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Opinion
Pas qu'une zone
d'exclusion aérienne:
feu vert à la nouvelle guerre humanitaire
Maurizio Matteuzzi
Vendredi 18 mars 2011
(Le titre de l’article écrit avant la résolution
du Conseil de sécurité, avait, dans il manifesto, un
point d’interrogation ; l’annonce faite cette nuit
par ce même Conseil
consent, en respectant l’esprit de l’article,
à l’effacer, NDT)
Le vote au Palais de verre était annoncé vers 11h
hier soir, trop tard pour nous qui écrivons. Mais,
dans l’après-midi, tout laissait penser que la
résolution présentée au Conseil de sécurité par la
France, l’Angleterre et le Liban pour l’imposition
d’une zone d’exclusion aérienne sur la Libye allait
passer. Et, comme l’a dit le ministre français des
affaires étrangères Alain Juppé, les opérations
militaires pourraient commencer « d’ici quelques
heures ». L’OTAN aussi, par son secrétaire
Rasmussen, s’est dit prêt et convaincu, qu’ « il
n’est pas trop tard pour une intervention en Libye
», nécessaire parce qu’ « une victoire de Kadhafi
démontrerait que la violence paye ».
Hier après-midi (heure italienne),
l’ambassadeur français à l’ONU, Gérard Araud, se
montrait très optimiste et certain que la résolution
allait passer au Conseil de sécurité, fût-ce sans
l’unanimité : « il y aura des surprises ».
Des rumeurs au Palais de verre new-yorkais
colportaient que la Russie et la Chine, qui ont un
pouvoir de veto et s’étaient jusque là dites
opposées à toute intervention militaire contre la
Libye, plutôt que d’utiliser leur veto auraient pu
s’abstenir en permettant ainsi à la résolution de
passer, dans le cas où elle obtiendrait 9 voix sur
15. D’autres affirmaient que l’Inde allait
s’abstenir ou voter non. La position du Portugal et
de l’Allemagne n’étaient pas encore claire : ces
derniers jours ils avaient
souligné qu’ils préféraient un durcissement
des sanctions plutôt qu’une opération militaire. De
tous les autres pays membres du Conseil, on
s’attendait au feu vert et à au moins 10 oui.
Et en avant, on fait chauffer les moteurs et on part
pour la Libye.
Et pour une autre belle « guerre humanitaire
» de l’Occident, après l’Irak (deux fois), la
Serbie, la Somalie et l’Afghanistan.
Car il est inutile de se cacher derrière la feuille
de vigne humanitaire.
Il ne s’agit pas que d’une action
d’interdiction -« no fly zone- mais d’une véritable
guerre, et déclarée.
De fait, selon
l’ébauche de résolution lue par le ministre
des affaires étrangères britannique William Hague,
le texte impose « le cessez-le-feu immédiat, la fin
complète de la violence, l’interdiction de tous les
vols dans l’espace aérien libyen à l’exception des
vols humanitaires » : avec l’interdiction
concomitante pour les avions libyens de décoller,
atterrir ou survoler le territoire de tout autre
Etat membre de l’ONU (donc pratiquement du monde
entier). Ce n’est pas tout. L’ébauche de résolution
prévoit aussi, a rappelé Hague, l’adoption de «
toutes les mesures nécessaires exceptée une force
d’occupation », naturellement avec le noble motif de
« protéger les civils ». Si Juppé et Hague, Sarkozy
et Cameron, la France et l’Angleterre, sont les plus
fervents dans le soutien d’une action militaire
contre la Libye, (de nouveau ensemble comme en 1956
quand ils intervinrent de concert avec Israël contre
l’Egypte de Nasser), les développements de ces
dernières heures ont été déterminés par ce que
l’agence Reuter définit comme « le rapide changement
de ton » des USA. Jusqu’ici, il semblait que
l’administration étasunienne fût très
prudente et peu encline à une nouvelle
aventure militaire dans une zone aussi explosive que
l’Afrique du Nord arabo-musulmane (et pétrolière) ;
en particulier
dans une phase où les Etats-Unis sont déjà
engagés lourdement (et avec peu de perspectives de
victoire ou de désengagement à brève échéance) sur
des théâtres de guerre ouverte come l’Afghanistan et
l’Irak, puis, maintenant sur le théâtre d’une
immense catastrophe naturelle comme le Japon.
L’administration, disait-on, était divisée entre,
d’un côté, Obama et le Pentagone avec son ministre
Robert Gates réticents à l’action militaire directe,
et de l’autre le Département d’Etat et son chef
Hillary Clinton (appuyée aussi par son mari Bill),
favorables eux à l’intervention. A la fin, à ce
qu’il semble, les époux Clinton l’ont emporté. Et
hier le sous-secrétaire d’Etat William Burns a dit
que les USA voulaient une résolution ONU qui
permette non seulement la zone d’exclusion aérienne
mais aussi des raids aériens contre « les tanks et
l’artillerie lourde libyens » et
l’usage « de toutes les méthodes à
l’exception d’une force d’occupation sur le terrain
» (« no boots on the ground », a dit Burns).
L’objectif est de protéger les civils libyens de la
violence de Kadhafi (et des probables « atrocités »
qui selon Human Rights Watch suivraient la
reconquête aussi de Bengazi) et, comme l’a précisé
le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carey, «
d’aller vers une situation où Kadhafi ne soit plus
au pouvoir ». En clair vers un de ces nombreux
régimes de transition dans lesquels se sont engagés
les USA, non seulement ceux de Bush mais aussi ceux
d’Obama (se souvient-on du marginal Honduras ?).
Une des conditions posées par Washington pour le «
tournant rapide » était l’engagement direct « des
Arabes » dans la guerre humanitaire anti-Kadhafi.
Qui, avec la demande de zone d’exclusion aérienne
venue et de la Ligue Arabe et du Conseil de
coopération du Golfe,
n’aillent pas s’imaginer qu’ils pouvaient
s’en laver les mains. Sitôt dit sitôt fait. Hier est
arrivée la confirmation que « peut-être » au moins
le Qatar et les Emirats arabes unis, et « peut-être
» aussi la « démocratique » Jordanie du roi Abdallah
sont prêts à y participer avec le consentement de
l’utilisation de leurs bases et le survol de leur
espace aérien (sec refus par contre de l’Egypte,
malgré l’avertissement de madame Clinton, de Tunis
où elle est en visite, déclarant que le maintien de
Kadhafi au pouvoir, « causerait des problèmes pour
le Caire et Tunis et qui que ce soit d’autre »).
Aucun problèmes si les compagnons de route
humanitaires arabes sont ceux-là même qui ont
demandé il y a quelques jours l’aide fraternelle des
troupes saoudiennes et des policiers des Emirats
pour écraser dans le sang la « protestation
pacifique » au Bahrein.
Il y a intervention humanitaire et intervention
humanitaire.
Edition de vendredi 18 mars de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/18-Marzo-2011/art40.php3
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Le dossier Libye
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