L'art de la guerre
Syrie : l'Otan
vise le gazoduc
Manlio Dinucci

Mardi 9 octobre
2012
La déclaration de guerre, aujourd’hui,
n’est plus d’usage. Pour faire la guerre
il faut par contre encore trouver un
casus belli. Comme le projectile de
mortier qui, parti de Syrie, a fait 5
victimes en Turquie. Ankara a riposté à
coups de cannons, tandis que le
parlement a autorisé le gouvernement
Erdogan à effectuer des opérations
militaires en Syrie. Un chèque en blanc
pour la guerre, que l’Otan est prête à
encaisser. Le Conseil atlantique a
dénoncé « les actes agressifs du régime
syrien à la frontière sud-orientale de
l’Otan », prêt à déclencher l’article 5
qui engage à assister avec la force
armée le pays membre attaqué. Mais déjà
est en acte le « non-article 5 »
-introduit pendant la guerre contre la Yougoslavie et appliqué
contre l’Afghanistan et
la Libye- qui autorise
des opérations non prévues par l’article
5, en dehors du territoire de
l’Alliance. Eloquentes sont les images
des édifices de Damas et Alep dévastés
par de très puissants explosifs : œuvre
non pas de simples rebelles, mais de
professionnels de la guerre infiltrés.
Environ 200 spécialistes des forces
d’élite britanniques Sas et Sbs
–rapporte le
Daily Star-
opèrent depuis des mois en Syrie,
avec des unités étasuniennes et
françaises. La force de choc est
constituée par un ramassis armé de
groupes islamistes (jusqu’à hier
qualifiés par Washington de terroristes)
provenant d’Afghanistan, Bosnie,
Tchétchénie, Libye et autres pays. Dans
le groupe d’Abou Omar al-Chechen
–rapporte l’envoyé du
Guardian à Alep- les ordres sont
donnés en arabe, ma
is doivent être traduits en
tchétchène, tadjik, turc, en dialecte
saoudien, en urdu, français et quelques
autres langues. Munis de faux passeports
(spécialité de la Cia), les combattants affluent
dans les provinces turques d’Adana et du
Hatay, frontalières de la Syrie, où la Cia a ouvert des centres de
formation militaire. Les armes arrivent
surtout par l’Arabie saoudite et le
Qatar qui, comme en Libye, fournit aussi
des forces spéciales. Le commandement
des opérations se trouve à bord de
navires Otan dans le port
d’Alexandrette. Pendant ce temps,
sur le Mont Cassius, au bord de
la Syrie, l’Otan
construit une nouvelle base d’espionnage
électronique, qui s’ajoute à la base
radar de Kisecik et à celle aérienne d’Incirlik.
A Istanbul a été ouvert un centre de
propagande où des dissidents syriens,
formés par le Département d’état Usa,
confectionnent les nouvelles et les
vidéos qui sont diffusées par des
réseaux satellitaires. La guerre Otan
contre la Syrie est donc déjà en acte,
avec le motif officiel d’aider le pays à
se libérer du régime d’Assad. Comme en
Libye, on a fiché un coin dans les
fractures internes pour provoquer
l’écroulement de l’état, en
instrumentalisant la tragédie dans
laquelle les populations sont emportées.
Le but est le même : Syrie, Iran et Irak
ont signé en juillet 2011 un accord pour
un gazoduc qui, d’ici 2016, devrait
relier le gisement iranien de South
Pars, le plus grand du monde, à la Syrie et ainsi à la Méditerranée. La
Syrie où a été découvert un autre gros
gisement près de Homs, peut devenir un
hub de couloirs énergétiques
alternatifs à ceux qui traversent
la Turquie et à
d’autres parcours, contrôlés par les
compagnies étasuniennes et européennes.
Pour cela on veut la frapper et
l’occuper.
C’est clair, en Turquie, pour les
129 députés (un quart) opposés à la
guerre et pour les milliers de gens qui
ont manifesté avec le slogan « Non à
l’intervention impérialiste en Syrie ».
Pour combien
d’Italiens est-ce clair, au parlement et
dans le pays ?[1]
Edition de mardi 9 octobre 2012 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20121009/manip2pg/14/manip2pz/329867/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[1]
Même question, évidemment, pour
les députés et population
français –et britanniques- qui
participent par leurs impôts
notamment aux opérations
clandestines des forces
spéciales en Syrie, NdT.
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