateur par excellence, car la reconnaissance de la « judaïté » de l’entité sioniste signifie l’expulsion des Palestiniens qui sont restés en Palestine sous l’occupation de l’Etat hébreu, et c’est ce qui est visé par le terme d’Etat juif, ce qui signifie qu’il est exclusivement aux Juifs.

De même, la revendication du droit au retour se transforme en une question de compensations, surnom donné à l’installation forcée dans les pays d’exil et la patrie de rechange. Puis le principe de l’échange des terres sera accepté de sorte que les grandes colonies seront fixées, et notamment celles qui entourent al-Quds, et dans la ville d’al-Quds, en échange des terres dans le Naqab palestinien, qui avait été occupé à son tour en 1948-1949. S’ajoutent à cela les terres et l’eau, au-delà du mur, ainsi que la vallée du Jourdain, cela en vue d’installer un « mini-Etat » sur des parties de la Cisjordanie avec pour capitale al-Quds (des parties de la partie orientale).

Ajoutons aussi « la reconnaissance arabe » de tout cela, de l’Etat hébreu, selon « l’initiative de paix arabe », soutenue par une objectivité consistant à dire « nous acceptons ce que les Palestiniens acceptent » (en fait, ce que Mahmoud Abbas et Salam Fayyad acceptent), en organisant un référendum truqué en Cisjordanie.

Il s’agit, ici, d’une partie du dossier de la Cisjordanie, car l’autre partie, en face, exige un accord ou une entente nationale sur la résistance à l’occupation, toutes les formes de résistance, pour le chasser inconditionnellement des terres occupées en 1967, considérant que le mur, les colonies et toutes les modifications opérées dans al-Quds ou sous la mosquée al-Aqsa comme nulles et non soumises à des négociations.

C’est pourquoi il faut refuser la théorie de la solution des « deux Etats », car elle comprend toutes les concessions citées plus haut en contrepartie de l’instauration d’un mini-Etat, sachant que le Fateh et les autres organisations avaient été fondées sur le principe de la libération totale et du refus du mini-Etat palestinien.

A ce propos, une invention a cours à présent, faisant anticiper l’instauration de l’Etat palestinien avant la libération de la terre, pour précisément annuler tous les droits palestiniens (arabes et musulmans) dans la Palestine historique, car parler de la solution des deux Etats signifie faire ses adieux à ce qui a été spolié et occupé en 1948 et 1949, partie sur laquelle l’Etat de l’entité a été installé, y compris l’expulsion et la privation du droit au retour, le droit aux propriétés indivuelles, sans oublier le droit à l’autodétermination qui est un droit exclusif pour le peuple palestinien, conformément au droit international, ainsi qu’à toutes les références nationales, arabes, islamiques et humaines.

Le refus de ce qui se nomme « la solution des deux Etats » doit faire partie de l’unité nationale palestinienne, tout comme il doit avoir pour objectif le fait de chasser l’occupation et démanteler les colonies. Après la libération de la terre, les options sont ouvertes, installer une autorité ou un Etat, ou poursuivre l’attachement au droit au retour et le refus des conséquences de la guerre 1948-49, ou les deux à la fois.

Certes, il y a probablement beaucoup de différends à l’intérieur de la scène palestinienne sur ces points, ce qui est le cas également pour la position arabe officielle. C’est pourquoi il est possible de limiter l’accord à l’ouverture du dossier de l’occupation de la Cisjordanie, en vue de chasser l’occupant, démanteler les colonies et détruire le mur, inconditionnellement.

C’est la principale tâche à laquelle il faut s’atteler, après avoir réglé la situation dans la bande triomphante de Gaza, en ouvrant tous les passages et en premier lieu, celui de Rafah, de manière permanente, et en instaurant une trêve qui ne soit pas associée à un blocus ou des assassinats.

 

Traduction CIREPAL
Centre d'Information
sur la Résistance en Palestine



Source : Cirepal


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