Al-Ahram Hebdo
L'Europe et la
proclamation de l'Etat palestinien
Mohamed Salmawy
Photo Al-Ahram
Mercredi 9 décembre 2009
La mise en place d’un Etat palestinien indépendant sur
la terre de Palestine nécessite-t-elle une résolution
internationale ? La Suède avait présenté dernièrement au conseil
de l’Union européenne un projet de résolution pour la création
d’un Etat palestinien avec pour capitale Jérusalem-Est. Ce
projet de résolution, deux semaines après avoir été annoncé, a
été favorablement accueilli dans plusieurs capitales
européennes.
Une telle action peut être considérée comme positive, surtout à
l’ombre de l’intransigeance israélienne traditionnelle à cet
égard et l’insistance de l’actuel gouvernement de Netanyahu à
poser des conditions « israéliennes » pour la mise en place de
cet Etat. Mais il semble que la communauté internationale qui a
favorablement accueilli cette nouvelle orientation européenne a
oublié que la résolution de la mise en place d’un Etat
palestinien a été effectivement promulguée il y a plus de 60
ans. Cette même résolution stipulait la
création de l’Etat d’Israël. Je veux dire la résolution de
partage promulguée par les Nations-Unies en novembre 1947 avec
le consentement de toute la communauté internationale.
D’ailleurs, c’est à cette résolution qu’Israël doit son
existence.
La résolution n’a pas stipulé uniquement la
mise en place d’un Etat juif en Palestine, mais de deux Etats :
l’un juif et l’autre palestinien, ainsi que de la démarcation
des frontières entre les deux. Elle a également stipulé de faire
de Jérusalem une zone internationale vu son importance et le
fait qu’elle soit le berceau des trois religions monothéistes.
Mais les méthodes sionistes détournées ont
manipulé la résolution pour affirmer la légitimité de l’Etat
juif et ignorer le reste du contenu, à savoir que la légitimité
de l’Etat juif est liée à celle de l’Etat palestinien.
Aujourd’hui, Israël confectionne ses propres prescriptions
relatives à la mise en place d’un Etat palestinien allant à
l’encontre de la résolution des Nations-Unies et feignant
d’oublier qu’elle était à l’origine de la création de l’Etat
d’Israël.
L’argument avancé par Israël dans ses
tentatives d’effacer le contenu de la résolution en vertu de
laquelle cet Etat a vu le jour est que les Arabes ont rejeté
cette résolution, or lui-même l’a appliquée. Cependant, les
Nations-Unies ne l’ont pas annulée et la communauté
internationale n’est pas revenue sur ce sujet. Israël a
intentionnellement appliqué la moitié de la résolution qui
servait ses objectifs, à un moment où la machine des médias
sionistes a travaillé pendant toutes les dernières années à
effacer l’autre moitié des données de la politique du conflit
arabo-israélien. A tel point que la résolution de partage n’est
plus considérée comme une référence à ce qu’il est convenu
d’appeler le processus d’instauration de la paix au
Moyen-Orient.
Une des erreurs des pourparlers de paix,
depuis la conférence de Madrid, en passant par le processus de
Barcelone et les négociations d’Oslo et jusqu’à nos jours, c’est
qu’ils ont toujours commencé à zéro ou à partir du fait
accompli. C’est-à-dire qu’Israël occupe par le biais de la
guerre des terres arabes que nous désirons récupérer par les
voies pacifiques. Ainsi, le processus d’instauration de la paix
s’est transformé en des négociations pour l’évacuation. Ensuite,
nous avons vu dans la terminologie politique arabe des concepts
et de nouvelles expressions telles que « la terre contre la paix
» et « la reconnaissance en contrepartie de la mise en place
d’un Etat palestinien ». Alors que l’Etat palestinien dispose
d’un appui juridique qui ne stipule pas que les négociations
soient l’unique moyen de réalisation.
Mener des négociations entre les deux parties
n’est pas un tort. Elles auraient dû s’effectuer entre les deux
Etats qui ont été stipulés dans la résolution des Nations-Unies,
c’est-à-dire entre l’Etat palestinien, propriétaire de la terre
occupée, et l’Etat juif qui occupe sa terre sans aucun droit.
La mise en place d’un Etat israélien n’est
pas le résultat de négociations avec quiconque et la partie
arabe n’a pas posé des conditions sans lesquelles il n’aurait
pas vu le jour.
Pourquoi donc l’un des deux Etats ayant fait
l’objet de la résolution de partage des Nations-Unies détient-il
les conditions de la mise en place de l’autre Etat, sujet de la
résolution, alors que ce même Etat a été instauré en vertu de
cette même résolution sans attendre de conditions semblables
émanant de l’autre Etat ?
Israël, bien qu’ayant approuvé la résolution
de partage et incité les forces internationales alliées à
l’approuver, s’est approprié tout au long d’un demi-siècle, par
la voie de l’occupation militaire, un nombre dépassant de loin
la superficie consacrée à l’Etat juif dans la résolution de
partage. Ainsi, avec chaque guerre opposant des Arabes à des
Israéliens, Israël, étant souvent à l’origine de la guerre,
allait plus loin dans son occupation des terres arabes qu’il
s’annexait plus tard, transformant la guerre en une
justification acceptable pour accaparer plus de terres. Et
considérant l’occupation comme un moyen légitime d’expansion et
faisant la sourde oreille à toutes les objections émanant de la
communauté internationale.
En réalité, l’intransigeance manifestée par
Israël aujourd’hui à l’égard de la mise en place d’un Etat
palestinien est un rejet implicite de la résolution de partage
du Conseil de sécurité, sapant complètement la légitimité même
de l’Etat juif. Egalement, le fait d’ériger des obstacles devant
la proclamation d’un Etat palestinien indépendant est une
ignorance de l’énoncé de la résolution qui n’est pas caduque.
Ainsi, l’insistance d’Israël que l’Etat
palestinien soit créé selon ses conditions et en résultat de
négociations entre lui et le côté palestinien est une
déformation des réalités selon laquelle la communauté
internationale s’est laissée entraîner de longues années durant.
La dernière initiative européenne intervient comme une tentative
historique de rectifier les choses.
Partant de cette logique, n’importe quelle
négociation entre les parties palestiniennes et israéliennes ne
doit pas se pencher sur les conditions de la création d’un Etat
palestinien mais sur le degré de violation juive de la
légitimité internationale en s’accaparant et en annexant des
terres censées être du lot de l’Etat palestinien en vertu de la
résolution de la création de l’Etat hébreu. La mise en place de
l’Etat palestinien doit être un fait accompli tout comme l’a été
celle de l’Etat hébreu.
Pour investir cette initiative européenne
louable, le côté arabe devrait afficher son approbation en la
considérant comme une tentative de la part de la communauté
internationale pour rectifier les situations erronées que l’Etat
hébreu a mises en place voilà plus de 60 ans. Nous devons
également proclamer la mise en place de l’Etat palestinien non
pas comme une proclamation unilatérale (il s’agit là également
de concepts erronés qui ont figuré récemment dans la
terminologie politique) mais telle une application de la
résolution des Nations-Unies exprimant la volonté de la
communauté internationale. Quant à l’unilatéralité, elle
provient d’Israël qui est, selon la dernière position de l’Union
européenne, l’unique partie refusant la légitimité
internationale.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 9 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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