Syrie
Au-delà de
Yarmouk...
Louis Denghien
Soldats à
Damas. Ni à Damas, ni à Alep, les
rebelles n’ont pu remporter de succès
décisif
et durable contre l’armée syrienne :
c’est hors de leur portée.
Et l’issue d’un éventuel affrontement à
Yarmouk n’est pas douteuse…
Jeudi 20 décembre
2012 Il règnerait toujours,
ce matin, un calme précaire – avant la
tempête ? – au camp de réfugiés
palestiniens de Yarmouk, à la limite sud
de l’agglomération damascène. L’armée a
pris position tout autour du camp et il
semble que son intervention depuis le
début des affrontements sur le site se
soit limitée à des raids aériens, les
combats au sol opposant rebelles et
militants palestiniens du FPLP-CG,
favorables au gouvernement. Combats qui
auraient, selon l’OSDH et les médias
mainstream,
auraient permis aux rebelles de
contrôler «
une grande
partie » du camp. Celui-ci aurait
été évacué par les 2/3 de ses résidents
– 100 000 sur 150 000 – qui se se
seraient réfugiés dans des quartiers
avoisinants, et, pour quelques milliers
au Liban. L’armée avait averti les
Palestiniens d’avoir à évacuer Yarmouk,
en prévision des opérations à venir.
Évacuation négociée des rebelles ?
Autre certitude, des
négociations sont en cours depuis au
moins mercredi pour que les rebelles
évacuent Yarmouk. Elles seraient menées
par « des
organisations palestiniennes neutres
» nous dit-on, et auraient pour but un
retrait simultané des ASL et islamistes
et des combattants du FPLP, pour que le
camp soit géré par des personnalités
palestiniennes tout aussi «
neutres«
, qui tiennent Yarmouk en dehors des
combats affectant la banlieue sud de la
capitale.
Il y aurait évidemment à
dire sur cette histoire de «
neutralité
» : les réfugiés palestiniens sont
depuis des dizaines d’années des hôtes
et des obligés de l’État syrien, pas du
Qatar ou de l’Arabie séoudite. Ils sont
devenus de fait des Syriens, qui ne
sauraient donc rester neutres dans ce
conflit, et face à l’action de bandes
armées engagées objectivement dans le
destruction de leur pays d’accueil.
C’est cette logique qui explique
l’engagement des gens du FPLP aux côtés
du gouvernement. Cela dit, pour des
raisons politiques et symboliques
faciles à comprendre, l’État syrien ne
souhaite pas transformer le plus grand
camp palestinien sur son territoire en
une sorte de Bab Amr (du nom du bastion
rebelle de Homs, entièrement ravagé par
des mois d’affrontements).
En tout cas, le fait que
les rebelles aient malgré tout accepté
d’entamer des négociations pour leur
éventuel retrait semble démontrer qu’ils
ne sont pas dans un situation militaire
confortable : selon les estimations
(floues) avancées de part et d’autre,
ils seraient «
plusieurs
centaines« .
C’est peut-être beaucoup et assez pour
s’emparer d’une partie du camp ; c’est
insuffisant face à une contre-attaque
des forces régulières. Or si
l’on en croit le quotidien
gouvernemental al-Watan
(et il n’y a pas de raison, en
l’occurrence, de ne pas le croire),
l’armée continuait, hier et aujourd’hui
«
d’envoyer des renforts aux abords du
camp », précisant que les
militaires ont fermé toutes les routes y
conduisant. Autrement dit, les rebelles
seraient encerclés dans leur conquête.
Toujours
pas de perspectives politiques et
militaires pour l’opposition radicale
Après tout, c’est un
scénario qu’on commence à connaître :
les rebelles, concentrant leurs force
sur un objectif particulier – autour
d’Alep ou autour de Damas – obtiennent
un succès ponctuel, aussitôt largement
médiatisé. Mais ils n’ont généralement
pas les moyens de l’exploiter, d’aller
plus loin. Et non moins généralement,
ils reculent devant la riposte de
l’armée, laissant à chaque fois de
nombreuses plumes dans l’affaire. Et,
bien sûr, en ce qui concerne Damas, ils
ne sont absolument pas en situation
d’inquiéter sérieusement Damas. Mais
Yarmouk, après Harasta ou Darayya, est
là pour faire croire que la rébellion «
menace
désormais » la capitale syrienne,
pour reprendre la formules de l’AFP.
Alors qu’il n’en est rien.
Nous avons relayé hier le verdict du
journaliste britannique Patrick Cockburn
à cet égard (voir
notre article « Des reporters
anglo-saxons « de référence » contre la
désinformation sur Damas, Homs et la
Syrie en général », mis en ligne le 19
décembre). Et voici aujourd’hui un
extrait de l’article d’un des
éditorialistes de la version française
de l’agence russe
RIA
Novosti, Alexandre Latsa.
Réagissant à la dernière sortie du
has-been soixanthuitard et sioniste
Bernard Kouchner («
La Russie
est en train de perdre en Syrie« ),
Latsa revient longuement sur le trucage
des déclarations récentes du
vice-ministre Bogdanov, selon les
quelles la Russie «
envisageait la défaite de Bachar »
et « une
victoire de l’opposition »,
rappelant que les médias occidentaux ont
occulté la deuxième partie de la phrase
(« … si
elle (l’opposition) est
soutenue de l’excérieur »). Et il
rappelle qu’une autre déclaration de
l’ambassadeur russe à Paris, Orlov,
avait été elle aussi « triturée » par
les agences de presse françaises, en
juillet dernier.
Ce n’est pas, de toute
façon, la récente sortie (le 19
décembre) d’un membre de la «
Coalition
nationale de l’opposition » de
Doha, reconnue par le bloc occidental,
selon lesquels les ressortissants et
intérêts russes en Syrie sont désormais
des «
cibles légitimes » (propos tenus
peu après l’enlèvement de deux Russes
près de Lattaquié), qui va éloigner
Moscou de Damas !
Mais surtout Alexandre
Latsa analyse froidement l’actuel
rapport de forces militaires :
«
Si la
montée en puissance des groupes
islamistes radicaux et des mercenaires
djihadistes étrangers est évidente au
sein de l’opposition, le recours
croissant au terrorisme prouve sans nul
doute leur impuissance face à l’armée
syrienne qui a remporté tous les
affrontements urbains d’Alep à Damas«
. Ca ne vous rappelle
pas certaines analyses d’Infosyrie
? Nos grands esprits se rencontrent pour
dire ou répéter que la rébellion, à
Damas et ailleurs, n’a aucune
perspective politique en Syrie, s’étant
roulé dans le terrorisme et le
fondamentalisme le plus rétrograde. Et
n’a guère plus d’espoirs militaires,
seule une gué-guerre (sanglante c’est
vrai) d’embuscades et de coups de main
étant à sa portée. et tout le reste
n’est que mauvaise propagande atlantiste
!
Dans ce cadre, l’affaire du
camp de Yarmouk est un épiphénomène
(même avec la dimension symbolique
palestinienne), un arbre qui cache une
forêt. Et c’est un épisode dont l’issue
militaire n’est pas douteuse.
Publié le 20 décembre
2012 avec l'aimable autorisation d'Info
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