L'art de
la guerre
Obama : « preuves
» secrètes de la Cia contre Assad
Manlio
Dinucci
Colin
Powell brandit à l'ONU la fiole
d'anthrax censée prouver l'existence des
ADM irakiennes...
Mardi 3 septembre 2013
Le gouvernement syrien a réalisé la pire
attaque chimique de ce siècle : c’est ce
que déclare le président Obama sur la
base de l’enquête de la Communauté
d’intelligence USA, le réseau
tentaculaire de services secrets composé
de 17 organisations fédérales. En
premier lieu
la Cia, bien connue
pour sa rigueur morale et la fiabilité
de ses informations,
comme elle l’a démontré en
organisant les coups d’état les plus
sanguinaires (en Indonésie en 1965, au
Chili en 1973) et en fabriquant en 2003
les preuves (exhibées au Conseil de
sécurité) justifiant la guerre et
l’invasion de l’Irak. Les résultats de
l’enquête sont exposés dans le document
de la maison Blanche
«U.S.
Government Assessment of the Syrian
Government’s
Use of Chemical Weapons on August
21, 2013».
Selon de non mieux identifiées « sources
indépendantes » (genre
MSF, NdT) ce sont les forces
gouvernementales qui ont frappé le 21
août avec des armes chimiques 12
localités de Damas. Inutile cependant de
chercher les preuves dans le document.
Celui-ci n’est qu’un « résumé
déclassifié de ce qui s’est produit ».
Les pages contenant les présumées
preuves sont « classifiées »,
c’est-à-dire gardées secrètes pour
« protéger les sources et les
méthodes ». Elles n’ont de ce fait été
fournies qu’ « au Congrès et aux
partenaires internationaux
fondamentaux » (comme
les monarchies absolues du Golfe qui se
passent très bien de vrais parlements,
NdT). Le gouvernement étasunien,
explique le président Obama, a trouvé
les preuves « sans attendre les
inspecteurs des Nations Unies ». Sans
écouter non plus Carla Del Ponte qui, au
terme d’une enquête ONU, avait attribué
aux « rebelles » l’utilisation d’armes
chimiques. Et en confirmant que le
Conseil de sécurité ne compte pour les
Etats-Unis que quand il donne le feu
vert à leurs guerres (en autorisant
« toutes les mesures nécessaires » comme
cela s’était passé contre la Libye), Obama souligne d’un
ton méprisant : "Je continue
confortablement sans l’approbation d’un
Conseil de sécurité des Nations Unies,
jusqu’à présent paralysé (par
le veto russe annoncé, NdT) et
hésitant à juger Assad responsable"(
I'm comfortable going forward without
the approval of a United Nations
Security Council that, so far, has been
completely paralyzed and unwilling to
hold Assad accountable” ). En
réalité il continue, mais pas si
"confortablement".
Même si la Ligue Arabe (poussée par Kerry)
demande « toutes les mesures
nécessaires » contre Damas, il manque la
participation militaire directe de
certains alliés européens (due surtout à
des difficultés politiques et
économiques intérieures). Cameron veut
« une riposte dure » contre Assad mais a
été recalé par le parlement. Merkel
déclare que « l’attaque chimique ne doit
pas rester impunie » mais elle ne
participe pas à une action militaire.
Letta accuse le gouvernement syrien de
« crime contre l’humanité » et exprime
sa « compréhension » pour une
intervention militaire des USA et de la France, à laquelle le
gouvernement italien ne peut pas
participer sans mandat ONU (même s’il y
participe en aidant les commandements et
les bases étasuniens en Italie à
préparer l’attaque, qualifiée par le
ministre de la Défense Mauro comme
« un signal à Assad, pas une véritable
guerre ». Les doutes et les peurs
augmentent donc, pendant que les
manifestants contre la guerre descendent
dans la rue, devant même la Maison Blanche.
C’est alors que le président Obama se
souvient qu’il est « démocratique », en
annonçant que « pour l’emploi de la
force il demandera l’ « autorisation des
représentants du peuple américain (étasunien,
les représentants des autres peuples
américains, au mieux il les ignore, et
pas que linguistiquement, NdT) au
Congrès. Il prévient cependant qu’il est
prêt à donner à tout moment l’ordre
d’attaquer. « Quel message
donnerons-nous si un dictateur peut
gazer des centaines d’enfants sans être
punis ? » demande Obama.
Un message a déjà été donné par
les Etats-Unis : en tuant des millions
de Vietnamiens, dont de très nombreux
enfants, y compris avec l’Agent orange à
la dioxine qui après la guerre a
continué à provoquer des morts et des
naissances de bébés malformés ; en
faisant des massacres en Irak,
Yougoslavie, Afghanistan et Libye avec
des bombes chimiques au phosphore blanc.
Sans qu’un président des
Etats-Unis n’ait jamais été puni.
Edition de mardi 3 septembre 2013 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130903/manip2pg/14/manip2pz/345293/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Apostille pour la version francophone.
La France
aussi garde le secret sur ses
« preuves » en ne publiant -2 septembre
2013- qu’une « Synthèse
nationale de renseignement déclassifié »
de l’enquête faite par ses services
secrets :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/syrie_synthese_
nationale_de_renseignement_declassifie_02_09_2013.pdf
On lira en particulier dans
l’argumentaire :
« Nous estimons enfin que l’opposition
syrienne n’a pas les capacités de
conduire une opération d’une telle
ampleur avec des agents chimiques. Aucun
groupe appartenant à l'insurrection
syrienne ne détient, à ce stade, la
capacité de stocker et d'utiliser ces
agents, a fortiori dans une proportion
similaire à celle employée dans la nuit
du 21 août 2013 à Damas. Ces groupes
n’ont ni l’expérience ni le savoir-faire
pour les mettre en oeuvre, en
particulier par des vecteurs tels que
ceux utilisés lors de l’attaque du 21
août. »
Sauf à devoir le croire sur
parole, on attend donc de la part du
gouvernement français qui se fonde sur
des
«
sources propres françaises. [Sur]
l’analyse technique approfondie des
sources ouvertes réalisée par nos
services. [Et reprend]
enfin certains éléments complémentaires
recueillis dans le cadre de coopérations
avec nos principaux partenaires »
qu’il nous fournisse la même « synthèse
de renseignement déclassifié » sur « la
nature de l’arsenal chimique, les
vecteurs, la chaîne de commandement et
les responsabilités » de l’autre
élément de sa comparaison : ceux de l'« l’opposition
syrienne » ou des « groupes
appartenant à l'insurrection syrienne ».
Opposition et groupes qu’il connaît
d’autant mieux que c’est lui (avec ses
« principaux partenaires ») qui, d'après La Croix, leur fournit
« munitions, fusils d’assaut,
équipements de visée nocturne, gilets
pare-balles, kits médicaux, matériel de
communication cryptée […] instructeurs
et conseillers ».
(http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Le-nouveau-chef-de-l-opposition-
syrienne-plaide-sa-cause-a-Paris-2013-07-23-989863
)
Le sommaire de Manlio Dinucci
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|