Opinion
Ce que l'Argentine
chuchote à l'oreille d'Obama
Maria
Poumier
Cristina
Fernández de Kirchner présidente de
l'Argentine
Dimanche 13 octobre 2013
Alors que chacun retient son souffle en
observant la rapidité avec laquelle
s'enchaînent des évènements
inimaginables il y a encore un mois, il
peut être utile de rappeler certains
mouvements de fond, dans la société
américaine, qui peuvent brusquement
s'exprimer, comme "effets papillon"
pesant de façon inattendue, mais
incontournable.
La situation très critique que vivent
les USA libère là-bas la colère des
habitants. Ainsi le dirigeant du Ku klux
klan Richard Preston appelle ouvertement
les Américains à s'unir pour une guerre
civile contre le président Obama
(french.ruvr.ru/.../USA-le-Ku-Klux-Klan-organise-une-action-contre-Oba..).
Et l'armée se prépare à faire face à des
émeutes. Les militaires en vacances ont
ordre de ne pas quitter le pays jusqu'au
5 novembre; des troupes sont rapatriées
d'Afghanistan, on achète des véhicules
antiémeutes, les membres du DHS (Department
of Homeland Security), ont reçu des
cours de tir et de maniement du couteau
etc.) Tandis qu'Obama nous semble enfin
honorer, quoique de façon paradoxale,
son prix Nobel de la Paix, il affronte
chez lui une haine raciale et classiste
qui vient de loin: lorsqu'il annonça
qu'il allait mettre en route un plan de
santé pour tous, un individu fit publier
dans la grande presse un encart incitant
à l'assassinat ciblé du président Obama.
Cette haine, assortie de mépris et de
rancune contre le facteur noir, en bloc,
couvant toujours sous la cendre depuis
la défaite des sudistes dans la guerre
de Sécession, ses hérauts veillent à la
dissimuler, car ils redoutent qu'une
mobilisation noire dresse un rempart de
protection autour du président. Celui-ci
se verrait alors obligé de rendre des
comptes à sa base, à ceux qui ont voté
en masse pour lui en 2008 parce qu'ils
voyaient en lui un garant de santé
morale pour le pays. Mais c'est
ouvertement contre l'effort personnel
d'Obama pour protéger les pauvres dans
son pays que ses ennemis font campagne
aujourd'hui, avec un chantage d'une
incroyable obscénité.
Les défaites de l'empire en Irak, en
Afghanistan, en Syrie, les Américains
savent bien qu'elles ne sont pas
imputables au même degré à leur
président. Ce sont les militaires
eux-mêmes qui ont mis en garde contre la
tentation de la fuite en avant (five us
generals threaten obama with military
coup over ... - Syria 360.http://wordpress.com/.../five-us-generals-threaten-.),
qui serait une marche à l'abîme pour
tous, sauf pour les puissances
financières US. Et c'est un groupe de
militaires qui lui a adressé une
démonstration que les armes chimiques en
Syrie ont été utilisées par les
rebelles, comme provocation pour
l'obliger à entrer en guerre.
Obama, président échaudé, sur qui
s'exercent des pressions colossales, a
dès le début de son mandat tenté de
tirer son pays des guêpiers impériaux.
En ces jours de victoire diplomatique de
la Russie, on oublie de rappeler la
longue préparation du dialogue avec
l'Iran, entreprise par Obama, à la
grande fureur d'Israël. Et il est bon de
souligner qu'Obama a su prêter l'oreille
à la réflexion des autres Américains,
ceux qui ne parlent pas anglais, mais
écoutent les leçons de leurs propres
guerres d'indépendance. (1)
On peut considérer comme une coïncidence
que le pape révolutionnaire François
soit argentin, comme la présidente qui,
au mépris des menaces du lobby israélien
et tous les grands media dans son pays,
a signé en février 2013 un accord
historique avec l'Iran pour relancer
l'enquête sur l'attentat de 1994 contre
le centre AMIA à Buenos Aires. Cet
attentat, Israël l'a exploité de façon
scandaleuse afin d'en faire inculper le
gouvernement iranien; après avoir
apporté de fausses preuves, fait
disparaître les éléments capitaux de la
scène du crime et des archives
judiciaires décisives, payé délinquants,
magistrats et policiers pour qu'ils
portent de faux témoignages, l'État
juif, tenu en main depuis l'assassinat
du président Rabin, en novembre 1994 par
Netanyahu, l'Etat juif, donc, en la
personne de B Netanyahu, vient
d'affirmer que le nouveau président de
l'Iran, M. Rohani a lui-même
personnellement mis au point l'attentat
terroriste en question!!! (http://www.unoticias.com.uy/.../israel-vinculo-a-rohani-con...
)
En 2008, le chancelier argentin Héctor
Timerman fut envoyé par la présidente
Cristina Fernandez transmettre le
message suivant à John Negroponte: "tôt
où tard, vous allez devoir mettre en
route un processus de paix avec les
Perses; nous les Argentins allons vous
donner un coup de main pour ce faire,
avec l'enquête autour de l'attentat
contre l'AMIA". Il l'a redit à Hillary
Clinton, puis à Kerry. Et les arguments
argentins de poids, pour que les US
effectuent un virage de bord impliquant
une redéfinition de toute leur politique
au Levant, il les tirait de la guerre de
1982. Et en septembre dernier, la
présidente argentine, lors du sommet de
l'ONU qui a vu s'élever la clameur
internationale contre l'agression de la
Syrie, s'est entretenue avec Obama en
privé.
Leçons
militaires d'Argentine
Il se trouve que l'Argentine peut se
targuer de succès militaires
considérables sur la Grande Bretagne
lors de la guerre des Malouines, en
1982. C'est l'analyse fine de cette
brève guerre qui a donné son essor
original à la réflexion géopolitique des
Argentins.(2)
L'Angleterre s'était retrouvée paralysée
face aux missiles Exocet lancés par les
Argentins. Cette situation les deux
parties l'avaient vécue lors de la
bataille de Punta Quebracho, en 1846. On
se souvient du dénouement: le président
Mitterrand vola au secours des Anglais,
en ne livrant pas tous les missiles
promis aux Argentins, et en donnant les
codes secrets des Exocets aux Anglais.
Une demi douzaine de ces missiles
avaient suffi à faire des ravages, une
douzaine de plus aurait fait basculer
les ex-Falklands dans le giron de
l'Argentine. (BBC News - How France
helped both sides in the Falklands War
http://www.bbc.co.uk/news/magazine-17256975
Tout cela a été étudié par l'amiral
Fallon, ainsi que par Sandy Woodward,
chef de la flotte britannique en 1982.
La trahison française a été complétée
par la trahison du gouvernement
militaire argentin, qui avait lancé la
mobilisation contre l'Angleterre autour
des Malouines pour flatter le sentiment
national populaire, mais eut peur de ne
pas pouvoir maîtriser l'incendie qu'elle
allumait. Le journaliste Alejandro
Fantino et le rapport Rattenbach, rédigé
par le pilote de combat Moro, Virginia
Gamba et Federico Bernal, publié par
Tiempo Argentino, en ont apporté la
démonstration. Le général Galtieri avait
refusé le soutien des Russes et des
voisins latino-américains, avec cette
argumentation à mots couverts: " pas
d'aide russe pour la défense de la
nation, parce que nous nous
retrouverions infectés par le
communisme. Et nous voulons encore moins
des Mirage péruviens, parce que nous
sommes des Européens [en ce sens qu'ils
sont plus blancs que le reste de
l'Amérique] et notre maître à penser
Sarmiento se retournerait dans sa tombe
si nous acceptions de nous battre aux
côté de ces indigènes du Pérou."
En effet, sur le terrain, les soldats
argentins faisaient preuve d'héroïsme et
réalisaient des miracles, comme ils
l'avaient fait, contre le même
agresseur, en 1763, en 1806, en 1807,
1844 et 1846. Mais l'État major,
nullement motivé pour arracher une
victoire qui aurait été révolutionnaire
et anti-impérialiste, fit un travail de
laquais et d'agent double pour ne pas
affronter le courroux US.
En se préparant à reculons à l'attaque
de la Syrie, Obama n'ignorait pas les
points comparables entre cette épopée et
ce qui l'attendait: un peuple syrien
prêt à mourir en masse, comme les
Cubains en 1962, pour défendre leur
souveraineté nationale. Une direction
syrienne également prête à tout, ayant
noué des alliances solides. Pas de
risque que les Russes trahissent en
retardant la livraison de leurs Onyx; et
les GPS chinois les auraient averti
immédiatement du décollage du moindre
missile américain ou israélien. Les
porte avions US, armes subsoniques comme
les Tomahawks, auraient été coulés par
les armes supersoniques, trois fois plus
rapides que les Tomahawks. Israël, comme
Miami en 1962, y aurait perdu tout de
suite le dixième de sa population. Il
est probable qu'une bonne partie de la
population israélienne pouvant se
targuer d'une deuxième nationalité
aurait pris la poudre d'escampette.
La simulation de cette agression US qui
est restée virtuelle jusqu'à ce jour a
donc eu un côté pédagogique certain. Le
chancelier Timerman, juif pratiquant,
est officiellement considéré comme un
abominable traître à la judéité en
Israël. Mais chacun sait qu'ils sont
partout et nombreux les juifs qui
travaillent pour la paix, c'est à dire
contre le gouvernement israélien et ses
officines terroristes, plus ou moins
ouvertement, selon leurs différents
niveaux de responsabilité. Lors du
discours du président Rohani à l'Onu,
Netanyahu a quitté ostensiblement la
salle, mais un de ses ministres est
resté.
Le lien
avec la politique intérieure des USA
Démocrates et républicains arrivaient à
travailler ensemble, au printemps
dernier, sur la réforme des lois
migratoires, dans un sens modéré. Il
faut insister sur la particularité de
l'immigration la plus nombreuse aux USA,
celle des hispanophones, qui sont aussi
des catholiques, aux valeurs familiales
fortes. Il n'y a aucun obstacle profond
à la fécondation réciproque entre
états-uniens depuis plus d'un siècle, et
nouveaux états-uniens: pas d'interdit
alimentaire chez eux, encore moins
vestimentaire, pas de mémoire de
croisades ou de reconquista; au
contraire, un fort sentiment de leur
américanité commune, malgré tout, malgré
les ravages de l'impérialisme. Une
religion est en pleine expansion aux
USA, et elle vient aussi de l'Amérique
latine: c'est l'animisme caribéen, le
paganisme d'origine africaine qui
intègre le paganisme autochtone de
l'Amérique. Or ce syncrétisme, qui n'est
nullement réservé aux noirs, exige
l'observance et le respect des rites
chrétiens. Avec l'élan de charité
chrétienne donné par le pape François,
et l'écaillement du vernis sioniste des
élites, dont le peuple n'a jamais été
dupe, de nouvelles alliances de forces
populaires deviennent possibles aux USA.
Déjà, l'Obamacare, dont la première
phase est entrée en vigueur le 1er
octobre, remporte un énorme succès,
c'est bon signe... (http://www.tdg.ch/economie/shutdown-obamacare-cartonne/story/12976893/print.html)
Souhaitons au président Obama de
continuer à écouter le camp de la paix,
le camp des pauvres, et de pouvoir
continuer à travailler dans le camp...
des Argentins. L'Argentine a vécu le
défaut de paiement, et s'en est remise.
Et elle donne l'exemple de la
possibilité de travailler avec l'Iran
sur un sujet qui met à nu le terrorisme
israélien sous faux-drapeau. Les
Américains aussi ont connu des attentats
meurtriers où ils ont vu les Israéliens
falsifier des preuves, détourner des
enquêtes, corrompre des magistrats,
assassiner des témoins gênants et
protéger leurs agents démasqués, en
incontestables complices de crimes
utilisés comme contexte émotionnel
indispensable pour permettre l'invasion
et la destruction de l'Iraq et de
l'Afghanistan, en prélude à celle de la
Syrie et de l'Iran. Ils ont tout intérêt
à en finir avec l'emprise des maffias
sur leurs élus. Ce sentiment s'exprime
jusqu'au sein du FBI, qui "dévoile des
documents troublants" (http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/israel-et-le-11-septembre-2-7-le-100817).
Les guerres d'Indépendance, en Amérique
latine, ont toutes été dépendantes de la
mobilisation noire, en faveur des
séparatistes locaux. C'est le général
Petion, en Haïti, qui, ayant promis le
soutien des Afro-américains à Simon
Bolivar, fit basculer le rapport de
forces en sa faveur, dans chaque pays.
Lorsqu'ils ont pris peur de leur base
noire, et se sont sentis menacés par la
"contagion haïtienne", les état-majors
insurgés sont retombés dans l'orbite
coloniale. Dans la polarisation radicale
qui vient, inéluctable, de nouveau, tant
Obama que son peuple vont devoir
choisir. Les USA peuvent gagner leur
guerre d'indépendance contre Israël à
condition d'épouser massivement leur
pôle noir.
Remarque à toutes fins utiles
Depuis une dizaine d'années, l'Argentine
reconstruit patiemment son armée,
démantelée par le président Menem dans
les années 1990, président qui, partisan
de "rapports charnels" avec les USA,
céda aux pressions israéliennes lors de
l'attentat contre l'AMIA, alors qu'il
n'était nullement dupe de leurs
intromissions, destinées à lui faire
rompre tout lien commercial et
diplomatique avec l'Iran. L'Argentine
fournissait du matériel nucléaire à
Israël, et à l'Iran, depuis l'époque du
Shah... Ses forces terrestres, aériennes
et navales font des exercices conjoints
(coordination qui n'existait pas en
1982!), le recrutement se féminise, le
niveau d'études s'élève, le TIAR a été
remplacé par un système de défense
régionale. Le peuple retrouve confiance
dans son armée, qui de son côté accepte
de reconnaître les crimes de lèse
humanité commis dans les années 1970, et
les impute à ses dirigeants lamentables
de l'époque, les mêmes qui ont sacrifié
pour rien la jeunesse dans les combats
pour les Malouines. Et le gouvernement
de Cristina Fernandez a repris le
programme chaviste dynamique
d'intégration latino-américaine, avec
coopération militaire éventuelle, sans
discrimination des pays moins blancs
qu'eux, au sein de l'UNASUR.
(1) Sur l'affaire des 5 Cubains in
justement emprisonnés pour "complicité
de terrorisme", alors qu'ils luttaient
précisément contre les terroristes
américains de Miami, "il y a des
avancées : la réduction de la peine pour
trois des Cinq, sous la pression de
l’opinion publique internationale, et le
fait que, au mois d’avril de cette
année, la juge ait accepté que René, le
premier des Cinq qui a été libéré,
puisse quand-même retourner à Cuba,
contre l’avis du ministère public. Et
puis il y a la publication récente de
documents démontrant qu’un certain
nombre de pseudo-journalistes étaient
payés par le gouvernement étasunien afin
de manipuler, par le biais de la presse,
l’opinion publique de Miami contre les
Cinq pendant le procès et lorsque les
jurés se penchaient sur leur verdict.
Evidemment, tout cela annule le procès.
La défense a demandé une nouvelle
session, mais la juge réfléchit
toujours"
(http://www.les5.org/toutes-les-news.html).
On espérait, le 10 octobre dernier,
15ème anniversaire de la détention des
6, un nouveau geste. Cuba avait refusé
d'accueillir l'avion d'Edward Snowden,
au mois de juin, en espérant un renvoi
d'ascenseur...
(2) Les réflexions qui suivent
reprennent les dernières informations et
analyses d'Oscar Abudara Bini,
coordonnateur de l'ouvrage:
Malvinización y desmentirización,
Ediciones Fabro, Buenos Aires 2013.
Voir Siria: deflagración sin
conflagración (http://www.plumenclume.net/articles.php?pg=art1492).
Le dossier Amérique latine
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