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RIA Novosti
Bush
au Proche-Orient: entre bad guys et good guys
Maria Appakova
Photo RIA Novosti
9 janvier 2008
Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, le président
américain George W. Bush se rend en Terre Sainte, à savoir en
Israël et sur les territoires relevant de l'Autorité
palestinienne. Il s'était déjà rendu en Israël en 1998, mais
en tant que gouverneur du Texas. Ceci semble étonnant, étant
donné que l'Etat hébreu est l'allié le plus proche des
Etats-Unis au Proche-Orient et que les questions du règlement du
conflit palestino-israélien occupent une place centrale dans la
politique de l'administration américaine. Cependant, il ne s'agit
bien que de la première visite du président George W. Bush dans
la région. Celle-ci aurait sans doute été impossible sans la décision
de reprendre, après une pause de sept ans, les négociations
palestino-israéliennes, décision adoptée lors de la rencontre
internationale d'Annapolis (Etats-Unis).
C'est pour soutenir le processus entamé à Annapolis que M.
Bush s'est rendu au Proche-Orient, bien que ni lui-même ni la
chef de la diplomatie américaine Condoleezza Rice, bien
conscients de la situation réelle dans la région, ne s'attendent
à aucune percée lors de ce voyage.
Un autre objectif de la visite de George Bush au Proche-Orient
consiste à examiner les mesures à prendre pour faire face aux
"ambitions agressives" de l'Iran, considéré tant aux
Etats-Unis qu'en Israël comme la menace la plus importante pesant
sur la région. La question iranienne sera au centre des
discussions lors de la seconde partie de la tournée
proche-orientale du président américain, qui se déroule du 9 au
16 janvier. Outre Israël et la Palestine, George W. Bush se
rendra en visite au Koweït, à Bahrein, aux Emirats arabes unis,
en Arabie saoudite et en Egypte. Mais l'itinéraire pourrait être
modifié. Le président américain pourrait se rendre également
en Irak, bien que certains médias aient supposé qu'il puisse
effectuer un déplacement plutôt au Liban. Or, ceci ne serait pas
raisonnable, car cela risquerait d'aggraver la situation dans le
pays à la veille d'une nouvelle tentative pour élire un président.
D'ailleurs, la visite du président américain au Proche-Orient
semble de toute façon très loin de pouvoir apaiser la situation
dans la région.
La tournée a été précédée d'une provocation orchestrée
dans le détroit d'Ormuz. Des navires iraniens ont entouré des bâtiments
de la Marine américaine et leur ont proféré des menaces par
radio. L'un des capitaines américains a décidé d'ouvrir le feu
mais à ce moment, les Iraniens ont rebroussé chemin. Encore
quelques minutes, et un conflit armé entre les Etats-Unis et
l'Iran, dont la possibilité a été constamment évoquée depuis
l'arrivée au pouvoir de George Bush, aurait pu éclater.
L'attentat contre les soldats de la paix des Nations unies au
Liban, s'il ne peut être considéré comme une provocation
directe, a tout de même été une mauvaise surprise pour le président
américain, tout comme les tirs de roquettes effectués depuis le
territoire libanais contre la région frontalière d'Israël. Si
les conséquences de ces attaques avaient été plus sérieuses,
le statut quo à la frontière israélo-libanaise, rétabli après
la guerre avec tant de difficultés, en été 2006, aurait été
troublé et la visite de George Bush sapée. Le gouvernement israélien
aurait eu d'autres chats à fouetter que de mener des négociations
avec les Palestiniens. Mais même sans ces provocations, le règlement
du conflit au Proche-Orient risque d'être interrompu à tout
moment.
Presque six semaines ont passé depuis la rencontre
d'Annapolis, mais Palestiniens et Israéliens n'ont toujours pas dépassé
le stade des griefs réciproques. Les discussions les plus
houleuses ont porté sur les projets israéliens concernant la
construction d'immeubles sur les territoires occupés, à savoir
dans les colonies juives en Cisjordanie et dans les quartiers est
de Jérusalem. Essayant de surmonter la crise, le premier ministre
israélien Ehud Olmert a ordonné la suspension de la mise en
oeuvre de ces projets en Cisjordanie, sans pour autant geler les
projets de construction à Jérusalem-Est. Au cours de la visite
de George W. Bush, Israël devrait annoncer de nouvelles
concessions en matière de politique "coloniale",
confirmant notamment son engagement à démonter les colonies
juives illégales.
Mais ceci ne suffira pas à régler le problème, la discussion
principale portant sur la légitimité des constructions supplémentaires
dans les colonies déjà existantes et non pas sur la construction
de nouvelles colonies et régions. Les Israéliens considèrent
ceci comme une "croissance naturelle" et les
Palestiniens, comme une "consécration de l'occupation
". George W. Bush n'est sans doute pas à même de régler
ce différend. La seule chose qu'il puisse faire est d'encourager
sans cesse les deux parties à poursuivre les négociations malgré
leurs divergences. Personne ne sait comment il pourrait y
parvenir, étant donné que de nouvelles "nuances",
telles que la construction de nouveaux logements dans les
colonies, ne cessent d'apparaître. Mais quoi qu'il en soit, les négociations
se poursuivent, même après le lancement par Israël d'une opération
militaire dans la bande de Gaza, en réponse aux tirs toujours
plus fréquents contre le territoire israélien effectués par les
militants du Hamas.
La décision d'Ehud Olmert et du président palestinien,
Mahmoud Abbas, de charger leurs équipes de négociateurs
d'entamer tout de même des discussions directes et continues sur
l'ensemble des questions relatives au règlement du conflit
palestino-israélien, adoptée à la veille de l'arrivée du président
américain, a été sans aucun doute un cadeau agréable pour
George Bush. Quant à la façon dont cette décision sera mise en
oeuvre, c'est un autre problème.
Le paradoxe, et le principal problème, réside dans le fait
que la visite de George Bush au Proche-Orient, tout comme
d'ailleurs l'ensemble de sa politique dans cette région, en
encourageant le rapprochement extérieur d'Israël avec la
Palestine et certains pays arabes, aggrave dans le même temps la
scission générale au sein du monde islamique. L'exemple
palestinien, qui voit les Israéliens mener des négociations avec
Mahmoud Abbas tout en faisant la guerre au Hamas, alors que ces
derniers alternent indéfiniment entre guerre et tentatives de
s'entendre, ce n'est qu'une partie du tableau général. La
situation est analogue au Liban, en Irak et, potentiellement,
partout au Proche-Orient, y compris en ce qui concerne les
relations des pays arabes avec l'Iran.
Evidemment, les Etats-Unis n'en sont pas les seuls
responsables, mais l'aspiration quasi maniaque de George W. Bush
à diviser le monde en "bad guys" et "good
guys" y a certainement joué son rôle. Cette dernière tournée
ne fait que tirer le rideau sur toute sa politique
proche-orientale, entamée en 2002 par la proclamation de
"l'axe du mal" (qui incluait alors la Corée du Nord,
l'Irak et l'Iran).
La bataille qui se déroule au Proche-Orient est plus qu'une
confrontation armée, c'est une lutte idéologique dans laquelle
les forces de la terreur et de la mort sont opposées aux dizaines
de millions de gens simples qui souhaitent que leurs enfants aient
une vie libre et paisible. L'avenir du Proche-Orient et la sécurité
des Etats-Unis dépendent des résultats de cette lutte, a précisé
George Bush en expliquant aux Américains l'importance de sa
visite. Il est difficile de contester ces propos, mais il y a un "mais":
au Proche-Orient, il n'y a pas de frontières précises, ni sur
les cartes, ni entre "bad guys" et "good
guys". C'est une chose que le président Bush ne semble pas
prendre en compte.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA
Novosti
Publié le 10 janvier
2008
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