Opinion
Coups de gueule
Mohamed Bouhamidi
Mercredi 28 mars 2012
Pour vivre dans notre
pays, l’Algérie, réputé pour ses
traditions de clandestinité
anticoloniales puis pour son goût
des guerres de l’ombre, nous savons
qu’un chef des services ne pose une
question en public que pour répondre
à une autre que vous n’aurez pas su
vous poser.
Vous ne pouvez pas laisser passer
certaines conduites, même si vous devez
différer une actualité autrement plus
urgente par conséquences immédiates. Il
en est ainsi de la demande française de
tenir Qaradhawi éloigné de la scène
française. Dans un exercice de basse
manœuvre, Sarkozy a ainsi associé les
actes imputés à Merah au prosélytisme
religieux qui fait la marque de
Qaradhawi.
Sans rien avancer sur la réalité des
activités de Merah qu’une multitude de
policiers suréquipés en moyens propres à
le paralyser et à l’endormir a envoyé
dans le monde du silence, on ne peut
ignorer la question d’Yves Bonnet
s’interrogeant sur les relations de ce
garçon avec la DCRI. Pour vivre dans
notre pays, l’Algérie, réputé pour ses
traditions de clandestinité
anticoloniales puis pour son goût des
guerres de l’ombre, nous savons qu’un
chef des services ne pose une question
en public que pour répondre à une autre
que vous n’aurez pas su vous poser. Il y
a de l’aplomb dans cette sortie de
Sarkozy faisant la fine bouche à propos
de son complice et compagnon de crimes.
Il faut donc lui rappeler et rappeler à
ses fans électeurs ou ministres que
Qaradhawi a donné la caution morale pour
le meurtre de Kadhafi. Et il l’a fait à
travers une fatwa à la demande expresse
de Sarkozy, de Juppé, de BHL empressé
d’agir sous une couverture et avec une
caution arabe.
C’est Qaradhawi qui a fait le travail
de légitimation religieuse du meurtre et
de l’agression dont la Ligue arabe,
couverture politique de l’agression de
l’OTAN, avait besoin pour avoir les
opinions salafistes de son côté. Le côté
barbare de l’assassinat de Kadhafi
portait non seulement la marque de la
tradition criminelle du colonialisme
européen mais aussi celle la perversité
de la cruauté wahhabite. Qaradhawi,
c’est le Qatar wahhabite, émirat de
droit divin, allié intime de Sarkozy
dans les affaires comme dans la
politique. Personne ne peut séparer le
Qatar ami de Sarkozy de Qaradhawi. Et
c’est bien ce dernier qui vous bénit le
permis de tuer délivré par la Ligue
arabe. Aujourd’hui, même la France
officielle mène une politique agressive
et destructrice contre la Syrie en
sous-traitante d’une politique
américaine et avec le compagnonnage de
ce même Qatar qui n’est que la réalité
politique de la pensée de Qaradhawi.
Quels messages Sarkozy a-t-il voulu
adresser au subconscient des Français
pour changer la donne électorale ? C’est
l’affaire des Français qui ont soutenu
l’agression de la Libye hier et
l’agression de la Syrie aujourd’hui,
hormis le cercle d’or des sites
alternatifs et militants
anticolonialistes dont le courage et la
constance feront date. Si le grand chef
religieux du Qatar est mauvais pour
l’esprit des musulmans de France
l’argent de la caisse qatarie devrait
l’être tout autant pour l’ensemble des
Français.
Alors, autant rappeler à tous que
Sarkozy mène à l’extérieur, avec le
Qatar, une politique qu’il fait mine de
répudier à l’intérieur. Schizophrène ou
pur produit d’une conception qui
rabaisse la politique à l’art du
bonimenteur ?
Loin de la France mais si près de
Sarkozy, Alassane Ouattara, n’a pas
exclu d’avoir recours à la force contre
les putschistes maliens. Il ne manque
pas d’air. En rajouter à la crise que vit
le Mali avec une guerre de «
normalisation démocratique «
équivaudrait à quoi à part réaliser le
dessein de la France de mettre le Mali
sous tutelle étrangère, par supplétifs
africains intrposés. Nous n’en sommes
pas là pour l’instant, mais le coup
d’Etat peaufiné par la France en Côte
d’Ivoire, au bout de dix années de
travail de sape, montre aujourd’hui
toute l’importance d’un pays auxiliaire
qui ferait montre de « l’agressivité
démocratique « nécessaire au maintien du
rapport néocolonial habillé en boubou
africain.
Car il est évident aujourd’hui que
cette démocratie représentative est la
forme la plus adaptée pour soumettre
encore plus nos pays à la logique de
marchés. Au Mali, comme ailleurs. Nous
votons une fois tous les quatre ans, et
forts de nos votes nationaux nos
dirigeants vont appliquer à la lettre,
sous des prétextes techniques
ésotériques pour le simple citoyen, les
conseils et les idées des étrangers du
FMI et de l’UE, sous le carcan des
accords militaires secrets passés avec
la France qui interdisent à nombre de
pays africains certaines décisions de
souveraineté, comme la monnaie par
exemple. Jusqu’au prochain vote, qui
permettra de changer un politicien usé
par un autre qui, lui, fera le même
boulot jusqu’à la manifestation aux yeux
de tous que la cause de nos problèmes
émanent des politiques et pas seulement
des hommes et des équipes qui se sont
accommodés des privilèges et de la
permission de taper dans la caisse. Même
dans le contexte actuel d’interventions
« démocratiques « tous azimuts, les
cercles néocolonialistes français ne
peuvent se permettre le coût politique
et financier d’une intervention
militaire dans la durée. Ouattara n’a
pas encore commencé à panser les
blessures et souffrances infligées à la
société ivoirienne dans sa marche vers
le pouvoir soutenu par des militaires
étrangers, que le voici en route pour le
Mali. Il s’en ira au Mali avec ou sans
les conseillers et sans la coordination
de la Force Licorne, sans les avions et
les hélicoptères français ? Alassane
Ouattara, fonctionnaire du FMI, formé à
l’abandon de l’idée de souveraineté
nationale et ramené - comme Jibril en
Libye – pour enfoncer son pays dans les
règles de la mondialisation et de la
globalisation financière, vient de
frapper un grand coup : le Mali est un
pays à souveraineté limitée par simple
appartenance à la CEDEAO. Vous
imaginez-vous demain un pays du Maghreb
venant rétablir l’ordre électoral en
Algérie juste parce que nous sommes un
pays de l’UMA ? Il est vrai qu’ATT, en
octobre 2010, avait accepté une sorte de
tutelle du G8 en échange de vagues
promesses d’aide contre AQMI, via la
CEDEAO. Le coup d’Etat qui arrange à
moitié les affaires de la France reste
quand même une affaire interne à ce
pays. Et les militaires maliens n’ayant
menacé encore aucun pays, de quel droit
Alassane Ouattara fait-il battre les
tambours ?
Les toubabs ont plus d’un tour dans
leur sac mais leurs procédés sont
révoltants. Il y va de la santé morale
de l’Afrique de se débarrasser au plus
vite de ce néocolonialisme corrupteur au
plan des finances comme au plan de la
raison. Une guerre d’agression contre la
Mali aura-t-elle pour seul but
d’organiser des élections sous les
bottes de soldats étrangers, fussent-ils
des Africains ? Il est plutôt probable
qu’elle soit un accélérateur de la
décomposition des Etats post-coloniaux
et qu’elle provoque un désordre tel
qu’il ne puisse en sortir que de
nouvelles entités politiques.
Du coup, les putschistes maliens se
retrouvent au centre d’enjeux qui les
dépassent, mais pour lesquels rien ne
semble tout à fait joué. En l’absence
d’une déclaration ou d’une analyse des
patriotes maliens, qui nous éclairerait
davantage, nous en sommes réduits à
examiner la question du seul côté des
acteurs étrangers et de leurs buts.
C’est la prolongation des politiques
de libéralisation qui a affaibli le
Mali, stoppé son développement et
aggravé son sous-développement au point
de rendre inopérantes toutes les
solutions d’une unité basée sur la
satisfaction des besoins des populations
du Nord. Avec les intellectuels, hommes
et femmes de culture du Mali, nous
partageons l’idéal de l’indépendance
nationale, la conviction d’un nécessaire
Etat national souverain et d’un
impératif développement économique
autocentré capable de mobiliser les
ressources et d’inventer le modèle
économique, qui nous convient avec les
synergies nécessaires entre secteur
public et initiatives privées.
Il reste encore beaucoup de chances
que les patriotes maliens dessinent les
portes de sortie, comme ils nous ont
laissé espérer à la lecture de leur
appel si profond et si pertinent quant
aux causes historiques des difficultés
que traversent leur pays et qui sont les
mêmes que celles de tous les Etats qui
ont été obligés de faire appel au FMI et
à la Banque mondiale. En conjurant les
menaces de Ouattara qui ne sont que
celles de la France sarkozyste, les
patriotes maliens feront œuvre de
résistance au profit de tous les peuples
africains dans la ceinture sahélienne.
Sommes-nous capables de trouver les
moyens idoines pour être solidaires ?
Mohamed Bouhamidi
Publié sur
Le Jeune Indépendant
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