Interview de Maxime Vivas
par Le Grand Soir
Ne dites pas à ma mère que j’ai lu "La face cachée de
Reporters Sans Frontières", elle croit que je suis journaliste
dans un média libre
Maxime Vivas
10 octobre 2008
Une ONG fait son fond de commerce de la défense de la liberté
d’expression. S’écartant de la fiction, un romancier va
l’étudier de près et dévoiler son autre visage. Il ignore alors
à quel point il dérangera des mastodontes médiatiques. Sans y
être préparé, il va être jeté, dans la tourmente : menaces de
procès, omerta, puis instrumentalisation, interviews piégés,
mensonges, calomnies, coups fourrés, perfidies et autres
chausse-trapes. Il observe les pressions exercées sur ceux qui
veulent parler de son livre. Il recueille les confidences de
journalistes et intellectuels contraints au silence et de ceux
qui ont résisté. Il devrait être abattu : il en rit comme au
spectacle d’une comédie moderne. Pédagogue, il explique par
quelle astuce il est sorti, indemne et droit, de cette jungle « où
maraudent les chacals et les hyènes en service commandé ».
Le Grand Soir lui a demandé de raconter son aventure...
Le Grand Soir : Maxime
Vivas, depuis quand écrivez-vous ?
Maxime Vivas : j’ai écrit en 1995 un premier
livre qui est paru en 1997.
Un roman ?
Oui, pendant 10 ans je me suis cantonné à la
fiction.
Dans quel genre ?
Des romans de littérature générale d’abord, puis
des sortes de polars un peu atypiques, fondés sur l’humour, ou
sur des événements politiques, ou sur l’histoire récente, un
roman d’humour, un conte pour enfant. Pas mal de nouvelles,
aussi.
Quel accueil ont reçu ces
œuvres d’imagination ?
Mon premier livre, un roman « social », m’a valu
un prix littéraire et un article élogieux dans le Monde. Un
autre a été couronné par un prix sous l’égide de Régine Deforge.
Claude Mesplède, considéré comme le spécialiste mondial du polar
a eu la gentillesse de m’inclure dans son dictionnaire mondial
des polardeux et de m’attribuer la paternité du premier polar
altermondialiste.
Et les médias ?
C’est plus compliqué. Toutes les critiques sur
tous mes livres (à un ou deux articles près) ont été favorables.
Mais je vis à Toulouse, loin des médias nationaux, et j’écris
« à la marge », sur des sujets qui fâchent. Je n’étais donc pas
très omniprésent dans les médias nationaux. Encore que j’aie
bénéficié d’une demi page dans Télérama, d’une heure d’émission
sur France Inter, pour ne citer que ceux-là, mais il y en a
d’autres comme RMC, RTL, M6, etc.
Les médias régionaux (presse écrite, radios et
télévisions) ont comblé ces relatives lacunes, même si je
n’écris pas sur ma région mais sur des sujets qui intéressent
les citoyens du monde. Malgré ce positionnement doublement
excentrique au sens premier du mot (hors de Paris et hors des
thèmes porteur) j’ai toujours pu franchir le seuil des ventes en
dessous duquel les éditeurs vous boudent, les salons ne vous
invitent pas, les critiques ne vous lisent pas.
Vous-même, quel jugement
portez-vous sur vos écrits ? Sur ceux des autres ?
Un jugement cyclothymique. Pour écrire, disait
je ne sais plus qui, il faut un peu d’orgueil. Les écrivains qui
jouent les modestes, qui déprécient en public leur travail
cachent leur satisfaction narcissique quand ils écrivent et
quand ils parviennent jusqu’au mot « Fin ». Douter pendant
l’acte d’écriture c’est se paralyser. Le manuscrit terminé, les
relectures sont des moments d’humilité, tant on y trouve des
choses à redire. Puis, le livre est donné à des éditeurs, qui le
refusent (et le doute surgit, terrible) ou qui l’acceptent (et
l’angoisse s’installe dans l’attente de la réaction des
critiques et des lecteurs). Plus de paix, plus de certitude.
Pour finir, si les ventes sont mauvaises, on se remet en cause,
si elles sont bonnes, on pense que c’est le thème qui était
porteur.
Quel jugement portez-vous
sur les écrits des autres ?
Ils sont trop nombreux pour que je cite tous
ceux que j’aime et respecte. Masochiste, je lis aussi, ou
feuillette d’autres auteurs à la mode du jour (j’ai les noms !).
Dans les périodes dépressives, c’est excellent pour que la
confiance en soi revienne. Quand je suis en manque de maîtres,
hors des inaccessibles classiques, je relis des auteurs que je
vénère depuis ma jeunesse, Jean-Patrick Manchette pour le polar,
et Roger Vailland pour le roman de littérature générale.
Vous avez obtenu le prix
Roger Vailland, je crois.
Oui, pour mon premier roman. J’ai appris par la
suite que Jean-Patrick Manchette vénérait également cet auteur,
jusqu’à glisser son nom dans deux de ses polars. Bon, si on
parlait plutôt de la censure ?
D’accord. Quel type de
rapport avez-vous avec la presse ?
La bonne question est « aviez-vous »,
c’est-à-dire : tant que j’écrivais des romans. Là, les
journalistes qui vous chroniquent ou qui vous interviewent ont
envie de vous mettre en valeur. J’ai eu avec des critiques
littéraires réputés (dont l’un a obtenu le prix du « meilleur
critique européen ») des rapports vrais et chaleureux. Souvent,
les critiques sont eux-mêmes romanciers, cela peut créer une
confraternité spontanée. Enfin, il y aurait beaucoup à dire : on
sait qu’il existe une confrérie d’auteurs-critiques parisiens
qui s’encensent à tour de rôle dans les médias où ils sévissent.
Mais ce que je veux suggérer, c’est que d’autres critiques de
romans existent aussi dont l’œil peut être plus littéraire que
politique. C’est différent du monde des critiques de livres
politiques où maraudent les chacals et les hyènes en service
commandé. Pour ceux-là, que vous ayez réussi votre livre ou pas,
qu’ils l’aient aimé ou détesté compte pour du beurre. Ils
ouvrent votre ouvrage comme une carte d’Etat-major pour étudier
les endroits où larguer leurs bombinettes. Ils vous invitent à
venir, désarmé, à une rencontre et ils vous défouraillent
dessus. Ils arrivent chez vous, souriants, parfumés et se
sauvent en ricanant après avoir jeté des boules puantes. Ils
n’ont ni foi ni loi.
Mais alors, les choses
ayant bien démarré pour vous dans la fiction, qu’est-ce qui vous
a pris d’écrire un livre-enquête sur RSF ?
C’est Danielle Bleitrach et Viktor Dedaj qui
m’ont détourné du roman (ce n’est pas un reproche, ils m’ont
permis d’explorer d’autres horizons). Un beau jour de mai 2005,
ils rentraient d’Espagne où ils été partis promouvoir leur livre
« Cuba est une île » (1), co-écrit avec Jacques-François
Bonaldi, (aux éditions le Temps des Cerises) et ils m’ont
proposé une rencontre à la gare de Narbonne. Nous avons déjeuné
ensemble. Au dessert, le principe et les modalités d’écriture à
trois de « Les Etats-Unis de mal empire » (éditions Aden) (2)
étaient dans la boîte. Le livre est paru quelques mois plus
tard. A l’époque, je regardais de près Reporters sans frontières
et je rendais compte assez fréquemment sur Internet du résultat
de mes étonnantes trouvailles. Au bout d’un moment, je me suis
aperçu que je disposais d’une quantité importante d’écrits épars
sur le sujet. Par ailleurs, des journalistes d’investigation de
plusieurs pays, dont les USA, ayant lu ce que je publiais sur la
Toile, m’ont envoyé d’autres informations qui n’étaient pas
disponibles en France. Je commençais à me demander si je
n’allais pas récidiver dans mon infidélité au genre romanesque
et publier un livre-enquête, mais je n’étais pas vraiment
décidé. J’en mesurais vaguement le danger en terme de brouillage
d’image auprès de mon premier lectorat et des critiques qui
m’étaient acquis.
Danger que vous avez
vérifié par la suite ?
Mon agent littéraire, appuyant sur la parano
propre aux auteurs, m’assure aujourd’hui que j’ai ruiné ma
carrière littéraire dans le roman et que mon salut est désormais
dans la publication sous pseudonyme.
Admettons. Vous pressentiez
un risque. Pourquoi l’avoir pris ?
A cause de la réaction de RSF à un interview que
j’ai accordé le 5 avril 2006 au quotidien Métro à propos de
« Les Etats-Unis de mal empire ». J’y faisais une très courte
allusion au financement de cette ONG par des officines écrans de
la CIA. Aussitôt, RSF a obtenu un droit de réponse dans lequel
elle me menaçait de poursuites judiciaires. J’ai alors pris
conseil auprès d’un ami toulousain, spécialiste réputé en Droit.
C’est par lui que j’ai notamment appris que, RSF étant une
organisation reconnue d’utilité publique vivant en partie des
subsides de l’Etat, elle était tenue à la transparence sur son
fonctionnement et devait afficher ses sources de financement.
Par suite, j’ai décidé d’écrire « La face cachée de Reporters
sans frontières » en mettant dans mon jeu un atout maître : pour
chaque information qui pouvait ouvrir un contentieux, je me suis
tourné vers RSF pour en vérifier la véracité. Ainsi, quand je
publie dans mon livre le montant des subventions versées par le
Center for a Free Cuba, année par année et
au dollar près, je ne fais que reproduire une information que
m’a personnellement confirmée RSF (après l’avoir cachée au
public). Même chose pour les demandes d’argent faites par RSF
auprès d’autres organisations US, ou pour le montant des
cotisations payée par les adhérents (2% du budget total !), ou
pour les critères qui vont permettre le classement des pays eu
égard à la liberté de la presse, etc.
Vos rapports avec la presse
se sont gâtés à cause de ce livre ?
Oui, et à un point que je ne pouvais imaginer,
bien que je ne sois pas naïf. Dans un premier temps, il y a eu
l’omerta. Des journalistes qui m’avaient promis de chroniquer
mon livre ne pouvaient plus. D’autres se sont portés aux abonnés
absents. Bref, pour la première fois (c’était mon huitième
livre), je n’arrivais pas à avoir de critiques dans la presse
nationale.
Pas une seule ?
Si, une. En mai 2007, je me trouvais au
Venezuela pour y glaner des informations irréfutables concernant
le comportement de la presse et des correspondants locaux de RSF
pendant le coup d’Etat d’avril 2002 qui avait destitué le
président Hugo Chávez. Lors d’un colloque sur « Le droit citoyen
d’informer et d’être informé » qui se tenait à Caracas, j’ai
rencontré Ignacio Ramonet qui m’a promis que le Monde
Diplomatique chroniquerait mon livre. Promesse tenue en février
2008 sous la plume de Maurice Lemoine. Et puis, dans le cadre du
festival CulturAmérica, je prononçais, le
premier avril, une conférence sur RSF à l’Université de Pau.
Daniel Mermet l’a annoncée en fin de son émission « Là-bas si
j’y suis ».
Comment cela s’est-il passé
avec les autres médias ?
Il y a eu de nombreux cas de figure. Passons sur
le journaliste qui se gratte la tête chaque fois qu’il me voit,
qui me complimente sur les premiers chapitres et qui, tandis que
les mois passent, m’assure en regardant ses chaussures, qu’il va
lire la suite et écrire quelque chose. Il y a le journaliste qui
est impatient de recevoir le livre, qui m’a promis une
chronique, et qui finit par m’avouer que cette idée a été jugée
très mauvaise en conférence de rédaction. Il y a ces
journalistes que je connais bien, que je côtoie dans des salons
parce qu’ils sont aussi écrivains, que je tutoie et qui ne
répondent plus à mes mails relatifs à mon livre. Il y a ce
journaliste d’un grand hebdomadaire qui me contacte pour me
reprocher une erreur dans le livre mais qui ne donne pas suite à
mon invitation de la signaler à ses lecteurs. Il y a ces
journalistes qui demandent d’urgence à mon éditeur ou qui me
demandent directement un « service de presse » (exemplaire
gratuit) pour chroniquer le livre et qui écriront sur RSF sans
citer le livre.
Votre éditeur est Belge, je
crois. Pourquoi ce choix ?
Il s’agit des éditions Aden. Si vous lisez mon
livre et y regardez l’organigramme de RSF, si vous imaginez
l’immense réseau dont disposait Robert Ménard dans les médias,
vous vous apercevez que, compte tenu de la concentration des
moyens d’informations (presse et édition) entre quelques mains,
le risque existait que mon manuscrit ait pour premier lecteur
Robert Ménard et ses avocats, avant même d’être imprimé. Un
journaliste m’avait averti : « Vous ne
soupçonnez pas l’épaisseur de son carnet d’adresses ». J’ai
contacté deux éditeurs qui me paraissaient indépendants et dotés
de la puissance de diffusion nécessaire pour promouvoir le
livre. L’un a pensé qu’il fallait le publier en feuilleton dans
un journal, ce qui n’était pas mon idée et je ne vois d’ailleurs
toujours pas le journal qui ferait ça. L’autre l’a refusé au
motif que nous allions avoir un procès. Je me suis alors tourné
vers l’éditeur de « Les Etats-Unis de mal empire ». Il l’a
accepté sans l’ombre d’une hésitation. Il est vrai aussi que le
fait que le livre soit édité en Belgique rendait plus compliquée
une intervention de la justice française à son encontre.
Le risque de procès est-il
réel ?
Non parce que le procédé ruine tout le discours
de RSF sur la liberté absolue d’écrire. Oui, parce que
l’association RSF est une épicerie compassionnelle qui en
appelle à la charité publique et que le rapprochement des sigles
RSF/CIA peut tarir cette manne et inciter des entreprises, des
ministères, à cesser de la subventionner. Non, parce qu’un
procès risquait de faire mieux connaître le livre. Robert Ménard
l’a écrit dans la presse, faisant ainsi l’éloge d’une omerta
qu’il est censé combattre urbi et orbi. Oui encore parce qu’un
procès, même perdu par RSF, est un moyen de me nuire et de
lancer un avertissement à tous ses détracteurs.
Vous pouvez nous parler des
financements publics et privés français de RSF ?
Tous les détails sont dans mon livre. Sur cette
question, on peut néanmoins s’abstenir de l’acheter en
consultant le site de RSF. Il y a deux ministères français et
l’Office français de la francophonie. Une part de nos impôts,
quoi. Puis des groupes privés, comme Sanofi, Carrefour…
Carrefour qui est très
implanté en Chine.
Oui, ils y ont ouvert plus de cent magasins et
ils projettent d’en créer d’autres. Il se trouve que les rayons
librairie des magasins Carrefour en France diffusent, sans
prendre de commission, les albums de Reporters sans frontières.
C’est leur manière de les subventionner. Mais ils refusent de
diffuser mon livre.
Ils refusent vraiment ?
Oui, oui. Au mois de mai, alors que des
manifestations venaient d’avoir lieu en Chine devant les
magasins Carrefour avec appels au boycott, j’ai contacté leur
service central de référencement des livres, celui qui décide de
ce qui sera en rayon dans toute la France. J’ai fait savoir à
mon interlocuteur que le fait d’abandonner leur ristourne à RSF,
de promouvoir les ouvrages de cette ONG et de ne pas accepter un
essai qui la présente sous un autre angle, était de nature à
compliquer leur situation. Inversement, le fait de donner à
lire, et les ouvrages de RSF, et le mien, entrait dans la
logique d’une attitude française libérale.
Et leur réponse a été ?
Que leurs problèmes en Chine étaient aplanis car
Carrefour avait distribué gratuitement des tentes à l’occasion
de la catastrophe du Sichuan. Sic !
Fin de non recevoir, donc.
Mais revenons à cette histoire de procès. RSF en est restée à la
menace, misant sur l’effet dissuasif de cette épée de Damoclès.
L’effet n’est pas nul. J’ai dû en effet alléger
mon texte d’informations que je tiens pour vraies mais sur
lesquelles le réseau de preuves pourrait paraître insuffisant à
un tribunal. Je dois peser mes mots dans les débats ou
interviews. Il est moins risqué, d’écrire sur n’importe quelle
organisation politique, n’importe quel leader, que sur RSF et
Ménard. Aucun écrivain n’aime sentir derrière son fauteuil une
trique et la muselière.
Est-il raisonnable de
penser que votre éditeur belge n’a pas eu les moyens de toucher
suffisamment la presse française ?
Ce n’est certes pas un mastodonte comme ceux qui
nous inondent avec d’autres livres politiques parfaitement creux
et écrits par des « nègres ». Mais il dispose d’un diffuseur
français (« Les Belles lettres »). « La face cachée de Reporters
sans frontières » a circulé, parfois en plusieurs exemplaires,
dans toutes les salles de rédaction. Il figure dans des
bibliothèques d’écoles de journalisme. Il a été sélectionné pour
un prix très médiatique.
Quel prix ?
Le prix 2008 « Lire la politique », décerné au
Palais Bourbon par le président de l’Assemblée nationale.
Avec quel jury ?
Un jury composé de 17 directeurs de la
rédaction, ou rédacteurs en chef, ou responsables des services
politiques des grands médias de presse écrite nationale ou
régionale ou de la presse audiovisuelle. Ces 17 sommités de
grands médias ont eu à lire mon livre. Croyez-vous qu’elles en
ont dit ou laissé dire un seul mot ? Sauf erreur, « La face
cachée de Reporters sans frontières » fut le seul, parmi les 34
ouvrages sélectionnés, à se heurter à un silence sépulcral,
hormis les recensions que je viens de signaler.
Pouvez-vous nous citer
quelques-uns de vos concurrents pour le prix ?
Ségolène Royal, Bernard Guetta Simone Weil,
Jean-François Kahn, Michèle Cotta, Jimmy Carter, Yasmina Reza,
Vincent Peillon, etc. Tous ceux-là étaient surmédiatisés.
Qui étaient les 17 membres
du jury et quels médias représentaient-ils ?
Le président était le philosophe et écrivain
Régis Debray.
Le jury était formé d’Arlette Chabot, directrice
générale adjointe de France 2, Jean-Michel Helvig, rédacteur en
chef de la République des Pyrénées, François Bazin, rédacteur en
chef, du Nouvel Observateur, Alexis Brezet, directeur de la
rédaction du Figaro Magazine, Elisabeth Chavelet, rédactrice en
chef adjointe de Paris-Match, Michèle Cotta, vice-présidente
d’IDF1 (Ile de France 1), Gérard Courtois, éditorialiste au
Monde, Nicolas Demorand de France Inter, Chantal Didier,
journaliste à l’Est Républicain, Sylvain Gouz, conseiller du
directeur de la rédaction de France 3, Bernard Guetta,
journaliste à France Inter, Laurent Joffrin, PDG de
Libération,Valérie Lecasble, directrice générale I-Télé,
Dominique de Montvalon, directeur adjoint de la rédaction du
Parisien, Luce Perrot, présidente-fondatrice du prix et
inspecteur général honoraire de l’administration des affaires
culturelles, Hélène Pilichowski, du Dauphiné Libéré, Pascal
Riché, rédacteur en chef de Rue89.com.
Du beau monde ! Mais, on y
trouve deux candidats au prix !!!
Oui, Michèle Cotta et Bernard Guetta. La
première a finalement démissionné du jury pour concourir. Le
second, je ne sais pas. Il a réussi à se faire inviter à
« Là-bas si j’y suis ».
Et vous n’avez pas eu le
prix ?
(Rires). Non. Dommage, j’aurais rejoint la
joyeuse bande des prestigieux lauréats des années précédentes :
Alexandre Adler, Laurent Joffrin, Jean-François Revel, François
Furet, Laurent Fabius, Alain Duhamel, Fadela Amara, etc.
Grande fut votre
déception ?
Au contraire, en mesurant mes chances (nulles),
j’ai décidé de rejouer cette fable de la Fontaine où le renard,
voyant que les raisins sont inaccessibles, y renonce en disant
« Ils sont trop verts et bons pour les goujats ».
J’ai envoyé un courrier au président du jury, Régis Debray, pour
l’alerter sur ma crainte de subir le sort de mon quasi-voisin,
Marcellin Albert, porte-parole des viticulteurs du Midi au début
du siècle passé. Monté à Paris pour porter la voix de ses
camarades, il accepta de Clemenceau un billet de 100 francs pour
payer son billet de train et, pour cela, faillit être pendu par
ses frères à son retour.
En conséquence, j’informais le président du jury
que je refuserai le prix et que, s’il m’était attribué de force,
je voulais que son montant de 5 500 euros, soit versé
directement à Sami Al Haj, journaliste soudanais encagé et
torturé depuis 2002 à Guantanamo pour avoir refusé d’espionner
son employeur pour le compte de l’US Army, et oublié pendant
deux par RSF dans sa liste des journalistes en prison.
Comment Régis Debray a-t-il
réagi à cette espièglerie ?
Par un petit mot sympathique. Il a communiqué
mon courrier au jury. Il m’a annoncé avec ménagement que mon
livre n’avait pas survécu à la seconde réunion de sélection.
Résumons : privé de médias,
le livre est mort-né ?
C’est le sort habituel des livres ignorés par la
presse et par conséquent transformés en un tas de papier broché
au milieu de milliers d’autres livres. Ils stagnent incognito
sur l’étal du libraire pendant quelques semaines et ils sont
renvoyés à l’éditeur qui va les solder ou les mettre au pilon et
qui hésitera à reprendre un manuscrit du même auteur.
Là, les choses se sont passées différemment
grâce à des réseaux d’internautes, de cyberjournalistes. Des
dizaines de sites ont parlé de ce livre, en France et à
l’étranger. En France, je dois citer Le Grand Soir, Bellaciao,
Bakchich, Oulala, Altermonde-Le-Village, Rouge Midi. Pardon si
je ne peux les citer tous. Le sénateur Jean-Luc Mélenchon en a
fait la promotion dans les médias et sur son blog. Il s’est
passé avec ce livre ce qui s’est passé (toute proportion gardée)
avec la campagne du référendum sur la Constitution européenne, à
savoir un complet déphasage entre les médias « installés » (les
vieux médias) et le public. Un réseau spontané de militants
s’est créé pour empêcher l’étouffement d’une voix dissemblable.
Comment ce réseau est-il
intervenu, concrètement ?
De mille manières et souvent sans que j’en sois
préalablement informé. Le bouche à oreilles, d’abord. Il a fait
que le premier tirage a été épuisé et qu’une seconde édition est
actuellement en vente. Puis, de nombreux articles sont parus
dans de nombreuses langues sur Internet, couvrant à peu près
tous les continents. Il y a eu aussi les interventions
d’Internautes en commentaires sur des sites chaque fois qu’on y
parlait de Robert Ménard ou de RSF. Les médias qui n’ont pas
voulu souffler un mot de ce livre ont vu la brèche s’ouvrir sur
leurs sites. Ce fut le cas sur des sites de médias qui ont
participé au prix « Lire la politique ». De nombreux Internautes
les ont mis au défi (non relevé) de me donner la parole.
On peut donc constater que
les journaux qui ont lu votre livre et n’ont pas voulu en
parler, ont malgré tout laissé passer des choses sur leurs
sites.
C’est un peu ça. Ils se donnent là un vernis de
libéralisme, d’objectivité. Mais à faible dose et pour un
lectorat exigeant mais restreint. En effet, les clients de ces
médias ne vont pas, en masse, visiter leurs sites pour y
réentendre la même musique. Néanmoins (chassez le naturel…) des
Internautes y ont vu la censure frapper leurs commentaires
évoquant mon livre. Des cas m’ont été signalés sur les sites de
Libération et de 20 minutes. Le site de RSF ayant eu la
malencontreuse idée d’ouvrir un blog « Pour ou
contre le boycott de la cérémonie d’ouverture des J.O. »,
des farceurs sont allés y conseiller mon livre comme élément de
réflexion. Du coup, le blog a été bloqué quelques jours, puis
fermé. Entre-temps, RSF avait été confrontée à un dilemme
cornélien : laisser passer ces informations ou censurer des
Internautes. Dur, car Robert Ménard venait de recevoir de Taiwan
un chèque de 100 000 dollars pour créer un site destiné à
encourager le libre usage d’Internet… en Chine.
Comment s’en sont-ils
sortis ?
Par la recette du pâté d’alouette. Un cheval
d’approbation du boycott des JO., une alouette de désapprobation
d’où surnageait parfois le titre « La face cachée de Reporters
sans frontières ». J’ai reçu en copie des mails censurés par
RSF. Une amie facétieuse m’a averti qu’elle envoyait un mail où
elle affectait de me critiquer férocement. Il est passé sans
retard ! (rires).
En résumé, votre livre a
été beaucoup censuré dans les « grands » médias et un peu sur
leurs sites, qui sont leurs vitrines « libérales », jeunes,
ouvertes.
Oui. Cela a duré de novembre 2007, date de la
parution du livre, au 10 avril 2008.
Pourquoi cette date précise
du 10 avril ?
Parce qu’il s’est produit à Paris, le 9 avril,
des incidents dont nous n’avons pas bien mesuré les
conséquences.
La perturbation du passage
de la flamme olympique par RSF ?
Par RSF et des manifestants pro-tibétains
chauffés à blanc par les vieux médias inondés de communiqués de
RSF. C’est la méthode de RSF pour intoxiquer. Elle balance bon
an mal an 1000 communiqués déjà rédigés. Il reste à faire un
copié-collé. Les médias orthodoxes avalent sans vérifier.
La classe politique, soucieuse de l’opinion
publique, en a rajouté dans le discours anti-chinois,
condescendant, comminatoire. Les Chinois ont subi un affront.
Selon l’expression chinoise qui recouvre un ressenti à ne pas
sous-estimer, ils ont « perdu la face ». Les images de leur
jeune athlète handicapée défendant sur son fauteuil roulant la
flamme que veulent lui arracher des forcenés au nom du respect
dû aux faibles, ont été passées en boucle à la télévision
chinoise. Par la suite, quand Nicolas Sarkozy a tardivement
décidé de se rendre à la cérémonie d’ouverture, l’opinion
générale, crûment exprimée en Chine, était : « Il
vient s’il veut, mais il n’est pas le bienvenu ». L’accueil
promis à George W. Bush était plus débonnaire !
La France s’était piégée
elle-même ?
Oui, par l’activisme surmédiatisé de RSF. Il a
fallu dépêcher à Beijing le président du sénat, Jean-François
Poncelet et un ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin,
pour tenter de recoller les morceaux. Mais le pire risquait de
venir. RSF annonçait qu’elle allait faire le même cinéma à
Hong-Kong. Or, il s’agit-là, pour les Chinois, d’une partie de
leur territoire. On allait droit vers un incident grave.
Et la presse a fait sonner
le canon.
Canon chargé à blanc. Comme si un filet
maintenant les criquets avait cédé, j’ai vu fondre sur moi, dès
le 10 avril, une nuée d’organes de presse qui n’avaient (leurs
clients l’auraient juré !) jamais entendu parler de moi la
veille.
Par coïncidence, il s’est trouvé que je partais
en famille en Chine le 12 pour voir un de mes enfants qui
travaillait là-bas depuis un an et y étudiait la langue. La date
avait été fixée en raison des vacances de Pâques (ma conjointe
est enseignante). Pour tout dire, j’avais un contact à Beijing
avec un français occupé à développer des échanges commerciaux et
je voulais aussi faciliter une rencontre avec mon fils afin
qu’ils définissent les conditions lui permettant de séjourner en
Chine le temps nécessaire pour parfaire sa connaissance de la
langue chinoise. En fait, des difficultés pour obtenir le
renouvellement de son visa l’ont contraint à rentrer en France.
Je vous raconte ces choses personnelles parce que cela a un
lien, vous allez le voir, avec la presse, mon livre et RSF.
Donc, le 10 avril….
Le 10, une chaîne de télévision, Paris Première,
contactait mon éditeur pour m’inviter sur son plateau. J’ai dû
refuser pour cause de voyage imminent. Peu après, c’est France 2
qui veut me voir à Paris pour l’enregistrement de l’émission
« Complément d’enquête » de Benoît Duquesne. Je refuse
pareillement. Ils me proposent alors de descendre le 11. C’est
la veille de mon départ. J’accepte à contrecœur en précisant que
l’interview se fera dans un café toulousain. Ils acceptent mais,
au dernier moment, ils préfèrent que cela se passe chez moi. Ils
débarquent à trois à l’aéroport de Blagnac, louent une voiture
et nous voilà en train de déjeuner dans un restaurant au bord de
l’Ariège. Puis, on part vers ma maison, ils filment la campagne
qui est télégénique, verdoyante et vallonnée, la chaîne des
Pyrénées en arrière-plan. L’interview a lieu dans mon bureau.
Entre le moment où ils ont débarqué et celui où je leur ai dit
au revoir, près de 5 heures se sont écoulées. Je n’avais pas
prévu ça, mais je me suis consolé en me disant qu’il en
subsisterait peut-être 10 à 15 minutes pendant lesquelles les
téléspectateurs allaient apprendre ce qu’est RSF.
On sent venir une
désillusion.
L’émission a été diffusée le 21 avril. J’étais
dans un hôtel d’une petite ville à presque mille kilomètres de
Pékin quand des amis scandalisés m’ont informé que l’émission
avait montré en tout et pour tout, en 15 secondes, la couverture
de mon livre et quelques lignes extraite d’une page. Je
n’apparaissais pas. Par contre, Robert Ménard dissertait à
loisir et Benoît Duquesne instruisait à charge contre la Chine
avec un acharnement qui gêna même David Douillet. On se souvient
que ce judoka se fit arracher la flamme des mains par des
officiels chinois à Paris et qu’il l’a mal vécu. On le comprend.
Duquesne, qui l’avait invité pour qu’il dévide sa colère,
réussit le tour de force de paraître plus vindicatif que lui.
J’avais hâte de voir cette émission, amputée de
plusieurs heures de tournage. Sur Internet, nous avons librement
visionné, en famille, l’intégralité de cette production
française violemment anti-chinoise, qui m’avait censuré en
France pour mieux dénoncer la censure chinoise ! Quelques hiatus
entre ce que nous entendions sur la réalité chinoise vue de
Paris, et ce que nous découvrions sur place nous firent par
ailleurs ricaner.
Vous nous parlez là de
censure, mais également de parti pris journalistique.
Exactement. Toute analyse portant sur un sujet
global et complexe (la réalité d’un pays par exemple) doit
proposer une thèse et une antithèse qui permettront, pour
conclure, une synthèse. La thèse sur la nature du système
chinois est ressassée à satiété, partout et toujours. Dans le
traitement de la Chine par cette émission de France 2,
l’antithèse est absente. Il en résulte que quiconque est allé
sur place où a étudié de plus près le pays, est ulcéré par le
manichéisme abêtissant contre lequel on a le droit de s’élever
sans pour autant adhérer au PCC. Sans l’antithèse, la conclusion
tirée par les consommateurs de médias les fait apparaître comme
des abrutis de première. Il en est de même pour l’image
idyllique de RSF servie au public par Benoît Duquesne and Co.
Vous avez protesté auprès
de France 2.
Un des journalistes m’avait laissé sa carte avec
son adresse électronique. Je lui ai envoyé quelques messages
sans jamais obtenir la moindre réponse.
Voici le texte de mon premier mail
(sarcastique) :
« Cher X,
Les amis que j’avais invités à regarder
« Complément d’enquête » avant que je parte en Chine m’ont
dit que l’émission était assez déséquilibrée.
Je l’ai donc visionnée en Chine sur Internet
(failles dans la censure ?) et je l’ai trouvée équitable,
les séquences à tonalité plutôt anti-chinoises alternant
harmonieusement avec le discours de Ménard.
Les seules vraies scories sont dans les 15
secondes gauchisantes où apparaissent deux images sur mon
livre.
Des presque cinq heures que j’ai passées à
Toulouse avec votre équipe de France 2, je retiens qu’un
écrivain doit exercer sa vigilance dans l’écriture et
surtout dans la promotion de ses ouvrages.
Je vous remercie sincèrement de cette leçon.
D’autant plus que je subodore que vous n’êtes pas
personnellement maître du montage de l’émission, ni ravi de
la poubellisation de votre travail.
Bien à vous. »
Vous parliez de ruée des
médias.
Le Figaro Magazine m’a proposé un interview par
mail. Prudent, j’ai demandé à voir les parties de mes réponses
qu’ils garderaient. Ils l’ont accepté. Ils n’ont pas gardé
grand-chose, mais c’était honnête. Mieux, ils ont déploré
l’omerta qui durait depuis novembre 2007 : « Et
gare à ceux qui critiquent Robert Ménard… Maxime Vivas a tenté
de le faire. Résultat : l’ouvrage n’a reçu aucun écho, même
négatif, dans la presse ». Discrète autocritique puisque le
Figaro Magazine avait été de la confrérie des muets : son
directeur de la rédaction possédait mon livre depuis 5 mois en
qualité de juré au prix « Lire la politique ».
Un soir, à Beijing, nous déambulons dans un hu
tong (quartier populaire fait de maisons basses) quand mon
téléphone sonne. C’est une journaliste du Figaro (quotidien). A
l’en croire, elle n’a pas encore lu mon livre, elle sait par mon
éditeur que je fais des conférences en Chine, que le livre vient
d’être réédité, elle me demande combien en ont déjà été vendus.
Je lui explique que mon séjour est familial avec un objectif
d’aider mon fils à s’établir dans des activités d’échanges
économiques, commerciaux, culturels qui ne peuvent qu’être
utiles à notre pays, que j’ignore le tirage du livre et que je
ne fais pas des conférences.
Le lendemain elle écrit qu’un « écrivain
toulousain, en villégiature en Chine, cela ne s’invente pas, […]
a écrit un livre peu convaincant… », etc. Le coup de la
« villégiature » veut évidemment faire contraste avec ce que la
presse française dit de la répression au Tibet dont je me rends
complice en me pavanant dans les parages. J’appelle mon éditeur
qui m’apprend qu’il ne lui a jamais parlé de conférence ou de
réédition. Cherchez la déontologie journalistique.
Une nuit, je reçois un appel d’une journaliste
de RTL2 qui avait mal apprécié le décalage horaire. En vue de
faire un portrait de Ménard, elle souhaite m’entendre et elle le
contactera ensuite. A ce moment-là, j’ai déjà vécu des
expériences similaires : les journalistes m’interrogent,
rapportent à Ménard mes paroles qu’il peut réfuter sans
contradiction postérieure. Je propose donc que Ménard soit
d’abord interviewé et qu’elle me contacte à mon retour en
France. Elle accepte sans discuter.
Et vous n’avez plus entendu
parler d’elle.
Si. Le mutisme n’intervient en général qu’après
le mauvais coup, comme avec France 2 ou l’Express. Une
journaliste de cet hebdomadaire sollicite d’urgence un « service
de presse » pour brosser un portrait de Ménard. Quand son
article paraît, des informations puisées dans mon livre y sont
réfutées, sans que jamais le titre du livre apparaisse.
N’oublions pas que, pour une certaine gent journalistique, cet
ouvrage est indispensable dans les salles de rédaction et les
écoles de journalistes, mais que son contenu doit être ignoré du
public.
Revenons à la journaliste
de RTL2. Elle vous rappelle à votre retour en France et…
Oui, c’est un matin à 9 heures. Très affable,
elle me dit qu’elle souhaite me poser une question sur le
financement de RSF par la National Endowment for Democracy (NED)
dont je prétends qu’elle est un paravent de la CIA. Elle me
précise que j’aurai 90 secondes et qu’il serait bien que je sois
clair, précis, convaincant. Elle me rappellera dans une heure.
J’ai le temps de préparer la forme de mon intervention. Je
connais très bien le sujet et je pouvais en parler sur le champ,
mais, après tout, un délai de répétition pour ciseler mon
intervention… A 10 heures, quand le téléphone sonne, j’ai
fignolé mon propos et j’ai disposé devant moi quelques feuilles
de papier A4 avec des notes rédigées. La journaliste : « On
y va ? Antenne. Monsieur Vivas, pensez-vous que la liberté de la
presse soit plus grande à Cuba et en Chine qu’aux USA ? ».
Vous en avez d’autres,
comme celle-là ?
Oui, on en ferait un catalogue. Mais je préfère
signaler que le journal l’Humanité a fait une chronique sur mon
livre qui est la plus complète et la plus longue qui soit parue
dans la presse papier. Cette critique aimable est parue en mai.
On a failli attendre. Il est vrai que, naguère, Robert Ménard
était invité au Village du livre de la fête de l’Huma et que
nombre d’articles de ce quotidien renvoyait au site de RSF dès
l’instant où il était question de liberté de la presse. On
mesure le chemin parcouru. Le Parisien-Aujourd’hui a tracé un
portrait de Ménard en signalant (brièvement) mon livre en des
termes honnêtes.
Vous avez parlé de tirs de
canons « chargés à blanc » contre RSF.
Oui, parce que, après le désastre du 9 avril à
Paris, il fallait calmer Ménard, le dissuader d’aller à
Hong-Kong, mais pas discréditer RSF, pas lui faire connaître le
sort de l’ARC ou de l’Arche de Zoé. Par l’occupation qu’il
faisait des médias, Ménard a effacé les syndicats professionnels
tout en revendiquant sa volonté de ne jamais aborder les
problèmes de la presse française et de ses journalistes. Le
public connaît les noms de syndicats de salariés ou celui du
patronat, les noms de leurs dirigeants, il sait à quoi ils
ressemblent. Connaît-il les noms des syndicats de journalistes
ou de leurs dirigeants ? Non. Effacés par RSF.
Bref, les canons ont fait
de simples sommations.
Oui. Les médias ont brandi le titre de mon
livre, parfois la couverture et une ligne ou deux (ce que fit le
zapping de Canal +) comme on agite la croix et l’ail devant le
vampire invité à retourner dans son cercueil et à refermer le
couvercle jusqu’à la prochaine nuit de pleine lune. Et ça a
marché. On a assisté à la disparition momentanée de Robert
Ménard de l’espace médiatique qu’il occupait à satiété depuis
des semaines. Il a prétendu ensuite qu’il avait annulé son
voyage à Hong-Kong car il ne voulait pas heurter les Chinois,
qu’il fallait permettre un dialogue. Ô cynisme lourdingue de
l’éléphant sortant en sifflotant du magasin de porcelaine de
l’époque Ming !
Avez-vous été invité par la
suite à vous exprimer dans des médias ? Quand Ménard a
démissionné par exemple.
En fait, si l’on oublie le traquenard de RTL2,
je n’ai jamais pu passer en direct dans une émission de radio ou
de télévision nationales, même si des auditeurs ou
téléspectateurs le réclament. Et ils le font. Quant aux
émissions enregistrées, je les refuse désormais si les
conditions ne sont pas claires. Je préfère m’exprimer sur le
Net. Il y existe une vraie éthique, un dialogue possible avec
les lecteurs. La diffusion des idées n’y est pas marginale. J’ai
vu certains de mes articles, librement reproduits, traduits en
plusieurs langues, toucher à travers le monde un lectorat
immense, qu’aucun journal français traditionnel ne peut offrir.
J’ai récemment reçu une demande d’un journaliste
du service étranger de France inter. Il voulait m’interviewer
sur Robert Ménard au Qatar. J’ai décliné et il n’a pas insisté
car ma réponse posait des conditions implicites. En effet,
aurais-je eu le droit de dire que Ménard a justifié la torture
sur France Culture en août 2007 ? Non. Que France Inter,
participant au jury du prix « Lire la politique », a censuré mon
livre ? Non. Que le Qatar est une monarchie polygame où les
partis politiques sont interdits, où la loi islamiste (la
charia) prévaut ? Non. Que la flagellation y est de rigueur mais
la critique du pouvoir interdite ? Non. Et si j’avais pu avancer
l’embryon d’une de ces informations, la parole aurait aussitôt
été donnée à Ménard pour qu’il contredise même ce que je n’ai pu
dire. A lui le dernier mot. Toujours. C’est la loi d’airain. Le
plus souvent, il intervient dans une ambiance de cirage de
pompes.
Vous dénoncez là une
complaisance des journalistes envers RSF ?
Et envers Ménard. Il peut proférer n’importe
quelle énormité, ses interlocuteurs restent révérencieux. Comme
quand il a justifié la torture sur France Culture dans
l’émission « Contre expertise » de Xavier de la Porte le 16 août
2007. Les médias qui ont levé le lièvre sont des sites Internet
(Rue89 en premier). Plus tard (le 29 mars 2008) dans l’émission
« On n’est pas couché » sur France 2, au journaliste Eric
Naulleau qui lui rappela ses propos, Ménard répliqua : « Vous
êtes un menteur » avant d’en donner une version fausse avec un
aplomb sidérant. Et nulle part, un journaliste n’a cherché à
savoir et à dire qui mentait dans cette passe d’armes sur un
sujet capital. Des dizaines d’articles sont parus sur le Net et
même dans les médias traditionnels pour évoquer le « clash
Ménard/ Naulleau ». Mais, sauf sur Internet, personne n’a
informé le public sur la vérité. Quand Ménard reçoit la Légion
d’honneur des mains de Bernard Kouchner, époux de Christine
Ockrent, membre du Conseil d’Administration de RSF, aucun
journaliste ne déplore qu’on puisse décorer quelqu’un qui a
refusé de condamner la torture appliqué à des innocents (la
famille d’un preneur d’otage) par les policiers pakistanais « Je
ne dis pas, je ne dirai pas qu’ils ont eu tort de le faire »
et qui crache que, s’il était concerné « il n’y
aurait aucune limite, je vous le dis, je vous le dis, il n’y
aurait aucune limite pour la torture. » Cette information
là, vous le trouvez sur le Net (c’est ce que vous êtes en train
de faire). Aucun journal « consacré » ne l’a publiée et donc,
commentée.
Vous pensez que les
journalistes subissent des pressions de RSF ?
Son emprise est grande sur la presse. Des choses
me sont confiées en off par des journalistes. S’ils en ont le
courage, qu’ils disent donc à leur public ce qu’ils me confient
en privé sur RSF et son chef. A eux aussi de me permettre
d’exprimer un avis discordant. Je parcours la France depuis
presque un an, de salons du livre en librairies, en conférences
dans des rassemblements et des Universités. Des journalistes
tellement timides qu’ils veulent n’en point parler en public, me
susurrent que des interventions de RSF se produisent à mon
encontre. Si c’est vrai, à eux d’en dire plus. A Duquesne de
dire pourquoi Ménard a parlé sans contradicteur dans son
émission sur la Chine. A Daniel Schneidermann de dire pourquoi
il fait la sourde oreille aux multiples demandes qui lui ont été
faites de me donner aussi la parole quand il traite du cas RSF.
A Nicolas Poincaré d’expliquer pourquoi, avisé au préalable
qu’un de ses invités va exprimer, tout à la fin de son émission,
un « coup de cœur » pour mon livre, le propos est fustigé par un
auditeur furibard qui accède à l’antenne dans la seconde même
(ce qui est techniquement impossible : l’auditeur était
forcément en attente au standard avant même que mon livre soit
cité). J’ai un tombereau d’exemples de cette espèce.
Vous pensez que les
journalistes manquent de courage ?
Je pense d’abord qu’ils ne sont pas libres. Pour
qu’ils le soient, et je l’écris en préambule de « La face cachée
de Reporters sans frontières », il faudrait que leur hiérarchie
soit du métier et non de la finance. Mais il reste qu’ils ont
une marge de manœuvre. Pour en user, il faudrait qu’ils
n’appartiennent pas à la famille politique des propriétaires des
médias de la pensée unique (ce qui devient rare) et qu’ils
osent. On en rencontre pourtant. J’ai eu affaire à une jeune
journaliste, qui a pris ce risque à propos de l’essai : « Les
Etats-Unis de mal empire ». Je l’avais mise en garde sur les
risques qu’elle encourait en rapportant mes propos sur les liens
de RSF et de l’argent de la CIA, mais elle n’a pas reculé. A
Toulouse, un journaliste de Télé-Toulouse m’a interviewé en mai
sur « La face cachée de Reporters sans frontières ».
L’enregistrement est passé en boucle plus de dix fois. C’est
d’autant plus remarquable que, là aussi, je l’avais mis en garde
dans un contexte d’omerta régionale. France 3 Sud, qui m’avait
plusieurs fois reçu dans le passé, m’avait envoyé paître. La
Dépêche du Midi, seul quotidien régional, avait laissé sans
réponse de nombreux mails et messages téléphoniques que mon
éditeur ou moi lui avions adressés. J’ai mal vécu cet ostracisme
hautain car je connais personnellement des journalistes de ce
journal, dont certains qui y sont influents. Il est vrai que RSF
compte un correspondant à la Dépêche.
En dehors des journalistes, il reste les
historiens, des chercheurs, des universitaires… Ils ne touchent
pas le grand public. Dommage car là, on pénètre dans le
territoire de la rigueur et de l’éthique. Au mois de septembre,
je suis avisé d’une étude sur RSF effectuée par l’Observatoire
de l’Action Humanitaire, travaillant avec Institut d’Etude du
Développement Economique et Social (IEDES) de l’Université Paris
I Sorbonne. J’y suis abondamment cité, mais qualifié de
« castriste ». C’est l’argument récurrent de RSF à mon encontre.
Argument étriqué qui fait l’impasse sur ma sympathie pour Evo
Morales, Rafaël Correa, Daniel Ortega, Hugo Chávez, le Che,
Simon Bolivar, Robespierre, Spartacus, Martin Luther King, Jean
Moulin. Je dois en oublier, dont De Gaulle quand il parle du « droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Je contacte le
responsable de l’étude, qui va alors très aimablement rectifier,
publier mon mail en annexe, et qui me révèle ce qui suit :
Robert Ménard a été consulté pour la rédaction d’une partie
(l’historique) de l’étude. En mai 2008, l’Observatoire a
travaillé à une réactualisation de cette partie avec Vincent
Brossel, le responsable du bureau Asie de RSF. Il a alors essayé
de faire supprimer les références à mon travail et à celui de
Jean-Guy Allard (l’auteur du premier livre qui ait dévoilé RSF).
Bien entendu, précise mon interlocuteur de l’Observatoire, « Nous
avons quand même conservé et utilisé ces références
bibliographiques et refusé de les éliminer ». RSF s’active
pour que les bouches s’ouvrent en Asie et qu’elles se ferment en
France.
Dans le premier cas, elle mobilise les sunlights
et la sono, dans le second, elle utilise l’éteignoir en
catimini.
Donc, beaucoup de mal à
faire connaître le contenu de ce livre.
Vous ne pouvez pas savoir combien d’interviews
j’ai accordées après le 10 avril à des journalistes qui n’en ont
rien fait. A eux de dire pourquoi ils viennent si inutilement me
tendre leurs micros ou me placer devant leurs caméras pour des
interviews que personne ne lira ou ne verra. A eux de dire ce
qui s’est passé quand ils ont rapporté leur travail à leur
rédacteur en chef.
Je parle là de la France. Car mon livre, préfacé
par Thierry Deronne (vice-président de Vive-TV) qui a créé au
Venezuela plusieurs médias communautaires et des écoles
d’audiovisuels, est traduit en espagnol et publié au Venezuela.
Le plus grand journal vénézuélien (Ultimas
Noticias, l’équivalent du Monde) m’a accordé une interview
alors que le livre était en cours d’écriture. Son rédacteur en
chef l’a chroniqué récemment dans un éditorial. Le quotidien
Suisse La Liberté a rendu compte de ma
conférence à L’Université de Fribourg (ce qui m’a valu une
seconde menace de procès, directement proférée par Robert
Ménard). Le plus inattendu a été la réaction des Chinois.
Vous avez traité des
rapports de RSF et de la Chine dans votre livre ?
Aucunement. C’est sans doute une lacune, mais
quand je l’écrivais, RSF était surtout braquée sur d’autres
pays, sur l’Amérique latine (pour pourfendre les pays qui
résistent à l’Oncle Sam) et sur l’Irak (pour absoudre l’armée
US). Moi-même, je ne m’intéressais guère à l’Empire du Milieu.
Après les événements du 9 avril à Paris, les Chinois ont voulu
en savoir plus sur RSF. Ils ont acheté plusieurs exemplaires du
livre, les ont envoyés à Beijing et les ont traduits à
l’intention des Autorités et des médias. Au mois de juin, la
responsable du bureau parisien de Radio Chine International est
venue me voir à Toulouse. Je l’ai accueillie courtoisement comme
je l’aurais fait pour n’importe quel journaliste de n’importe
quel journal de n’importe quel pays dont j’aurais pressenti le
désir réel de parler de mon travail. L’interview que je lui ai
accordé a été diffusé sur les ondes du monde entier en 45
langues. Un autre journaliste chinois, très connu dans son pays,
a voulu me rencontrer à Paris. Sous sa plume, ou celle de ses
collègues, des articles sont également parus dans plusieurs
journaux chinois à forts tirages dont l’un fin octobre 2008. Le
moteur de recherche chinois Baidu.com a répercuté ces articles
et des discussions sur mon livre.
Vous diriez que votre livre est
plus connu en Chine qu’en France ? Et vous aussi ?
(Rires). Exactement, d’autant plus que ma photo
accompagne certains articles.
N’avez-vous pas le
sentiment d’être instrumentalisé ?
Instrumentalisé ? Nous le sommes tous et
toujours. Avec ce livre, je l’ai été trois fois. La première,
par la sélection au prix « Lire la politique ». Dans le lot des
ouvrages vautrés dans le discours dominant ou s’autorisant des
objections tièdes, il fallait quelques alibis contestataires.
« La face cachée de Reporters sans frontières » et « De quoi
Sarkozy est-il le nom ? », d’Alain Badiou, furent ces alibis.
La deuxième, par nos médias après le 9 avril. Il
importait alors de faire savoir que ce livre existait afin de
calmer le trublion. A aucun moment, mis à part les organes que
j’ai cités (le Monde Diplomatique, l’Humanité et les sites
Internet d’information libre), le contenu du livre n’a été porté
à la connaissance des citoyens par la presse nationale
traditionnelle. Je suis en attente d’une critique négative sur
le fond, d’une contestation étayée de mes chiffres et
révélations.
La troisième, par la publicité que les Chinois
font à ce livre et me font chez eux. Mais de ces trois
instrumentalisations, la troisième seule me paraît honorable
parce que non dissimulée, n’obéissant pas à des mobiles
hypocrites. En popularisant mon livre, les Chinois se défendent
contre RSF. Ils ne l’ont jamais caché. Ils n’ont jamais cherché
à me piéger, eux. Ils n’ont jamais essayé de m’entraîner hors de
mon sujet pour une approbation globale de la réalité chinoise.
Je souhaiterais une quatrième
instrumentalisation : celle des rédactions françaises qui,
trouvant que trop de grands reporters se font tuer dans
l’impunité sur le théâtre des guerres (200 en Irak depuis 2003),
demanderaient à RSF si ce que j’écris est vrai et exigeraient
une autre attitude de cette ONG. Cette instrumentalisation-là
sauverait des vies de confrères. Et favoriserait l’information
des Français.
Revenons aux Chinois. Ne
craignez-vous pas néanmoins d’être utilisé par eux contre votre
pays ?
Au contraire. En leur disant : usez de mon livre
à votre guise, la France n’est pas RSF, il y a des écrivains,
quelques journalistes, des Internautes qui disent la vérité sur
cette officine, j’ai la certitude de contribuer, à ma petite
échelle, à renouer des relations amicales établies par le
général De Gaulle et brisées en quelques heures par un
irresponsable dont la plupart des actions comblèrent d’aise
George W. Bush. Regardez comment, ni l’opinion publique
française, ni l’opinion publique états-unienne, ni Robert Ménard
(qui a traité Sarkozy de « lâche ») ne se sont excités contre la
longue « villégiature » de Bush à Beijing pendant et après la
cérémonie d’ouverture des jeux. Je vis dans une région qui
fabrique des Airbus. Les USA fabriquent des Boeing. Vous croyez
que la mascarade du 9 avril nous a fait du bien ? Vous croyez
que la liberté de la presse en Chine a avancé d’un iota ? Robert
Ménard a tiré le bilan de son activisme anti-chinois en disant :
« Nous avons échoué. ». C’est trop modeste.
La CIA le contredirait. La vérité est que, si la Chine n’a été
blessée que dans son amour propre, nos intérêts là-bas ont
reculé au profit de nos concurrents. La situation de nos
ressortissants en Chine est plus compliquée. Mais tout baigne
pour les relations sino-états-uniennes. Parallèlement, chez
nous, le droit des citoyens français à être informés, le droit
d’un auteur français à faire connaître son travail, ont été
bafoués.
Pardon de vous dire que nos
intérêts économiques ne doivent pas occulter la question des
droits de l’Homme.
J’en suis d’accord et j’irai même plus loin. Il
faut y penser partout et exercer des ripostes graduées en
fonction des atteintes que ces droits subissent. Elles sont
terribles dans la plupart des pays qui nous fournissent en
pétrole et en matières premières. Elles sont effrayantes en Irak
où plus de 800 000 civils, hommes femmes, enfants, ont perdu la
vie depuis l’invasion US. Terribles aussi en Afghanistan (et la
France y participe). Il faut être vigilant partout. Hurler à
l’unisson pendant des mois contre des troubles au Tibet et
murmurer deux secondes quand des bombes US anéantissent par des
« erreurs » répétitives tous leurs habitants de villages afghans
n’est pas convenable. S’il s’agit de rompre nos relations
commerciales avec la Chine tant qu’elle n’aura pas calqué notre
modèle de démocratie, il faut aussi rompre avec plus de 150 pays
dont le système déroge à nos critères. A commencer par le Qatar.
Vous diriez que la presse
martèle sur certains sujets et est trop discrète sur d’autres.
Oui, hormis sur Internet. De source sûre, je
sais aussi deux ou trois autres choses dont je m’étonne que la
vieille presse ne dise rien.
La première est que le président Sarkozy s’est
personnellement opposé à la présence de Ménard à la garden party
de l’Elysée le 14 juillet (pauvre Kouchner qui venait de le
décorer !).
La deuxième est que Ménard a été
« démissionné », vite fait, bien fait.
La troisième, et je m’en désole, c’est que, 8
mois après les incidents autour de la flamme olympique,
l’affront n’est pas digéré par le peuple chinois, qu’un
sentiment anti-français est né dans la jeunesse chinoise et que,
peut-être par effet d’hystérésis, il progresse. Indirectement,
ici, et par les articles qui me sont consacrés là-bas, je
m’adresse à ce peuple pour lui dire que l’agressivité, le
mépris, l’arrogance de quelques farfelus, de quelques
politiciens en mal d’élection et de quelques médias ancestraux
ne sont pas significatifs de l’opinion du peuple français. Je
revendique le droit de dire cela sans pour autant adhérer au
Parti Communiste chinois, sans rêver de voir importés chez nous
le mode de vie, les systèmes politique, économique, social,
culturel de la Chine.
La gastronomie, à la
rigueur ?
Si vous voulez. D’autant plus qu’elle n’est pas
celle qu’on nous raconte. Et quelques leçons de savoir-vivre
aussi. Pendant mon séjour en Chine, l’ambassade de France avait
donné aux ressortissants Français des conseils de prudence et de
discrétion. En fait, partout nous avons rencontré des gens
courtois, serviables, même chez ceux qui nos interpellaient sur
ce que les Français avaient fait à leur jeune athlète en
fauteuil roulant.
Il serait bien que notre vieille presse renonce
à nous persuader que nous sommes un peuple supérieur et qu’elle
en finisse avec son ton de donneuse de leçons hémiplégique.
Il serait temps qu’elle affiche dans les salles
de rédaction et au-dessus des prompteurs ce mot célèbre d’un
député tarnais que vous reconnaîtrez : « Le
courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne
pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas
faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux
applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »
Jean Jaurès. Pour finir,
vous avez des projets ? Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je relis et corrige le manuscrit d’un roman, je
travaille à finir un polar que j’avais commencé il y a quelques
années et que j’avais abandonné par manque de temps. J’ai aussi
en rayon un petit guide touristico-littéraire et un autre
manuscrit atypique où je mets en scène des auteurs des siècles
passés. Je ne vous en dis pas plus, il y a du pseudo dans l’air,
pour quelques-uns de ces livres qui devraient paraître en
2009/2010. Il n’est pas impossible que j’aggrave mon cas en
co-écrivant, sans masque, une autre enquête, sur un sujet tabou.
On y réfléchit.
Toute dernière question.
Vous n’avez pas l’impression de mener un combat perdu ? Trop
tôt, trop seul ?
Oh non ! Nous sommes de plus en plus nombreux et
je suis loin d’avoir été le premier. L’avenir est aux porteurs
d’un discours de vérité. Si les médias décatis n’en veulent pas,
ils vont moisir sur leur socle vermoulu tandis que les
consommateurs de médias exigeants, les leaders d’opinion, les
citoyens jeunes, vont les fuir. Le phénomène est enclenché et il
est irréversible. Chaque bébé qui naît, chaque enfant qui
apprend à lire, chaque esprit qui s’ouvre, chaque corbillard qui
passe est un client perdu pour eux. Déjà, les médias aux ordres
lisent et plagient les travaux des cyberjournalistes. Ils
s’empressent de créer leurs propres sites dans l’espoir de
bénéficier de l’aura environnante. Ils essaient désespérément de
se démarquer de leur image.
Ils sont en train de perdre la bataille menée
pour discréditer les sites Internet qu’ils ne contrôlent pas.
Vous connaissez ce mot de Gandhi : « D’abord ils
vous ignorent, puis ils se moquent, puis ils vous combattent,
puis vous avez gagné » ?
Ils sont de plus en plus perçus comme un clan
dont chaque membre est intouchable à leurs yeux, quoi qu’il
fasse. S’ils conservent un pouvoir, c’est moins celui de
convaincre (sauf la ménagère de moins de 50 ans, qu’ils
méprisent, d’ailleurs), que celui de passer des bâillons. Mais
ils manoeuvrent en recul. De même qu’il n’est pas d’exemple
historique d’un peuple occupé qui ne se soit libéré, les agents
de propagande déguisés en journalistes finissent toujours par
sombrer dans le discrédit.
Merci. Je vous souhaite une
autre réédition de « La face cachée de Reporters sans
frontières ».
Dont le sous-titre est « De la CIA aux Faucons
du Pentagone ». Réédition ? On y va tout droit si tous ceux qui
sont révoltés par ce qu’ils apprennent ici achètent le live.
Merci à vous
(1) Cuba est une île
http://vdedaj.club.fr/spip/article.php3 ?id_article=169
(2) Les Etats-Unis de Mal
Empire, ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud
http://www.legrandsoir.info/spip.php ?article6821
© LE GRAND SOIR - Diffusion
autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources
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