La mondialisation de la théopolitique
Les peuples
ont-ils accès à la vérité politique ?
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Lundi 28 décembre 2009
Préambule
Dans mon
texte précédent
(Attention,
ce dialogue est piégé: il met en scène les enjeux
anthropologiques de la laïcité française - Périclès, Protagoras,
Socrate,
21 décembre 2009)
j'ai traité des relations de la raison avec les religions. En
cette fin d'année, il est utile que je laisse en ligne jusqu'au
10 janvier une réflexion sur les relations des démocraties avec
l'action politique, de la morale avec les Etats et de l'esprit
avec l'Histoire aux yeux du lecteur.
*
Ce mois de décembre 2009 aura permis à
l'anthropologie critique de franchir un grand pas vers
l'unification de sa problématique et de son axiomatique.
Depuis mars 2001, je tente de déplacer le pôle central de la
réflexion sur la géopolitique et de focaliser l'attention
critique sur une science historique dont les analyses
intègreraient la "théopolitique" dans son matériau
anthropologique, parce que si une discipline expérimentale de ce
type ne portait pas de regard sur l'encéphale d'une espèce
viscéralement rêveuse , elle ne conduirait pas au scannage des
mythes religieux et demeurerait frappée d'une cécité native et
sans remède.
L'élaboration théorique d'une simianthropologie générale en
mesure de réinterpréter l'histoire de la philosophie et de la
littérature à l'école d'un décryptage de signes et des
signifiants que sécrète le cerveau dichotomisé des évadés
partiels de la zoologie m'a occupé de 1990 à 2000. Puis, le 11
septembre 2001 m'a permis de vérifier mon hypothèse initiale
selon laquelle l'histoire événementielle viendrait d'elle-même
confirmer ou réfuter mes travaux sur la notion d'intelligibilité
dont le savoir simiohumain s'alimente et sur le sens du verbe
comprendre : il suffisait de laisser l'accélérateur de
particules qu'on appelle Clio remplir son office pour que la
méthode historique classique découvrît la pauvreté de son
"Connais-toi".
Depuis neuf ans, j'ai présenté sur quelque sept mille pages et
plus de quatre cent cinquante "narrations" environ deux
cents évènements internationaux soutenus dans l'atmosphère par
les câbles d'une anthropologie ou d'une simianthropologie.
Cependant, l'attribution du prix Nobel de la Paix, donc des
songes, de l'éthique et de la justice du monde d'hier et
d'aujourd'hui et de demain à un jeune chef d'Etat élu quelques
mois plus tôt à la présidence de la plus puissante démocratie du
monde était un cadeau du destin tellement inespéré que je dois
m'expliquer davantage sur cet ultime tournant de la méthodologie
qui pilotait les récitatifs classiques . Car, de son côté, Rome
pratique depuis des siècles l'art de gérer le mythe chrétien
sous la meule du temporel ; mais jamais le Saint Siège ne s'est
avisé de rédiger, à l'usage des chefs d'Etat, des hauts
dignitaires de son clergé et des fidèles les plus instruits de
la planète un traité de casuistique générale de l'administration
des songes de l'humanité aux fins de catéchiser la répartition
pragmatique des compromis et des intransigeances doctrinales
nécessaires à la prospérité et à la consolidation de la foi,
tandis que M. Barack Obama s'est lancé dans une explicitation
des devoirs respectifs du mythe démocratique dans le ciel de la
Liberté et des responsabilités de l'homme politique sur la
terre.
Comme il n'y a pas de science plus abyssale de l'homme et de son
histoire que celle qui radiographierait l'organe biphasé dont
notre évolution a doté notre espèce et qui frappe de plein fouet
notre destin et tous nos savoirs - nous l'appelons un encéphale
- j'ai estimé que les circonstances qui ont permis, au cours de
ce mois de décembre 2009, de faire progresser l'anthropologie
critique à l'école de la théopolitique mondiale.
Certes, c'est fortuitement que la gestion planétaire de la
religion dite "des droits de l'homme" a été remise entre
les mains d'un homme de quarante sept ans; et cet événement
inattendu a également donné tout son sens anthropologique à la
diplomatie infantile de la France à l'égard de l'islam et du
Vatican. Jamais la pauvreté intellectuelle de la laïcité
française n'aura été plus tragiquement illustrée. Mais, dans le
même temps, jamais le pacte d'alliance que la future raison
politique de l'Occident scellera avec l'éthique internationale
n'aura été mise davantage en évidence. Aussi l'heure est-elle
propice pour préciser le degré d'unification théorique et de
synthèse méthodologique dont dispose l'anthropologie critique
d'aujourd'hui et d'évoquer les promesses et les modestes
contributions de cette discipline à l'enfantement d'un humanisme
en attente d'un approfondissement de son éthique.
*
1 -
Le clergé de la démocratie
2 -
La casuistique du monde
3 -
Les évangiles de la torture
4 -
Guantanamo
5 -
La frousse diplomatique de l'Europe
6 -
Le trafic moderne des indulgences
7-
L'Europe et Israël
8 -
L'imagination théologique du Président de la République
française
9 -
Les embarras d'un roi arabe
10
- Un roi arabe fort lettré
11
- Le retour à l'échiquier électoral
12
- L'avenir philosophique de la laïcité
13
- Et Jahvé?
14
- L'Europe de l'éthique du monde
1 - Le clergé de la
démocratie
Les idéalités de
la démocratie font-elles mentir les républiques modernes aussi
pieusement que les Eglises d'autrefois ? Seul le modèle des
dévotions publiques émigre-t-il d'un mythe du salut à l'autre?
Si la religion de la Liberté n'a fait que changer de masque
vertueux à la politique dont les siècles de la sainteté
affichaient les parures et les rutilances, faut-il en conclure
que la divulgation retentissante des affaires publiques dont
bénéficient les peuples d'aujourd'hui ne leur permet pas pour
autant de porter un regard plus perçant qu'autrefois sur l'abîme
qui sépare le langage évangélisant des démocraties rédemptrices
de leur comportement réel sur le champ de bataille où l'histoire
universelle modifie seulement sa vêture?
On
sait que les trois idoles qualifiées d'uniques par un évident
abus de langage, et surtout celle des chrétiens, enrichissaient
un clergé aussi abondant que puissant et que les légions de la
foi prospéraient de prêcher aux masses les hautes vertus de la
pauvreté. On appelait "bénéfices ecclésiastiques" les
prébendes que l'Eglise versait sur cette terre aux dignitaires
d'un ciel dont les dorures et la pourpre éblouissaient les
fidèles. Mais Helmut Schmidt, ancien Chancelier d'Allemagne,
souligne dans ses Mémoires que ce sont maintenant
les représentants du peuple souverain des Germains qui roulent
carrosse et dont la pompe coûte les yeux de la tête aux
paroissiens de la démocratie.
Naturellement, il
existe des députés aussi évangéliques à l'égard des ouailles du
suffrage universel que certains prêtres d'autrefois à l'égard
des brebis du Seigneur broutant dans l'enclos de leurs diocèses.
Mais si nous comparons le discours pastoral des grands Pontifes
de la Démocratie universelle d'aujourd'hui avec ceux des papes
du Moyen Age et même de la Renaissance, nous observerons des
similitudes et des différences de tonalité et de contenu non
négligeables dans l'art et la manière de cacher la vérité
politique aux héritiers de la Révolution de 1789.
2 - La casuistique du monde
Prenez le discours que M. Barack Obama a prononcé à Oslo le 11
décembre 2009 à l'occasion du dépôt solennel sur sa tête de la
couronne de papier doré chargée de symboliser son combat pour la
paix dans le monde. Ce parchemin a-t-il lésé le pouvoir temporel
de l'Eglise de la Liberté ou bien l'a-t-il, au contraire,
augmenté au profit de "la seule super puissance militaire du
monde", comme nous l'a rappelé d'emblée le récipiendaire,
celle qui "portera toujours la voix des aspirations
universelles de l'humanité", comme Rome faisait entendre
hier les cloches du salut et de la rédemption de notre espèce
sur toute la terre?
Si, de tous temps, la religion a géré les masques sacrés sous
lesquels se cache un prédateur-né, on comprend que le pape
transitoire de la Démocratie mondiale affichera la même humilité
sur ses arpents que le souverain pontife romain sur les siens,
parce que tous deux ne sont jamais que des vicaires de passage
du ciel dont ils administrent les lopins sur la terre. Mais
comment préciser le mode d'emploi d'un mythe démocratique tombé
entre les mains des Etats? Imagine-t-on un Saint Siège qui
préciserait les modalités d'application des évangiles sur le
terrain? M. Barack Obama en revanche, s'est trouvé contraint par
le protocole d'Oslo, de se livrer à l'exercice théologique le
plus périlleux du monde : il lui a fallu se proclamer le "commandant
en chef d'une nation engagée dans deux guerres", ce qui a
rendu sa tiare d'apôtre aussi difficile à sacraliser au nom de
la Liberté que les Croisades au nom de la foi chrétienne.
Cependant la modestie religieuse sera de même nature chez les
chefs de ces deux Eglises jumelles, tellement leurs "exercices
spirituels" dédoublés s'engagent dans des périls parallèles:
"Je reçois cet honneur avec une grande humilité", dira le
chef du mythe démocratique. Mais comment glorifier des guerriers
de la Liberté sans peur et sans reproche si leurs légions
obéissent au commandement d'un chef d'Etat à l'apostolat douteux
du seul fait que son Eglise l'aura contraint de protéger et de
défendre son pays avant tout autre? Comment universaliser le
serment qu'il aura prononcé devant un autel tout local de la
Justice et du Droit - celui que seul l'Occident démocratique
sera censé incarner? Certes, M. Obama, sachant, dit-il "que
le Mal persiste dans le monde", va le combattre les armes de
la sainteté démocratique à la main; mais la guerre sera "parfois
nécessaire" et la cruauté "moralement justifiée" de
sorte qu'il se déclarera "responsable de l'envoi de milliers
de jeunes Américains sur un champ de bataille lointain où
certains d'entre eux tueront, d'autres seront tués".
Décidément, les prés verdoyants de la vérité évangélique ne
mettent pas le théologien du mythe démocratique à la fête. Il
est jésuitique de diriger une Eglise si l'on reconnaît non
seulement "qu'il y aura toujours des guerres", mais si
l'on proclame de surcroît qu'"en tant que chef d'Etat",
on se réserve, comme le Général de la Compagnie de Jésus, "le
droit d'agir unilatéralement si cela se révèle nécessaire",
et si la distinction que font les casuistes de la démocratie
mondiale entre les intérêts diplomatiques de l'Hercule du monde
et ceux de la sainte parole de la Liberté est un sceptre aux
mains d'un tribunal aussi nécessairement juge et partie que
celui de l'Insuisition de l'Eglise du Moyen Age?
C'est pourquoi M.
Barack Obama a beau faire valoir le plus discrètement possible
la puissance guerrière du glaive saintement apostolique du
Pentagone, son investiture par la conscience morale universelle
n'en mérite pas moins une spectrographie simianthropologique
minutieuse.
3 - Les évangiles de la torture
Le
Saint Siège disposait d'un chapeautage évangélique d'une étoffe
plus épaisse et plus solide que celle, désespérément mince et
diaphane dont les béatitudes démocratiques de la planète
d'aujourd'hui présentent le tissu. Quand M. Barack Obama feint
de croire qu'au Moyen Orient le "conflit entre les arabes et
les juifs semble se durcir", parce que ces communautés
censées se trouver égales en légitimité face à une communauté
internationale réputée unanimement objective, ces communautés,
dis-je, craindraient, dit-il, de perdre "ce qu'elles
chérissent le plus dans leur identité particulière, leur race,
leur tribu, leur religion", et quand il ne dit mot ni de la
conquête de la Cisjordanie, ni du blocus de Gaza, et quand il
affecte de croire que le fantôme de la bombe iranienne réduirait
celle d'Israël à une ombre, et quand il met la planète entière
au service du chantage d'Israël à l'égard de la démocratie
mondiale, sait-il seulement que le double attelage théologique
et machiavélien de la politique mondiale étale davantage ses
contradictions internes à tous les regards que l'Eglise de
l'Inquisition et des Croisades et que le jury de l'Académie du
Nobel de la paix, qui siège à Oslo depuis 1905 a offert à la
simianthropologie moderne un champ d'observation et d'analyse
éloquent des secrets théopolitiques de l'histoire?
4 -
Guantanamo
Et puis, les
évangiles avaient contraint le Vatican à confier les instruments
de torture de l'époque à la seule possession des Etats. On sait
que les juges du tribunal de la Sainte Inquisition se
contentaient de diagnostiquer, le cœur sur la main, les péchés
capitaux et en premier lieu, le péché d'hérésie, lequel, en cas
d'obstination diabolique des relaps et renégats, méritait la
mise à mort des coupables par crémation publique sur les bûchers
de la charité - exécution assortie de l'arrachement coutumier de
la langue du blasphémateur. Mais M. Barack Obama, lui, tient
entre ses mains à la fois le sceptre de la vérité messianique et
doctrinale que brandit l'empire du Nouveau Monde et celui des
offenses à sa puissance temporelle.
Comment, dans ces conditions, M. Barack Obama a-t-il pu annoncer
à la planète des démocraties sa décision de fermer le centre de
torture de Guantanamo? "Quand la force s'avère nécessaire,
nous avons un intérêt moral et stratégique à
respecter strictement certaines règles de conduite. Et même
lorsque nous sommes face à face avec un adversaire féroce et qui
n'obéit à aucune règle, je pense que les États-Unis d'Amérique
doivent demeurer le porte-étendard des principes de la guerre.
C'est cela qui nous distingue de ceux contre lesquels nous
luttons. C'est cela la source de notre force. C'est pourquoi
j'ai interdit la torture. C'est pourquoi j'ai ordonné la
fermeture de la prison à Guantanamo Bay. Et c'est pourquoi j'ai
réaffirmé la détermination des États-Unis de respecter les
Conventions de Genève. Nous perdons notre âme lorsque nous
transigeons avec les idéaux pour lesquels nous nous battons. Et
nous honorons ces idéaux si nous les respectons non seulement
quand il est facile de le faire, mais aussi quand ce ne l'est
pas."
La scission entre
les offrandes au ciel de la Liberté et les sacrifices aux lois
de ce monde trouvent ici une illustration saisissante. Pourquoi
Le Monde et d'autres journaux français ont-ils purement et
simplement supprimé ce passage hautement évangélique dans la
traduction officielle du discours du Prix Nobel de la Paix par
le Département d'Etat? Parce qu'il s'agit d'une contrevérité
pure et simple : M. Barack Obama n'a pas fermé le centre de
tortures de Guantanamo. C'est pourquoi la presse de l'hexagone a
jugé décent de passer diplomatiquement sous silence le premier
des trois reniements du saint Pierre de la démocratie avant que
le coq de la Liberté eût chanté.
Non seulement M. Barack Obama s'est contenté de donner au
gouvernement fédéral l'ordre d'acheter un vieux centre
pénitentiaire désaffecté dans l'Illinois, le Thomson
Correctionnal Center, sis dans une zone rurale à deux cents
kilomètres environ à l'ouest de Chicago et dont la réfection
prendra longtemps, mais il n'a pas obtenu du Congrès que
l'Illinois fût autorisé à emprisonner sur son sol des détenus
qui n'auront pas été préalablement torturés et jugés à
Guantanamo.
C'est pourquoi M. Greg Craig, que la Maison Blanche avait chargé
d'une mission sans doute trop désespérément évangélique, s'est
vu contraint de démissionner, faute que le parti républicain et
une grande partie de l'opinion publique américaine l'eussent
autorisé à conduire à bien une tâche anti patriotique aux yeux
des dévots de la Liberté. Mais Rome n'a-t-elle pas connu la même
scission interne? Si l'on ne brûlait pas force Albigeois
coupables de continence impie, l'humanité n'allait-elle pas
périr pour cause de chasteté excessive? Si l'on niait la
présence physique de la chair à dévorer et du sang à boire de la
victime exposée sur l'autel du salut par la torture, les fidèles
de l'hémoglobine sacrificielle se contenteraient-ils d'une
religion qu'ils jugeront infirme , puisque, disent encore de nos
jours tous les théologiens romains, la foi des chrétiens se
trouverait frustrée du "vrai et réel sacrifice" qu'ils
demandent à cor et à cri depuis vingt siècles? Dès lors, disait
la Lettre aux Hébreux, qu'il n'y a pas de
sacrifice sans hématies dégoulinant des offertoires, les sacres
de la torture se présentent toujours en défendeurs ardents du
salut public. Comment évangéliser le sang dont l'autel des
démocraties doit se trouver aspergé si la crucifixion moderne
est jugée indispensable à la survie politique des peuples et des
nations de la Liberté?
5 - La
frousse diplomatique de l'Europe
Aussi M. Barack Obama a-t-il repris à son compte l'antique
théologie de la "guerre juste" - mais nul n'ignore que
l'invasion de l'Afghanistan n'a rien d'une guerre juste : il
s'agit seulement, pour le Pentagone, de tirer avantage de ce que
M. Ben Laden était censé s'y cacher pour tenter de remettre sur
ses rails le projet de pipe line rejeté par le précédent
gouvernement d'un Etat plus étendu que la France. Restait le
bouclier anti-missile saintement installé en Pologne par G. W.
Bush et dont le retrait paraît redorer le blason du lauréat de
la paix. Hélas, ici encore, impossible de sacraliser à la fois
la volonté d'expansion guerrière qui commande tous les empires
du monde et qui leur est innée depuis les origines et, dans le
même temps, la proclamer pécheresse : la guerre survivra
fatalement, hélas, à toutes les tentatives d'en humaniser les
boucheries. M. Barack Obama reconnaît qu'"à l'aube de
l'histoire, la moralité de la guerre n'était pas mise en doute ;
c'était un simple fait, comme la sécheresse ou la maladie,
c'était la façon dont les tribus, puis les civilisations
recherchaient la puissance et réglaient leurs différends."
Encore et toujours, c'est donc au nom de la religion de la
justice et de la Liberté que l'Europe d'aujourd'hui se trouve
placée entre "sacrum et saxum" - "entre l'autel et le
couteau", alors que seule la fiction s'en trouve sauvegardée
par le maintien sur son territoire de quatre cent cinquante
garnisons inutilement armées jusqu'aux dents. C'est également
pour cette raison qu'un empire en marche ne saurait confesser ni
à son opinion publique, ni à l'opinion mondiale, que l'OTAN
demeure le bras armé d'un Pentagone devenu symbolique en Europe,
mais qui n'en occupe pas moins physiquement le Vieux Continent.
On sait que cette domination militaro-religieuse voudrait placer
pour l'éternité notre civilisation sous le commandement d'un
général américain et que cet assujettissement
physico-théologique ne prendra fin qu'avec l'effondrement des
forces armées de la nouvelle Rome.
Certes, les vassaux de l'empire ont récemment quelque peu
rechigné; certes, pour la première fois, ils ont paru tenter de
s'opposer à la marche des légions américaines jusqu'à la Pologne
et à la Tchéquie. Mais voyez la discrétion des vaincus, voyez
leur peur et leur timidité : ils ont seulement montré quelque
appréhension discrète, ont-ils confessé , de "fâcher la
Russie", qui avait le mauvais goût de ne pas applaudir à
tout rompre la progression jusqu'à ses frontières de l'Europe
asservie.
La provocation
était de taille ; afin d'assurer la marche triomphale de la
bannière des légions sous le drapeau de l'Europe en livrée,
Washington était allé jusqu'à conclure un pacte armé avec la
Pologne, et cela bien que ce pays fût membre de l'alliance des
anges de la paix qu'on appelle l'OTAN. C'était rappeler avec
vigueur à Paris, à Berlin et à Londres que ces capitales
autrefois souveraines et puissantes avaient renoncé aux
prérogatives que tous les Etats dignes de cette appellation
inscrivent dans leur Constitution et qu'il n'y avait pas lieu de
revenir sur l'abandon définitif de leur rang et de leur dignité
d'autrefois.
6 - Le trafic moderne des indulgences
Mais pourquoi M. Barack Obama a-t-il ensuite unilatéralement
décidé de retirer ce bouclier, pourquoi l'a-t-il jugé encombrant
pour le Département d'Etat et, de surcroît, menacé de ridicule
diplomatique si la "seule superpuissance militaire du monde"
voyait se vider l'escarcelle qui lui avait permis d'entretenir
artificiellement et depuis soixante-cinq ans son apostolat
militaire sur toute la surface du globe et si l'Eglise de la
Démocratie mondiale voyait s'épuiser le gigantesque trésor du
trafic des indulgences qui alimentait les finances du Dieu
Liberté après avoir évangélisé celles du Dieu précédent ? La
cassette magique des promesses posthumes du christianisme était
demeurée pleine bien plus longtemps que la caverne d'Ali Baba de
Bretton Wood.
Washington s'était imaginé que la Russie le remercierait
chaudement d'avoir bien voulu renoncer au matamorisme d'un mythe
démocratique en perdition. Aussi n'y avait-il pas une once de
vocation apostolique de l'Eglise de la Liberté dans le recul
stratégique de Pologne: seul l'intérêt supérieur d'un empire
proche de l'épuisement commandait un geste face à la Chine,
l'Inde, l'Afrique et toute l'Amérique du Sud, qui préparent
l'avènement d'une autre pôle de la puissance politique mondiale.
Le naufrage était si proche que l'heure avait sonné de tenter de
"dialoguer" avec les puissances encore qualifiées de "régionales".
7-
L'Europe et Israël
Mais un nouvel obstacle se dressait devant un empire américain
désormais à la dérive . D'un côté, M. Barack Obama était fort
insuffisamment informé de ce que nous appartenons à une espèce
dichotomisée de naissance et qui, autrefois masquée sous le
culte de ses idoles, s'avançait aujourd'hui sous les totems
verbaux de sa religion de la Liberté ; de l'autre, toute la
classe politique mondiale était demeurée bien plus ridiculement
ignorante que le Département d'Etat des ressorts qui pilotent
les idéalités rédemptrices depuis le basculement de l'humanité
dans des abstractions sacralisées. Aussi une vulgate idéologique
rudimentaire servait-elle de corps doctrinal et de victuailles
para religieuses à la "démocratie administrative"
planétaire, pour reprendre une expression de Marcel Gauchet.
Mais, par bonheur, nous disposons d'un document public de nature
à illustrer les arcanes anthropologiques du drame.
Tentons de descendre les marches qui nous conduiront dans les
coulisses de la diplomatie théâtrale de la France à l'égard de
Rome, de l'Islam et de Tel Aviv et pour mieux comprendre ce
parcours, constatons que plus d'un siècle d'une République
décérébrée par une laïcité superficielle et dépourvue de toute
connaissance simianthropologique des religions, a conduit la
classe dirigeante de la France à un oubli complet du contenu
théologique le plus élémentaire des trois monothéismes, de sorte
qu'en 2007 le Quai d'Orsay a imaginé de mettre sur pied une
stratégie doctrinale de substitution de la "révélation"
et de la "rédemption" dont les conséquences politiques
sur le terrain allaient conduire la France et l'Europe à un
désastre diplomatique irréparable.
Souvenons-nous en premier lieu de ce que, voyant Washington
s'émanciper quelque peu de l'emprise d'Israël et tenter de
retrouver, du moins partiellement, son influence ancienne dans
le monde arabe, Tel-Aviv s'efforçait maintenant avec l'énergie
du désespoir de gagner le Vieux Continent à son messianisme le
plus originel, afin de poursuivre sous l'égide, cette fois-ci,
de l'héritière épuisée de la civilisation gréco-romaine une
colonisation de la Cisjordanie évidemment décisive pour la
reconquête du "Grand Israël" des temps bibliques. Dans
cet esprit, il s'agissait, pour l'Etat juif de confier à
l'Europe démocratique le rôle de médiatrice et "d'arbitre
objectif" entre Israël et le monde arabe.
Pour seulement
tenter de mener à bien cette coalition, il fallait pour le moins
obtenir la complicité active de la Syrie. Mais le piège était
par trop grossier: Damas avait aussitôt fait valoir que le
Continent né de la victoire de Salamine sur la Perse était
devenu un satellite gnomique d'Israël depuis plus de soixante
ans et qu'il appartenait maintenant à la Turquie d'Allah de se
substituer à une puissance grecque, puis chrétienne devenue
naine sous les aigles des légions de l'étranger. Depuis quelque
mois, la politique d'Ankara était dirigée par un Talleyrand du
Moyen Orient qui avait su tisser des liens étroits entre l'ex
empire ottoman et non seulement Damas, Téhéran, la Chine et la
Russie, mais également avec l'élite politique européenne
d'avant-garde qui refusait de se laisser replacer par la France
dans le sillage d'Israël et de l'Amérique de G. W. Bush. Aussi
l'Europe jouait-elle sa survie sur la scène mondiale: si Israël
parvenait à l'asservir durablement à ses intérêts territoriaux
au détriment du monde musulman tout entier, Paris, Berlin et
Londres se trouvaient marginalisés, puis éliminés pour longtemps
de l'histoire focale de la planète et le Turquie prenait la tête
des retrouvailles de l'Europe avec sa souveraineté.
Aussi
vingt-quatre diplomates allemands en poste dans la région
avaient-ils signé une analyse angoissée de la situation, afin de
tenter de tirer la sonnette d'alarme à Berlin: si l'Allemagne,
écrivaient-ils, ne prenait pas d'urgence ses distances à l'égard
des intérêts locaux et obtus d'Israël, l'Occident tout entier
courait au désastre diplomatique - celui de s'assujettir aux
intérêts d'un Etat minuscule et combattu par une Amérique
redevenue relativement lucide.
Mais, depuis
1945, la démocratie allemande n'avait pas retrouvé une classe
dirigeante au-dessus du médiocre. C'était sans sourciller que
Mme Merkel soutenait encore la thèse poussiéreuse du Pentagone
selon laquelle les vieilles bombes atomiques américaines, mais
entreposées sur le sol allemand par l'étranger depuis 1945
demeuraient indispensables à la défense militaire de l'Allemagne
du début du IIIè millénaire. Naturellement cette chancelière de
transition dans l'histoire de la lente et difficile renaissance
allemande aurait été bien en peine de nommer un adversaire des
Germains de son temps sur la mappemonde de G. W. Bush II et de
M. Barack Obama.
Tel est
l'environnement international dans lequel l'Elysée courait au
désastre diplomatique. Pour en comprendre la nature et la
portée, un bref rappel du soubassement religieux et para
religieux de l'histoire mondiale se révèle nécessaire.
8 - L'imagination théologique du
Président de la République française
Le
monothéisme mondial repose sur la croyance en l'existence dans
l'espace de trois idoles vaporeuses. Leurs doctrines, leurs
catéchismes et leurs cosmologies mythiques demeurent
radicalement incompatibles entre eux. A l'instar de ses deux
compagnons, le Dieu des chrétiens occupe nécessairement une
certaine étendue dans le vide de l'immensité, puisqu'il n'est
pas censé siéger seulement dans les encéphales; mais il est le
seul qui ait fécondé une vierge sans avoir renoncé à son statut
métaphorique, puis le seul à s'être attaché de siècle en siècle
à promouvoir la dignité et les compétences terrestres de sa
progéniture, au point qu'il l'a hissée progressivement au rang
d' égal à la fois mental et physique de son "père" tout ensemble
dans l'univers et dans l'Eglise censée l'incarner. Le Dieu des
musulmans s'appelle Allah. Son prophète, Muhammad, que
l'Occident appelle Mahomet, ne rivalise en rien avec le statut
réservé au créateur insaisissable des galaxies. Son texte révélé
s'appelle le Coran et Muhammad en est le seul auteur. Le Dieu
des Juifs s'appelle Jahvé. Son œuvre littéraire est
considérable. Elle comprend les trente neuf Livres de l'Ancien
Testament, tandis que les écrits sacrés des chrétiens ne
comprennent que quatre évangiles fort brefs, assortis seulement
de quelques Lettres de Saint Paul aux diverses
communautés de fidèles qu'il a fondées et d'un court récit
relatant les Actes des apôtres au cours des
premières années qui ont suivi la crucifixion de leur prophète,
le fils et l'égal de son géniteur cosmique.
Mais il se trouve
que la classe dirigeante française superficiellement
rationalisée par une laïcité au petit pied s'imagine qu'il
existerait une super divinité dont les prérogatives imprécises
réuniraient en sa seule personne les théologies résolument
antinomiques des trois divinités sus dites. Naturellement,
aucune théologie ne saurait formuler la doctrine et les apanages
spécifiques d'un créateur mythique du cosmos dont l'unicité se
révèlerait transcendante à celle de trois théologies rappelées
ci-dessus, qui sont trop en contradiction entre elles pour
jamais réussir à exprimer une vérité doctrinale unifiée. C'est
cette méconnaissance des rudiments doctrinaux des trois
monothéismes qui a conduit M. Nicolas Sarkozy à tenir à Ryad un
discours sur "Dieu" incohérent et inintelligible à la fois aux
musulmans, aux chrétiens et aux juifs, mais typiquement
français, puisque son statut est censé compatible avec une
laïcité réduite à un pur concept et vide de tout contenu
saisissable et formulable. Qui a inventé le "Dieu" des Français,
qui a tenté de faire de Paris le Saint Siège de la Révolution de
1789 dans le monde entier ? Mme Mignon, une jeune conseillère de
l'Elysée à la fois fort pieuse et fort ignorante des théologies
et de leur histoire.
9 - Les embarras d'un roi arabe
La méconnaissance
du contenu doctrinal, donc politique et historique des trois
religions monothéistes était allée jusqu'à faire soutenir à un
Quai d'Orsay égaré par cette conseillère que les sectes
elles-mêmes ne posaient aucun problème ni théologique aux trois
monothéismes, ni politiques à la super science religieuse de la
France laïque et républicaine. Aussi les premiers pas dans
l'histoire mondiale de l'hyper Créateur du Président de la
République française ont-ils révélé à la fois l'inculture
abyssale de la classe dirigeante de la nation de Descartes dans
l'ordre théopolitique et l'inintelligibilité théologique de
cette divinité de confection aux yeux des fidèles des trois
religions du Livre.
Naturellement, on
ne saurait faire un pas dans la science historique mondiale si
l'on ignore le contenu de l'encéphale des idoles et la
signification anthropologique de leurs propositions doctrinales.
Tous les dieux sont des théoriciens chevronnés d'eux-mêmes; et
ils ne jouent jamais leur rôle d'acteurs éternels du cosmos que
par l'intercession d'une cosmologie mythique qui leur appartient
en propre et qui soutient leurs apanages dans le néant, de sorte
que le roi d'Arabie saoudite a été surpris, pour ne pas dire
plus, de ce que M. Sarkozy lui démontrât avec les accents de la
piété républicaine la plus vibrante les vertus aussi grandioses
que vides de tout contenu reconnaissable tant du Dieu de la
Croix que de celui du Coran et des juifs. Comment donner un
substrat politique et catéchétique quelconque au dieu de Mme
Mignon ? Comment adorer une sainteté qui ne saurait que dire à
aucun peuple marchant sur la terre? Comment l'affubler de
surcroît de tout l'appareil d'une Eglise et d'un clergé réputé
omniscient ? Comment faire de Paris le Vatican et le centre
conciliaire du dieu universel de M. Sarkozy?
Mais quand le roi Abdallah eut compris, primo que les
fumigènes d'une foi parisienne censée satisfaire "tout le
monde et son père", comme dit le fabuliste, se ramenaient à
l'encens verbifique d'un œcuménisme privé d'ossature politique,
secundo, que, sous les sabots du cheval de Troie du Dieu
de la potence, le Jahvé d'Israël, se tenait embusqué; tertio
que M. Nicolas Sarkozy, servait sans le dire et peut-être sans
s'en douter l'autel et les intérêts fort temporels, eux, des
fils d'Abraham; quarto , que l'alliance des peuples
riverains de la Méditerranée n'avait d'autre finalité bien
concrète que d'inclure Israël dans un pacte théo-politique
faussement séraphique et d'accorder une place hégémonique à
l'étoile de David dans un consortium théologique à la fois
émacié et griffu, quinto, que M. Sarkozy se prêtait à un
stratagème religieux fondé sur la fusion purement conceptuelle
des trois dieux prétendument uniques et qui ne partageaient que
quelques bribes d'une vieille cosmologie mythique, sexto,
que M. Nicolas Sarkozy ne connaissait pas un traître mot du
contenu cosmologique du trithéisme mondial, septimo,
qu'il était dupé en toute innocence par les rêveries de
patronage d'une dévote française ambitieuse d'unifier la planète
des songes religieux au profit d'une divinité dûment désossée et
mise en charpie, que croyez-vous que fit ce Salomon de l'islam?
10 - Un roi arabe
fort lettré
Imaginons un
instant un roi arabe qui aurait lu Darwin, Freud, Voltaire et
quelques rudiments de la simianthropologie: il aurait alors
expliqué à M. Nicolas Sarkozy l'utilité de connaître quelques
secrets de la vie rêveuse d'une espèce dont ses mythes sacrés
illustrent le délire cérébral.
"Connaissez-vous, lui aurait-il dit, le vers d'Horace:
Quicquid délirant reges, plectuntur Achivi (De tous temps
les petits ont pâti de la sottise des rois)? Remplacez
seulement les rois par les dieux et vous aurez en mains rien de
moins que la clé universelle de l'histoire de l'humanité. Mais
si vous renoncez à servir les trois dieux actuellement censés en
activité dans le vide du cosmos, si vous rejetez leurs
dialecticiens, leurs casuistes, leurs poètes, leurs
mémorialistes, leurs logiciens, leurs biographes, leurs
greffiers, leurs scribes, leurs généalogistes, leurs géographes,
leurs climatologues, leurs secrétaires, leurs historiens, leurs
metteurs en scène, leurs régisseurs et leurs gesticulateurs,
vous les rendrez muets comme des carpes ; et le silence qui
tombera du haut des Pyramides de l'Egypte éternelle fera de
l'humanité le sphinx de l'immensité.
"C'est pourquoi
je vous conseille, Monsieur le Président, de donner un contenu
moral, juridique et cérébral à votre religion à vous, que vous
appelez la Démocratie et dont le Muhammad s'appelle la Liberté,
afin que votre science du ciel de la laïcité vous renseigne
suffisamment sur vous-même et sur la France pour que la
politique que votre nation voudrait inspirer au monde ait en
mains les cartes que vous avez oubliées depuis 1905."
- Voir: Attention, ce dialogue
est piégé: il met en scène les enjeux anthropologiques
de la laïcité française - Périclès, Protagoras, Socrate,
21 décembre 2009
11 - Le
retour à l'échiquier électoral
Quelques mois
plus tard, tous les dirigeants arabes tournaient le dos à
l'alliance rêvée par l'impéritie anthropologico-théologique de
la France de M. Sarkozy. Mais du moins une occasion nouvelle
était-elle donnée au Président de la République d'armer la
laïcité française d'une profondeur philosophique et politique
que le roi d'Arabie lui avait si généreusement souhaitée; car,
par un heureux concours de circonstances, le peuple suisse avait
rejeté le projet d'extension des minarets au pays de Calvin, de
Zwingli, de Luther et de l'armée des théologiens catholiques de
Fribourg, du Valais et du Tessin.
Aussi la naissance du recul intellectuel qu'appelait une
anthropologie critique naissante, donc l'apparition d'une
radiographie capable de se distancier des mythes religieux
aurait-il pu donner à la France un élan cérébral endormi depuis
1905. Mais, naturellement la République de Walt Disney, du
jogging en culottes courtes sur les marches de l'Elysée et du
Fouquet's n'était pas en mesure de prendre acte de cette
régénération en profondeur de la culture humaniste et
philosophique de l'Occident, bien que celle-ci fût à bout de
souffle, faute d'avoir su donner, comme il est dit plus haut, à
la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat la postérité
cérébrale que lui promettaient non seulement les Diderot et les
Voltaire, mais les "rationaux" de la fin du XVIIe siècle.
Comme M. Nicolas Sarkozy ignorait tout de ces mystères, il a
seulement mis encore davantage en évidence la pauvreté
intellectuelle de la laïcité française; et dans cet esprit, il a
ordonné à tous les musulmans du pays d'afficher une "humble
modestie en public".
Quel était l'échiquier politique strictement électoraliste du
chef de l'Etat? D'un côté, il voyait que les Verts enfumés par
M. Cohn Bendit ne présentaient pas un grand péril pour la droite
ils faisaient seulement diversion au profit de l'Elysée, parce
que les rousseauistes modernes débauchaient davantage les voix
de la gauche que celles de la droite. Aussi le vrai danger
venait-il du Front National, qui pouvait paraître incarner une "identité
nationale" dont une laïcité décérébrée et municipalisée
constituait le pilier central.
Un demi siècle
auparavant, les élites politiques de province n'allaient déjà
plus à la messe; mais leurs épouses s'y précipitaient, parce
que, dans les profondeurs, la République n'avait pas encore
rompu avec les traditions de l'autel. En 2009, en revanche, la
vulgate de la laïcité retrouvait une prégnance électorale en
province, parce que trois millions de musulmans tranchaient sur
le reste de la population tant par leurs coutumes cultuelles et
par l'ardeur de leurs prières que par leur sacrifice annuel d'un
mouton à Allah, ce qui avait exigé l' installation d'abattoirs
spécialisés afin d'interdire l' immolation de cet animal à
domicile.
12 - L'avenir
philosophique de la laïcité
Mais,
naturellement, et dans le même temps, la laïcité acéphale de la
France se révélait un garrot diplomatique de de taille sur la
scène internationale, parce qu'Israël se frottait les mains au
spectacle d'un ostracisme au petit pied à l'égard du culte
musulman : quoi de plus efficace, pour diaboliser l'Iran chiite
et pour redonner une crédibilité politique et militaire à la
future bombe nucléaire de Téhéran face à celle de Tel-Aviv,
censée tomber en pâmoison au seul spectacle de sa rivale
persane? Je rappelle que l'imperceptible grain de raison que
Swift avait cru détecter dans l'encéphale des Yahous n'a pas
encore progressé au point que tous les Etats de la planète
eussent compris que deux singes suicidaires se neutralisent
nécessairement l'un l'autre.
Du
coup, la nation de Descartes et de Jean-François de Sales, de
Voltaire et de Péguy, de Diderot et de Claudel croisait au large
de la nouvelle Renaissance, qui aurait enseigné que la "vie
morale" de l'humanité n'avait jamais réellement passé ni par
le canal des religions officialisées ni par les Eglises
institutionnalisées, mais seulement par un approfondissement
progressif de la science des âmes et des cœurs . Le roi
imaginaire que j'ai cité et qui connaissait les proverbes latins
sur le bout des doigts en avait fait l'amère expérience: c'était
bien en vain qu'il avait tenté de réconcilier le Hamas et le
Fatah, c'était bien inutilement qu'il les avait conviés à se
rendre de conserve à La Mecque et de défendre saintement leurs
frères de Palestine au nom d'Allah "le tout puissant et le
miséricordieux". C'est que les trois dieux prétendument
uniques nonobstant leurs profonds désaccords théologiques
disposent de l'intelligence de la politique la plus profonde
dont leurs prophètes sont parvenus à les lester; et il se trouve
que ces prophètes sont, en réalité, des anthropologues de génie.
C'est à ce titre qu'ils donnent à un fantôme des nues un sceptre
et une tête, c'est à ce titre qu'ils dotent l'idole de
l'intelligence la plus pénétrante et de la morale la plus haute
qui se puissent concevoir à telle époque et sur tels arpents
bénits du globe terrestre.
A ce titre, le
Allah qu'adorait le Hamas jouissait de la profondeur du jugement
des grands visionnaires de l'Histoire et de la politique; car il
savait, dans sa sagesse de logicien du ciel des créatures, qu'on
ne saurait priver à jamais un vieux peuple de la terre de ses
ancêtres. Le Allah du Fatah, de son côté, n'était qu'un casuiste
corrompu jusqu'à l'os. Ce nain vous changeait Allah en un
jésuite de l'Islam. Comment Allah se déguiserait-il en
politicien de province à la besace lourde des écus de la
trahison?
13 - Et Jahvé?
Mais si la vie
morale de l'islam généreux passe par le cœur des croyants
souffrants des souffrances de leurs frères, qu'en était-il de la
matière grise et de l'âme Jahvé? Ce guerrier de la première
heure s'était proclamé le roi des glaives d'Israël. Trois
millénaires après ses premiers exploits sur les champs de
bataille, il pouvait dresser le constat que les fidèles de la
Croix et ceux du Coran avaient cadenassé leur âme et que la clé
de leur foi n'était plus que l'acier trempé de leurs rituels et
l'eau tiède de leurs liturgies notariales. Mais il n'est pas de
morale sans cervelle et qui ne scelle une alliance profitable
avec une politique; et il n'est pas de politique privée de la
vocation cérébrale d'approfondir le "Connais-toi" d'un certain
dialecticien qui but la ciguë de la logique à Athènes en 399
avant notre ère .
Quant à la
laïcité, n'était-elle pas née d'une politique intelligente et
son éthique n'était-elle pas fondée sur une alliance mondiale de
la raison et du cœur? Si la France avait le courage de rappeler
à la planète que sa laïcité est philosophique et qu'elle a
vocation de redonner son destin socratique à la philosophie,
cette nation demeurerait la prophétesse du cerveau humain, la
fécondatrice de l'âme du monde et la semeuse du blé de l'esprit.
On
voit quels chemins de la réflexion sur les secrets de la boîte
osseuse des Yahous les relations que les Etats démocratiques
actuels entretiennent avec les peuples endormis et qualifiés de
libres à l'école de leur sommeil contraignent la philosophie
occidentale à emprunter, on voit quelle tournure dangereuse la
notion provisoirement assoupie de laïcité pourrait faire prendre
à la morale politique des dormeurs. Car l'islam de la charia et
le christianisme des cierges et des encensoirs n'appellent ni du
haut des minarets, ni du haut de la chaire des Bourdaloue et des
Bossuet les croyants du "dieu unique" à boire aux sources
ressuscitatives de la vie morale de l'humanité. Quelles
sont-elles? Pourquoi aucune Eglise n'est-elle sortie de sa
catalepsie pour marcher aux cotés des croisés de l'alliance de
la morale avec l'intelligence politique du monde qui a élevé
Gaza au rang de Mecque et de Saint Siège de l'humanité le 27
décembre 2009?
14 - L'Europe de l'éthique du monde
En vérité, le
monde entier vit à l'heure d'un tournant décisif de la réflexion
sur l'alliance de la vie morale de l'humanité avec le tragique
de l'histoire. Car, pour la première fois, la planète tout
entière assiste au spectacle de la disqualification religieuse
ses Eglises et des théologies face à l'assassinat d'un peuple
privé d'Etat et qui demande à la communauté internationale de
lui accorder le statut d'une nation, d'un ciel et d'une voix
souverains. Mais, dans le même temps, quel privilège aux yeux
des prophètes de la raison que le spectacle de l'ubiquité des
images de la mort!
L'immoralité du monde est montée comme jamais sur les planches
du théâtre qu'on appelle l'Histoire! Ni la chute des dieux
antiques, ni la Réforme n'avaient illustré une telle
orchestration de l'alliance avortée de la politique avec la
morale du singe parlant. Trois oracles menteurs, la Liberté, le
Vatican et la Mecque sont entrés en scène. Mais déjà un autre
acteur les pousse dans les reins, le Titan qu'on appelle l'éthique.
Quel sera le rôle de l'Europe et de la France dans cette seconde
Renaissance? Le Continent d'Athéna et d'Ulysse ne veille-t-il
pas sur le berceau le plus précieux de la politique, celui de la
première alliance de la raison avec la morale? Saluons la
nouvelle fontaine d'Aréthuse du "Connais-toi", saluons le
Bethléem du cœur, saluons Gaza, cette tombe et cette source de
l'Europe de l'éthique .
Post-scriptum,
Dimanche 27 décembre 8h20
Le texte
ci-dessus était en ligne lorsque le bulletin météorologique
ci-dessous en provenance de l'observatoire de la politique
internationale est arrivé sur mon ordinateur :
" La marche sur
Gaza conduite par MM. Mandela et Desmond Tutu a été interdite.
"Le petit-fils
de M. Jimmy Carter, prix Nobel de la paix et ancien Président
des Etats-Unis, voulant se faire élire Sénateur a contraint son
grand-père à présenter des excuses à Israël .
"
MM. Moubarak et M. Obama font construire un mur d'acier entre
Gaza et l'Egypte avec la collaboration d'ingénieurs français.
"La radio de
l'hexagone de ce matin a été orchestrée sur la tonalité suivante
: Gaza préparerait sur les tours de Tel-Aviv un attentat sur le
modèle de celui du 11 septembre 2001 sur le World Trade Center.
"
Publié le 28 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez
Les textes de Manuel de Diéguez
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