Alors que le premier sommet des pays riverains, en 2002, n’avait pas débouché sur de réelles avancées, la réunion de Téhéran a relancé le dialogue entre Etats de la région. Pour autant, il n’a pas permis de trouver une solution au statut légal de la mer Caspienne, crucial aussi bien pour la navigation, la pêche, l’environnement, que pour l’exploitation des ressources énergétiques. La Caspienne, qui comptait seulement deux Etats riverains à l’époque soviétique, est désormais bordée par quatre Etats issus de l’ex-URSS, en plus de l’Iran. Chacun d’entre eux entend recevoir une part dans l’exploitation des ressources énergétiques offshore, estimées similaires en volume à celles de la mer du Nord. La question du partage est donc fondamentale et exige un nouveau statut pour la Caspienne. Or, les riverains n’ont pas la même approche de la délimitation des zones réservées à chacun d’eux et de l’espace maritime commun. L’Iran et le Turkménistan, qui ont des côtes plus courtes, sont en faveur d’une division égale entre les cinq riverains, alors que la Russie, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan préfèrent une répartition en fonction de la longueur des côtes. Le sommet de Téhéran, tout en montrant une volonté de compromis et la conscience d’intérêts communs, s’est contenté d’ajourner le problème du statut juridique de la mer en affirmant qu’il sera défini dans le cadre d'une convention « dont l'élaboration constitue une tâche d'importance capitale et dont l'adoption n'est possible que par accord unanime de tous les pays riverains ».
Cependant, le problème-clé du statut de la Caspienne a largement été éclipsé par les discussions entre Vladimir Poutine et Mahmoud Ahmadinedjad qui se sont tenues après le sommet. L’Iran et la Russie ont donné un nouvel élan à leur coopération, notamment en matière de commerce (le niveau des échanges étant jugé en-deçà de son potentiel), d’énergie et d’infrastructures. Surtout, dans un contexte de tensions internationales autour du dossier du nucléaire iranien, la visite de Vladimir Poutine à Téhéran – la première d’un dirigeant russe ou soviétique depuis la rencontre entre Staline, Roosevelt et Churchill en 1943 et donc aussi la première depuis la Révolution iranienne de 1979– a fait figure de soutien à Mahmoud Ahmadinedjad. Alors que le communiqué commun affirme simplement « la nécessité de régler le plus rapidement possible la situation liée au programme nucléaire iranien par la voie politique et diplomatique », le président russe a clairement évoqué « le droit de l'Iran de développer son programme nucléaire ».
Pourtant, même si le sommet de Téhéran a semblé davantage tenir d’une rencontre bilatérale que d’un exercice à cinq, l’axe russo-iranien structure aussi les relations régionales. Au-delà même du cas iranien, « le caractère inacceptable du recours à la force » (Vladimir Poutine) semble s’appliquer à toute la région : les cinq pays (dont l’Azerbaïdjan, qui a développé une politique étrangère plus nuancée avec l’Occident) sont ainsi convenus de ne jamais laisser un pays tiers utiliser leur territoire pour attaquer celui d'un autre. Cependant, il reste à donner un contenu concret à la coopération régionale. Le développement des systèmes de transport d’hydrocarbures pourrait être un premier pas important sur le plan régional.
Laure Delcour, directrice de recherche à l'IRIS.