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« Ils ne ratent jamais une occasion de
rater une occasion »
(ou : Quand des associations juives laïques « antisionistes »
répondent en écho aux associations sionistes)
Mary Rizzo
La
censure sioniste sur un discours ‘consensuel’ demandant la fin
de
l’occupation et des violations des droits de l’homme en
Cisjordanie et dans la bande de Gaza : le tampon
Sioniste, identifié par la Magen David et
les deux bandes
bleues symbolisant le Nil et l’Euphrate, frontières du « Grand
Israël »,
oblitère le discours de l’orateur de
la mention à l’encre rouge : « discours haineux ».on Palestine Think Tank
repris par uruknet.info, 2 février 2009
http://www.uruknet.info/?p=m51473&hd=&size=1&l=e
Il est en train de se passer quelque chose
de très étrange, actuellement, à l’intérieur d’un petit cercle
de personnes qui se complaisent à se considérer comme la pointe
avancée de la lutte pour la Palestine ; nous faisons allusion
ici à ces gens qui se classifient eux-mêmes en tant que juifs
laïcs antisionistes, qui considèrent être des voix juives
« indépendantes » et, partant, l’avant-garde du « mouvement
pro-palestinien ». A la suite de ce qui ne peut être qualifié
autrement que d’événement international unique en son genre,
d’une importance médiatique majeure, et peut-être, aussi, d’une
certaine signification historique, ils protestent et ruent dans
les brancards de colère contre l’intervention d’Erdoğan sur une
tribune que partageaient le Secrétaire général de l’Onu, le chef
de la Ligue arabe et le Président d’Israël.
Ces critiques malencontreuses vont, sur
quelques sites marginaux et au sein de groupes de discussion
microscopiques, jusqu’à pratiquement prendre fait et cause pour
le Comité Juif Américain dans la critique d’Erdoğan. Le fait
intéressant, et extrêmement positif, qu’Erdoğan n’ait pas pu
permettre au flot de bobards proférés par Shimon Peres de
s’écouler sans réaction au cours de la conférence du Forum
Economique Mondial (réuni à Davos) sur la question de Gaza
semble leur avoir échappé, à tous autant qu’ils sont. Ils
semblent à peine avoir remarqué que le Premier ministre turc
Erdoğan était en quelque sorte préparé au genre d’arguments
qu’il allait entendre, au type de justifications qu’Israël
avance pour ses frénésies de tueries, car il sortit une feuille
de papier de son porte-documents, et il se mit à lire, sur cette
feuille de papier (ou plutôt, il s’évertua à le faire, jusqu’au
moment où le modérateur essaya de couper le sifflet au Premier ministre et à pousser l’assistance vers la
salle à manger), trois citations : la première, tirée de la
Torah, la seconde de Gilad Atzmon, et la troisième d’Avi Shlaim.
A l’évidence, la Torah fait autorité, et
même si certains juifs athées se moquent bien que Dieu,
c’est-à-dire quelqu’un dont ils affirment qu’il n’existe pas,
soit cité, ce qui compte, c’est le message, en fin de compte.
Ils ont décidé, en revanche, qu’Erdoğan a fait quelque chose
d’horrible en citant Gilad Atzmon. Ah bon ? C’est avec le
message, ou avec le messager, qu’ils ont un problème ?
Examinons tout d’abord le message : il
disait rien d’autre que le fait que quiconque affirme défendre
les Palestiniens devrait savoir, à l’heure qu’il est : « La
barbarie d’Israël surpasse la cruauté ordinaire. » Si quelqu’un
est prêt à affirmer qu’Israël a eu recours à rien moins que la
force disproportionnée la plus brutale, alors laissons-le
parler, aujourd’hui encore, de « paix », ou espérer, à jamais,
ladite « paix »…
Il est surprenant, aussi, que plutôt
qu’affirmer qu’Erdoğan a « marqué un point », ils sont en train
de ramener les Kurdes, l’Arménie et d’autres aspects atroces des
affaires turques, passées ou actuelles. C’est ce que font aussi
les attaques contre Erdoğan dans les médias sionistes, juste
actuellement, et cela est en train d’être renvoyé en écho par
ceux-là mêmes qui ne cessent de clamer, depuis fort longtemps,
qu’ils sont l’avant-garde du mouvement, bien qu’ils n’aient pas
de qualités particulières pour le justifier, à moins que leur
accréditation douteuse tienne au fait qu’étant juifs, ils
peuvent ajouter leur nom à un appel ? Il semble vraiment étrange
qu’alors qu’il est question de la Palestine, ils semblent très
heureux de le tirer vers l’antisémitisme, ce qui, à l’évidence
n’a jamais été le cas du tout dans ce qu’ils s’acharnent à
détruire, ou bien vers des arènes géopolitiques très éloignées
d’Israël et de la Palestine.
Il n’y a AUCUNE différence entre la
campagne sioniste et la campagne juive antisioniste. Toutes deux
visent à décider quels doivent être les paramètres du discours,
et à détruire le messager, tout en faisant de la question de
savoir comment les juifs se sentent et comment ils pensent que
le monde devrait parler d’eux LE seul, L’UNIQUE problème.
Il est de bon ton de se gausser du porteur
du message, Erdoğan, au motif qu’il appartient à un parti
islamiste. Bon : pourquoi être surpris ? On sait bien que c’est
là un péché mortel, aux yeux de ces juifs, tant ceux qui sont
sionistes que ceux qui sont antisionistes. Cela revient à dire
automatiquement que c’est un régime religieux totalitaire qui
est l’ennemi, d’où le soutien assorti de restrictions, ou la
critique ouverte du Hamas et du Hezbollah. Pour savoir si tel
est bien le cas en Turquie, ça n’est pas difficile : il suffit
d’aller dans ce pays pour le découvrir. En Turquie, les femmes
se voient interdire de porter le hijab (c’est fondamentaliste,
cette interdiction ?) dans la fonction publique, cela, pour ne
citer qu’un exemple parmi bien d’autres de la nature laïque de
ce pays. Oh, il y a aussi cet autre problème : Erdoğan est un
bourgeois. Eh bien, il semblerait que les seuls bourgeois
acceptables soient ceux qui sont exactement comme eux,
c'est-à-dire des marxistes laïcs. Ou des progressistes laïcs. Ou
des juifs athées. Ou des juifs laïcs progressistes… bon, vous
voyez ce que je veux dire…
Eh bien, s’étonnent-ils, comment cet
Erdoğan a-t-il pu avoir connaissance d’un écrivain aussi
« obscur », qui se retrouve dans son porte-documents et donc
amené d’Ankara à Davos, et là, directement sur l’avant-scène ?
Les contempteurs d’Erdoğan ne savent peut-être pas que les
articles de Gilad Atzmon circulent largement, et pas seulement
dans les médias alternatifs, mais qu’ils ont fait leur entrée
dans le discours public, par la grande porte. Un de ses articles
a d’ailleurs été cité dans son intégralité sur la chaîne
satellitaire turque SkyTurk.
En me baladant à Florence, aujourd’hui,
j’ai trouvé un de ses articles traduits en italien glissé sous
les essuie-glaces des bagnoles ; mettez la radio, et vous
l’entendez : on l’interroge sur ce qui se passe à Gaza. Je
suppose que c’est génial, d’être publié dans Socialist Unity,
mais si c’est pour dire qu’Atzmon est marginal, obscur, hé bien,
cet argument a une bonne fois pour toutes mordu la poussière. Ce
n’est pas une question de fierté, même si nous devons
reconnaître que cela vous rend fier d’entendre vos arguments ou
ceux de vos amis et alliés être utilisés pour démolir le honteux
mur de mensonges de Peres, alors qu’ Erdoğan aurait tout aussi
bien pu ne pas réagir du tout. Cela vous fait un bien
incroyable. Cela vous dit que vous êtes bon à quelque chose. Si
nous pouvons le faire, sans être financés par quiconque, ou sans
faire le boulot de quiconque, alors, c’est que la voix de tout
un chacun peut être entendue. Et, de fait, Erdoğan a fait une
quantité incroyable d’heureux. La quasi-totalité des Turcs et
des Palestiniens ont admiré son courage et sa détermination. A
son retour dans son pays, il y a été accueilli à l’égal d’un
« leader mondial ». Pourtant, certains voudraient saper cela en
le qualifiant de démagogie motivée, à leurs dires, par
l’approche des élections turques.
Arrêtons-nous un instant, et réfléchissons.
Si, en Israël, le
fait d’être aussi assoiffé de sang que possible afin de gagner
des voix relève de la tactique électorale, et si le fait, en
Turquie, d’exprimer la protestation humanitaire en faveur d’un
peuple vilipendé est le « choix gagnant », alors, dans lequel de
ces deux pays préféreriez-vous vivre ?
Et si, effectivement, le peuple, dans son
entièreté, pense qu’Israël est en train de tuer, et de tuer
d’une manière qui dépasse toutes les bornes, alors le discours
d’Atzmon n’a strictement rien de marginal, ni d’extrémiste : le
discours d’Atzmon est au cœur du sujet. Personne n’a besoin de
bombarder les gens avec de l’information, ou des lettres, ou des
campagnes, pour qu’ils sachent comment appeler les choses telles
qu’ils les voient. Ils n’ont pas besoin que telle ou telle
association juive leur dise qui écouter, et comment penser, en
les coinçant dans une sorte de préjugé bizarre selon lequel
s’identifier avec ces propos serait, d’une manière ou d’une
autre, dommageable pour les juifs et antisémite, et comme le
diraient certains des « leaders » du mouvement en question,
contreproductif pour le mouvement lui-même ou la cause qu’il
prétend défendre. De fait, la conclusion à retirer de cela,
c’est que ces écrits doivent toucher les nerfs, toucher les
sentiments les plus profonds d’intérêt humain, et non pas ceux
de l’opportunisme personnel ou de l’expédience politique.
La diffusion des écrits de Gilad Atzmon
s’est opérée par une prolifération spontanée ; il n’y a aucun
service de presse, ni aucun groupe de lobbying politique, il y a
juste une personne, assise derrière son ordinateur personnel, et
il y a la diffusion de l’information, à partir de là.
Le « mouvement » [pro-palestinien] est
pourri, s’il est incapable de reconnaître que le moment est venu
de mettre de côté leurs préventions ou leurs conflits personnels
avec Atzmon, de
reconnaître que quelque chose de magnifique vient de se produire
et que les militants humanitaires dans le monde entier le
sentent bien, et le savent. Persister dans la campagne visant à
faire taire Atzmon non seulement ne pourrait qu’être encore
MOINS efficace qu’auparavant, mais cela ferait tomber la
dernière feuille de vigne dissimulant que ces gens opèrent en
leur qualité de crypto-sionistes.
Leur programme d’action, et celui du Congrès Juif
Américain, sont une seule et même chose.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
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