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Le Grand Soir
« L'Iran est à portée de Rafale »
Mohamed Belaali
Le Rafale M02 - Photo: Acam.asso
Vendredi 5 juin 2009 « L’Iran est
à portée de Rafale » annonçait allègrement le journaliste de
France Info, le matin du 26 mai 2009. Cette joyeuse annonce
contrastait tristement avec l’agressivité envers un pays qui
n’est pas en guerre contre la France ! On provoque un pays en
installant une base militaire à quelques centaines de kilomètres
seulement de ses côtes, on fanfaronne dans les grands médias et
on appelle cette agression, comble du cynisme, « Camp de la
paix ».
En effet Nicolas Sarkozy a inauguré le 26 mai la
première base militaire française à Abou Dhabi très loin de la
France et très proche de l’Iran. Est-ce une manière de sortir de
la crise en prolongeant la guerre économique par la guerre tout
court ? La question mérite d’être posée. Non seulement la guerre
peut fournir des débouchés intéressants pour la bourgeoisie,
mais les foyers de tension se multiplient dangereusement à
travers la planète : Afghanistan, Pakistan, Soudan, Tchad, Irak,
Israël, Nigeria, Somalie, etc. etc. Et dans le Golfe, région
hautement stratégique où transitent à travers le détroit d’Ormuz
près de 40 % de pétrole, l’armada américaine est puissamment
présente. Les classes dominantes des pays impérialistes, grands
et petits, mettent ainsi en permanence le monde en état de
guerre larvée et montent les peuples les uns contre les autres.
Dans l’avion de Nicolas Sarkozy, il y avait non
seulement le ministre de la Défense, Hervé Morin, et trois
autres ministres mais surtout toute une kyrielle de patrons dont
l’avionneur Charles Edelstenne patron de Dassault Aviation :
l’État au service d’une bourgeoisie avide de profit quelque soit
le moyen y compris le plus abject, la guerre. Des milliards
d’euros sont à portée de main comme l’Iran est à portée de
Rafale. Dassault espère vendre justement 60 Rafales aux Émirats
pour un montant de 6 à 8 milliards d’euros (1). Cette base
dirigée essentiellement contre l’Iran, peut également servir de
vitrine commerciale à d’autres engins de mort. Les affaires
commerciales et les affaires militaires entremêlées conduites
par le chef de l’État lui-même viennent assouvir cette
insatiable soif de profit de la classe dominante. La
bourgeoisie, poussée par ses propres intérêts de classe, engage
ainsi toutes les autres classes dans un éventuel conflit
criminel : « Si l’Iran attaquait, effectivement,
nous serions attaqués aussi » (2). Tout est dans le
« nous ». Or ce ne sont pas les enfants de cette classe qui
reviendront dans des cercueils recouverts du drapeau tricolore,
mais bel et bien ceux des classes populaires.
La bourgeoisie encaisse les milliards d’euros
aujourd’hui, laissant aux familles défavorisées, si par malheur
la guerre éclatait, le soin de compter demain ses morts. « On
croit mourir pour la patrie et on meurt pour des industriels »
disait Anatole France. Mourir à la fleur de l’âge à Abou Dhabi
pour enrichir Dassault et d’autres marchands d’armes, voilà,
pour les enfants de ces familles, une terrible perspective qui
risque, malheureusement, de se réaliser. L’exemple afghan est là
pour le rappeler. D’autant plus que les Émirats arabes unis
(EAU) se trouvent dans une région que l’on ne peut qualifier de
paisible. Israël n’est pas loin, et sa détermination à vouloir
détruire les installations nucléaires iraniennes est connue du
monde entier. Cette destruction est devenue l’obsession des
dirigeants israéliens qui veulent garder, coûte que coûte, leur
monopole nucléaire dans la région : « Nous
tenons à souligner que le plus gros problème au Moyen-Orient
actuellement, c’est l’Iran » déclarait Avgdor Lieberman le
ministre extrémiste des affaires étrangères israélien (3).
Israël possède déjà une certaine expérience dans ce domaine. En
1980, il a détruit totalement le site d’Osirak qui regroupait
l’essentiel des installations nucléaires irakiennes. De leur
côté, les iraniens,eux aussi, sont déterminés à mener jusqu’à
son terme,vaille que vaille, leur programme nucléaire.
Que vient faire Sarkozy avec sa base militaire
entre ces deux États au bord de la guerre ? Sarkozy est un ami
de l’État d’Israël. C’est ce qu’il a affirmé dans un discours à
la Knesset le 23 juin 2008 : « Il y a entre
Israël et la France une amitié profonde qui a résisté depuis 60
ans à toutes les turbulences de l’Histoire (…) je suis venu la
renouveler, la renouveler solennellement au nom du peuple
français » (4) rien que cela ! Et en même temps, il affiche
clairement et fermement son hostilité pour l’Iran et pour son
programme nucléaire « le programme nucléaire
militaire de l’Iran appelle une réaction d’une extrême fermeté
de toute la communauté internationale. Israël doit savoir
qu’Israël n’est pas seul ! La France est déterminée à poursuivre
avec ses partenaires une politique alliant des sanctions de plus
en plus dures » (4). Sarkozy voudrait-il engager la France
comme force supplétive des Etats-Unis et d’Israël contre
l’Iran ? Voudrait-il entraîner la France dans un conflit qui
n’est pas le sien et dont les conséquences seraient tragiques
pour tous les peuples de la région ? Ce qui est sûr, c’est que
Sarkozy engage toute la France pour satisfaire les intérêts de
la classe qui l’a porté au pouvoir et pour laquelle il sacrifie
toute son énergie. Précisons que Dassault Aviation traverse une
période difficile.
L’avionneur va mettre 2000 personnes au chômage
partiel en France et licencier quelques centaines de salariés
aux États-Unis. Dassault Aviation n’a jamais réussi à exporter
son avion de combat Rafale. « Un contrat sur le
Rafale résoudrait une grande partie des problèmes » (5).
Abou Dhabi sera peut-être le premier client de Rafale. Le salut
de Dassault viendra peut-être des émires du pétrole mais surtout
des tensions qui règnent dans la région. On comprend dans ces
conditions pourquoi Sarkozy déploie autant d’efforts pour
convaincre les dirigeants des EAU à acheter Rafale. Mais Sarkozy
a défendu également à Abou Dhabi les intérêts d’autres
entreprises françaises comme Areva, Total, EDF, etc. Il est le
serviteur des industriels français. C’est un gouvernement de
classe au service d’une seule classe, la bourgeoisie.
D’une manière générale, les tensions, les
conflits et les guerres servent les intérêts de cette classe.
Son système, le capitalisme, n’est nullement incompatible avec
ce terrible fléau qu’est la guerre ; bien au contraire. Elle lui
permet, entre autres, de dépasser ses contradictions, de
relancer l’économie surtout lorsque les autres moyens « plus
classiques » s’amenuisent. Étrange système pour qui la paix
constitue un problème et la guerre une solution. Dans le système
capitaliste, le profit a pris toute la place, et pour le
réaliser il ne recule devant aucun moyen même le plus hideux.
« Le capitalisme porte en lui la
guerre comme la nuée porte l’orage » disait Jaurès qui a
combattu de toutes ses forces la guerre et l’impérialisme
français avant d’être assassiné en 1914.
Mohamed Belaali
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